Entretien
réalisé par Tarek Hafid (Le Soir d'Algérie)
Le système politique algérien n’est toujours pas mûr pour accepter le principe d’une transition démocratique à travers un scrutin libre et démocratique. C’est la conclusion à laquelle est parvenu Mohamed-Chafik Mesbah suite à l’analyse des résultats des élections législatives du 10 mai 2012. Dans cet entretien, l’ancien officier des services de renseignement dresse le bilan des treize années de pouvoir de Abdelaziz Bouteflika, ses actions politiques et diplomatiques ainsi que ses relations avec l’armée et le DRS.
Le système politique algérien n’est toujours pas mûr pour accepter le principe d’une transition démocratique à travers un scrutin libre et démocratique. C’est la conclusion à laquelle est parvenu Mohamed-Chafik Mesbah suite à l’analyse des résultats des élections législatives du 10 mai 2012. Dans cet entretien, l’ancien officier des services de renseignement dresse le bilan des treize années de pouvoir de Abdelaziz Bouteflika, ses actions politiques et diplomatiques ainsi que ses relations avec l’armée et le DRS.
-Le Soir d’Algérie : Le taux de participation de 43% enregistré officiellement lors des élections législatives du 10 mai dernier vous paraît-il réaliste ?
-Mohamed
Chafik Mesbah : Toutes les
supputations qui ont précédé le scrutin des législatives pronostiquaient, en
effet, un taux d’abstention plus fort. Il existe deux manières d’expliquer les
résultats annoncés par le Conseil constitutionnel. La première consiste tout
simplement à prendre acte de ce résultat à défaut de pouvoir les contester. Il
s’agit d’un constat formel qui biaise, par avance, l’analyse car elle
reposerait sur des données qui ne sont pas véritablement validées. La seconde
manière c’est le constat dynamique. Sans pouvoir démontrer par des preuves
irréfragables, il est probable que le taux de participation se situe plus bas.
Probablement aux alentours de 20%. Beaucoup d’observateurs, de manière
empirique, ont pris le pouls de la participation à travers des appels
téléphoniques directs au niveau des bureaux de vote à travers le territoire
national ou des témoignages fiables recueillis auprès de relations personnelles
ou familiales. Les résultats recueillis par cette méthode empirique, de
l’ouverture à la clôture du scrutin, a défaut de fournir des chiffres avérés,
dégage l’impression d’un climat de désaffection de la population. Naturellement
sur le plan du droit pur, pour contester les résultats annoncés, il est
nécessaire de disposer de preuves. Il faut admettre que les pouvoir publics ont
organisé ce scrutin avec un certain savoir-faire qui ne permet pas de lever les
pans obscurs qui peuvent avoir entouré ce scrutin. D’autant que les
observateurs de l’Union européenne ont apporté leur caution à propos du bon
déroulement des élections. Les pouvoirs publics, pourrait-on dire, sont dans leur
rôle. Ce qui est le plus étonnant, c’est l’attitude des partis supposés
constituer l’opposition qui se cantonnent à un discours creux de dénonciation
de la «fraude» sans apporter aucun élément probant de preuve. Ne nous fatiguons
pas à ergoter sur la manipulation éventuelle des chiffres. La question
fondamentale devrait porter sur l’état d’esprit qui aura prévalu auprès des
pouvoirs publics. A cet égard, le système en Algérie, pas seulement le régime,
ne semble pas suffisamment mûr pour un scrutin annonciateur d’une réelle
transition démocratique. C’est le seul constat qui vaille la peine d’être
énoncé.
-Quel aurait été l’intérêt, pour les pouvoirs publics, de «gonfler» le taux de participation ?
-Quel aurait été l’intérêt, pour les pouvoirs publics, de «gonfler» le taux de participation ?
-Pour
gommer, aux yeux de l’opinion publique internationale, l’image pesante du fossé
qui oppose société en général et pouvoirs publics. Deux sociétés cohabitent en
Algérie. La société virtuelle composée des institutions et des appareils ainsi
que des personnels qui les composent. La société réelle composée de la grosse
majorité de la population qui vit en marge des institutions officielles.
L’intérêt consiste donc à effacer l’image de cette fracture de manière que les
pouvoirs publics disposent d’une légitimité opposable à la communauté
internationale.
-Par delà le taux de participation, quelle lecture faites-vous des résultats proprement dits de ce scrutin ?
-Les
observateurs s’attendaient bien à ce que l’Alliance présidentielle soit
reconduite avec, le cas échéant, un certain rééquilibrage entre les formations
qui la composent. Personne ne s’attendait, cependant, que le résultat octroyé
au Front de libération nationale atteigne le niveau record de 220 sièges. Dans
les permanences des partis de l’Alliance présidentielle, les résultats recensés
dans la matinée du vendredi, c’est-à-dire le jour suivant le scrutin, la
tendance était, certes, en faveur du FLN mais avec un score de 120 sièges. Il
était suivi de l’Alliance verte qui aurait obtenu 80 sièges puis le
Rassemblement national démocratique remporterait près de 40 sièges. C’était une
arithmétique plausible dans le contexte considéré. Les résultats annoncés ont
bouleversé cet ordre des choses. Nonobstant les incidences du scrutin
proportionnel, toute laisse supposer que des élections ont été gérées de
manière administrative comme cela est le cas, au demeurant, pour toute la vie
politique en Algérie.
