Les
révoltes populaires vécues par le monde arabe sont la conséquence de
l’injustice sociale, la corruption, la hogra, le chômage, la mauvaise gestion
qui ont favorisé depuis fort longtemps la dilapidation de l’argent public et la
spoliation des ressources naturelles.
Bien
que certains experts et analystes rappellent
aujourd’hui que les pays du monde arabe ont leur propre particularité, il
n’en demeure pas moins que les régimes politiques des présidents dictatoriaux
et des princes tyrans ont
fonctionné pour aboutir surtout
aux mêmes résultats, à savoir l’asservissement et l’assujettissement de leur
peuple. La crise que vivent les pays du monde arabe est identique. Elle est
liée à l’absence d’une volonté politique pour changer les choses et elle est
liée fondamentalement à la mauvaise gestion des affaires publiques.
En effet, pour
sortir de cette crise et calmer les tensions sociales, les propositions des
classes au pouvoir sont dictées par la Maison-Blanche, le
fief de l’impérialisme ultralibéral mondial dont il rêve d’être «le maître du
monde» et, en conséquence, ne se soucie
guère des vraies raisons des soulèvements populaires.
L’expression
«Dégage», une nouvelle terminologie développée par les peuples révoltés et
principalement les jeunes, n’a point mis en exergue les actes vaillants et
«actes de bravoure» au changement des personnes, mais, paradoxalement, au
changement radical des systèmes politiques autoritaires et dictatoriaux qui
handicapent et fragilisent en permanence les forces vives et les empêchent de s’émanciper afin de
participer dans le développement de leur propre société.
Dans
cet événement particulier et historique, les révoltes arabes ne s’inscrivent
pas dans un territoire géographique délimité par des frontières politiques, imposées
contre le bon gré des peuples du monde arabe. Au contraire, ces événements
s’inscrivent dans un registre mondial parce qu’ils sont aussi la conséquence
d’un impérialisme mondial qui condamne ces peuples à être ses propres
serviteurs-consommateurs, sans avoir le
droit au travail productif. R. Bibeau a écrit : «Depuis que l’impérialisme a
découpé l’ensemble de la planète en zones d’exploitation et de concurrence
qu’il se partage et redistribue, selon
les puissances montantes ou déclinantes du moment (Grande-Bretagne, France, Italie,
Allemagne, Japon, puis Etats-Unis, Russie, Chine, etc.), toute révolte populaire,
toute résistance nationale authentique, est partie intégrante de la grande
lutte anti-impérialiste mondiale.»(1)
Cependant,
la fameuse phrase déclarée par la représentante officielle de la Maison-Blanche pour
les relations extérieures n’atteint pas les attentes et les aspirations des
peuples opprimés. Dire que les Etats-Unis soutiendront l’aspiration des peuples
arabes à la démocratie ne prouve en aucun cas que cette puissance militaro-économique
va laisser la voie libre à ces «damnés de la terre» afin qu’ils se libèrent
pour pouvoir mettre en œuvre les mécanismes nécessaires afin de construire leur
propre système politique démocratique. Les intérêts matériels de l’impérialisme
sont colossaux, et tout Etat qui se met en place pour remettre en cause les
politiques américaines, géostratégiques et économiques est indésirable.
Seuls
les Etats qui font passer les intérêts économiques de la superpuissance au
détriment de leur propre peuple ont le droit d’exister et de se pérenniser. Le
cas de la situation vécue par l’Algérie ne se distingue pas des autres
situations du monde arabe. La mauvaise gestion des biens et des denrées
publiques, la fuite des capitaux à l’étranger, la corruption qui gangrène
jusqu’au sommet de l’Etat, le chômage qui pousse les jeunes à mourir dans les
océans et à s’immoler dans leur propre pays, tous ces problèmes ne sont pas
pour le pouvoir en place des sujets brûlants qui secouent la société et
participent à l’effondrement du pays. La politique de ce pouvoir dictatorial, qui
a été d’ailleurs félicité par Hillary Clinton pour les réformes politiques
envisagées justement pour mettre en place la démocratie, continue de
fonctionner pour vider davantage le corps social de sa substance.
En
effet, la Banque
mondiale, dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales de 2012
en date du 17 janvier 2012, prévoit pour l’Algérie une croissance de 2,7% en 2012
et de 2,9% en 2013 contre 3% en 2011. «Comment, se demande un économiste
algérien, avec une dépense publique de 200 milliards de dollars entre 2010-2013,
obtient-on une croissance si dérisoire devant normalement atteindre, selon les
normes internationales, un taux de croissance supérieur à 10% en termes réels ?
