Informations & Réflexions a déjà publié deux témoignages à propos du coup d’Etat manqué
de Tahar Zbiri en 1967, tel que parus dans les colonnes d’un quotidien national.
Il s’agit des récits de Mohamed Maârfia, Tahar Zbiri-Houari Boumediene : les dessous d’un coup d’Etat manqué, et de Mehdi Cherif, Comment Tahar Zbiri a été dupé. Cet épisode de l’histoire de l’Algérie indépendante est aussi
abordé par Chadli Bendjedid dans ses Mémoires, lui qui, depuis 1964, était à la
tête de la 2e Région militaire (Oran). Dans le chapitre IX, Chadli
Bendjedid consacre une section (pp. 256-262) à cette tentative de putsch dont
il fut, écrit-il, «un élément essentiel dans sa mise en échec». Voici donc le
récit de Chadli Bendjedid :
«La
tentative de putsch menée par Tahar Zbiri en décembre 1967 fut la plus grande
scission au sein du Conseil de la
Révolution après les démissions d'Ali Mahsas, Bachir Bournaza
et Ali Mendjli. Quand je me remémore cet épisode, je m'étonne toujours des propos
de Zbiri qui déclare tantôt : «Si ce n'était pas Chadli, j'aurais pris le
pouvoir», tantôt: «Chadli se serait [de toute façon] placé du côté du
vainqueur». Pourtant, la vérité est tout autre.
J'étais
au fait de désaccords entre le président Boumediene et le chef d'état-major.
Mais j'étais loin d'imaginer que Tahar Zbiri allait en arriver à l'usage de la
force pour accaparer le pouvoir. En réalité, ces désaccords concernaient aussi
certains membres du Conseil de la révolution qui reprochaient, ouvertement ou
en secret, à Boumédiène d'accaparer le pouvoir avec le groupe d'Oudjda et de
confier à des DAF des postes sensibles du ministère de la Défense. Le conflit
s'aggrava après le refus de Zbiri d'assister aux festivités du 1er novembre
1966 et du fait des fréquents déplacements qu'il effectuait entre l'état-major
et le bataillon de blindés stationné à Bordj el Bahri. Déplacements que
Boumédiène suivait de très près. Le conflit atteignit son apogée suite à
l'échec des médiations entreprises par des personnalités politiques et
militaires. J'ai pris la pleine mesure du danger à Bouzaréah, au domicile de
Abderrahmane Bensalem qui nous avait invités à déjeuner après la réunion du
Conseil de la révolution et des commandants de régions.
Nous
étions cinq : Saïd Abid, Abderrahmane Bensalem, le colonel Abbès, Yahiaoui
et moi-même à prendre notre repas ensemble dans une ambiance fraternelle,
discutant de divers problèmes qui nous préoccupaient à l'époque. Le soir, je
devais rentrer à Oran par avion. Je ne m'étais pas rendu compte qu'un complot
se tramait et que j'allais être impliqué à mon insu. Nous nous installâmes dans
le salon pour prendre le café. Je remarquai que l'assistance était plus
silencieuse que d'habitude. Aucun de mes interlocuteurs ne me mit au courant de
ce qui se mijotait. Je les vis qui faisaient un clin d'oeil à Saïd Abid,
connaissant la solide amitié qui nous liait et qu'ils voulaient, me semble-il,
exploiter. Puis, ils lui firent signe de m'en parler en leur nom. Saïd Abid se
leva et me dit sur un ton réprobateur mêlé de sollicitude dans lequel je perçus
comme un appel à l'aide :
- Es-tu
satisfait de cette situation, Si Chadli? Je veux dire la situation du pays.
Tous ces problèmes ne t'affectent-ils pas?
-
Quels problèmes ? lui dis-je.
- Les
problèmes dans lesquels se débat le pays, voyons! Tu trouves cette situation
normale ?
- Tous
les pays [du monde] vivent des problèmes. Certes, il y en a beaucoup [chez
nous], mais je pense sincèrement qu'ils peuvent être réglés par le dialogue et
à travers les institutions en place, rétorquai-je.