-En somme, vous affirmez que le scrutin du 10 mai 2012 est entaché de fraude…
-Encore
faut-il pouvoir prouver cette fraude. Il est possible d’évoquer des
présomptions de fraude, mais il est impossible de la démontrer. Les pouvoirs
publics, avisés ont agi intelligemment tant pour ce qui concerne la
neutralisation du mouvement associatif que pour la caution gagnée,
difficilement contestable, des observateurs de l’Union européenne. Encore une
fois, ce qui frappe l’attention c’est l’indigence de l’opposition qui, à ce
jour, n’a pas réussi à mettre en place des mécanismes susceptibles de démasquer
la fraude.
-Il est donc difficile de prouver la fraude…
-Difficile
mais pas impossible. Lors des précédentes élections, notamment lors des
élections présidentielles successives depuis 1999, combien de fois l’attention
des candidats et des partis politiques a été attirée sur l’intérêt de mettre en
place des sondages «sortie d’urnes». Cela revient, d’abord, à sélectionner des
bureaux de vote qui constitueraient une sorte d’échantillon du corps électoral.
Cela consiste, ensuite, à répartir, les enquêteurs — militants ou représentants
du mouvement associatif — à travers ces bureaux de vote pour recueillir,
directement, le vote exprimé par ces électeurs dès leur devoir accompli.
Rassemblés et collationnés, ces résultats donnent les grandes tendances du
scrutin avant l’annonce des chiffres officiels. La démarche nécessite,
toutefois, le parrainage d’une organisation internationale respectée et le
concours d’un institut de sondages de grande notoriété. C’est dans ces
conditions qu’un sondage «sortie d’urnes» avait été organisé, au Chili, lors du
référendum constitutionnel qui avait provoqué le départ du général Pinochet. En
toute honnêteté, il est permis de s’interroger si, entre l’opposition et les
pouvoirs publics, il n’existe pas un gentlemen- agreement qui permet au système
de perdurer.
-Qui aurait été le chef d’orchestre de cette fraude ?
-Ne
nous fourvoyons pas à citer nommément des responsables. C’est le système qui
n’est pas mûr pour des élections transparentes et libres. Peu importe que ce
soient les services de renseignement, le gouvernement ou l’administration
locale qui soient à l’origine de la fraude. Le système réfractaire au
déroulement d’un scrutin libre démontre n’est pas mûr pour la transition
démocratique. C’est cela le plus important.
-Quel
a été le rôle de la justice lors de cette élection puisque, pour la première
fois, une commission composée, exclusivement, de magistrats a supervisé le
scrutin ?
-Inversons
la question. Depuis que M. Abdelaziz Bouteflika est président de la République, la justice
a-t-elle connu un fonctionnement totalement régulier ? Le juge a-t-il rendu le
droit en son âme et conscience, plutôt que sur injonction ? Alors posez-vous
cette question et en fonction de la réponse nous pourrions juger le
comportement des magistrats à l’épreuve du dernier scrutin législatif. Il n’est
pas possible de soumettre l’appareil judiciaire, plus d’une décennie durant, à
la règle de l’ukase puis, allégrement, demander aux juges de s’en remettre à
leur conscience. Il n’existe pas, en la matière, de génération spontanée, cela
vaut pour l’appareil judiciaire comme pour toutes les autres institutions de
l’Etat.
-Revenons aux résultats du scrutin. Un FLN largement majoritaire à l’Assemblée populaire nationale, c’est pour quel objectif ?
-Sur
le plan pratique, c'est-à-dire opérationnel, l’objectif pour les pouvoirs
publics, c’est de pouvoir exercer un contrôle hégémonique sur la procédure de
révision de la
Constitution au niveau de la nouvelle Assemblée populaire
nationale. Avec le score du FLN conforté par celui du RND, il n’existe aucun
risque de dérapage par rapport à la «feuille de route» préalablement tracée.
-Comment expliquer, néanmoins, la trop forte suprématie du courant nationaliste au sein de cette Assemblée…
-Nous sommes en présence, en effet, d’une
représentation excessive pour le FLN comme pour le RND d’ailleurs. Il se pourrait
que le score du MSP ait été minoré. D’un point de vue formel, nous sommes en
présence de trois pôles politiques. Un pôle nationaliste dominant — le FLN et
le RND —, un pôle islamiste affaibli — l’Alliance Verte — et un pôle
«démocratique » diminué que symbolise le Front des forces socialistes encore
cantonné dans un ghetto régional. Faut-il accepter ces résultats formels ou
plutôt les contester ? Difficile de les contester efficacement en l’absence de
preuves de fraude irréfragables. Tenons en nous alors à l’aspect formel qui
nous permet de souligner que c’est, au total, la gestion administrative de la
vie politique.
