jeudi 12 juillet 2012

Indépendance : les rendez-vous manqués du développement

«Notre histoire a été et demeurera très mouvementée. Nos richesses attirent et nos divisions amplifient le mouvement.» L’Emir Abdelkader.

Par Smaïl Goumeziane 
De la Déclaration du 1er Novembre 1954 au congrès de Tripoli de juin 1962, en passant par le Congrès de la Soummam d’août 1956, la volonté de développer le pays pour rompre avec le système colonial et le féodalisme pour moderniser la société fut clairement affichée. On y affirmait une orientation «socialiste, la nécessité de transformer les structures rurales, de développer une industrie lourde étatique, mais aussi une industrie privée, avec le recours aux capitaux étrangers», afin de répondre aux immenses besoins de la population dans tous les domaines. L’indépendance venue, cet objectif ne fut jamais réalisé.

Corruption politique, le nerf de l’ordre autoritaire

La voix ponctuée de trémolos, le dernier intervenant au panel 5 consacré à l’analyse du régime politique algérien, le politologue Mohammed Hachemaoui, contient difficilement son émotion. Et pour cause : c’est la première fois qu’il partage le fruit de ses travaux devant un public algérien, des travaux qui portent sur la corruption politique. Un gros morceau. Autant dire une bombe. En s’attelant à une si lourde tâche, Hachemaoui – qui a par ailleurs le mérite d’être le concepteur de ce colloque et son commissaire scientifique – s’impose comme un pionnier. Son sujet de thèse – «Clientélisme et corruption dans le système politique algérien» – annonçait déjà la couleur.

Bilan de la colonisation, pesanteurs du passé et lutte des classes

Par Mohammed Harbi
Je me propose dans cette intervention d’aborder quelques points : tout d’abord, un bref bilan de la colonisation, les pesanteurs du passé sur le développement politique et une brève esquisse sur les luttes de classes.

Bilan de la colonisation
Il est difficile de contraindre les réponses sur la colonisation dans un jugement univoque. Comme tout fait social et historique, le phénomène colonial est une réalité complexe. Les grandes figures du nationalisme qui l’ont combattu, l’Emir Khaled, Cheikh Abdelhamid Ben Badis, Messali Hadj et Ferhat Abbas l’ont compris et réservé la flèche aux colons et au parti colonial en France.

Aïssa Kadri : «Le régime dirige le pays vers une situation proche de l’implosion généralisée»

«Les mouvements sociaux qui ont affecté, ces derniers mois, les pays, dans de nouvelles formes de radicalité, ne sont pas le fruit du hasard. Ils s’inscrivent dans des processus qui trouvent leur fondement dans les désenchantements qui ont suivi l’échec des nationalismes à la fin des années 1970, le reflux du tiers-mondisme et la montée de mouvements identitaires sous l’effet de l’emprise d’une mondialisation inégale.» C’est là l’analyse produite par le sociologue et professeur à l’université Paris 8, Aïssa Kadri, au troisième jour du colloque international d’El Watan «Quel destin pour quelle Algérie ?», organisé du 5 au 7 juillet à la salle Cosmos de Riadh El Feth (Alger).

mercredi 11 juillet 2012

Hugh Roberts : «Il n’existe pas d’opposition en Algérie, sauf là où s’opposent des clans du pouvoir»

«Pouvoir maquisard, parti(s) de façade et projet d’édification d’un Etat : l’expérience algérienne». Par cet intitulé, le politologue Hugh Roberts se propose de décortiquer la structure de l’autoritarisme algérien en remontant le fleuve de l’histoire. Professeur à la Tufts University, Hugh Roberts connaît parfaitement la sociologie politique algérienne pour avoir vécu et enseigné dans notre pays. Il a notamment étudié les formes d’organisation politique de la société kabyle traditionnelle et écrit un important ouvrage dans ce sens : Berber Governement : the kabyle polity in pre-colonial Algeria.

René Gallissot : «Le Maghreb a disparu avec le début des indépendances»

«Avec la guerre d’Algérie et l’arrivée des indépendances, c’est le Maghreb qui a disparu.» C’est ce qu’a affirmé l’historien et professeur émérite à l’université Paris 8, René Gallissot. Donnant, hier après-midi dans le cadre du colloque international organisé par le quotidien El Watan, une communication sur le thème du «Mouvement ouvrier en Algérie», l’historien regrette la disparition de cette entité régionale qui avait existé effectivement durant la période coloniale. Une existence qui s’est réalisée, souligne-t-il, grâce aux mouvements ouvriers.

L’arme Secrète du FLN : Comment De Gaulle a perdu la guerre d’Algérie

Par Matthew Connelly 
Introduction
Un matin du mois de mai 1961, à dix heures, trois hélicoptères de l’armée suisse traversèrent à basse altitude le lac Léman en direction d'Evian, lieu de villégiature français. L’un après l’autre, ils se posèrent sur la berge du lac, débarquèrent leurs trois passagers, puis s'envolèrent pour faire place à l’appareil suivant. Têtes baissées pour éviter les pales en rotation, les hommes ainsi rassemblés lissèrent leurs costumes, puis se dirigèrent vers le groupe d’officiels français qui les attendaient. Invisibles mais tout proches, des batteries anti-aériennes délimitaient un périmètre défensif, tandis que des patrouilles armées et des barrages routiers quadrillaient la campagne environnante. Et sous le lac, pourtant en apparence paisible, se cachaient des équipes d’hommes-grenouilles.

Matthew Connelly : «Le FLN a lancé la Bataille d’Alger pour gagner la bataille de New York»

 
L’indépendance a été arrachée non pas tant dans les maquis de l’ALN que dans les coulisses des chancelleries étrangères grâce à l’habileté des diplomates du FLN et leur remarquable travail de lobbying. Ainsi pourrait-on résumer la thèse qui sous-tend l’excellent exposé de l’historien américain Matthew Connelly dont l’intervention a fait sensation au point de lui valoir des applaudissements nourris. Matthew Connelly est professeur à Columbia University. Il est notamment l’auteur d’un ouvrage de référence : L’arme secrète du FLN. Comment De Gaulle a perdu la Guerre d’Algérie (Payot, 2011). Et c’est précisément l’intitulé de sa communication.
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