- Nous
avons essayé de les résoudre dans ce cadre, mais sans succès.
En
clair, Saïd Abid voulait parler de l'accaparement du pouvoir par le clan
d'Oujda et de l'obsolescence du Conseil de la Révolution qui avait
perdu un grand nombre de ses membres. De plus, Boumediene avait pratiquement
vidé l'état-major de ses prérogatives qu'il avait mises entre les mains des
anciens officiers déserteurs de l'armée française, au ministère de la Défense. A ce
moment-là, je compris qu'il y avait anguille sous roche : notre présence
tous ensemble au domicile de Bensalem n'était pas innocente, surtout lorsque
Saïd Abid revint à la charge :
- Nous
sommes appelés à prendre une décision cruciale sur-le-champ.
C'était
clair. Ils planifiaient le renversement de Boumediene. Je leur dis :
- Vous
connaissez ma franchise. Alors, laissez-moi vous dire dès à présent, pour que
vous ne disiez pas plus tard que je vous ai trahis: je m'opposerai à toute
personne qui utiliserait la force et la violence pour prendre le pouvoir. Je connais
Tahar Zbiri depuis 1956 ; je l'ai même connu avant Boumediene. Mettez-vous
ça bien dans la tête : je me mettrai en travers du chemin de tous ceux qui
recourront à la violence pour porter atteinte à la stabilité du pays. Ma
position là-dessus est claire.
De
guerre lasse, ils insistèrent pour que je les rejoigne. Quand je les quittai,
je me rendis compte de la gravité de la situation. Je sentais que le pays
allait connaître une période de trouble et que le sang allait de nouveau
couler. Il fallait, croyais-je, que les problèmes fussent régler dans le calme et
la sérénité pour éviter au pays de s’enliser dans une guerre civile dont il n’avait
pas besoin.
J’ai
voulu lever toute équivoque sur cette affaire, pour que tout le monde sache qu’elle
est ma position à l’égard de cette tentative aux conséquences dramatiques.
Je
me rendis chez Tahar Zbiri, à El-Biar, et lui dis :
-
J'étais avec les compagnons et ils m'ont informé de leurs intentions. J'ai
voulu que tu saches ce que je pense de tout ça. Il est plus que probable qu'ils
viennent te voir et te refilent de fausses informations sur ma position.
Je
lui répétai ce que j'avais dit auparavant et lui expliquai mon point de vue en
lui disant que c'est à l'intérieur du Conseil de la Révolution que les
problèmes devaient être débattus et tranchés :
-
Les institutions existent. Je ne suis pas prêt à habituer l’armée aux coups d’Etat
qui sont devenus une mode, au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie, insistai-je.
Tahar
Zbiri ne fit aucun commentaire, mais son silence en disait long. Je compris qu’il
était décidé à aller jusqu’au bout. J’étais à la fois démoralisé et angoissé. Quel
projet Zbiri allait-il proposer [comme une alternative] ? A supposer qu’il
réussisse son coup de force, de quelle vision de l’avenir était-il porteur ?
Il n’était pas question d’attendre. Je me rendis en toute urgence à la
présidence de la République
et demandai à voir le président Houari Boumediene. Quand il me reçut, je lui
dis:
-
Je suis venu te saluer et te souhaiter plein succès dans ta mission. Je retourne
aujourd'hui à Oran. Sache que ta position sera la mienne et que tu me trouveras
toujours à tes côtés.
Je
me contentai de ces quelques mots et ne lui divulguai pas le secret de ma
rencontre avec Zbiri et les autres compagnons. Boumediene ne dit mot et sourit,
signe que les services de renseignements l'avaient informé du complot. Il
paraissait serein.
Je
repartis pour oran en compagnie de Mohamed Salah Yahiaoui qui me demanda de
mettre à sa disposition un hélicoptère pour rejoindre la troisième région
militaire. Je refusai, au prétexte que le temps de neige, n’était pas propice à
un tel vol. Ce qu’il voulait, en réalité, c’était de parvenir le plus vite
possible à la troisième région militaire pour me barrer le chemin et m’empêcher
d’intervenir contre les forces ralliées à Tahar Zbiri. Durant la deuxième
quinzaine du mois de décembre, les unités s’ébranlèrent de Médéa, Miliana, et
Al Asnam (Chlef) en direction de Blida. Elles étaient commandées par Layachi,
gendre de Zbiri. J’étais en contact permanent avec Boumediene, l’informant des
détails des préparatifs. Il me demanda d’envoyer des tireurs de bazookas car
Zbiri faisait mouvement sur Alger armé de chars. Face à un tank, seul un
bazooka ou un autre blindé est efficace. Je dépêchai deux avions transportant
deux sections qui atterrirent à Boufarik. De là-bas, elles furent dirigées vers
El-Affroun où elles prirent position sur des collines, en attendant l’arrivée
des avions de Ourgla. Les deux sections ouvrirent le feu sur les chars dont
plusieurs furent incendiées, bloquant la voie et empêchant les autres blindés d’avancer,
tandis que d’autres engins eurent des avaries en cours de route. L’affaire fut
réglée en moins d’un quart d’heure à coups de bazookas et grâce à l’intervention
des Mig 17 et Mig 21. La rumeur disait que ces avions étaient pilotés par des
Russes, mais ces allégations étaient complètement fausses. Les soldats alliés à
Zbiri s’égaillèrent dans les montagnes avoisinantes, abandonnant chars et
camions en feu. Certains préférèrent se rendre. C’est ainsi que prit fin cette
opération démentielle qui était vouée à l’échec d’avance en raison de fautes
tactiques et techniques grossières. En effet, quel est ce militaire tenté par
un coup d’Etat qui ne prendrait pas en considération la couverture aérienne et
la distance sachant qu’Al Asnam se trouve à 200 km d’Alger ?
Avant
cela, j’avais dépêché un bataillon pour occuper la caserne des putschistes à Al
Asnem et les priver de ravitaillement. Abdelkader Chabou et moi n’étions pas d’accord
sur la personne qui devait commander l’opération. Chabou avait envoyé un
télégramme aux bataillons les enjoignant de n’appliquer que les ordres émanant
de lui. Je dus alors contacter les chefs de ces bataillons en urgence pour leur
demander de n’exécuter aucun ordre, hormis ceux qui viendrait de la 2e
Région.
Après
l'échec de la tentative de coup d'Etat, Tahar Zbiri et quelques-uns de ses
hommes (ils étaient tous de la même région, ce qui confirme l'aspect régionaliste
et tribal de cette opération avortée), se sauvèrent. Il se peut que les
services de sécurité leur aient assuré un passage sécurisé jusqu'aux frontières
tunisiennes, avant de rejoindre le Maroc. Kasdi Merbah vint me voir pour me
demander de lui remettre les officiers de la 2e Région qui étaient solidaires
de Zbiri, ce que je refusai. Quand il s'en plaignit à Boumediene, celui-ci le
pria de ne pas insister, en lui disant: «Chadli est responsable de ses actes».
En
1979, Tahar Zbiri me fit part, par le truchement d'un émissaire, de son souhait
de rentrer au pays. Je lui demandai de patienter un peu, le temps pour moi
d'étudier l'affaire. Un jour, un de mes collaborateurs à la présidence de la République m'informa
que Zbiri était à l'aéroport. Je l'autorisai à rentrer et à rester chez lui. En
outre, je lui imposai de s'éloigner de la vie politique.»
Chadli
Bendjedid, Mémoires, tome I : Les contours d’une vie (1929-1979),
Casbah-Editions, Alger, 2012.
Thiѕ can be a backup fіrmеr tantrіc mаssage
RépondreSupprimerprofіciency that helps her body аctually relax.
In that resρесt аre mаny shipway to woгk with the to me, when I ѕucсеssfully aсcompliѕhed the Ѕadhana.
Stop by my weblog erotic massage prices