Ali-Yahia
Abdennour, le grand militant des droits de l’Homme, vient de faire paraitre un
petit livre chez les éditions Koukou. Lettre ouverte au système politique et
au dernier pouvoir qu’il a engendré se lit d’une traite. En 96 pages, Ali-Yahia
propose non pas seulement un pamphlet contre le système politique autoritaire et
incompétent qui régente l’Algérie depuis 1962, mais aussi un condensé de sa pensée. Le
système politique, sa nature, le président, l’armée, le DRS, l’économie, la
réforme du système éducatif, l’unité de l’Algérie, la diversité culturelle,
Tamazight, la Kabylie et les droits des femmes sont les thèmes abordés.
À 95 ans, Ali-Yahia
Abdennour continue donc de stimuler le débat et la réflexion. C’est aussi
l’occasion pour ceux, jeunes ou moins jeunes, qui ne connaissent pas Ali-Yahia
d’apprécier ses idées. Extraits du livre (les sous-titres sont de moi).
L. B.
Le prix de la
liberté
Le système
politique, les pouvoir qui se sont succédé, la Sécurité militaire et le
département du renseignement et de la sécurité (DRS) ont fait de moi un ennemi
de l’intérieur, soumis à plusieurs arrestations, à une résidence surveillée à
Ouargla, au contrôle du courrier, aux écoutes téléphoniques, et à la privation
de nombreux droits, même celui d’être propriétaire de mon logement que j’occupe
depuis l’été 1962. Militant des droits de l’Homme qui ne sont pas protégés mais
quotidiennement bafoués, j’entends garder une totale liberté d’esprit, de réflexion
et d’expression.
(…)
Le système
politique
Le système
politique qui s’est imposé l’été 1962 par la violence a remplacé la domination
coloniale par la domination de l’armée des frontières qui a été l’instrument de
conquête et d’exercice du pouvoir. Il est bureaucratique et répressif. Il a
trois traits fondamentaux : la concentration du pouvoir, l’irrégularité de
sa dévolution et l’anomalie de son exercice. Il génère népotisme corruption et
injustice.
Les trois
composantes de ce système sont :
1- Les
hydrocarbures
2- L’institution
militaire avec la police politique
3- Le président
de la république, secrétaire général du FLN, parti unique.
La vie politique
est conçue avec un seul objectif : pérenniser le système politique, qui
s’est substitué au peuple, pourtant proclamé souverain par la
Constitution. Ce système, qui n’a pas
pris à bras le corps les problèmes de la nation, a la charge de mettre en
tutelle la vie politique, d’incarner le nationalisme, de diviser la société en
deux parties qui se superposent et se contredisent (les dominants et les
dominés, les riches et les pauvres), de favoriser les intérêts des militaires,
des dirigeants et de la bureaucratie. Le peuple, conscient du cynisme avec
lequel il a été manipulé, et privé de tout moyen de défense, ne se laisse pas
récupérer.
(…)
L’Algérie n’est
sortie de l’ère coloniale que pour rentrer dans celle de la dictature. Le
système, conforté et consolidé par la légitimité historique et la rente des
hydrocarbures, a dirigé le pays par les moyens de la dictature. Le
problème de l’Algérie résulte de ses dirigeants qui veulent rester à vie ou
trop longtemps au pouvoir, auquel ils ont accédé par un coup d’État armé ou par
les urnes truquées.
Bouteflika,
l’impasse
Bouteflika a
organisé sa marche vers le pouvoir absolu par le coup d’état constitutionnel du
12 novembre 2008, où il s’est donné tous les pouvoirs par la révision de la
constitution qui limitait à deux les mandats du Président. En voulant perpétuer
son règne, il s’est engagé dans la voie de l’aventure et a mené le pays à
l’impasse.
Garder plus de
deux fois le mandat présidentiel, vouloir le garder à vie est un fléau. Le
président élu démocratiquement est habiter par la hantise de servir et non de
dominer. Un président qui dispose d’un pouvoir démesuré confinant à la
monarchie, où tout dépend de lui et de lui seul, n’est pas au service de
l’Algérie, c’est l’Algérie qui est à son service.
Bouteflika a
écarté les uns après les autres les décideurs de l’armée, du DRS en
particulier, qui l’ont hissé au sommet de l’État et l’ont fait roi, pour être
roi par lui-même. Il est à la fois le chef de l’État, le président du FLN, le
commandant en chef d l’armée ; il règne et gouverne à la fois en
s’appuyant sur ses conseillers qui
reçoivent plus de conseils qu’ils n’en donnent, et des ministres qui ne
prennent aucune décision sans lui demander au préalable son aval.
(...)
Sellal et
l’économie
La satisfaction
des besoins du pays ne peut résulter, selon les économistes, que dans la mise
en place d’un développement ‘‘globale, endogène et intégré.’’
Un développement
endogène, cela signifie que l’Algérie doit fonder son développement sur une
dynamique interne, c’est-à-dire l’ensemble des forces qui existent ou qui
peuvent être créées à l’intérieur du pays qui doit compter avant tout sur
lui-même, sur ses propres potentialités. Le développement ‘‘autocentré’’ entend
jouer sur la solidarité, sur des forces et des ressources intérieures actuelles
et potentielles, que l’on s’attache à mobiliser sur place pour satisfaire les
besoin du pays. C’est la tâche qui attend Abdelmalek Sellal, qui a tout à
apprendre en économie ; mais il ne semble pas particulièrement doué.
Lire d’autres
extraits sur La Kabylie, Tamazight et la régionalisation ici.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire