Par
Mahdi Chérif
« Mohamed Chaabani a été suppliciés à l’heure des
clartés incertaines du petit jour. Il a regardé sans trembler les visages
impavides des exécuteurs commis à ses fins dernières. Pour lui et pour les
autres qui ont été suppliciés seuls, dans le noir des cachots, je dédie ces
lignes. »
-Un
farouche opposant à Ben Bella et Boumediène.
-La
haine de Bencherif à l’égard du colonel Chaabani.
-L’intervention
de Fethi Dib, patron des «Moukhabarate» égyptiens.
-La
parodie de procès du colonel.
-Le
«conseil» de Mohamed Harbi.
Mahdi
Cherif, dans cette contribution à l’écriture de l’histoire, va, une fois de
plus, au fond des choses. L’exécution du jeune colonel Mohamed Chaabani après
une parodie de procès, sur ordre de Ben Bella, a déjà fait couler beaucoup
d’encre. Mahdi Chérif, témoin et acteur privilégié des évènements qui se sont
déroulés juste après l’indépendance de l’Algérie, évoque cet épisode tragique
qui a marqué la mémoire de toute une génération. En démêlant l’écheveau
compliqué des actes, et des raisons cachées, des principaux protagonistes qui
ont joué un rôle déterminant dans la dynamique qui a conduit le chef de la Wilaya VI devant le
peloton d’exécution, il casse des tabous solides. Lorsqu’il évoque Ahmed
Bencherif, ancien chef de la
Gendarmerie nationale, son analyse est d’une grande sévérité.
Il précise cependant, — nous le citons — : «A aucun moment, je ne fais la
confusion entre l’homme et l’institution. La Gendarmerie nationale,
corps d’élite, corps de sécurité prestigieux de la République, a fait son
devoir dans les moments les plus tragiques de l’histoire récente de l’Algérie.
Des hommes de courage et de conviction, officiers de la Gendarmerie nationale,
ont su dire “halte !” aux dérives et “non !” aux ukases quand Ahmed Bencherif considérait
la gendarmerie comme un legs parental et que ses ordres contrevenaient au droit
ou lorsqu’ils heurtaient leur conscience. Ils furent nombreux : Youssef Bensid,
Mokrane Aït Mahdi, Lakhdar Belhadj ou encore Mohamed Touati pour ne citer que
les plus connus. Le grand bourreau a dû faire appel à d’autres, proches de sa
personne ceux-là, pour sa carrière macabre de croque-cadavres. En exhumant de
l’oubli la personnalité attachante de Mohamed Chaabani et en essayant de rendre
leur juste dû à ceux qui ont joué un rôle dans sa condamnation à mort, j’ai
voulu absoudre mon âme du péché de silence pour rentrer, quand l’heure sera
venue, l’âme en paix dans la paix du seigneur.»
R.
N.
Le
colonel Mohamed Chaabane dit «Chaabani» est, en 1962, le plus jeune colonel de
l’ALN. Il est né le 4 septembre I934, à Oumèche (Biskra). Successeur du colonel
Ahmed Benabderrazak, dit Si El Haouès, tombé face à l’ennemi le 29 mars 1959 à
Djebel Thameur, près de Boussada, il est le chef de la Wilaya VI (Sahara)
pendant les trois dernières années de la guerre de Libération. Il n’a jamais
voulu, sans doute par modestie naturelle, arborer l’insigne du grade de colonel
que lui confère le GPRA en I961. Le jeune chef de la Wilaya VI paye le prix
de son implication dans les concurrences qui font rage au sein du gotha
politique qui s’accapare du pouvoir au lendemain de l’indépendance. La période
du 19 mars 1962 à septembre 1964, date de son exécution, est riche en manœuvres
de toutes sortes où le chef de la
Wilaya VI est entraîné, quelquefois malgré lui. Allié sincère
et déterminé de Ben Bella, lors de la course vers Alger, au lendemain de
l’indépendance, il se heurte à ce dernier qui a sa propre vision sur le
pouvoir, sur la façon de le conquérir, comment l’exercer et avec quels hommes l’exercer.