-Quelle
est, finalement, votre lecture des résultats de ce scrutin législatif ?
-Cette lecture doit être envisagée par rapport
au scrutin présidentiel de 2014. Deux scénarios semblent se profiler. Premier
scénario, c’est celui qui vise à faire accéder aux commandes de l’Etat une
majorité islamiste qui parviendrait au pouvoir à la faveur d’un scrutin libre.
Cette option semble avoir les faveurs du président de la République. M.
Abdelaziz Bouteflika est doué d’un sens tactique qui lui permet d’observer la
posture des pays occidentaux — et Dieu seuls s’il accorde de l’importance à
l’avis de ces pays — consistant à disqualifier, dans le monde arabe, la
mouvance nationaliste au profit de la mouvance islamiste. Escomptant, par
conséquent, la bienveillance active du monde occidental ainsi que la neutralité
de l’institution militaire, le président de la République mise sur ce
scénario pour pouvoir, le cas échéant, organiser son retrait de la scène
politique. Plus que l’impunité, M. Abdelaziz Bouteflika doit rechercher la
gloire en voulant accéder au Panthéon de l’Histoire avec ce qu’il présenterait
comme le parachèvement de sa politique dite de «réconciliation nationale ».
-Quel
est le second scénario ?
-Il
semble exister au sein du régime un pôle qui, prenant appui sur le nouveau
poids électoral du FLN et du RND, veut faire prévaloir une option nationaliste
maximaliste. Ce scénario privilégie la thèse de spécificité algérienne, une
thèse selon laquelle il serait possible de contourner l’écueil du «Printemps
arabe» sans devoir passer par un processus de transition démocratique. C’est un
peu le scénario mis en œuvre par le pouvoir syrien, la violence en moins.
-Un
FLN «islamisé», avec Abdelaziz Belkhadem à sa tête, ce ne pourrait pas être le
parti islamiste que M. Abdelaziz Bouteflika veut mettre en place ?
-C’est
une option ouverte. Si tant est qu’elle n’est pas déjà en branle. M. Abdelaziz
Bouteflika qui manque cruellement de temps pour bâtir un nouveau parti ne
dispose pas, non plus, de vrais leaders politiques capables de le seconder. A
défaut, pourquoi ne reporterait-il pas, en effet, son attention sur le FLN en
vue de «l’islamiser». M. Abdelaziz Belkhadem dispose du profil requis pour la
besogne. Sans garantie de résultat, il est vrai. Il risque de rencontrer une
obstruction implacable chez les militants de base de ce parti, pathologiquement
rivés au socle nationaliste et réfractaires au libéralisme débridé. En réalité,
il est probable que le FLN en butte à une crise de mutation interne peine à
trouver ses marques. Le fossé entre la base de ce parti et sa direction
actuelle — et aussi bien toutes les factions rivales à l’intérieur de cette
direction-préfigure d’une implosion possible du FLN. Le contexte international
ou la stratégie des puissances occidentales vise à récuser idéologie et
mouvements nationalistes confortent ce pronostic. Il ne faut pas s’attendre que
la direction actuelle du FLN parvienne à accomplir «l’aggiornamento de doctrine
et de structures» sans lequel il disparaîtrait.
-Revenons au FFS. Les commentateurs évoquent un deal entre le pouvoir et ce parti. De quel deal peut-il s’agir ?
-Evacuons
les aspects personnels prosaïques, totalement, détestables. Limitons-nous aux
faits politiques. Le deal évoqué pourrait reposer sur trois points. Le premier
se rapporte à la représentation hégémonique de la Kabylie par le FFS. Le
second se rapporte au statut d’Assemblée constituante qui pourrait être octroyé
à l’Assemblée populaire nationale nouvellement élue. Le troisième se rapporte à
la dissolution – du moins la profonde restructuration – de ce que le FFS
appelle, de manière récurrente, «la police politique», à savoir le Département
du Renseignement et de la
Sécurité. Le boycott du RCD aidant, le FFS pourra être
satisfait pour le premier point. Il est improbable que M. Hocine Aït Ahmed
obtienne gain de cause pour le reste.