Ainsi, à vouloir perpétuer des comportements passés, l’on ne peut aboutir qu’à
une vision périmée».(2)
La
classe dirigeante algérienne a géré les affaires de la société avec des
méthodes dans le but de démotiver tout un peuple et de le rendre hostile à
toute tentative qui peut lui permettre de participer aux affaires collectives
de sa société. Cette classe a mis fin aux solidarités traditionnelles par
l’éclatement de la famille traditionnelle et patriarcale, et n’a envisagé
aucune amélioration ni aucune solution
pour les familles qui envahissent et peuplent les villes délabrées à la
recherche d’une vie sociale stable pour préserver essentiellement leur dignité
humaine.
En
rapport avec le fonctionnement de cette classe au pouvoir dont elle demeure le
seul acteur à réfléchir aux solutions des problèmes posés avec acuité dans la
société, le quotidien d’El Watan a publié, le 9 septembre dernier, le dernier
rapport du Global Financial Integrity. Il rapporte : «Pas moins de 18 milliards
de dollars de transferts non enregistrés par la balance des paiements entre 2000
et 2009.» Il détaille encore que «l’Algérie exporte annuellement en moyenne 1,875
milliard de flux financiers issus de la corruption et des réseaux de
blanchiment d’argent. L’organisme américain, qui comporte de nombreux hauts
magistrats et financiers spécialisés dans la traque de la fraude fiscale et le
blanchiment d’argent, précise que les surfacturations, au titre des opérations
de commerce international, ont coûté à l’Algérie, au cours de la même décennie,
4,391miliards de dollars, soit 439 millions de dollars par an.»(3)
Aujourd’hui,
en face de cette situation fallacieuse, aucun lien ne peut relier les Algériens
autour de leur nation. Au-delà des opportunistes et des «clans mafieux»
qui détiennent la finance et le pouvoir, aucun Algérien n’adhère à leur
discours qui continue de glorifier un nationalisme stérile et improductif. Seule
la préservation des postes, la protection des intérêts personnels et ceux des
clans animent ces gens à porter en haut ce discours. Au lieu de libérer la
justice des mains des clans militaro-politiques et financiers et œuvrer afin
que les situations multiples et complexes qui font l’ombre puissent s’éclaircir,
la classe au pouvoir s’est précipitée pour annoncer l’organisation des
élections sans consulter l’avis du peuple. Pire, ce régime politique autiste
continue à interdire certains Algériens et à autoriser d’autres pour se
constituer en partis politiques afin de se présenter aux élections, sans avoir
pris la peine d’informer la société sur les raisons de ses choix.
Cependant,
les partis politiques qui n’ont pris ni le temps ni la peine pour s’enraciner
dans la société et développer leurs propres cellules et leurs propre réseaux, afin
d’impliquer les populations et de les mobiliser pour s’entourer autour d’un
vrai programme politique, peuvent-ils réellement devenir un levier pour
développer la société civile ? En réalité, au-delà de la concurrence pour
atteindre le pouvoir, la mission des partis politiques est aussi celle d’une
organisation qui travaille toute l’année pour éduquer un peuple qui n’a jamais
pratiqué ses droits de citoyen afin d’acquérir une culture politique. C’est
cette culture qui va lui permettre de prendre en charge son avenir et de combattre par des pratiques civiles toutes
les formes d’extrémisme et de l’archaïsme.
En
l’absence de ce travail de longue haleine, comment peut-on imaginer la société
civile en Algérie ? Comment peut-on envisager l’émergence d’une société civile
dans une société qui n’offre pas des
«espaces politiques» pour débattre des problèmes socio-économiques et
s’exprimer librement sur tout ce qui tourne autour de la vie sociale ? Le
régime autoritaire pourra-
t-il
disparaître avec les élections des partis seulement ? Comment les partis
politiques vont réagir pour barrer la route à toutes les tentatives qui
souhaitent reproduire le système autoritaire ?
Références
bibliographiques :
1)
Robert Bibeau, Le maillon faible : La crise arabe, Le grand soir du jeudi 17
mars 2011. www.legrandsoir.info
2)
Abderrahmane Mebtoul, Quelle gouvernance pour l’Algérie face à un système
bloqué ? Avril, 2011, IFRI, Paris.
3)
Roumadi Melissa, L’Algérie, un grand exportateur de fonds illicites, El Watan, quotidien du 8 mars 2012.
Larbi
Mehdi, enseignant à la faculté des sciences sociales de l’université d’Oran
In El Watan, 10 avril 2012
In El Watan, 10 avril 2012
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