Par
Lyes Akram
Décidément,
c’est une véritable union du Mal. L’alliance est on ne peut plus patente. Une
première depuis l’indépendance du pays (et sa confiscation) en 1962 : la
police politique, la présidence de la république et l’islamisme radical
antidémocratique et antirépublicain s’unissent, au détriment du peuple algérien. Le DRS, à travers ses
plumitifs, le djihadisme par le biais du terroriste Madani Mezrag et d’El
Hachemi Sahnouni et Abdelaziz Bouteflika lui-même appellent les Algériens à
voter – «devoir citoyen!» –, lors du prochain scrutin, le 10 mai.
Incompétence criminelle
Des
citoyens sont morts pendant la dernière vague sibérienne de froid et de neige,
acculés qu’ils étaient à vivre pendant plusieurs nuits et jours dans le noir,
sans eau, sans électricité, sans gaz, sans téléphone, etc. Le calvaire continue
à Friha, en Kabylie, et ailleurs. Réaction des autorités ? Que du mépris
de la part d’un président mégalomane et égocentriste qui, pendant son élocution
fastidieuse où il n’a levé les yeux de ses feuilles ne serait-ce qu’une seule
fois, n’a eu aucun mot pour les victimes de l’incompétence du régime qu’il
incarne. A l’accoutumé, dirait un observateur. C’est le même Bouteflika qui n’a
jamais eu de mots pour les victimes du terrorisme que le régime dont il est aujourd’hui
une figure importante a sécrété. Oser, dans ces circonstances, appeler les
Algériens à voter relève de l’indécence inhumaine. De la provocation. Ceux qui
voulaient voter, ont changé d’avis !
Une police politique au cœur du pouvoir
Mais
le régime commence à croire, parait-il, ses propres mensonges. Il semble qu’on
parle avec sérieux de «garanties» de la transparence des prochaines élections. En
effet, parmi les «garanties» du régime figure celle de confier le contrôle des
prochaines élections législatives aux magistrats algériens. Bouteflika, vit-il
dans ce monde ? Considère-t-il les Algériens des êtres humains ou des
êtres dépourvus de raison, qui plus est amnésiques ? Qui a confiance
aujourd’hui dans la justice algérienne ? Si nos magistrats ont montré
assez une chose, c’est bel et bien leur obséquiosité et couardise.
«(…)
le plus grave est que le juge qui est tenu par la Constitution,
laquelle souligne qu’il n’est soumis qu’à la loi et à sa conscience, n’a pas
osé demander [un] document ! Ce juge algérien pourra-t-il convoquer un
général alors qu’il n’a même pas osé demander un document ?»(1),
s’interroge Mustapha Bouchachi, avocat et président de la
LADDH. En effet, ce juge qui n’ose pas demander
un document, aura-t-il le courage d’exposer, éventuellement, la fraude quelle
que soit la partie qui la tenterait ? La réponse est, malheureusement et
manifestement, non, il n’osera pas. Pour mesurer le degré de l’obséquiosité des
juges en Algérie, Mustapha Bouchachi rapporte un cas. «Un confrère avocat dans
une des wilayas du pays a présenté une liste électorale pour les élections,
raconte Mustapha Bouchachi. La liste a été rejetée par la Wilaya. L’avocat fait un
recours devant le tribunal administratif. La wilaya a présenté le dossier des
services de sécurité au tribunal administratif. La loi oblige qu’une copie soit
donnée à la partie adverse mais le juge a refusé de le faire sous le prétexte
que le dossier comporte des enquêtes sécuritaires. L’avocat qui aurait dû se
retirer ne l’a pas fait. Il est arrivé à l’idée que l’Etat est au-dessus de la
loi.»(2)
Dans
un contexte où un régime est au dessus de la loi, au dessus du droit, qui,
alors, donnera un crédit à la «garantie» de Bouteflika ou du DRS ?