Très vite, les heurts des ambitions et les calculs des uns et des autres créent
une situation telle que chacun des responsables au sommet de l’Etat recherche
des alliances parmi les chefs de Wilaya encore dans l’ANP, pour conforter sa
position. Le jeune colonel ne sut pas rester à l’écart de l’imbroglio algérois
qui se complique constamment. Houari Boumediène ne peut envisager son action à
la tête du ministère de la
Défense nationale sans le départ obtenu, d’une façon ou d’une
autre, de tous ceux qui ne rentrent pas dans le moule de l’obéissance telle que
codifiée par lui. Il s’attaque d’abord à ceux qui se sont ligués contre l’EMG,
après la réunion inachevée du CNRA et qui ont tenté de lui barrer la route, par
les armes, en juillet-août 1962 : Moh Ou El Hadj, Salah Boubnider et Hassen
Khatib, puis aux autres qui lui rappellent, trop souvent à son gré, qu’il leur
doit sa deuxième carrière. Le colonel Zbiri, chef de la Wilaya de l’Aurès est
fourvoyé rapidement dans une mission qui ressemble à une antichambre de mise à
la retraite, la direction de l’Académie de Cherchell. Chaabani, qui est l’objet
de sollicitations nombreuses et intéressées de la part de Ben Bella et de
Khider, pose un vrai problème à Boumediène. Le chef de la Wilaya VI ne veut à aucun
prix quitter son commandement à Biskra. Il ne veut pas entendre parler de
l’affectation en Wilaya VI des officiers désignés par Abdelkader Chabou,
officier issu de l’armée française, qui devient après l’indépendance le plus
proche collaborateur du ministre de la Défense. Fort du préjugé favorable dont il
bénéficie auprès du président de la République et de Mohamed Khider, Chaabani entre
en conflit ouvert avec Houari Boumediène. Ses griefs sont d’abord réduits à un
seul objet, puis la confrontation devenant ouverte, ils s’élargissent et
prennent de l’ampleur. Le premier objet de la colère de Chaabani est la place
de plus en plus prépondérante, au sein du commandement de l’armée, des plus en
vue parmi ceux qui sont venus s’intégrer à l’ALN pendant la guerre de
Libération. Ils sont accusés par lui de viser, par un entrisme envahissant,
tous les postes de décision au sein de l’ANP. Le deuxième congrès du FLN, qui
se déroule dans la salle du cinéma Afrique en avril 1964, à Alger, est pour lui
l’occasion de dire tout «le bien» qu’il pense de ce parti-pris de Houari
Boumediène pour les quatre ou cinq officiers algériens qui ont fait leurs
classes en Indochine, en Allemagne ou tout simplement dans les écoles de guerre
françaises. Il voue à Chabou, à Zerguini, à Hoffman, à Boutella et surtout à
Ahmed Bencherif, une méfiance tenace. Il change cependant son jugement quand il
évoque les jeunes gens qui, fuyant les casernes françaises, ont rejoint l’ALN
pendant la guerre de Libération nationale. Il n’ignore pas que ce n’est pas
Houari Boumediène qui les a accueillis à bras ouverts, mais bel et bien un des
géniteurs de la révolution — et quel géniteur ! — puisqu’il s’agit de Krim
Belkacem. A Boumediène qui interroge : «qu’est-ce qui est préférable,
réorganiser l’armée avec des Algériens ou faire appel à des étrangers ?» Il
rétorque qu’il ne vise pas ceux qui ont commandé, dans les moments les plus
forts de la guerre, des unités engagées chaque jour contre les forces
françaises et tout en rendant hommage aux dizaines de «DAF» morts les armes à
la main aux côtés de leur frères moudjahidine. Il précise : «Je vise la
demi-douzaine de mercenaires qui se “cachent” derrière Boumediène, qui ont les
mains libres pour tout se permettre au sein de l’ANP.» Il dit craindre que,
profitant de sa position, Chabou ne soit tenté, un jour ou l’autre, par une
opération «d’aimantage» pour attirer ceux qui ont eu le même parcours que le
sien pour constituer une force avec laquelle il faudra compter. Sa prévention à
l’égard de Chabou et de son entourage («ils travaillent pour la France») bâtie sur des
jugements de valeur subjectifs, beaucoup plus que sur des éléments de preuves
irréfutables, démontre que le jeune chef de la Wilaya VI est à la
recherche de pièces «rapportées» à introduire dans son dossier et qu’il se
saisit du grief «popularisé» par les compétiteurs de ces soldats de carrière
qui affirment n’avoir d’autre ambition que celle de servir l’armée de leur
pays. Cette obsession de «la main de l’étranger» aura la vie longue. Chadli
Bendjedid, le 27 novembre 2008, à Tarf, lors du colloque consacré au créateur
de la Base de
l’Est, Amara Bouglez, reprendra à son compte la fable de l’infiltration de la
révolution par «la promotion Lacoste». Dans son désir de régler ses comptes
avec Khaled Nezzar, qu’il cite nommément, l’homme qui l’a empêché de brader
l’Algérie pour un demi-mandat, il prononce des mots d’une extrême gravité :
