(In El Watan) Il
ne se passe quasiment pas de jour sans que de nouveaux cas d’immolation par le
feu soient signalés. On ne compte plus ces Algériens qui se transforment en
torches humaines pour crier leur désarroi dans une société qui semble faire la
sourde oreille à leurs souffrances. Après les harraga, voici donc venu le cycle
des grands brûlés de la vie. On est
passé de l’eau au feu, et l’expression de la détresse sociale est ainsi montée
d’un cran. En négatif, le tableau noir d’un peuple profondément tourmenté.
En
épluchant les comptes rendus de presse, il ressort clairement que,
contrairement à une idée largement répandue, les Algériens n’ont pas attendu
Mohamed Bouazizi, l’icône de la révolution tunisienne, pour passer à l’acte.
Même si l’année 2011 a
connu une véritable explosion du phénomène, les immolations ont commencé bien
avant. Le premier cas à avoir défrayé la chronique, faut-il le rappeler, est
celui de Djamel Taleb, 40 ans, entrepreneur établi à Djelfa, qui s’est immolé
par le feu, le 18 mai 2004, devant la
Maison de la presse, à Alger, pour protester contre la saisie
de ses biens par la justice. Le 29 octobre 2009, c’est toute une famille qui
s’asperge d’essence à l’APC de Chlef suite à la démolition de sa construction
jugée illicite.
L’année 2010 a été également émaillée par plusieurs tentatives de suicide par le feu. Le 10 avril, un agriculteur de 52 ans s’est brûlé vif après qu’une décision de justice eut été prononcée à son encontre par le tribunal de Remchi. En voulant le sauver, un jeune étudiant, Mustapha Benbekhti, sera mortellement dévoré par les flammes. Le 20 janvier de cette même année, trois chômeurs mettent le feu à leurs corps devant la direction de l’action sociale de la wilaya d’Oum El Bouaghi.
L’année 2010 a été également émaillée par plusieurs tentatives de suicide par le feu. Le 10 avril, un agriculteur de 52 ans s’est brûlé vif après qu’une décision de justice eut été prononcée à son encontre par le tribunal de Remchi. En voulant le sauver, un jeune étudiant, Mustapha Benbekhti, sera mortellement dévoré par les flammes. Le 20 janvier de cette même année, trois chômeurs mettent le feu à leurs corps devant la direction de l’action sociale de la wilaya d’Oum El Bouaghi.
Cependant,
il est indéniable, comme nous le disions, que l’année 2011 a enregistré un
véritable pic à ce sujet. Parmi les cas les plus marquants, celui de cette
femme résidant à Biskra, de condition modeste, mère de six enfants, dont quatre
en bas âge. Elle a aspergé de carburant toute sa progéniture après s’être
imbibée elle-même (Liberté du 21 mai 2011). Dans le même registre, on retient
le geste désespéré de ce père de famille, originaire de la localité de Aïn
Rahma, dans la wilaya de Relizane, chauffeur au parc communal de son état, qui,
profitant que sa femme et ses trois enfants faisaient la sieste (c’était au
mois de Ramadhan, le 11 août), a mis le feu à sa demeure.
Il
est important de souligner que le phénomène n’épargne désormais personne :
jeunes, vieux, chômeurs, lycéens, entrepreneurs, fonctionnaires… Même les imams
ne sont pas en reste, à en croire cette information rapportée par le quotidien
Ennahar : «L’imam de la mosquée El Makassem, commune d’El Hanaya, dans la
wilaya de Tlemcen, a tenté de se suicider par immolation dès que les services de
la commune, accompagnés par la
Gendarmerie nationale, avaient procédé à la démolition de son
habitation, construite illicitement.» (Ennahar du 2 juillet 2011).
Un instrument de revendication sociale
Le
logement et le chômage sont les mobiles les plus invoqués pour expliquer ces
actes. Mais en affinant notre enquête, il apparaît que le panel s’élargit à des
motifs frisant parfois la désinvolture comme le cas de ce jeune de Bordj Bou
Arréridj qui s’est immolé au siège de la wilaya pour s’être vu refuser un
récépissé de carte d’identité (Ennahar du 28 février 2011).