-Vous semblez ne pas accorder d’importance aux résultats remportés par l’Alliance verte, comme si les électeurs islamistes n’avaient pas voté…
-Absolument ! Nous pouvons tout reprocher à
l’électorat islamiste sauf sa discipline. Ce sont, seulement, les partis
islamistes «normalisés», proches du pouvoir qui pensaient pouvoir profiter de
circonstances favorables pour accéder à une position prééminente sur la scène
politique. Nous savons aujourd’hui que la grande masse de l’électorat islamiste
n’a pas voté. Particulièrement les catégories les jeunes au sein de la
population. C’est dans cette frange que se recrute les véritables islamistes,
ceux que l’on appelle les salafistes. Peu importe qu’ils soient «prédicateurs »
ou «djihadistes». Les spécialistes qui ont étudié ce mouvement estiment que les
salafistes ne veulent pas, pour le moment, entrer en confrontation avec les
pouvoirs publics. Ils attendent que le système se délite de l’intérieur pour
cueillir le fruit mûr. Ils sont déroutants ces microcosmes qui focalisent sur
«la menace islamiste» croyant avec légèreté que «l’Alliance verte» pouvait
décrocher la majorité parlementaire. Des mécanismes de prévention indétectables
ont été mis en place pour éviter ce cas de figure. C’est plus que probable. Par
contre, les salafistes, qui représentent un potentiel plus puissant au sein de
la société réelle échappent à l’observation scientifique sérieuse. Les pouvoirs
publics détournent les yeux de ce véritable phénomène social et politique en
estimant avoir réglé le problème en octroyant au FLN 220 sièges à l’Assemblée
populaire nationale.
-Les
formes d’organisation et les leaders de ce courant salafiste sont-ils connus ?
-Non,
du moins pas suffisamment. Ce courant encadre la société en utilisant des
associations de bienfaisance et en recourant à des actions de solidarité très
prisées par la population. Il est fortement présent au sein de la société
réelle parmi, notamment, les catégories sociales déclassées. Au plan de
l’organisation et des modes d’action, ces salafistes ont tiré les enseignements
du passé. Ils prennent bien soin de ne faire heurter frontalement les pouvoirs
publics et s’appliquent à ne faire apparaître que des figures dont la
neutralisation ne compromettrait pas la pérennité de leur mouvement.
-Le
suivi et l’analyse de ce type de mouvement devrait être du ressort des services
de sécurité. Faut-il évoquer leur défaillance éventuelle ?
-Si
vous considérez que les services de sécurité, y compris les services de
renseignement, sont enracinés au sein de la société réelle jusqu’à ce que rien
ne leur échappe, oui il est possible d’évoquer une défaillance.
-Vous
estimez que le courant islamiste continue de représenter une menace pour la
stabilité du pays ?
-Comment,
moralement et politiquement justifier une telle affirmation ? Faut-il renouer
avec la période dite de «l’éradication» où il fallait parler de menace chaque
fois que le vote islamiste d’une partie de la population se profilait à
l’horizon ? Le courant islamiste est une donnée consubstantielle de la société
algérienne, il faut se résigner à cette réalité. Le pays devra être géré avec
de ce courant présent de manière pérenne. Le problème consiste à savoir si les
islamistes accepteront de participer à la vie politique selon les règles
établies par la
Constitution ou, consensuellement, sur la base d’un pacte
politique. Les islamistes accepteront-ils de relancer la conquête du pouvoir
par la violence ou à l’instauration, par effraction, d’un Etat théocratique ?
Voilà la seule question qui mérite que l’on si attarde. Cet objectif
d’insertion pacifique du courant islamiste dans la vie politique nécessite la
mise en place de mécanismes de régulation fiables du fonctionnement de
l’édifice institutionnel. Cette tache exige, sans doute, de la persévérance,
beaucoup de pédagogie et l’intelligence. C’est face aux situations complexes
que s’affirment hommes d’Etat et dirigeants d’exception.
-L’Algérie
est, donc, en attente d’un homme providentiel ?
-Je
n’ai pas parlé d’homme providentiel, j’ai évoqué les hommes d’exception.
L’Algérie est en attente d’un homme qui puisse conduire une équipe forte,
soudée et homogène, porteuse d’un véritable projet de société. L’homme
providentiel c’est une idée qui renvoie à une forme de gouvernance autocratique
que le monde moderne a récusé.
-La
nouvelle Assemblée populaire nationale pourrait jouir d’une forme certaine
indépendance dans l’élaboration projetée de la loi fondamentale ?
-Nonobstant la légitimité discutable de cette Assemblée, de quelle autonomie pourrait se prévaloir cette instance où la majorité absolue est détenue par des députés cooptés du FLN et du RND ? Cette Assemblée n’a pas été conçue dans le but d’être indépendante. Sa mission consiste à faire passer le gué, en toute sécurité, à la procédure de révision constitutionnelle.
-Nonobstant la légitimité discutable de cette Assemblée, de quelle autonomie pourrait se prévaloir cette instance où la majorité absolue est détenue par des députés cooptés du FLN et du RND ? Cette Assemblée n’a pas été conçue dans le but d’être indépendante. Sa mission consiste à faire passer le gué, en toute sécurité, à la procédure de révision constitutionnelle.
-Le
président de la République
s’apprête à nommer une nouvelle équipe gouvernementale. Ce serait pour quelle
mission ?
