«Un
nationaliste arabe francophone et un Berbère réfractaire au berbérisme.» C’est
en ces termes que Omar Carlier qualifie Ahmed Ben Bella, auquel il consacre une
biographie, un travail, dit-il, resté en attente et dont le matériau a servi à
la conférence, organisée en collaboration avec le CRASC, qu’il a donnée hier au
Centre d’études maghrébines en Algérie (CEMA). Il résume en quelque sorte les
paradoxes de l’homme mais qui n’altèrent en rien le rôle important qu’il a eu à
jouer dans le mouvement national, la guerre de Libération et l’Algérie
indépendante.
Le chercheur de l’université Paris 7 décortique la part du mythe,
de l’homme et de l’histoire qui entoure le parcours du premier président de
l’Algérie indépendante en apportant un éclairage parfois inédit sur ses
multiples facettes et en le situant dans les contextes (interne et externe) des
époques qu’il a traversées et qui ont influé sur ses idées et ses prises de
position.
«L’importance
historique d’un acte politique et la vivacité d’une trace mémorielle ne
s’évaluent pas forcément par la longévité d’un mandat ou la durée d’une
position de pouvoir», explique l’orateur qui entame son sujet avec un retour
sur les origines de la famille. Le père est venu du Rif (Atlas marocain), d’une
région berbérophone des Ouled Sidi Rahal, pour s’installer à Maghnia peu avant 1900
et épousera plus tard sa cousine de la même confrérie de la tribu des Moukahlia,
socialisée à l’ethnos religieux traditionnel. Celui-ci ouvre un foundok et
acquiert en concession des terres, même si ces dernières étaient difficiles à
cultiver. Le qualificatif «origine modeste» s’applique à Ben Bella, mais Omar
Carlier tempère en indiquant que dans le contexte colonial de l’époque, le
petit héritier (avant-dernier garçon d’une fratrie de huit) ne vit pas dans des
conditions précaires. Ahmed Ben Bella a fait l’école européenne à Maghnia et a
poursuivi ses cours au collège de Tlemcen. «On a sous-estimé son bagage
scolaire», estime le conférencier qui parle d’une excellente maîtrise du
français allant lui servir plus tard à l’armée et au conseil municipal. En
revanche, il soulignera ses faiblesses en arabe classique et moderne, une
faiblesse dont il se rendra compte notamment lors de son séjour au Caire.
Dans
sa jeunesse, Hmimed était porté sur le sport comme loisir de prédilection. «Une
réalité incontestable, même s’il ne faut pas surdimensionner son passage au
club de Marseille», précise-t-il en expliquant que cette culture sportive
allait quand même, dès sa prime jeunesse, l’aider à surmonter sa première
séparation avec sa famille en allant poursuivre ses études à Tlemcen, une ville
où il ne s’était pas senti à l’aise. «Il était perçu comme un étranger par la
communauté européenne et les autochtones citadins le trouvaient plutôt rustique.»
Là aussi, Omar Carlier va rectifier une idée reçue en affirmant, sur la base
d’une enquête de terrain serrée réalisée entre 1974 et 1976 à Tlemcen, avec des
acteurs du mouvement national, actifs aux alentours de 1937, que Ben Bella
était inconnu au PPA. Son entrée en politique se fera au MTLD en 1946, c’est-à-dire
après la deuxième guerre avec le désenchantement qui a suivi le retour des
soldats algériens (il était un héros de grade adjudant décoré de la médaille
militaire) mais surtout à la répression de la manifestation de Sétif et les
massacres perpétrés par le pouvoir colonial. Le conférencier souligne l’aspect
fulgurant de l’ascension politique de celui qui va voir son prestige personnel
renforcé (tête de liste lors des élections de 1947) et devenir, à 28 ans
seulement, l’une des personnalités locales les plus en vue. Coopté au comité
central, il va vite rejoindre l’OS et préparer avec Aït Ahmed, qui dirige
l’opération, le hold-up de la poste d’Oran. Là aussi, le biographe suggère de
ne pas exagérer le rôle qu’il a joué.
La crise berbériste profite à Ben Bella
La
crise berbériste lui profite directement. Aït Ahmed, promu à la tête de l’OS
après Belouizdad (premier chef statutaire qui va tomber malade et mourir de la
tuberculose), sera suspecté et écarté. Ben Bella se retrouve à la fois au CO et
à la direction de l’OS dont il deviendra le dernier chef statutaire, car
l’organisation sera démantelée en mars 1950. «Entre 1946 et 1949, alors que
personne, en dehors de sa ville, ne le connaissait auparavant, il est déjà une
personnalité essentielle», déclare Omar Carlier qui note : «L’ancien adjudant
des tabors est d’ores et déjà l’un des quatre ou cinq principaux dirigeants du
premier parti politique algérien.» Concernant l’OS, on rappelle souvent à Ben
Bella son attitude peu glorieuse face à la police française en acceptant de
parler sans résistance.
L’universitaire
pense que le fait est exact, mais que d’une part la police connaissait presque
déjà tout sur l’OS et que Ben Bella n’a pas avoué l’essentiel, notamment les
caches d’armes. Soucieux de ne pas imputer au passé les conflits ultérieurs, Carlier
évoquera par la suite les retrouvailles au Caire, dans un contexte de prise de
pouvoir par les Officiers libres (Nasser notamment), de Khider, Aït Ahmed et
Ben Bella, mais surtout de l’accord passé entre Ben Bella et Boudiaf (les deux
hommes n’étaient pas en conflit à l’époque) avant le déclenchement de la guerre.