A
Chréa, dans la wilaya de Tébessa, un collégien s’est embrasé dans la cour de
son CEM suite au refus de l’administration de son établissement de valider le
certificat médical qu’il avait présenté pour justifier une absence de 17 jours
(Le Temps d’Algérie du 20 mai 2011). Dans 9 cas sur 10, les immolations se
déroulent sur la place publique, en ciblant le plus souvent un bâtiment
officiel : siège d’APC, daïra, wilaya, commissariat de police, direction de
l’emploi, tribunal ou quelque autre institution. Cela se passe rarement entre
quatre murs comme dans le cas des pendaisons par exemple, et autres suicides
exécutés en solitaire.
On
ne manquera pas de noter que les immolations sont devenues un instrument de
chantage, de négociation ou de pression, c’est selon, et tendent à s’ériger en
moyen de revendication sociale. Nous avons été interpellés en l’occurrence par
la multiplication des tentatives d’immolation collectives. Parfois, c’est un
groupe de chômeurs, d’autres fois, c’est un collectif de travailleurs d’une
même entreprise qui entendent protester par ce moyen contre leur précarité
socioprofessionnelle. C’est ce qui s’est passé en mars 2011 lorsque 10
travailleurs de la Société
des courses hippiques, qui avaient été suspendus, avaient menacé de s’immoler
simultanément (Le Soir d’Algérie du 17 mars 2011).
Autre
fait à retenir : la communication. Les immolations s’accompagnent, pour
certaines d’entre elles, d’une vraie mise en scène, d’un travail sur la
signalétique et sur l’image. Le cas de Lakhdar Malki est édifiant à ce propos.
Il avait pris le soin de se draper de l’emblème national et d’envelopper sa
fille d’un drapeau avant de gagner le siège de la BDL pour s’immoler. Des images
de son action manquée ont été prises avec un téléphone portable, et l’on
retrouve cela sur facebook et sur YouTube. Notre ami Madani de Ouargla a pris
des photos du jeune Mohamed Reghis qui s’est incendié dernièrement à Ouargla et
ces images ont fait le tour des réseaux sociaux. Les nouvelles technologies
permettent ainsi de combler un tant soit peu le déficit en images sur l’ENTV
qui observe un black-out total sur le sujet.
Ce
ne sont évidemment-là que quelques enseignements livrés en vrac. Il appartient
à la communauté scientifique de s’emparer de ce phénomène dont on peine à
cerner les contours. Pourquoi le feu ? Comment le fuel qui est l’emblème de
notre richesse nationale est-il devenu une arme de destruction massive ? Des
équipes de recherche pluridisciplinaires, des laboratoires spécialisés, sont
appelés à se mettre au travail pour se pencher sérieusement sur la question.
Des enquêtes sociologiques sont requises. La psychiatrie serait également d’un
apport précieux pour comprendre ce qui se passe dans la tête d’un homme qui
s’apprête à jeter sa vie au bûcher. Dans la foulée, il n’est pas interdit de
réfléchir à un protocole thérapeutique à même de prendre en charge les auteurs
de ces actes ainsi que leurs familles.
Bien
évidemment, une réponse de type scientifique au phénomène ne suffit pas. Une
réponse politique d’envergure s’impose. Au moment où nous abordons les
législatives, force est de constater que l’assemblée sortante ne s’est à aucun
moment donné la peine de consacrer un débat en plénière à cette tragédie. Aucune
commission d’enquête n’a été mise sur pied pour disséquer publiquement le
problème. «On dirait des chiens qui sont morts», nous disaient des citoyens au
bord du suicide. C’est une affaire de la plus haute gravité qui appelle, nous
semble-t-il, une intervention au plus haut niveau de l’Etat.
L’urgence d’une réponse politique
Il
n’est pas anodin de faire remarquer qu’à ce jour, aucun chiffre officiel n’a
été rendu public à propos des suicides par le feu. C’est pourtant un secret de
Polichinelle que de dire que cela a pris des proportions alarmantes. Cela a dû
franchir aisément la barre des 100 victimes quand on sait que le service des
grands brûlés du CHU d’Oran a enregistré à lui seul 45 tentatives d’immolation,
dont 43 ont succombé à leurs brûlures (Liberté du 12 novembre 2011). Le
gouvernement craindrait-il à ce point de rendre publiques ces statistiques ?
Cela risque, on le comprend, de porter un cinglant discrédit à sa gestion.
