Cher(e)s ami(e)s, cher(e)s
camarades,
C’est
avec une grande émotion que je m’adresse à vous en ce jour si particulier, une
émotion provoquée par les souffrances que cet hiver rigoureux a infligé à notre
peuple, révélant encore et toujours l’absence de l’état. Désorganisation et
irresponsabilité, sont à considérer comme la principale menace contre la
sécurité des algériennes et des algériens et de notre pays tout entier.
Nous
ne pouvons plus nous contenter de rendre hommage au courage et à l’abnégation
des solidarités effectives, qui se sont exprimées de manière spontanée au sein
de la population. Ceci est depuis toujours la marque de grandeur du peuple
algérien. Un ami de ce peuple, Paolo Lombo, l’ancien représentant des
Nations-Unies à Alger, a eu l’occasion d’en témoigner lors du tremblement de
terre de 2003 quand il a rendu hommage aux algériennes et aux algériens, à
leurs valeurs de solidarité et de fraternité. Il me revient à l’esprit que ce
fin observateur extérieur de l’Algérie avait déjà à cette occasion noté que ce
qui manquait à notre pays n’était pas une batterie de lois mais un dispositif
et une volonté politique qui rendraient possible leur application. Il avait
souligné une tare de son système de pouvoir et répondu à un propos raciste de
Berlusconi sur l’infériorité de l’Islam sur la civilisation occidentale. Les
autorités algériennes ont alors demandé, et obtenu, son départ d’Alger. Elles
se sentaient certainement plus proches de Berlusconi que de leur propre peuple,
tout comme aujourd’hui elles se sentent plus proches des propos et des
manoeuvres policières racistes d’un Guéant que des mobilisations et des
revendications légitimes des algériennes et des algériens.
Cher(e)s ami(e)s, cher(e)s
camarades,
Mon
émotion est aussi liée à ce moment particulier de la vie de notre parti, un
moment à la fois modeste et extraordinaire.
Modeste,
d’abord au regard de nos ambitions et de nos potentialités, il n’était pas
écrit, si ce n’est dans les recoins obscurs des officines d’ici et d’ailleurs,
que les algériennes et les algériens en viendraient un jour à débattre de
l’utilité d’une participation électorale quand tant de défis sont encore à
relever.
Oui,
cette petite salle de cinéma au passé si chargé, aurait pu nous voir discuter
des moyens de sortir de la dépendance alimentaire, énergétique, industrielle,
culturelle, politique…Nous aurions même, plus modestement, pu être occupés par
un débat sur les modes de scrutin ou les prérogatives institutionnelles de
telle ou telle assemblée et cela n’aurait pas été déprimant, compte tenu de
l’évolution permanente des conditions de l’exercice politique et démocratique à
travers le monde et l’histoire.
Mais
nous voici, contraints par l’état de délabrement du pays, à discuter de
l’opportunité de participer ou non à une consultation électorale. Et une telle
discussion se tient dans un contexte de dévoiement des pratiques politiques,
électorales ou non électorales, autant que des instruments de contrôle. Nous
sommes arrivés à un moment où les consciences elles-mêmes sont soumises à une
pression intolérable en vue de leur détournement.
Et
c’est là que l’aspect extraordinaire de cet évènement prend sa pleine mesure.
Un
homme perché sur le sommet d’une montagne peut se croire plus grand que tous
les hommes, mais qu’un séisme vienne à faire trembler cette montagne, et le
voici à terre. Mais un homme porté par des idées et des actions discutées et
partagées avec d’autres hommes peut construire une maison qui résiste aux
séismes. Ce parti et ce pays sont notre maison à bâtir envers et contre tous
les séismes.
Cette
convention est un aboutissement comme vous l’a si bien dit Da Ali Laskri.
J’aimerais ajouter qu’il s’agît là également d’un commencement. Laissez-moi
vous faire un aveu. Les clivages qui traversent le parti ont failli, plus d’une
fois, le perdre. Surtout durant les années de braises et de cendres dans
lesquelles le pays a été plongé malgré lui. J’assume avoir dû, dans des
conditions extrêmement pénibles, prendre des décisions qui ont pu sembler
unilatérales. Elles ne l’ont jamais été. Il m’est arrivé de trancher entre des
propositions différentes, voire divergentes, mais je n’ai rien ordonné ni
engagé selon mon seul entendement, car nul homme sensé ne devrait laisser son
jugement tributaire de son seul entendement.