«Au
lendemain du 1er Novembre, Ben Bella, poursuit-il, va occuper le devant de la
scène et jouir du prestige de l’action, car il sera à nouveau présenté par la
presse française comme l’ennemi public n°1.» Aussi, à partir du Caire, les
correspondants du monde entier vont relayer l’information de l’action
simultanée du 1er Novembre en s’appuyant sur les déclarations de la direction
extérieure du FLN. Les ambitions maghrébines de Nasser ont été prises en compte
avec l’idée de la construction d’une figure politique mise en avant par celui
qui, selon l’orateur, «a trouvé en Ben Bella un allié malléable». La propagande
égyptienne (la Voix
des Arabes) et la presse française ont fini par construire un mythe pourtant, souligne-t-il,
la tête de la Révolution
va très vite échapper au duo Boudiaf-Ben Bella au profit du duo Krim Belkacem-Abane
Ramdane, ce dernier, ancien du PPA sorti de prison en 1955, ayant connu
également une ascension fulgurante et des actions énumérées à titre indicatif
et qui vont rester dans l’histoire. Avec l’assassinat de Abane Ramdane, «l’ennemi
personnel de Ben Bella est définitivement écarté», note l’historien qui estime
par ailleurs que le détournement de l’avion du sultan marocain et l’arrestation
de la délégation extérieure du FLN ont bénéficié, à terme, à Ben Bella. Entre
alors en compte le futur groupe d’Oujda avec Boumediène en qualité de chef
d’état-major qui va contacter Ben Bella (Boudiaf n’ayant pas adhéré) afin de se
doter d’une légitimité historique et politique.
A
son accession à la tête de l’Etat après l’indépendance, son biographe dira de
lui : «Il n’a pas de doctrine, mais une sensibilité et des références. Il est
sincèrement socialiste, au sens du ‘’marxisme objectif’’, qui renvoie à l’idée
que l’Etat nouveau doit récupérer, contrôler et développer les richesses
nationales face aux prétentions des anciennes classes possédantes, ce qui lui
vaut l’appui de Boumediène, puis le ralliement du parti communiste. Mais il
accueille aussi, avec conviction, la stratégie autogestionnaire que lui propose
une partie de la gauche du FLN, dont Mohamed Harbi est le chef de file.» Les
deux ans et demi passés à la tête du jeune Etat algérien n’ont pas été de tout
repos pour lui, au point qu’à la veille du coup d’Etat de 1965, on enregistrait
déjà moins de ferveur populaire avec les promesses de l’indépendance qui ont
tardé à venir.
A
propos de cet événement, Carlier pense qu’«il (Ben Bella) avait, grâce à des
soutiens internes mais aussi externes (Nasser, Castro), les moyens de riposter,
mais il ne l’a pas fait». Une question qui restera posée, l’intéressé ayant, de
son vivant, toujours évité d’y répondre, selon le même historien. Avec lui, «Alger
était bien en train de devenir la
Mecque des mouvements de libération», poursuit-il en
n’omettant pas de souligner a contrario le renforcement de l’aspect policier de
son pouvoir avec, notamment, l’arrestation de Boudiaf et la condamnation à mort
d’Aït Ahmed, prémices pour l’organisation de l’opposition à l‘extérieur du pays.
«Les clivages entre conservateurs et progressistes, religieux et laïcs, pro et
anti-militaires, arabistes et algérianistes, tiers-mondistes et arabo-islamistes
qui ont été bousculés par les pro et anti-Ben Bella sont autant de catégories à
déconstruire», note le conférencier en référence aux dissensions internes. Ben
Bella – qui ne se doutait pas que celui qu’il a connu au Caire et qu’il a promu
allait le renverser – ne va rebondir qu’après sa libération en 1982 avec la
création du MDA. Hormis certains aspects de la vie privée de l’homme, Carlier
va évoquer les échecs liés à son retour sur la scène politique après
l’ouverture de 1988, mais va également aborder certains changements
d’orientation en fonction des situations de l’heure, comme évidemment
l’acceptation du multipartisme, le rapprochement avec la tendance islamique ou
sa réconciliation avec Aït Ahmed (conférence commune de Londres dans les années
1980), avec Bouteflika après le retour de celui-ci en 1999, etc. Pour le
biographe, «le populisme et l’opportunisme n’excluent pas la sincérité».
Djamel
Benachour
ElWatan,17 avril 2012
P. P. d'Assac à travers ses travaux à touché à un sujet qui vous concerne directement en tant qu'arabo-musulman ou encore nationaliste arabe...
RépondreSupprimerSurtout cette dernière conférence sur « le rôle du décret Crémieux dans la détérioration des relations franco-arabes », veuillez trouver le lien de la vidéo ci-dessous :
http://ploncard-dassac.over-blog.fr/article-le-role-du-decret-cremieux-dans-la-deterioration-des-relations-franco-arabes-113771410.html
La liste des sujets qui ont étés traités (entre autre) :
- l’Épopée coloniale (Algérie française).
- Les différents aspects (positifs et négatifs).
- La IIIème république maçonnique-athée.
- Le décret (Adolphe Isaac) Crémieux.
- Les insurrections en Algérie.
- Édouard Drumont et La France juive.
- De Gaule et le décret Crémieux.
- Immigration massive, doubles nationalités, métissage forcé et le Grand-Orient avec droit du sang.
- Le judaïsme et la nouvelle alliance.
- Les harkis et les pieds noirs.
- Iran et Vatican...
El tantric mаssage en si а ԁeuѕa no tantric maѕsage.
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