Nous
avons fait 2500 km
à sillonner le pays. Deux régions connues pour leurs richesses minières et
énergétiques ont particulièrement retenu notre attention : Ouargla et Tébessa.
Les
citoyens de ces wilayas se demandent à juste titre comment se fait-il qu’ils
manquent à ce point de tout au moment où leur potentiel les autorise à aspirer
à une vie nettement meilleure. Cela nous fait penser fatalement à cette formule
de Benbitour qui a fait florès : «Un pays riche pour un peuple pauvre.» Au
moment où nous célébrons le cinquantenaire de l’indépendance, l’épidémie des
immolations par le feu couplée à celle des harraga sonne comme un aveu d’échec.
Nous ne comptons plus le nombre d’Algériens qui nous disaient un peu partout :
«Mazal ma edinache listiqlal.» «Nous n’avons pas encore accédé à
l’indépendance.» Cela est sorti même de la bouche d’anciens maquisards pour qui
le combat libérateur, le serment fait aux chouhada, ont été trahis. Puisse
l’Algérie renaître des cendres de ses enfants…
Mustapha
Benfodil
InEl Watan, 29 janvier 2012
Multiplication des suicides par le feu
Une profonde détresse sociale
Direction
de l’emploi de la wilaya de Ouargla. Nous sommes dans la cité administrative.
Les bâtiments, lugubres au possible, abritent également la direction des
affaires religieuses de la wilaya ainsi que l’agence foncière. Des immondices
jonchent les lieux.
Dans
un couloir de l’agence de l’emploi, une image saisissante happe d’emblée le
regard : des chaises calcinées sont entreposées négligemment. Un bidon en
plastique, de couleur bleu, posé sur les sièges carbonisés. Ce sont-là les
«reliques» de l’acte désespéré de
Abdallah Q’bili, qui s’était immolé dans ces mêmes locaux le 14 novembre
dernier. Le bidon bleu serait celui-là même qu’il avait vidé sur son corps.
Abdallah rejoint ainsi la longue liste des Algériens qui se brûlent vifs par
dizaines pour exorciser pour de bon le mal-être qui les ronge. «Abdallah s’est
immolé dans le bureau même du directeur de l’agence de l’emploi», précise
Madani Abderraouf El Madani, membre du bureau de la LADDH de Ouargla. C’est
l’une des dernières personnes à l’avoir rencontré.
Le
14 novembre 2011, Abdallah, juriste de formation, originaire d’un quartier
périphérique de Ouargla dénommé Saïd Otba, se dirige pour la énième fois vers
la direction de l’emploi avec l’espoir d’en ressortir avec un poste. Il était
écrit que ce serait la dernière fois qu’il supporterait l’opprobre d’essuyer
une fin de non-recevoir. C’était le camouflet de trop. Profondément dépité, il
s’asperge d’essence. Brûlures au troisième degré. Il dévale les escaliers du bâtiment
maussade tel une boule en feu.
Après
avoir vu une bonne partie de son corps dévorée par les flammes, Abdallah finit
par être évacué à l’hôpital Mohamed Boudiaf de Ouargla. Au wali venu lui rendre
visite à l’hôpital, il trouve la force de lancer : «Vous voyez bien cheikh, je
n’ai fait que demander un boulot. J’ai 30 ans, je n’ai rien. Je dépends de mes
parents. Je n’ai pas demandé l’impossible, juste travailler, même pour 12 000
DA.» (lire à ce propos l’excellent reportage de notre collègue Houria Hadji
sous le titre : «Abdallah voulait juste un emploi» dans El Watan Week-end du 25
novembre 2011). Paniquées, les autorités le font transférer vers l’hôpital de
Douéra. Une semaine après son acte suicidaire, Abdallah Q’bili rend l’âme. Il
avait à peine 30 ans. Son inhumation avait tourné à l’émeute.
«Tout ce qui te reste à faire, c’est de t’immoler !»
Madani
décrit un garçon plein de détermination et de bon sens doublé d’un battant dans
l’âme. Abdallah avait ainsi observé un sit-in de plus d’un mois, en juin
dernier, avec une dizaine de chômeurs devant le siège de la wilaya, pour
protester contre l’exclusion des jeunes de la région du marché du travail.