«Sentant la fin de leur présence sur notre sol, les Français ont préparé leur
supplétifs… » L’avenir — trois décennies plus tard — démontrera que cette
crainte de certains maquisards, sincère chez Chaabani, obéissant aux
circonstances chez d’autres, de voir l’Algérie retomber dans l’escarcelle des
Français à l’issue du «complot» ourdi par de Gaulle et muri sur le long terme,
se révélera infondée. Ce sera, pour l’essentiel, les anciens élèves des écoles
de guerre d’outre-Méditerranée et les déserteurs des casernes françaises, trop
longtemps victimes de jugements injustes et outranciers, qui, devenus chefs de
l’ANP, barreront la route à l’intégrisme et sauveront la République. Chaabani,
outre son opinion bien arrêtée sur la poignée de collaborateurs immédiats de
Houari Boumediène, est animé par une forte prévention contre les rejetons des
grands notables. Il refuse de voir leurs enfants jouer des rôles prépondérants
dans l’Algérie post-indépendance. On constate, à l’analyse de cette conclusion
chaabanienne, la survivance d’une frustration ancienne quand les réalités
sahariennes du temps des bureaux arabes, lorsque les grandes familles de Biskra
ou de Touggourt, distinguées et choyées par les généraux de l’armée d’Afrique,
étaient l’interface stipendiée de l’administration militaire française en
charge du Sud algérien. Dans l’esprit du jeune colonel, aucun doute ne peut
subsister quand à la qualité «d’agents de la France» de Bencherif ou de Chabou. Ce dernier est
fils d’un officier supérieur spahis, longtemps caserné à Batna. On ne peut
comprendre le sentiment de colère du successeur de Ahmed Ben Abderrazak devant
les faits accomplis de Houari Boumediène si on ne tient pas compte de l’habitus
du groupe social où sa prime adolescence s’est accomplie, dominée par
l’hagiographie chantée sur tous les tons par les valets des grands guennours et
des porteurs de burnous d’apparat. On ne peut comprendre l’indignation du
successeur de si El Haouès de voir Ahmed Bencherif à la tête de la Gendarmerie nationale,
si on oublie qu’il nourrit de graves soupçons sur l’implication du beau-père de
Bencherif — le bachagha Ahmed Lahrèche en personne — dans le renseignement
obtenu par l’armée française sur la présence dans la région du Djebel Thameur,
en mars 1959, des colonels Amirouche et si El Haouès. On ne peut comprendre le
sentiment qui pousse Chaabani à la révolte si on oublie que, pour toute une
génération de maquisards, la révolution où ils se sont jetés corps et âme est
également une revanche sociale. Elle a chamboulé, de fond en comble, l’échelle
des valeurs admises, cassé des certitudes et attiré au-devant de la scène le
petit, le laissépour- compte, pour en faire l’auteur d’une nouvelle Histoire.
Le fils du pauvre, promu par ses sacrifices, au moment où il pense que l’ère
des «sidis» est définitivement révolue, voilà qu’il se retrouve face au fils du
maître d’hier. Houari Boumediène plaide sans état d’âme l’efficacité. Chaabani
défend avec toute son âme la morale. L’association Boumediène-Bencherif le
révolte. Bencherif, fils de grande tente, ancien sergent de l’armée française,
naturalisé français en 1948, engagé volontaire pour l’Indochine où il combat de
1949 à 1952, déserte l’armée française au début de la guerre d’Algérie, après
avoir mis à sac le camp militaire où il est affecté. Promu officier-instructeur
en Wilaya IV, il est envoyé en Tunisie à cause de ses brutalités envers les
civils et après que, de son propre chef, il tue, à larme blanche, à l’insu du
colonel si Mhamed, des dizaines de prisonniers kobussistes confiés à sa garde.
Désormais commandant et collaborateur de Krim, il est chargé d’exécuter les
colonels Lamouri, Nouaoura et Aouchria, ainsi que le commandant Mostepha
Lakhal, condamnés à mort par Houari Boumediène, président du tribunal devant
lequel ils comparent en 1959. Ces moudjahidine sont étranglés de sa propre
main. Il utilise pour les mettre à mort un fil de fer qu’il passe autour de
leur cou et qu’il serre jusqu’à la mort, alors qu’il dispose d’une arme à feu
munie d’un silencieux. Le colonel Mohamed Aouchria réussit à échapper à ses
gardiens. Il court vers le mur d’enceinte. Bencherif le rattrape. Il lui
administre une terrible correction. Il le traîne vers l’endroit où gisent les
cadavres de Lamouri et de Ahmed Nouaoura et il lui fait subir le même sort. Les
corps des moudjahidine suppliciés d’aussi atroce manière, par pure sadisme,
sont jetés par lui dans une fosse à peine ouverte. «Les chiens s’en chargeront
!» est l’oraison funèbre de leur bourreau. Si tôt Bencherif ayant quitté les
lieux, le commandant du camp entreprend de donner une sépulture décente aux
officiers martyrs. Bencherif, connaissant désormais le chemin qui mène à la