-Deux
missions essentielles. Exécuter «le programme de consolidation de la
croissance» décidé par le président de la République et qui est en souffrance. Conduire la
préparation du scrutin présidentiel afin que le résultat ne puisse constituer
une surprise. Comme dans le cas de l’Assemblée populaire nationale, ce sera une
équipe sous contrôle. Les ministères de souveraineté ainsi que les départements
sensibles seront confiés à des membres du cercle présidentiel sinon cooptés par
lui. Ce sera un choix exécuté selon le mode endogamique c'est-à-dire que le
système — même avec de nouvelles figures — ne ferait que se reproduire.
-Peut-on affirmer que le président Abdelaziz Bouteflika met déjà en place — ou va mettre en place — au niveau des postes névralgiques de l’Etat un dispositif serré pour contrôler l’issue du scrutin présidentiel de 2014 ?
-Sans
nul doute. La nomination de Taïeb Belaïz à la présidence du Conseil
constitutionnel procède de cette démarche. Le choix des personnes qui auront à
assumer les fonctions de ministres de l’Intérieur et de la Justice sera, lui aussi,
déterminant. Le poste de ministre de la Communication est,
quant à lui, de moindre importance, puisque, de facto, le secteur est sous le
contrôle politique direct de la présidence de la République et celui
sécuritaire du Département du renseignement et de la sécurité. En amont, le
contrôle de la démarche sera du ressort de l’Assemblée populaire nationale à
travers le contrôle de la procédure de révision de la Constitution. Il
est évident que les amendements constitutionnels introduits viseront à
«sécuriser» le déroulement de la succession, si tant est qu’elle est réellement
à l’ordre du jour. A moins que vous ne songiez aux changements qui pourraient
affecter les appareils de renseignement et de sécurité ; à ce niveau, la
circonspection est de rigueur. Abdelaziz Bouteflika doit certainement réfléchir
à faire accéder aux plus hautes fonctions de la hiérarchie militaire des
officiers généraux aptes à exercer leur commandement dans la durée. L’intention
lui est prêtée de vouloir rééquilibrer les origines régionales au sein de la
chaîne de commandement et de mettre un terme au tassement qui caractérise,
depuis quelques années, la pyramide des grades. C’est cela l’architecture
d’ensemble qui pourrait être celle du chef de l’Etat en prévision du scrutin
présidentiel de 2014. Encore faudrait-il qu’il puisse disposer du temps
nécessaire non sans maîtriser la conjoncture à son profit…
-Quels sont les scénarios que vous entrevoyez pour l’élection présidentielle de 2014 ?
-Ce
scrutin peut être abordé de deux angles différents. Si la conjoncture politique
venait à se précipiter, obligeant l’Algérie à rejoindre le lot des pays qui ont
subi les effets du «printemps arabe», la vague de violence qui risque
d’intervenir disqualifierait totalement les leaders politiques connus au profit
d’élites nouvelles qui surgiront des entrailles de la société réelle. Ne vous
méprenez pas sur les capacités de la société réelle à sécréter une catégorie
d’hommes capables de se surpasser pour en finir avec les régimes passés. Si,
cette fois, le changement intervient dans un contexte plus ou moins maîtrisé,
certains scénarios allant de la succession fermée —Abdelaziz Bouteflika se
succédant à lui-même — à la succession ouverte — cas de figure rendant
vraisemblable l’entrée en course de Mouloud Hamrouche et Ali Benflis — en
passant par la succession semi-ouverte – Abdelaziz Belkhadem et Ahmed Ouyahia
étant alors les candidats qui disposeront du plus de chances. Si le statu quo
actuel persiste, le scénario de l’élection ouverte est à écarter purement et
simplement.
-Vous
n’avez pas fait mention de la possibilité que Saïd Bouteflika puisse succéder à
son frère en 2014 ?
-La
raison devrait, en principe, pousser à rejeter cette possibilité inconcevable.
Hormis le lien familial avec son frère chef de l’Etat, de quel ancrage social
et politique dispose Saïd Bouteflika pour postuler à la magistrature suprême ?
De quelles compétences morales et intellectuelles particulières peut-il se
prévaloir ? De quelle véritable expérience politique avec aptitude au
commandement avérée peut-il se réclamer ? Pourtant, il faut retenir la piste
que vous évoquez. Une faune d’«hommes d’affaires» gravite autour de lui et
d’autres courtisans qui se ramassent à la pelle doivent songer à préserver,
coûte que coûte, leurs positions et leurs intérêts. Ils ont tout intérêt,
l’instinct grégaire aidant, à pousser Saïd Bouteflika à succéder à son frère. A
priori Abdelaziz Bouteflika a suffisamment de sens politique pour décourager ce
choix. La volonté d’organiser la succession au pouvoir, selon le mode familial,
a servi de catalyseur aux soulèvements intervenus en Egypte et en Tunisie,
régimes républicains par essence. En Algérie, ce pourrait être le détonateur
qui provoquera «le printemps algérien» si redouté.
-Comment évaluez-vous, dans l’ensemble, le bilan politique de Abdelaziz Bouteflika ?