Les
conditions de semi-clandestinité (qui sont pires que celles de la clandestinité
véritable qui ont une cohérence intrinsèque) nous ont contraints non seulement
à donner un caractère semi-clandestin à nos délibérations, mais ces conditions
ont également permis au pouvoir de plaquer sur nos propres divergences les
manoeuvres malveillantes de sa police politique. Suscitant et encourageant le
travail de sape et de division dans le parti comme dans le pays. Exacerbant la
méfiance et cultivant la paranoïa pour mieux casser les liens qui font la force
des peuples.
Notez
que la même méthode a été utilisée pour nous accuser, tour à tour, de menacer
l’unité de l’Algérie, celle du « pôle démocratique » enfin celle de la Kabylie.
Cher (e)s ami (e )s, cher
(e)s camarades,
A
l’unité de la Kabylie
nous tenons autant qu’à l’unité de chaque région d’Algérie et de l’Algérie
elle-même. Un coup d’œil sur notre histoire, et un regard sur le monde, nous
montrera aisément combien l’unité de chacune des parties est tributaire de
l’unité du tout, qui les constitue autant qu’elles le constituent.
Quant
au « pôle démocratique » il sera peut-être à l’ordre du jour (et peut-être
pas), quand la politique reprendra ses droits sur le bricolage inconscient, les
mensonges, les manipulations et les enfermements de tous ordres. Car ce sont
précisément ces mensonges, ces manipulations, ces enfermements qui menacent la
notion d’unité elle-même, à force de l’avoir instrumentalisée contre la
diversité et le pluralisme réellement existants au profit d’autres fabriqués de
toutes pièces.
Cher (e)s ami (e)s, cher
(e)s camarades,
Il
est bien peu probable que les prochaines élections soient des élections
ouvertes. En fait, et sans précautions inutiles, les prochaines élections n’ont
aucune chance d’être des élections ouvertes. Nous ne pourrons donc pas assurer
que nous allons sanctuariser le pays, veiller à la sécurité nationale et
initier le changement démocratique en y participant. Nulle équipe, nulle
institution n’est en mesure aujourd’hui d’assurer à l’Algérie une « immunité
électorale » contre tous les périls qui la guettent.
Mais,
par ailleurs, aucun boycott ne peut assurer qu’il constitue une alternative
efficace à la participation. Ce dilemme n’est pas sans rappeler notre fameux «
Ni république intégriste, ni Etat policier » dont tant se sont moqués… avant
d’en constater la pertinence.
Cher(e)s amis(e), cher(e)s
camarades,
Je
ne vous en dirais pas plus aujourd’hui sinon que j’attends des débats que vous
avez eus lors de ces derniers mois qu’ils éclairent notre démarche autant que
notre décision finale. Le troisième élément de l’émotion qui m’étreint en ce
moment est, d’une certaine manière, le liant entre notre expérience du passé
proche et moins proche, et les enseignements que nous en tirons pour nous
projeter dans l’avenir, dans l’histoire et dans le monde.
Vous
l’avez compris, je veux parler de la profonde tristesse qui m’a saisi à
l’annonce de la disparition de Si Abdel hamid Mehri. Que dire qui soit à la
mesure de l’homme ? J’ai perdu des camarades, des amis et des frères sur mon
chemin de vie. Beaucoup sont à mes yeux irremplaçables. Mais de Si Abdel Hamid,
je peux juste dire, aujourd’hui, que tout militant politique, démocrate et
patriote sincère, devrait avoir la chance de rencontrer un militant de sa
stature, de sa droiture, de son intelligence et de s’en faire un ami dans la lutte.
C’est
pourquoi cette Convention nationale a été dédiée à Monsieur Abdel Hamid Mehri.
En hommage à sa haute conception de l’engagement politique.
Je
vous transmets mes plus chaleureuses salutations.
Hocine Aït-Ahmed
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