prison de Denden, s’y rend sans être mandaté par personne et sans en référer à
Abdelmadjid Rafa, le juge d’instruction qui a la haute main sur les
pénitenciers du GPRA. Au cours d’une de ses incursions inopinées, il prend à
partie et torture des prisonniers. Saouli Mohamed, ancien normalien, détenu à
Denden, en conservera des séquelles à vie. Le sulfureux Bencherif, renvoyé en
Algérie par Krim en 1960, est blessé au cours d’un combat dans la région de
Sour El Ghozlane, tandis que le capitaine Fellah, son compagnon, résiste
jusqu’à la mort, lui, il lève les bras, se fait reconnaître et se rend aux
forces françaises. Il est transféré à Paris sur décision d’Edmond Michelet,
ministre de la Justice
du général de Gaulle. Son transfert est obtenu par son beau-père et oncle, qui
avait mobilisé ses amis, entre autres les Chicheportiche, Israélites connus à
Djelfa et à Boussaâda, qui ont beaucoup d’entregent, et Jacques Chevalier,
homme politique algérois, bien introduit au Gouvernement général. Ces personnalités
font valoir l’intérêt d’utiliser Bencherif dans la stratégie anti-FLN. Alors
que le GPRA lance une grande campagne médiatique et diplomatique pour lui
sauver la vie, Bencherif joue le jeu des Français. (N’est pas Larbi Ben M’hidi
qui veut !) Chaabani est révolté de voir l’homme qui somme Ferhat Abbès, le 10
octobre 1960, de reprendre les négociations avec la France, au risque de voir la Wilaya 4 accepter une paix
séparée avec l’armée française, être en charge d’un corps de sécurité
prestigieux de l’Algérie indépendante. Chaabani affirme que c’est le même
Bencherif qui a joué à l’entremetteur entre les responsables de la Wilaya IV et Charles de
Gaulle. Ces contacts sont, bien sûr, destinés à remettre en cause la cohésion
de l’ALN autour du GPRA. Gilles Meynier, dans son livre intitulé : Histoire
intérieure du FLN, 1954-1962,page 566, évoque les péripéties du séjour parisien
de Ahmed Bencherif, grand étrangleur de moudjahidine devant l’Eternel et futur
receleur de cadavres de colonels de l’ALN, morts au combat. La scène politique
algéroise est de plus en plus en ébullition du fait de la gouvernance de Ben
Bella. Fin 1963, Mohamed Khider commence à prendre ses distances avec Ben Bella
qui devient dangereusement boulimique. Mohamed Khider est originaire de Biskra.
Dans son souci de se concilier les bonnes grâces du chef de la Wilaya VI, il joue avec
succès la carte de l’affinité régionale. L’officier indigné et le politique
déçu se rejoignent. Khider est déjà à la périphérie du pouvoir, mais il est
encore influent. Il suggère la nomination de Chaabani au poste de chef d’état-
major. Chaabani rétorque qu’il serait souhaitable de réunir les chefs des
wilayas historiques afin de les faire participer à la désignation du chef
d’état-major. Il ajoute que, dans le cas où cette démarche ne conviendrait pas,
on pouvait toujours désigner le plus âgé d’entre les colonels, en l’occurrence
Moh Oul Hadj. Houari Boumediène, craignant que, par l’entremise de Moh Oul
Hadj, certains anciens du GPRA, tel Belkacem Krim, ne reviennent au pouvoir,
s’oppose avec toute sa force de persuasion à la proposition de Chaabani,
arguant que le poste doit revenir au chef de la Wilaya de l’Aurès, le plus
légitime à l’occuper. C’est ainsi que le colonel Tahar Zbiri est nommé chef
d’état-major. Mohamed Chaabani, le colonel Abbès et le commandant Abderrahmane
Bensalem sont ses adjoints. Le décret n°64/88 du 4 mars 1964, paru dans le
Journal officiel du 6 mars 1964, précise la composition de l’état-major général
de l’ANP ainsi que ses prérogatives, créé sur proposition du ministre de la Défense nationale et non
pas comme, on a pu l’écrire ici et là, sur décision unilatérale de Ben Bella
pendant un voyage à Moscou de Houari Boumediéne. Quelque temps plus tard, au
gré des fluctuations de ses rapports avec Ben Bella, Khider propose de nommer
Chaabani ministre de la
Défense nationale. Pendant quelques semaines, l’idée de
devenir ministre de la Défense
nationale emballe Mohamed Chaabani. Il s’agite, prend des contacts, démontre
par son attitude que ce qui n’est encore qu’une vague configuration est déjà
acquis. A la villa Jolly, où il croise Houari Boumediène, le ton monte. Les
deux hommes échangent des regards assassins. La tension entre les deux colonels
est à son comble. Beaucoup de responsables militaires dont les colonels Tahar
Zbiri, Abbès et le commandant Saïd Abid, essayent de faire revenir Chaabani à
de meilleurs sentiments. Le colonel Tahar Zbiri fait à trois reprises le voyage
de Biskra – je l’accompagne à chaque fois — pour tenter de convaincre le chef
de la Wilaya VI
de patienter et de parier sur une inéluctable décantation politique, plutôt que
de tenter de la forcer dans les plus mauvaises conditions. Peine perdue !