Ali
Yahia Abdenour, qui n’est plus à présenter, affirme aussi que «les magistrats
ne peuvent pas contrôler en toute liberté les prochaines élections
législatives»(3)…
En
effet, tant que les services qui, dans le DRS, font office de police politique
ne sont pas dissous, la justice algérienne demeurera soumise non seulement à
cette police politique et au pouvoir exécutif mais aussi à toute partie en
mesure de la contraindre. Et Abdelaziz Bouteflika n’est que « le
gestionnaire de l’injustice», pour paraphraser Ali Yahia Abdennour.
Récemment
deux cas ont montré à l’opinion publique nationale et internationale que la
police politique algérienne, qui quadrille la société, continue ses ingérences
illégales et entrave le fonctionnement normal des institutions.
D’abord
celui de Belharchaoui. «Ancien sous-officier du Département du renseignement et
de la sécurité (DRS), Bachir Belharchaoui, 44 ans, a été arrêté le 18 août
dernier à l’aéroport international Houari Boumediene. Débarquant à Alger pour
renouveler ses droits à la retraite, il a été détenu durant deux jours, pour
être par la suite transféré au tribunal militaire de Blida. Mais pour quels
motifs ? Selon (…) Algeria Watch, ‘‘Belharchaoui est accusé par le DRS de
trahison, intelligence avec l’ennemi et divulgation de secrets militaires’’.
Ses proches rapportent au site que cet ex-sous-officier a été ‘‘torturé’’. ‘‘Son
père de quatre-vingt-dix ans, accompagné de son jeune frère, l’un et l’autre
vivent en Algérie, va à sa rencontre et le voit à distance, à la porte du
tribunal de Blida. Ils découvrent alors qu’il a été affreusement torturé :
visage tuméfié, la démarche difficile. Il les voit mais peut à peine les
saluer. Son père perd connaissance à la vue de son fils’’»(4),
rapporte El Watan. Quelques semaines plus tard, le même journal revient sur le
sujet : «La sœur du détenu s’interroge : ‘‘Bachir partait
régulièrement en Algérie. Il n’a jamais été inquiété ou arrêté. La dernière
fois c’était en 2009. S’il est accusé de trahison, pourquoi n’a-t-il pas été
appréhendé durant les années 1990 ou au cours des années 2000. Pourquoi
attendre 2011 ?’’»(5) Légitime interrogation, mais dans l’Algérie du
DRS cela n’importe guère…
Le
deuxième cas est aussi intolérable. Samedi dernier, nous avons appris avec
stupeur la novation du DRS en matière des violations des droits humains. «Le
régime algérien (…), a interné un citoyen algérien, Cherif Ouchen, père de cinq
enfants, dans l’hôpital psychiatrique de Blida. Et pour cause ! L’homme a osé
le sacrilège de critiquer, dans une lettre, Abdelaziz Bouteflika (…) Contacté
par El Watan, le citoyen et sa famille accuse, en le nommant, le DRS»(6),
avons-nous écrit. Pour dire que les magistrats ne sont pas une exception dans
leur obséquiosité, mais plutôt la règle.
Lorsque
des docteurs de psychiatrie, une élite scientifique dans un pays normal,
s’inclinent devant le diktat de la pitoyable et néanmoins criminelle police
politique, il y a de quoi désespérer…
Le régime contre la
Nation
Le
régime algérien n’a fait et ne sait que détruire. Il excelle effectivement dans
son entreprise de démolition de la Nation.
Il a détruit tous les repères, sécrété et semé le fanatisme
qui s’empare de pans entiers de la société avec la complicité des services. La
société algérienne est ultra-émietté ; elle l’est tellement que l’on ne
peut même plus parler de société dans le vrai sens du terme. La corruption,
étant devenue débridée dans les strates supérieures, est généralisée et
banalisée depuis l’avènement de Abdelaziz Bouteflika. Désormais déliquescent,
l’Etat lui-même est menacé dans son existence si l’actuel régime continue de
régner.
