Par
Lyes Akram
Sur le sectarisme dans le monde musulman
Si
au Maghreb le sectarisme est marginale, compte tenu de la composition
religieuse des populations, et ce sont le tribalisme et le régionalisme qui
constituent les dangers réels, les ravages du sectarisme (et du
confessionnalisme) ailleurs dans le monde musulman sont démesurés. La République Islamique
d’Iran est un exemple d’un régime confessionnel qui ferme toutes les portes aux
sunnites et autres adeptes de toutes les doctrines religieuses hormis le
chiisme duodécimain. Pis encore, les harcèlements des populations adeptes de
ces croyances minoritaires – minoritaires et non marginales – vont en outre du
domaine administratif et touchent même à la vie privée des gens, leur intimité
profonde.
Le
Liban est un autre exemple. Dans ce pays, que l’on dit démocratique, et il
l’est plus que tout autre entité arabe, c’est le confessionnalisme hérité de la France coloniale qui a
permis aux germes démocratiques de subsister. Cependant, malgré qu’il puisse
paraitre, paradoxalement, comme une exception à préserver, la raison impose
l’abrogation pure et simple d’un tel système où la majorité de la population,
cette fois les chiites, n’a pas droit d’élire un président qui serait sorti de
ses entrailles, ou même un premier ministre. Le Liban n’est donc pas une
démocratie, dans la mesure où celle-ci permit effectivement à une minorité
politique de devenir une majorité (j’ai bien dit politique). Toutefois,
malheureusement, on ne raisonne pas encore dans le monde arabe et musulman en
termes politiques…
Le
confessionnalisme et le sectarisme ruinent la vie politique et sociale là où
ils sont présents et maintenus par des suppôts de ceux qui ont délabré,
hier, les nations arabes ; ils gâchent toute tentative d’édification
sociale sérieuse par les vrais patriotes ; et, surtout, ils sapent
détruisent les volontés d’émancipations des populations opprimées, comme on le
voit si clairement dans certains pays avec « l’éveil arabe » actuel.
Aujourd’hui
le peuple syrien est proie à une répression criminelle sauvage. On peut dire à
raison que le régime syrien tyrannique a déclaré la guerre contre sa propre
population puisque c’est par l’armée qu’il réprime, et non la police. L’armée,
restée dans les casernes pendant des décades alors que le plateau du Golan est
annexé par Israël, officieusement depuis 1967 après la défaite des Arabes dans
la guerre des six jours, et, comble de l’arrogance israélienne, officiellement
en 1981, cette armée-là est aujourd’hui le fer de lance de la répression
criminelle du peuple syrien qui montre journellement ce qu’est la bravoure et
l’amour de la patrie, mais aussi l’amour de la liberté, ce sans quoi la vie n’a
plus de sens.
En
outre l’implication de l’armée dans la répression, il y a des structures
criminelles, autrement plus sanguinaires, qui participent dans les massacres et
les tueries des populations syriennes civiles et pacifiques. En Syrie, on les
appelle ‘‘Chabiha’’. C’est un mot d’arabe vernaculaire syrien, qui signifierait
‘‘super fantôme’’ : des structures illégales et criminelles créées par un
cousin du despote syrien, composées de milliers de criminels armés et
entrainés, particulièrement cruels, qui dominaient avant le soulèvement
populaire la vie du peuple – mainmise sur l’importation et aussi le trafic de
tout ce qui se vend – et qui semaient la peur… Et depuis le début de la
révolte, c’est cette structure qui est responsable de la majorité des exactions
inhumaines commises par le régime syrien. Le peuple syrien, preux, n’a pas
l’intention de céder. Car, avant tout, ce ne sont que des droits essentiels à
la vie humaine digne qu’il revendique. Pourquoi alors le régime syrien poursuit
ses boucheries alors que la majorité de la population a affirmé sa volonté d’en
finir une fois pour toutes avec la tyrannie criminelle et de le faire
pacifiquement ?
On
peut trouver une réponse à cela. Pour ma part, je crois ne pas me tromper si je
dis que c’est le sectarisme du régime qui fait qu’il poursuivra encore la
répression. Le régime syrien se prétend laïque, mais la vérité est tout autre.
90%
des syriens sont musulmans, dont 78% des sunnites. Le régime est cependant
dominé par les alaouites, démographiquement très minoritaire, qui, avec le
leurre du panarabisme séculier qui a séduit le siècle dernier des dizaines de
millions d’arabes et de Syriens, ont pu, peu à peu, disposer de tous les
appareils de l’Etat.
Si
c’était cela la laïcité… J’espère que l’éveil arabe actuel aura aussi
corolairement corrigé ce genre d’aberrations.
Pour
rappel, c’est la France
coloniale qui a divisé suivant les confessions la Syrie, et a même créé, entre
les deux guerres mondiales, un Etat alaouite. Puis, avec les indépendances,
après quelques péripéties, le Baath
devint une force politique d’ampleur dont les piliers sont le socialisme, le
nationalisme panarabe et le sécularisme. Bientôt le temps aura prouvé qu’il
était surtout un mirage. Massacrer son peuple n’est pas étranger au régime
syrien, à l’exemple du carnage de Hama en 1982 où plus de 25 000 sunnites
sont massacrés.