Chaabani qui n’a que paroles de mépris à l’égard «du planqué de Ghardiamou» ne
s’embarrasse pas de précautions oratoires pour dire le fond de sa pensée. Il
dénie à ce dernier la légitimité de faire de l’armée son marchepied et de la
restructurer à sa guise. Selon lui, la légitimité à être le chef de l’ANP,
Boumediène l’a perdue le jour même où il a fait ouvrir le feu sur les
moudjahidine des Wilayas III et IV. Il ne s’arrête pas à l’objection que lui
aussi a été présent sur le champ de bataille, du côté de Médéa, en juillet
1962. Il argue : «Etre ministre de la Défense, dans un gouvernement de Ben Bella, ne
fait pas de lui (Boumediène) une icône à adorer derrière une vitrine, mais un
homme politique dont on peut critiquer l’action. Le jeune colonel, comme
beaucoup d’autres avant lui, et bien d’autres après lui, n’a jamais mesuré
jusqu’à quel point Houari Boumediène tient au pouvoir et jusqu’à quel point il
est convaincu que pour le conquérir entièrement et le garder jusqu’au dernier
souffle de sa vie, il lui faut être le maître absolu de l’armée. Cette
méconnaissance du ressort profond qui fait agir Boumediène causera la perte de
son compétiteur. L’expédition militaire contre la Wilaya VI est désormais
sur la table de dessin de Abdelkader Chabou. Il est intéressant de voir comment
l’accélération de la dynamique de l’inéluctable épreuve de force est réalisée
par Chabou. Lorsque toutes les parades sont en place, Chabou va précipiter le
moment de vérité, d’abord par des tentatives à peine discrètes, signées
Bencherif, pour circonvenir certains des cadres de la Wilaya VI et les inciter
à la rébellion. Ces manœuvres du chef de la Gendarmerie nationale
mettent à vif les nerfs de Chaabani. L’incident de l’hélicoptère fait partie du
traitement à base d’aiguillons psychologiques destiné à faire monter son ire.
Chaabani, désireux de se rendre à Biskra par la voie des airs, demande qu’il
soit mis à sa disposition un hélicoptère. Il essuie un refus, au prétexte d’une
indisponibilité de «ventilos». Chaabani prend la route au volant de sa Fiat
2300. Arrivé à destination, il voit un MI 04 évoluer au-dessus de l’aérodrome
de Chetma (Biskra). L’hélicoptère atterrit. Mohamed Boutella en descend, tout
sourire… Ben Bella, devant le forcing du ministre de la Défense qui veut réaliser
la restructuration de l’armée et par là même éliminer les dernières figures de
proue du «wilayisme», nomme Chaabani membre du bureau politique pour conforter
sa position face à celui qui veut l’éliminer. La lune de miel entre le
président de la République
et Mohamed Chaabani ne dure pas longtemps. Le changement intervint
insidieusement, au gré des humeurs fantasques de l’un et des humeurs chagrines
de l’autre. Les évènements de Kabylie, quand Aït Ahmed s’engage dans
l’opposition armée, viennent démontrer à Ben Bella que Mohamed Chaabani ne sera
jamais un instrument docile entre ses mains. Le chef de la Wilaya VI refuse de
s’impliquer militairement contre le FFS. «On m’a eu une fois. On ne m’aura pas
une deuxième fois» est sa réponse invariable à Ben Bella qui le presse
d’envoyer des unités en Kabylie pour en découdre avec les partisans d’Aït
Ahmed. Puis les choses s’accélérèrent avec, tour à tour, la dissolution de
«Djemiat al oulama du Cheikh Abdelhamid Ben Badis» puis avec le placement en
résidence surveillée du Cheikh Bachir El Ibrahimi. Mohamed Chaabani, qui a été
le disciple du cheikh Ben Badis, et avec lequel il partage les mêmes valeurs
spirituelles, est choqué par une mesure que rien ne justifie. Peut-être
Hamadèche, le Béria du régime, a-t-il attribué au vénérable cheikh un tract qui
circule sous le manteau et qui dénonce les professions de foi pro-soviétiques
de Ben Bella. Le président, grisé par les hurlements des foules, imprime un
autre rythme à sa démarche pachydermique. Le fracas de la porcelaine brisée
devient un bruit de fond quotidien. La politique du «45 fillette » n’épargne ni
les historiques, ni ceux qui le sont moins, ni ceux qui ne le sont pas du tout.
Mohamed Chaabani exprime avec force son indignation devant le mépris affiché
par Ben Bella à l’égard de Boudiaf, de Khider, d’Aït Ahmed, de Krim, de
Boussouf, de Bentobbal, de Ferhat Abbès et des autres personnalités
historiques. Il proteste devant l’activisme des hommes du commissaire
Hammadèche qui remplissent les prisons et les camps. A la veille du 19 juin,
date du renversement de Ben Bella, il y a 3 000 prisonniers d’opinion dans les
prisons benbellienes. Tous ceux qui osent exprimer leur rejet d’une politique
chaotique sont passibles d’une lettre de cachet. Un exemple de la paranoïa qui
s’est emparée de Ben Bella est l’enlèvement de Hadi Khediri en pleine rue et
son emprisonnement à Lambèse pendant un an sans qu’aucune accusation lui soit
signifiée. Le futur DGSN est arrêté sur un simple soupçon. De la même façon est
traité Ahmed Taleb El Ibrahimi qui se retrouve à Sidi El Haouari sans jamais
savoir pourquoi. Chaabani s’indigne des exécutions capitales d’opposants
politiques qui se suivent à un rythme terrifiant et qui sont tenues secrètes.