-Hyper-présidentialisation du système
institutionnel, instrumentalisation outrancière de la justice, vie politique
gelée, vie syndicale chloroformée, mouvement associatif ankylosé, presse
caporalisée, notamment le secteur audio-visuel, division de la société en
société virtuelle contre société réelle. Ce bilan explique les craintes que
fait naître l’hypothèse d’un soulèvement populaire pouvant s’accompagner
d’anarchie et de violence faute de structures d’encadrement et d’élites pour le
diriger.
-Comment
évaluez-vous le bilan économique du président Abdelaziz Bouteflika ?
-Comme
vous le savez, je ne suis pas économiste de formation, je m’applique néanmoins
à établir toutes les corrélations entre les paramètres économiques et
politiques en procédant à une lecture d’ensemble. Ainsi, concernant l’usage des
réserves engrangées, force est de constater que la situation financière de
l’Algérie est pour le moins correcte. Le pays, qui a désendetté, dispose par
ailleurs de réserves financières qui, dans tous les cas de figure, lui
permettent de faire face pendant quatre années à des dépenses incompressibles.
S’il est légitime d’être critique vis-à-vis de la gouvernance publique en
Algérie, il reste difficile de nier l’effort consenti dans la réalisation et le
renforcement des infrastructures de base indispensables à l’investissement
productif. En substance, ces investissements couvrent les réseaux routiers et
ferroviaires, l’alimentation en eau potable, la réalisation de logements et la
levée des contraintes en matière d’éducation. Un investissement massif supposé
renforcer l’attractivité de l’investissement en Algérie. Pour mémoire,
rappelons que trois plans de relance économiques ont été mis en œuvre depuis
1999. Le premier qui couvre la période 2001- 2004 se chiffre à 7 milliards de
dollars américains. Le second plan d’un montant de 60 milliards de dollars
américain couvre la période 2005-2009. Enfin, le troisième, d’un volume de 180
milliards de dollars américains, est en instance de lancement et couvre, en
principe, la période 2010-2014. Faut-il revenir aux critiques récurrentes
adressées à ces plans de relance ? Planification aléatoire purement
sectorielle, sans connexion recoupée avec les objectifs de développement
national. Capacités de réalisation réduites et mise en œuvre manquant de
transparence, ouvrant la voie à la petite et à la grande corruption. Presque
systématiquement, les programmes de réalisation sont confiés à des entreprises
étrangères, notamment chinoises, à l’exclusion des instruments de réalisation
nationaux qui pourraient être renforcés en la circonstance. Ne nous hasardons
pas dans les méandres de la gestion de nos réserves financières, soulignons
simplement l’explosion des dépenses de fonctionnement pour faire face aux
augmentations de salaires décidées par les pouvoirs publics ; une explosion
inconsidérée, sans contrepartie productive. Au demeurant, l’économie nationale,
convenez-en, continue de dépendre, quasi-exclusivement, de l’exportation à
l’état brut de ses ressources énergétiques. Permettez-moi cependant de revenir
à la lecture politique de ce tableau économique. Ce qui frappe l’examen de ce
bilan c’est bien l’opacité — pour ne pas dire l’arbitraire — du choix de
développement économique et les types d’investissements engagés. Selon la
volonté personnelle du président de la République, en fonction des choix fixés par des
objectifs conjoncturels et des pressions diverses, voire antagoniques, la
politique économique du pays peut tanguer d’un instant à l’autre sans que
l’expertise nationale ne soit mise à contribution et, encore moins, que ne soit
associé le peuple algérien dans toute sa diversité, au débat qui devrait
prévaloir à la prise de décision stratégique. Les richesses naturelles du pays
sont exploitées comme s’il s’agissait d’une exploitation privée. Dramatique
pour un pays qui aspire au statut de puissance régionale. De toute évidence, la
transition démocratique passera en Algérie par un audit préalable des comptes
de la nation. Ce sera le solde de tous comptes avec la période détestable qui
aura précédé.
-Fréquemment,
vous avez évoqué la possibilité d’une explosion sociale. Pour l’heure, votre
prédiction tarde à se vérifier…
-La
profusion de liquidités financières en Algérie continue de faire illusion sur
l’état réel de la société. Actuellement, la distribution de la rente
pétrolière, sous une forme inconsidérée, donne l’illusion d’une stabilité
sociale assurée. Mais les sociologues, qui font l’étude cumulée des
manifestations et soulèvements qui se déroulent chaque jour de manière
localisée sur l’étendue du territoire algérien, parlent d’un état
d’exaspération social latent au sein de toute la société. En Algérie, la
faiblesse du mouvement associatif, en général, et syndical, en particulier,
fait que ce potentiel d’explosion social n’est pas canalisé. Il est clair,
néanmoins, que ces mouvements clairsemés vont, tôt ou tard, s’agréger. Il faut
s’attendre alors à ce que des leaders syndicaux émergent de cette agitation
sociale avec un état d’esprit bien plus radical.