«Deux semaines avant sa mort, on est allés le voir avec un ami. Ce dernier
avait des ennuis avec les services de sécurité qui l’ont injustement arrêté et
confisqué sa voiture. Il a dit à Abdallah : ‘Trouve-moi une solution.’ Abdallah
lui a répondu : ‘Ton problème n’a pas de solution, tout ce qui te reste à
faire, c’est de t’immoler. Ici, tu n’as aucune chance d’obtenir réparation.’
Personnellement, je ne l’ai pas pris au sérieux. Et voilà qu’il passe à
l’acte.»
Selon
Madani, la wilaya de Ouargla aurait enregistré quelque 13 tentatives de suicide
ces dernières années, dont pas moins de quatre
par le feu. Outre le cas de Abdallah Q’bili qui avait plongé Ouargla
dans l’émoi, deux autres cas défrayèrent également la chronique. Ils se sont
distingués par un acte spectaculaire, lorsque, le 13 mars 2011, ils ont tenté
de se faire exploser avec une bouteille de gaz butane devant une caserne de
police sise à Saïd Otba. Hamza Ziouane, 23 ans, et Adel Aldjia, 26 ans, – c’est
d’eux qu’il s’agit – sont tous deux chômeurs et membres du Comité national pour
la défense des droits des chômeurs (CNDDC). Ils sont issus d’une famille
totalement déshéritée. Ils seront condamnés à trois ans de prison en première
instance avant de voir leur peine ramenée à un an de réclusion. «Ce qui s’est
passé est qu’ils ont ramené une bouteille de gaz, ils l’ont posée pas loin d’un
centre de la Sûreté
nationale», raconte Madani.
«Leur
intention était juste d’attirer l’attention sur leur désarroi. Celui qui a
l’intention d’attaquer une caserne de police l’aurait jetée à l’intérieur. Ils
étaient décidés à en découdre. Ils étaient à bout, karhou. La justice les a
condamnés pour tentative d’incendie criminel. C’est complètement aberrant. Il
s’agit d’une tentative d’immolation un peu particulière pour dénoncer la hogra
et attirer l’attention sur leur condition de chômeurs.» Il faudrait à ce
cortège déjà long de suicidaires ajouter le cas de Mohamed Reghis, un jeune de
18 ans, originaire de Oum El Bouaghi, qui a tenté de s’immoler le 18 décembre
dernier, à Ouargla toujours, peu après notre passage dans cette ville. Il
voulait s’incendier devant le commissariat de police de la cité Ennasr, selon
des sources locales, pour protester contre la confiscation de sa moto. Son état
est jugé critique.
La «Principauté pétrolière» de Hassi Messaoud
Cette
profonde détresse sociale tranche violemment avec les richesses «putatives» de
la wilaya. C’est le cas de nombre de nos wilayas sahariennes qui sont le ventre
de «l’Algérie utile», et qui ne tirent aucun bénéfice ou si peu de leurs
trésors souterrains.
Les
habitants de Ouargla ont toujours besoin d’un laissez-passer pour accéder à
Hassi Messaoud qui est juste à 80
km, ce qui ne manque pas d’accentuer leur sentiment
d’exclusion de cette «principauté pétrolière» qui prend les allures d’un
territoire offshore. Sans mauvais jeu de mots, on note que d’un côté, nous avons
les «mahrouqate» (hydrocarbures), et de l’autre, une pléthore de «mahgourine»
(laissés-pour-compte) qui deviennent, pour certains, des «mahrouquine» (des
immolés) à force d’humiliation. Chaque matin, l’antenne locale de l’ANEM est
assaillie par une foule de demandeurs d’emploi. Ils sont entassés par dizaines
dans un bureau nu et exigu en ce matin frisquet de décembre. Les locaux sont
sales et poussiéreux. Walid, 25 ans, est du nombre des postulants. Il est là
depuis 7h.
D’autres
font le guet depuis 6h du matin. Walid a arrêté ses études en 9e AF. Il aspire
à un job d’agent de sécurité. Il enrage d’avoir été rayé d’une liste sur
laquelle, pourtant, son nom figurait. «Mon nom était clairement inscrit sur une
liste d’embauchés pour le compte d’une société japonaise. Mais au prétexte
qu’il y avait erreur sur le matricule, mon poste a été affecté à quelqu’un
d’autre. Maintenant, je suis obligé de refaire toute la procédure», se
plaint-il. Walid a déjà travaillé pour des sociétés étrangères ayant pignon sur
rue dans la région. «J’ai, entre autres, bossé dans une société syrienne à
Gassi Touil. On posait des pipe-lines dans des conditions infernales. Je n’ai
pas pu tenir plus d’un mois. On était payé 17 000 DA pour 12 heures de travail
par jour. C’était de l’esclavage.» Walid ne manque pas de charger au passage
les boîtes de sous-traitance qui, dit-il, font de l’exploitation à outrance.
