Par
Jacques Berque
Le
Monde Diplomatique, Août 1990
L’islamisme
contre l’islam (1), tel est le titre, provocant à souhait, que le
traducteur français donne au livre d’un haut magistrat égyptien, Muhammad Saïd
Al-Ashmawi, intitulé en arabe : l’Islam politique. Si le traducteur a mis là
quelque intention maligne, il n’a pas pour autant trahi la thèse centrale des
nombreux écrits et propos que l’auteur, juriste, partisan convaincu de la
rationalité et de la division des pouvoirs, a prodigués sur un problème que
l’Occident suit avec inquiétude depuis l’accession au pouvoir, en 1979, de
l’imam Khomeiny en Iran.
Comment
dénommer l’ensemble d’idées et de comportements qui avait pris en Iran le tour
d’une révolution culturelle ? Ici commence la perplexité pour les Occidentaux. Entendez-les
parler d’"islamisme", d’"intégrisme", de "fondamentalisme",
de "mouvement des Frères musulmans", etc. On mêle ainsi les
néologismes, les analogies fallacieuses et l’anachronisme, ce qui n’est pas une
bonne méthode pour comprendre une réalité spécifique…