-Le phénomène de la corruption a pris une ampleur démesurée. Des lois ont été promulguées et des institutions spécialisées ont été créées. Comment expliquez-vous leur inefficacité ?
-La
volonté politique de prendre à bras-le-corps le phénomène de la grande
corruption est absente. Comment voulez-vous que le régime puisse s’attaquer à
cette question stratégique pour la pérennité des institutions de l’Etat alors
que l’entourage présidentiel est impliqué dans ces affaires de grande
corruption. Prenez le cas du scandale de Sonatrach et de celui de l’autoroute
Est-Ouest. Des instructions auraient été données pour que les enquêtes et les
procédures judiciaires s’arrêtent devant les portes des bureaux des ministres
concernés. Les ministres, premiers concernés, s’en sortent indemnes, alors que
les procédures auraient dû les conduire en prison. Tant que ce seront les
seconds couteaux qui paieront, il ne sert à rien de mettre en place des
mécanismes de lutte contre la corruption. Le fondement de la lutte contre la
corruption c’est la volonté politique portée par un consensus national. Ce
phénomène de grande corruption sera traité seulement lorsque l’Algérie sera
véritablement en phase de transition démocratique.
-Dans
son discours de Sétif, le président Abdelaziz Bouteflika a longuement évoqué la
responsabilité de «sa génération». Est-ce son état de santé qui le pousse à
envisager sa retraite politique ou est-ce, plutôt, un message subliminal
adressé à la haute hiérarchie militaire ?
-Vous
ne m’entraînerez pas sur le terrain de l’état de santé du président de la République. Musulman
convaincu, je respecte l’intimité de mes semblables. La question que vous
voulez introduire ne vaut que par les effets qui en résultent sur la qualité de
la gouvernance publique. Quoiqu’il en soit, c’est en fonction du rapport de
forces concret sur le terrain, en particulier le poids de la pression interne
comme celui de la pression externe, que Abdelaziz Bouteflika se décidera sur
son choix de se maintenir ou pas à la tête de l’Etat en 2014. Les microcosmes
politiques fantasment beaucoup sur la nature des relations que le président de la République entretient
avec les services de renseignement et l’armée. Le chef de l’Etat dispose de
tous les moyens constitutionnels pour relever tout chef militaire actuellement
en poste. Il ne le fait pas pour de multiples considérations. D’autant que,
souvent, le maintien en poste de ces responsables le sert plus qu’il ne le
dessert. Le discours de Sétif a valeur de simple effet d’annonce.
-Mais s’il envisage de quitter le pouvoir en 2014, procédera-t-il à des changements au sein de la hiérarchie militaire avant son départ ?
-Le
corps de bataille ne constitue pas une menace pour Abdelaziz Bouteflika. Ce
qui, à propos des services de renseignement, pourrait intéresser le président
de la République,
c’est le message subliminal qu’il veut laisser pour l’histoire, à savoir qu’il
aura été le chef de l'Etat qui aura mis au pas toutes les institutions et
appareils, DRS inclus. Vous insistez, le président Abdelaziz Bouteflika s’est
affranchi de la tutelle de la hiérarchie militaire… Sur le plan formel, comme
sur le plan pratique, le président Bouteflika s’est affranchi de cette tutelle.
La démission de l’ancien chef d’état-major de l’ANP, le général Mohamed Lamari,
a constitué un véritable tournant dans les rapports de M. Bouteflika avec
l’institution militaire. Le général Mohamed Lamari, avec son tempérament
exultant, était le seul officier général capable de s’opposer, frontalement, au
chef de l’Etat. L’autorité du président de la République sur la
hiérarchie militaire ne souffre plus de contestation.
-Le
bilan du président Abdelaziz Bouteflika par rapport à l’institution militaire
vous paraît positif ?
-Avec
des réserves. Faut-il s’accommoder de l’émergence de pôles de pouvoir
concurrents au sein de l’institution militaire ? Cela peut favoriser le
contrôle du pouvoir par Abdelaziz Bouteflika, pas le développement harmonieux
du potentiel militaire, proprement dit. Faut-il aussi prolonger indéfiniment le
niveau actuel des dépenses d’équipement militaire au risque d’affecter les
ressources du pays ? Faut-il se résigner à l’opacité qui entoure la doctrine de
défense du pays au point de ne pouvoir distinguer entre l’ami et l’ennemi ? Le
chantier des réformes militaires est loin d’être clos.
-Où en sont les rapports du président Abdelaziz Bouteflika avec les services de renseignement ?
-Le président Bouteflika, déjà méfiant par instinct
vis-à-vis de l’institution militaire, l’est encore plus par rapport aux
services de renseignement. Pourquoi n’a-t-il pas agi, semblablement, pour «le
corps de bataille» et pour les services de renseignement ? Premièrement, c’est
son état de santé qui l’a, vraisemblablement, conduit à réviser l’ordre de
priorités dans sa démarche. La réorganisation des services de renseignement, en
période de menace pressante sur le régime, ne peut plus constituer une urgence.