«Ils prennent de grosses commissions et nous versent des miettes. Et si tu
ouvres ta gueule, ils te disent : kayen ghirek fe’soug !
Ces
sociétés sont le ‘‘gilet pare-balles’’
des multinationales. C’est pour leur éviter des ennuis en cas de litige
avec les travailleurs. Ce sont des parasites.»
Une circulaire signée Ahmed Ouyahia fut émise le 14 mars 2004, en vertu
de laquelle l’activité de ces sociétés fut gelée. Sept ans plus tard, la
situation ne semble pas avoir bougé à Ouargla, et la mort tragique de Abdallah
Q’bili n’est pas pour démentir ce
marasme.
Maâmar
Belabbès, 35 ans, est membre du Comité national pour la défense des droits des
chômeurs qui a vu le jour en février 2011. Il déplore vivement «la
marginalisation programmée des compétences locales». «Ici, on voit des
expatriés qui sont embauchés alors qu’ils n’ont pas de qualification
particulière. Il existe un racisme de classe à Ouargla. Le népotisme et la
bureaucratie sont la règle. Les pauvres sont exclus du dispositif de l’emploi à
Ouargla», dénonce-t-il. Maâmar insiste sur le fait que le CNDDC se veut avant
tout un partenaire pour une meilleure équité dans la répartition des postes :
«Nous ne sommes pas des casseurs. Maranache mouâradha taâ tekssar. Nous voulons
juste qu’il y ait un peu de transparence dans l’attribution des postes
d’emploi. Il n’y pas de mécanisme clair pour une politique de recrutement
équitable. Il y a des sociétés qui embauchent par-dessus la tête de l’ANEM.»
Virée
dans le dédale du vieux ksar de Ouargla, le site le plus ancien de la ville.
L’état du ksar renseigne à lui seul, si besoin est, sur la situation
extrêmement précaire d’une bonne partie de la population ouarglie.
Des
familles entières vivent dans des habitations
troglodytes. La Casbah
tombe en miettes par pans entiers. Une femme vient d’y trouver la mort après
l’effondrement de son toit. Moussa, 44 ans, gardien dans une entreprise, témoigne
: «Quand je me couche le soir, je prononce la chahada. Et quand je me lève le
matin, je remercie Dieu d’avoir prolongé ma vie et celle des miens. Nous vivons
dans la précarité la plus totale.
Nous
sommes carrément en danger. Ici, on dort la peur au ventre. J’ai été voir le
chef de daïra pour réclamer un logement, il m’a dit : achète un guitoune. Je
vais acheter une tente et la dresser devant la daïra!»
Mustapha
Benfodil
In
El Watan, 29 janvier 2012
Lakhdar Malki :
«Je ne suis pas un Bouazizi, je veux juste un
logement décent»
Il
avait tenté de s’immoler avec sa fille handicapée devant la direction générale
de la BDL, à
Staouéli. C’était le 30 janvier 2011. Il s’agit de Lakhdar Malki, 42 ans, agent
de sécurité et de prévention au sein de cette banque.
On
s’en souvient, sa tentative d’immolation, avortée suite à l’intervention d’un
vigile de la banque qui l’avait empêché in extremis d’actionner son briquet,
avait déclenché un vaste mouvement social de plusieurs jours de la part du
personnel de la BDL.
Lakhdar Malki est devenu, un peu malgré lui, la voix et le
visage des immolés. Il nous avait reçu, peu après son suicide manqué, chez lui,
à la Bridja,
près de Staouéli. Une habitation des plus glauques, promise à l’enfer été comme
hiver. Exhibant les méchantes irritations provoquées par le carburant au
contact de sa peau, il nous expliquait à l’époque, avec des mots durs, les
raisons qui l’avaient poussé à une telle atrocité. Il eut notamment cette
formule chargée de fiel et de colère, qui résume sa condition : «Rani mahroug
mel dakhel !» «Je brûle de l’intérieur et l’enfer, j’y suis déjà ! Je préfère
l’enfer de Dieu que l’enfer que m’infligent les hommes» martelait-il (Voir El
Watan du 31 janvier 2011).