Pour
se rapprocher des Arabes sunnites qu’il tue, le régime syrien nie
officiellement l’existence des autres ethnies (Kurdes…) sans crainte des
conséquences ultérieures sur l’unité du pays. Mais aussi, il joue la carte
palestinienne. La cause des Palestiniens est devenue un enjeu politique
d’ampleur en Syrie. Le régime se dit donc « résistant » car il n’a
pas d’accord de paix avec Israël – cette résistance est certes relative, le
Golan que nous avons évoqué en est la preuve. En dessus de cela, le régime a
engendré une bureaucratie monstrueuse qui a fait qu’une sorte de classe moyenne
improductive composée de fonctionnaires puisse exister et lui reste quelque peu
fidèle.
Mais,
puisque sectaire, le régime a des soutiens dans la région. En effet, Hassan
Nasrallah, le leader du Hezbollah, toute honte bue, n’a pas hésité de soutenir
le régime syrien et a même osé appeler le peuple syrien à baisser les bras. Son
argument fallacieux est facile à deviner : c’est le seul régime arabe
résistant !
Puis
l’Iran aussi soutient le régime criminel.
Le
sectarisme musulman, comme tout autre, obnubile et ne permit ni à la raison ni
à l’objectivité de prévaloir dans des jugements aussi importants comme le
soutien d’un peuple opprimé. L’opinion publique dans le monde arabe ignore
souvent que les alaouites sont une secte du chiisme. La relation entre le
Hezbollah, l’Iran et la Syrie
est avant tout une solidarité intra-chiite. Et c’est cela qui fait que l’Iran
condamne la répression des manifestants au Bahreïn sans souffler le moindre mot
sur les Syriens dont des milliers sont morts. Et, pour tout dire, la répression
au Bahreïn(1) est elle-même un fruit amer cette fois du sectarisme
sunnite, qui est aussi exécrable que le sectarisme chiite. Au Bahreïn, c’est
une coalition des armées des pays du Golfe qui a écrase les manifestants
pacifiques, la majorité du peuple étant chiite et la dynastie régnante sunnite
comme les autres dynasties des pétromonarchies.
Une potentielle ingérence israélienne
Toute
cette atmosphère infernale et diabolique née du sectarisme ne va en profiter ni
aux régimes ni aux peuples de la région. Mais bel et bien à l’ennemi désormais
traditionnel. Toute cette division bloque les initiatives qui pourraient faire
évoluer la situation dans le monde arabe et musulman et, on le constate
quotidiennement, du statuquo actuel un seul gagnant en sort : Israël.
Confronté lui-même à de grandes contestations sociales intérieures à cause de la cherté de la vie et notamment de
l’immobilier, Israël est actuellement imprévisible. Avec la demande de
reconnaissance d’un Etat Palestinien, les derniers développements après
l’assassinat de militaires égyptiens au Sinaï après l’attentat commis en
Israël, tous ces facteurs rendent la situation de plus en plus complexe. Le
soutien israélien du despote égyptien était criard : un journaliste est
allé même à demander de baptiser une rue au nom de Moubarak. Quant à la Syrie, un pays qui n’est pas sans importance aux
yeux des stratèges israéliens, la situation n’est pas si évidente. Si Assad
était regardé comme ennemi officiellement et la Syrie sous son régime
faisant partie de « l’axe du mal », l’actualité montre qu’il en était
surtout autrement.
A
travers cet article, je veux prévenir du plus grave des scénarii de la suite de
la crise en Syrie. Beaucoup se dit dans les milieux intellectuels israéliens.
Dans la presse israélienne, un article particulier, passé complètement sous
silence dans le monde arabe, a retenu mon attention sur la situation actuelle,
résultante de ce qu’il convient d’appeler « l’éveil arabe », et non
printemps ou révolution…
« …Parmi
les conséquences de ce soulèvement [arabe], certaines sont nuisibles à Israël :
les masses sunnites ne veulent plus des dictateurs comme Hosni Moubarak qui
signent des traités de paix avec l'Etat hébreu », a écrit John Myhill dans
une contribution publié dans le Jérusalem Post, le 17 aout dernier(2).
Ensuite, l’universitaire israélien poursuit en expliquant que : « Certes,
la révolution syrienne est née sous la bannière de ‘‘la démocratie’’, et les
médias internationaux la présentent naïvement encore comme telle. » Il y a
là une insinuation que les Syriens ne se révoltent pas contre la tyrannie. Mais,
écrit John Myhill, « c'est parce que les sunnites abhorrent les ‘‘infidèles’’
alaouites qui se sont emparés du pays. Et ces derniers sont terrifiés à l'idée
d'un coup d'Etat des sunnites, qui ne manqueraient pas de programmer aussitôt
leur perte. Les sunnites représentent 70 % de la population mondiale syrienne,
les alaouites seulement 12 %. Le parallèle avec le génocide au Rwanda de 1994
n'en est que trop frappant. »
Ce
qui frappant en effet, c’est de faire le parallèle alors qu’il n’y a rien dans
l’actualité qui présage une telle éventualité. Cela dit, les 12% ne sont pas
seulement les alaouites mais aussi les druzes et autres minorités.