Deuxièmement, le président Bouteflika, qui ne dispose pas de véritables relais
politiques pour s’adresser à la population ni d’appareils de substitution
efficaces pour suppléer au DRS, a dû estimer préférable de conserver en l’état
les services de renseignement afin de s’en servir comme une arme de dissuasion.
Troisièmement, le président Abdelaziz Bouteflika pourrait avoir considéré que
le DRS, confronté à des difficultés d’évolution et d’adaptation dans un
environnement de plus en plus hostile, finirait, mécaniquement, par décliner
dans sa puissance pour perdre, définitivement, de son influence. N’oublions
pas, également, que le président Abdelaziz Bouteflika s’est assuré d’un certain
répit en découplant état-major de l’ANP et services de renseignement. Désormais,
l’état-major est aveugle face à la société politique. Le DRS, sans le socle de
l’état-major sur lequel il a pour habitude de s’appuyer, est probablement
affaibli.
-L’Algérie
dispose-t-elle d’une diplomatie qui soit à la hauteur de ses ambitions ?
-La
diplomatie algérienne est en déphasage total vis-à-vis de la réalité du système
de relations internationales. Ce déphasage peut être illustré à trois niveaux
successifs. La doctrine, le mode de fonctionnement et l’architecture logistique
et organisationnelle. Pour ce qui est de la doctrine, la diplomatie qui en est
encore à la période de la guerre froide n’a pas assimilé les transformations
profondes qui ont affecté la scène internationale. Au niveau opérationnel,
l’appareil diplomatique ne dispose pas d’instruments adaptés pour effectuer les
activités d’anticipation stratégique qui constituent la clef de voûte de toute
démarche diplomatique efficace et pérenne. Sur le plan logistique et
organisationnel, le ministère des Affaires étrangères n’a jamais subi une
véritable réforme de structures. Ses prolongements à l’extérieur, ambassades et
consulats notamment, sont exactement à l’image du schéma mis en place au
lendemain de l’indépendance. Depuis l’arrivée du président Abdelaziz Bouteflika
à la tête de l’Etat, le processus de prise de décision est quasiment grippé. Le
ministre des Affaires étrangères, simple fondé de pouvoir, ne dispose d’aucune
autonomie et est obligé d’en référer en permanence au président de la République que l’on
sait, par ailleurs, indisponible. Le ministre des Affaires étrangères n’a
absolument aucune prérogative pour provoquer la concertation formalisée avec
les autres départements ministériels concernés par les questions relevant de la
sécurité nationale.
-Ce constat explique les échecs subis par l’Algérie durant les récents événements dans le monde arabe et au Sahel ?
-Incontestablement,
ces échecs illustrent le manque d’anticipation stratégique de la diplomatie
algérienne ainsi que son absence de réactivité opérationnelle.
-Depuis
quelques années, l’impression se dégage que l’Algérie tourne le dos à
l’Afrique…
-Elle tourne le dos à l’Afrique et au monde arabe,
deux espaces qui constituent pour elle une vraie profondeur stratégique. Pour
ce qui est de l’Afrique, le bilan se résume à la politique du Nepad. Nous
savons, désormais, que cette politique a servi essentiellement de prétexte pour
permettre au chef de l’Etat algérien d’assister aux sommets du G8. Pour ce qui
est du monde arabe, l’Algérie qui était à la pointe de la cause palestinienne,
sans définir une démarche alternative, s’est délié de tout appui diplomatique
d’intérêt à la cause palestinienne.
-C’est
une diplomatie qui ne survit, en somme, que grâce au dossier sahraoui ?
-Il
faut rendre grâce à ceux – militaires et diplomates — qui ont défendu, avec
passion, cette cause jusqu’à créer une dynamique sur laquelle il n’est plus
possible de revenir. L’activisme diplomatique de l’Algérie, sous les présidents
Houari Boumediène et Chadli Bendjedid au profit de la cause sahraouie, a cédé
place à une passivité qui prélude d’une résignation. Une précision s’impose,
toutefois, à propos de ce constat qui risque de paraître sans nuances. La
qualité des diplomates algériens n’est pas en cause. Ils regorgent, en général,
de potentiels intellectuels, d’expertise professionnelle et de conviction
patriotique. Ils ont les mains liées et il leur manque une dose de courage.
Voilà tout.
-Quel est votre état d’esprit par rapport aux perspectives qui s’annoncent pour l’Algérie ?
-Pessimiste au regard de la qualité de la
gouvernance publique dans le pays. L’hypothèse d’une transition démocratique
consensuellement entamée par le régime actuel relève, désormais, du fantasme.
L’état des lieux au sein du corps de bataille, unités de feu et structures de soutien,
ainsi que le potentiel de mobilisation que recèle la société réelle — surtout
parmi les jeunes — autorisent, néanmoins, un optimisme mesuré.
T. H.
T. H.
InLe Soir d’Algérie, 2012-06-20
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