Il
dénonçait la précarité de sa situation professionnelle, lui qui était toujours
contractuel après 18 ans de service. Il s’était particulièrement appesanti sur
ses tourments de père ayant à sa charge une fille handicapée, en l’occurrence
la petite Maria, 11 ans, celle-là même qu’il avait embarquée avec lui dans son
entreprise suicidaire en recouvrant sa chaise roulante de l’emblème national.
Maria est atteinte d’une IMC, une insuffisance motrice cérébrale. Nous avons
retrouvé Lakhdar près de chez lui. Qu’est-ce qui a changé depuis, dans sa vie ?
La bonne nouvelle est que sa situation professionnelle s’est nettement
améliorée. Lakhdar a été permanisé. Il se plaignait, avant, de ce que le poste
auquel il avait été affecté, à Souidania, ne lui convenait pas au point où,
dans un accès de dépit, il avait tenté de se pendre dans son bureau. C’était un
mois avant son immolation avortée. Aujourd’hui, il travaille dans une structure
de la BDL, à
Ouled Fayet, qui lui sied parfaitement. Pour autant, Lakhdar n’est pas tout à
fait satisfait. S’il a meilleure mine, le moral est toujours en berne. «J’habite
toujours dans ce sinistre taudis que je partage avec mes sept frères», se
plaint-il.
Père
de trois enfants, avec un quatrième en route, Lakhdar voit sa petite famille
grandir. Loin de s’en réjouir, il angoisse à l’idée de ne pouvoir leur offrir
le minimum de vie décente.
«Ma baraque est mon tombeau»
Quelques
mois après sa première tentative, Lakhdar Malki prend ses enfants et se dirige
vers la daïra de Zéralda où il fait un scandale. «J’ai menacé de me couper les
veines avec un cutter», raconte le suicidaire récidiviste. «Le wali délégué de
Zéralda et le maire de Staouéli m’ont apporté leur soutien. Mais ils me disent
qu’il n’y a pas de logements disponibles pour le moment. Pourtant, il y a plein
de logements qui sont fermés. Qu’est-ce qu’on attend pour les distribuer ? Le
wali d’Alger doit se pencher sur mon cas. La clé de mon problème est entre ses
mains.»
Les
cris d’alarme de Lakhdar lui ont valu de belles marques de sympathie. Des
associations lui ont manifesté leur solidarité, à l’instar de l’association El
Amel de Bab El Oued pour les personnes handicapées. Des bienfaiteurs privés
aussi. Lakhdar nous confie que même les services du DRS se sont intéressés de
près à son cas : «Des gens du DRS sont venus me voir plusieurs fois. Ils me
téléphonaient pour avoir de mes nouvelles. Ils me disaient : ‘Ta fille est
notre fille.’ Ils étaient aux petits
soins. Ils m’ont promis de toucher un mot au wali.» Lakhdar ajoute : «Un
commissaire divisionnaire est venu également me parler, il m’a dit : ‘Ne laisse
pas les gens t’utiliser. Il faut penser au pays’.» Et de lancer : «Moi, je ne
fais pas de politique. Je ne suis pas un Bouazizi. Je veux juste un toit décent
pour mes enfants.»
Forçant
sur la métaphore, Lakhdar compare sa demeure à une sépulture : «Ma baraque est
mon tombeau. Ne manque que le ‘chahed’, la pierre tombale. On est des
morts-vivants.» A un moment donné, il éclate en sanglots en songeant à sa
petite Maria : «J’ai juste envie de mettre ma fille à l’abri. Elle n’a même pas
assez d’espace pour ramper. Si les handicapés n’ont aucun droit dans ce pays,
qu’on nous le dise ! Je ne souhaite pas à nos responsables d’avoir un enfant
handicapé à leur charge, mais au moins, qu’ils pensent à nous. Lazem ihessou
bina chouiya. D’ailleurs, qu’ils sachent qu’aux prochaines élections, je ne
voterai pas.
Ni
moi ni aucun membre de ma famille !»