John
Myhill n’y va pas par quatre chemins. Confiant en son analyse, le reste de son
développement est réellement …frappant.
« Il
est clair que alaouites et chiites ne peuvent plus faire diversion en faisant passer
Israël pour la cause de tous leurs maux. Les alaouites ont appris la leçon et
les chiites libanais, qui leur ont déjà envoyé de l'aide, l'assimileront assez
tôt. Représentant un total de 3,5 millions seulement, ils se rendent compte
qu'ils sont entourés par les 15 millions de sunnites syriens et libanais, qui
ne seront plus dupes bien longtemps.
« Alors
que la guerre civile bat son plein en Syrie, les Alaouites n'auront d'autre
choix que de retirer leur bastion montagneux au nord-ouest et faire appel à une
aide militaire qui les protégera et les aidera à établir leur propre Etat
là-bas (comme ils l'ont en vain demandé aux Français dans l'entre-deux
guerres). »
Puis,
voilà le genre d’argument qu’il présente :
« Ayant
personnellement côtoyé des alaouites, je sais qu'ils ont déjà commencé à
discuter de la possibilité de faire appel à Israël. S'ils le font et que la
communauté internationale ne leur porte pas secours, il n'est pas exclu
qu'Israël intervienne en faveur des alaouites, et dans la foulée de leurs
alliés chiites, qui se retrouveront eux aussi en difficulté. Le résultat serait
la formation d'un bloc d'États du Levant occidentaux qui partageraient un
intérêt commun : éviter une domination sunnite. »
Fier
de sa proposition, John Myhill se félicite :
« Pour
la première fois, Israël aurait un Etat allié réel dans la région, et non plus
seulement des traités de paix de pacotille. C'est certainement une meilleure
option plutôt que de laisser les sunnites de Syrie massacrer les alaouites et
établir un Etat fantoche au Liban. »
Et,
bien évidemment, il y a aussi la volonté de maintenir le statuquo, qui, comme
je l’ai écrit ci-haut, n’en profite qu’à Israël. L’universitaire israélienne
finit son article : « Car après avoir éliminé les alaouites et les
chiites, ils [les sunnites] auront tout le loisir de concentrer l'énergie qu'il
leur reste contre les Juifs. » Par « Juifs », il veut dire
l’entité sioniste.
Ce
thème est certes capital ; les lignes que vous avez lu, je les ai écrites
ce matin, le 03 septembre 2011, et j’avais même mis le point final, et voilà
que le journal arabophone Al-Quds al-A’arabi affirme dans son édition
d’aujourd’hui qu’un certain Ephraim Maroun, ancien responsable du MOSSAD
israélien, aurait affirmé dans ses mémoires que les services israéliens avaient
en effet planifié l’émiettement de la
Syrie et du Liban et la fondation, sur les décombre de ces
deux Etats, d’autres micro-États confessionnels et antagonistes(3).
On lit dans l’article que dans les années 1950, il y avait eu des fuites de ce
plan et un journal indien anglophone avait publié un article sur le sujet avant
qu’un autre journal syrien ne le traduise et n’alerte ainsi l’opinion publique
et par conséquent les services syriens. Le lecteur est en mesure d’évaluer
l’importance de ce thème. Et dans le présent, la version moderne du plan ancien
du MOSSAD est certainement la question alaouite.
Pour
que les alaouites, que je n’ai pas côtoyés, puissent commettre une immense et
irrationnelle erreur, il faudrait qu’ils seraient par surcroit aveugles. Car,
la situation des Arabes en Israël, plus de 20% des citoyens, pitoyable,
n’augure pas un bon avenir aux alaouites sous protection israélienne.
Maintenant,
alors que l’on sait que cette éventualité catastrophique est considérée en Israël,
qui est Etat paria localement et qui risque de le devenir internationalement
dans le cas de la reconnaissance d’un Etat palestinien – ce qui augmente les
chances que se réalise cette éventualité – comment vont réagir les Syriens,
mais aussi les autres peuples et Etats Arabes ?
Enfin, il convient que je finisse mon propos par un constat. Si cette catastrophe se réalisera, elle ne le sera pas principalement à cause d’une intervention israélienne, mais c’est d’abord la faute au sectarisme arabe. Et pleurer et s’apitoyer sur son sort ne règleront certainement pas le problème. J’espère que triomphe chez les alaouites Syriens la raison et la sagesse.
Par
Lyes Akram
Notes de renvoi
(1)-
Voir le documentaire d’Al Jazeera sur le Bahreïn :
(2)-
Lisez l’article de l’universitaire israélien :
(3)-
En arabe : « Un ancien officier du MOSSAD révèle dans ses mémoires
qu’Israël avait planifié l’émiettement du Liban et de la Syrie pour construire des
Etats confessionnels et rivaux », vous pouvez lire cet article sur mon
blog :
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