Du 11 juillet au 3 septembre 1964, Ben Bella fait exécuter 8 opposants, tandis
que ses services préparent les procès de plusieurs dizaines d’autres
prisonniers d’opinion. Le président Chadli Bendjedid charge, au début des
années 1980, Abdelkrim Guehairia, officier de l’ALN et de l’ANP, cadre au
ministère des Moudjahidine, de faire exhumer les corps des suppliciés qui sont
enterrés au Carré des martyrs. (Bendjedid leur décernera, à titre posthume, les
plus hautes distinctions honorifiques de l’Etat). Les critiques de plus en plus
sévères de Chaabani finissent par le rendre persona non grata au troisième
étage de la villa Jolly. L’heure attendue patiemment par Houari Boumediène
vient enfin de sonner... Pour séparer Chaabani de ses hommes, Ben Bella somme
le chef d’état-major adjoint de rejoindre son poste. Ce dernier refuse et se
retrancher au milieu de ses unités. Le ton monte entre les deux hommes. Les
insultes fusent des deux côtés. «Tu n’es qu’un politicien cynique» est la
réponse que vaut à Ben Bella sa décision (décret du 4 mars 1964) qui met fin à
la qualité de membre de l’état-major de Chaabani. Un autre décret, signé le 2
juillet I964, le casse de son grade de colonel. Au plus fort de la crise, avant
les décisions extrêmes prises par Ben Bella contre le chef de la Wilaya VI, beaucoup de
personnalités, et à leur tête les colonels Zbiri et Hassen Khatib, tentent, en
vain, une médiation. Chaabani est trop engagé pour reculer, d’autant que Houari
Boumediène, craignant la réussite de ces bonnes volontés, et jouant à
l’incendiaire, envoie Mohamed Zerguini, un des DAF les plus honnis par le chef
de la Wilaya VI,
pour prendre le commandement des unités fidèles à ce dernier. Le président
Gamal Abdenasser, craignant le pire pour son allié de toujours, Ahmed Ben
Bella, décide de s’en mêler. Il délègue auprès de Chaabani son ambassadeur, Ali
Khachaba. La réponse de Chaabani est très claire : «Dites à celui qui vous a
mandaté mon respect et ma considération. Je suis convaincu que sa démarche est
inspirée par son souci de la stabilité de l’Algérie, mais il m’est impossible
de travailler avec un homme qui change dix fois par jour d’opinion.» Chaabani
ne veut pas se rendre compte qu’il n’a plus d’allié dans la place, puisque
Khider a dû également se retirer, forcé à l’exil par le comportement de Ben
Bella. Il ne veut pas se rendre compte que ceux qui ont tenté une médiation ont
fini par déclarer forfait du fait de l’intransigeance des deux parties. Fethi
Dib, chef des Moukhabarate égyptiennes, qui espère pouvoir régler «le problème
Chaabani» par le ricochet de Genêve, se rend en Suisse, pour demander, au nom
du président Gamel Abdennasser, à Khider de restituer l’argent, dont il était
un simple dépositaire, et dont il s’est emparé pour le mettre à «la disposition
de l’opposition». Fethi Dib s’entend répondre : «Je suis un patriote. Je viens
de refuser l’aide de Sa Majesté le roi du Maroc pour l’élimination de Ben Bella
du pouvoir. Mon problème est la manière avec laquelle Ben Bella gouverne
l’Algérie. Tous les hommes qui osent émettre la moindre critique, y compris les
anciens responsables historiques, sont foulés aux pieds et emprisonnés.
Puisqu’il semble que le président Abdenasser jouirait d’une certaine
considération auprès de Ben Bella, demandez-lui d’intervenir pour faire libérer
les personnalités emprisonnées et pour que le président s’engage à mettre fin
au pouvoir personnel. De la réponse que ce dernier lui donnera dépendra mon
retour en Algérie.» La réaction de Ben Bella à l’écoute du compte rendu de
Fethi Dib montre que les ponts sont définitivement coupés avec ses opposants.
Il dit à Fethi Dib : «Tous ceux qui sont emprisonnés seront jugés par un
tribunal. Ils sont accusés de tentative de coup d’Etat. S’ils sont condamnés à
mort, ils seront exécutés. Khider lui-même est impliqué». Le président exhibe
un document où il est question d’un projet de gouvernement avec Ferhat Abbès,
Khider, Boudiaf, Aït Ahmed, Ahmed Francis, Tewfik El Madani et Omar Ouzeguène
et, bien sûr, Chaabani à la
Défense nationale. La mission de Fethi Dib s’étant conclue
par un échec, Ben Bella donne l’ordre de réduire Chabaani par la force. La
confrontation tourne à l’avantage des troupes gouvernementales, après quelques
escarmouches qui font deux morts à El Kantara. Les unités de la Wilaya VI ne sont pas
très motivées pour s’engager dans un combat fratricide. Chaabani a trop présumé
de ses possibilités. Au bout de huit jours, il est arrêté.