Le
militantisme politiques et le syndicalisme sont assimilés, de facto, par les
relais du régime à du banditisme ! Et les militants sont insultés et
traités comme des traitres ou de la pègre, alors que la vraie pègre, dans
toutes les villes et dans tous les villages, prospère et, de jour en jour,
gangrène un corps social malade…
Que
reste-t-il pour demain ?
Du
fond de sa cellule, dans les prisons coloniales, Mostefa Lacheraf s’était
indigné lorsque des voix colonialistes prévoyaient la «clochardisation» de
l’Algérie et des Algériens. Malheureusement, le temps a donné raison à ces
sinistres voix.
Le
régime a réussi là où le colonialisme a échoué.
La
mal-vie en Algérie est devenu, 50 ans après l’indépendance, un mal-être
profond.
La
rente permit actuellement au régime qui la dilapide d’acheter une pseudo-paix
sociale qui voile mal la dégénérescence totale de toute la société.
La participation est une collaboration avec le régime
Dans
ces circonstances, une participation dans les élections s’apparente, à raison,
à une volonté de partager la rente avec le régime.
Franchement,
si le FFS participe, la déception serait au comble.
Le
plus vieux parti de l’opposition va-t-il se trahir et nous trahir ainsi ?
Les
députés du RCD, depuis de longues années dans l’APN, n’ont pu faire avancer en
rien la situation du pays. En quoi le FFS serait-il, une fois au parlement,
différent ? Peut-être qu’après les vidéos de Nordine Aïd-Hamouda qui a épuisé
sa verve, lui et ses pairs, nous aurons le droit à des vidéos du FFS ? Et
alors ? En quoi vont-ils changer les choses ?
En
Algérie, en effet, le salaire faramineux d’un député n’est que corruption. A la
fin de leur mandat, les députés ont eu droit à plus de 300 millions
centimes ! Et dans la même Algérie, des professeurs de l’enseignement
supérieur sont sans logements et plusieurs citoyens végètent en mangeant des
poubelles. Lorsque Sid Ahmed Semiane (SAS)
parle de «deux Algérie», une de ces citoyens
vivants en paupérisme continuelle et endémique, et l’autre, de gens arrogants richissimes
peu scrupuleux, il sait de quoi il parle…
S’il
est vrai, comme le dit Hocine Aït-Ahmed, le patron du FFS, que «le boycott du
prochain scrutin ne constitue pas un meilleur choix que la participation»(7),
il n’en demeure pas moins que celle-ci n’est que collaboration avec le régime.
Pour le boycott des élections législatives
C’est
pour toutes ces raisons que la seule position citoyenne lors des élections
est, fort malheureusement, le boycott.
Nous aurions souhaité vivre dans une démocratie où ce sont nos voix qui élisent
nos représentants, lesquels auront leurs mots à dire. Mais ce n’est pas le
cas en Algérie et, comme le dit SAS, les gens qui ont fait la dictature, ne feront
pas la démocratie.
En
tout état de cause, s’il l’on suit la chronique de la participation des
Algériens dans les élections depuis le coup d’Etat militaire de 1992 d’un coté
et, de l’autre, l’actualité algérienne où l’incompétence de l’Etat est mise à
nu, on devinera facilement que l’abstention des Algériens dans les prochaines
élections sera, en définitive, un nouveau record. Participer n’est que nager à
contre-courant du peuple. En Kabylie, la région la plus politisée d’Algérie, on
a déjà brulé les cartes du vote.
Voter
devient trahison.
L.
A.
Notes :
(1)
– Mustapha Bouchachi : «Le régime détruit la nation».
Entretien avec
l’hébdomadaire électronique La
Nation, repris dans :
(2)
– Idem.
(3)
– Ali Yahia Abdennour : «Bouteflika est le gestionnaire de l’injustice»
(4)
– Affaire Belharchaoui, par Mehdi Bsikri, El Watan. Repris dans son blog :
(5)
– Idem.
(6)
– Un citoyen interné en psychiatrie pour avoir critiqué Bouteflika :
(7)
- Message de Hocine Aït-Ahmed à la convention du FFS :
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