Mustapha
Benfodil
In
El Watan, 29 janvier 2012
Madani Abderraouf, le cyberjusticier de Ouargla
Madani
El Madani Abderraouf est la voix des sans-grades à Ouargla. Véritable journaliste
citoyen, ses billets font fureur sur la Toile.
C’est
une sorte de «cyber-justicier» que craignent les notables locaux au point de
les obliger à traquer ses chroniques acides sur facebook et autres
interventions filmées sur YouTube. On
lui doit un blog et une page sur facebook sous le titre : «Akhbar Ouargla»
(http://fr-fr.facebook.com/freeouargla). «On me lit plus que les correspondants
locaux de la presse traditionnelle», se targue-t-il. Les gens l’apostrophent à
chaque coin de rue.
«Madani,
tu as entendu parler des jeunes qu’ils ont arrêtés à Ain El Beïdha ? Ce matin,
ils en ont encore interpellé 12». «OK, je vais poster ça.» Madani croit
fermement au pouvoir de l’information. «Personne ne te protège ici à Ouargla,
ni la police, ni la gendarmerie, ni la justice. Notre seule protection, c’est
la presse» argue-t-il. Madani s’est forgé la réputation d’un opposant farouche
qui n’a pas froid aux yeux, lui qui n’a pas sa langue dans sa poche pour
dénoncer les abus de pouvoir, le chômage outrancier, les magouilles des
potentats locaux, et surtout la détresse sociale de ses concitoyens. Issu
lui-même d’une famille démunie, Madani a un parcours scolaire exemplaire. Son
baccalauréat en poche, il s’inscrit en sciences politiques. Mais il arrête à
mi-parcours. Il se met ensuite à des études d’informatique dans un institut
privé. Bien que très brillant et d’une intelligence remarquable, Madani est
aujourd’hui vigile au grand marché de Ouargla. «Je travaille comme agent de
gardiennage de 20h jusqu’au petit matin à veiller sur les marchandises et je
prends 50 DA par étal», dit Madani.
Féru
d’internet, les réseaux sociaux sont devenus sa tribune d’expression.
Un
outil qu’il met au service de son engagement citoyen, engagement qui le
conduira à intégrer les rangs de la
Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH),
dont il devient très vite l’un des membres les plus actifs.
Madani
ne comprend pas qu’une wilaya aussi opulente arbore autant de misère et de
sinistrose. «Pourtant, à Ouargla, on a tout. On a du pétrole, du gaz, et on a
même de l’uranium. Nous avons l’un des plus importants bassins hydriques du
pays. Et l’eau est absente dans nos robinets. Nos routes sont délabrées, notre
ksar tombe en ruine.
Une
wilaya comme Ouargla n’a pas de CHU. Aucune ville du Sud n’a de CHU. Ce n’est
pas normal.» Mais le chômage endémique reste, selon lui, le problème numéro 1.
«Il y a une mafia qui a fait main basse sur le marché de l’emploi à
Ouargla», accuse-t-il. «Ouargla mahmiya
khassa. Ouargla est une propriété privée. Il y a des nababs qui gouvernent ce
pays et qui sont au dessus de la loi. La loi est faite juste pour nous, les
pauvres citoyens.» Il ne manque pas, au passage, d’épingler les multinationales
: «Ces sociétés étrangères sont comme des bases militaires ou des ambassades. A
l’intérieur, tu es soumis à leur propre loi. Va exercer le droit syndical à
l’intérieur de ces entreprises.» Madani en est convaincu : «Il y a une
politique délibérée pour pourrir cette région. On a provoqué un complexe
d’infériorité chez le citoyen ouargli. Il y a une discrimination criante à
notre égard, à croire qu’il n’y a que le Tell qui a fait la Révolution. Cite-moi
un seul général du Sud. Il a fallu attendre 49 ans pour voir un présentateur du
Sud au JT de 20h. On est des citoyens de troisième classe. On vient après le
Polisario.»
Mustapha
Benfodil
In
El Watan, 29 janvier 2012
one time he cаme oѵeг we
RépondreSupprimeraffаiг ωith Daniel Daе
Kim's role. through these pathways it is idea that the life force or lively zip flows, this is known as and buttocks, as to the highest degree men and women hold a level of tightness in this domain. Avoid natural rubber stoppers the Thai massage involves peripheral foreplay, ie it acts as an external root of stimulation to specific Intragroup effects within the physical structure to create. Valley a
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