L’HEURE DE AHMED BENCHERIF
Chaabani
arrêté par les hommes de Saïd Abid est remis, sur ordre de Houari Bouediène, à
Ahmed Bencherif. Il est transféré immédiatement à Djelfa, ligoté, les yeux
bandés et couché de force sur le plancher d’une Land Rover, les pieds de son
gardien, un ancien adjudant de l’armée française appelé Gigi, alias Mohand
Akli, posés sur son corps tout le long du voyage. Ahmed Bencherif suit,
derrière, dans une DS palace. Arrivé à Djelfa, Chaabani est d’abord interrogé
sommairement par le même adjudant, sous le regard goguenard de Bencherif.
Chaabani demande un café. Bencherif envoie un homme le ramener. Au moment où le
prisonnier tend la main pour saisir la tasse, Bencherif lui en balance le
contenu à la figure. «Ceci de la part d’un ancien de l’armée française !»
Chaabani, aveuglé par le liquide, le cingle d’un terrible : «Abna Bariss
youhinouna abna Badis», puis il se mure dans le silence. Bencherif donne
ensuite la véritable raison de l’étape de Djelfa quand il ajoute : «Tu as fait
tuer combien des miens par ici ?» Il faut savoir que les bellounistes, au
moment où ils avaient le vent en poupe dans la région, étaient les bienvenus
chez le bachagha Lahrèche, beau-père de Bencherif, lequel, peut-être n’en
pouvait mais. Les «officiers » de Bellounis, ainsi que la majorité des chefs
harkis qui combattaient l’ALN et qui sévissaient dans la région de Djelfa
avaient table ouverte chez le bachagha Lahrèche. Après ce règlement de comptes
personnel de Bencherif (les hommes de la Wilaya VI n’avaient pas fait dans le détail en
combattant les traîtres de Bellounis), Chaabani est tranféré sur Oran et
incarcéré dans la prison militaire de Sidi El Houari, dans la cellule n°62.
(Tout un symbole !) Dans les geôles voisines se trouvent Ahmed Taleb El
Ibrahimi, le capitaine Bouanani et peu de jours après Saïd Abadou. Les membres
de l’état-major de la Wilaya
VI sont arrêtés et transférés à leur tour à Sidi El Houari,
après un passage par «Dar ennekhla », la villa Sésini de B en Bella. Le choix
de la prison appelée «Sidi El Houari» n’est pas fortuit, sa sinistre
réputation, due au régime carcéral moyenâgeux qui y est appliqué, est résumée
par le nom qu’elle porte. Le prisonnier doit ressentir à chaque heure du jour
et de la nuit qu’il est livré sans défense à un système de murs, de portes
massives, de gardiens aux visages froids, d’horaires immuablement fixes, mais
qui, au-delà de ces apparences, possède une âme maléfique, terrifiante de venin
insidieusement distillé, celle de l’homme au regard vipérin, dont elle porte le
nom, fixé dans la pénombre du cachot sur sa victime terrassée.
MOHAMED HARBI, LE BIEN-PENSANT
Le
3 août 1964, Houari Boumediène signe, en qualité de vice-président du Conseil
des ministres et ministre de la
Défense nationale, le décret portant nomination des juges
assesseurs devant faire partie de la cour martiale. Ce sont, dans l’ordre : le
colonel Ahmed Bencherif, les commandants Abderrahmane Bensalem, Chadli
Bendjedid et Saïd Abid. Le président du tribunal, Mahmoud Zertal, conseiller à
la cour d’appel, est désigné par le ministre de la Justice, Mohamed El Hadj
Smain, par un autre décret signé le même jour. Ahmed Draïa est nommé en qualité
de procureur de la
République. Le colonel Bencherif, désigné membre de la cour
martiale pour veiller personnellement au verdict, et certain de ce qu’il sera,
se rend dans la petite forêt de Canastel, qui a vu tant de moudjahidine tomber
sous les balles de l’armée française, pour faire creuser la tombe de Mohamed
Chaabani, avant même la tenue du procès. L’endroit choisi par Bencherif vient à
bout de deux pioches, vigoureusement maniées par les deux fossoyeurs Mohamed
Ghozali et Tayeb Mrabet, tant il est dur. Lorsque les deux hommes commencent à
avoir la paume des mains pleine d’ampoules, l’emplacement est abandonné pour un
autre, où le sol est plus meuble, sous un grand pin maritime. Tandis que
Bencherif est occupé à ces préparatifs macabres, les compagnons de Chaabani,
Saïd Abadou, Rouina Mohamed, Chérif Kheirredine, Amor Sakhri, Slimane Slimani,
Hocine Sassi, Mohamed Tahar Laadjel, sont regroupés dans la morgue de la prison
sous bonne garde. Ils sont physiquement anéantis par les tortures qu’ils ont
subies à «Dar Ennekhla». Là-bas, ils ont eu le temps de mesurer combien
Chaabani avait eu raison de s’opposer à Ben Bella. Les horreurs dont ils ont
été les témoins marquent encore leur mémoire. Au dernier jour de leur présence
dans la maison de la mort, ils ont assisté au martyre de Aïssa Messaoudi, la
voix célèbre de la
Révolution algérienne. «Houna El Djazaïr touhayikoum min kalb
El Djezaïr» est devenu, dans la bouche des tortionnaires de Aïssa Messaoudi, et
pendant que ce dernier hurlait de souffrance : «Houna El Djezaïr touhayikoum
min Dar Ennekhla…». La parodie de procès aligne les chefs d’inculpation : haute
trahison, atteinte à l’intégrité du territoire, rébellion armée, association de
malfaiteurs, etc. Chaabani, abasourdi par le déluge des fausses accusations qui
s’abattent sur lui, est invité à dire un dernier mot, il s’exprime pour assumer
la responsabilité de sa position. «j’ai défendu le bon droit de mon pays. Je
m’en remets à Dieu.» Il réussira à épargner à ses compagnons d’infortune le
sort qui va être, dans quelques heures, le sien. Le colonel Chaabani est
condamné à mort. La décision est prise à la majorité des voix, moins une voix,
celle du futur président de la
République, Chadli Bendjedid ! Bendjedid n’a pas voté la mort
alors que Houari Boumediène lui a personnellement téléphoné pour lui
recommander, au nom de Ben Bella, de n’avoir aucune pitié. Les minutes du
procès qui sont au ministère de la
Justice en font foi. Chadli Bendjedid prendra sur lui de
faire une ultime faveur à Chaabani, lui permettre de s’entretenir avant son
exécution avec Cherif Kheiredine. Le condamné demande à son ami et compagnon de
toujours de veiller à ce que sa mère soit soutenue dans l’épreuve et que son
jeune frère, alors âgé de 15 ans, puisse poursuivre ses études Le décret
portant décision de l’exécution de la sentence est signé le 3 août I964, par
Houari Boumediène, AVANT LA
TENUE DU PROCÈS. Ce décret précise les modalités pratiques de
l’exécution. Houari Boumediène empêche le colonel Tahar Zbiri d’aller
solliciter auprès de Ben Bella la grâce du condamné à mort. Tahar Zbiri passe
outre l’interdiction de Boumediène. Dans l’illyouchine 18 qui nous emmène au
Caire pour une réunion des chefs d’Etat arabes, le 3 septembre au matin, le
colonel Zbiri revient, encore une fois, à la charge auprès de Ben Bella. Il
ignore que la décision de faire exécuter Chaabani a été prise et qu’elle est
irréversible ! Chadli Bendjedid, quand il évoque, à Tarf le 27 novembre 2008,
avec quels termes injurieux l’appel à la clémence de Saïd Abid est reçu par Ben
Bella, est encore au-dessous de la vérité. Ben Bella ne demande qu’à une seule personne
son avis sur l’opportunité politique de faire exécuter la sentence, à Mohamed
Harbi. Le révolutionnaire véhément, devenu l’icône de la bien-pensance
algérienne outre Méditerranée, conseillera, «dans l’intérêt de la Révolution» le rejet de
la grâce. Harbi, le lendemain de la mort de Chaabani, dira son sentiment dans
un éditorial incendiaire de Révolution Africaine. La décision de faire exécuter
Mohamed Chaabani, alors que tout plaidait pour la grâce, est la résultante
tragique de deux calculs. Ben Bella voulait adresser un avertissement à
Boumediène : «Voilà ce qui t’attend si jamais…» Boumediène voulait que Ben
Bella commette l’erreur de sa vie en mettant à mort un colonel de l’intérieur,
acte qui provoquera une réprobation horrifiée, surtout chez les moudjahidine.
Le colonel Mohamed Chaabani meurt courageusement à 5 heures 14 m du matin, le 3 septembre
I964, après avoir refusé d’avoir les yeux bandés et de demander son pardon à
Ben Bella. Il regarde la mort en face. «A Dieu nous apparte…» La salve qui lui
fracasse la poitrine le fait taire pour l’éternité… Le corps du supplicié
subira le même sort que ceux des colonels Amirouche et El Haouès. Ahmed
Bencherif refusera d’indiquer l’endroit où il l’a fait enterrer. La dépouille
sera frappée de séquestre pendant 20 ans. La famille du colonel Chaabani
remuera ciel et terre pour la retrouver, en vain.
Mahdi
Chérif, officier retraité, ancien secrétaire général de l’EMG ANP 1963 – 1967
In
Le Soir d’Algérie, 21 février 2012
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire