-
La société algérienne est sur un volcan. Tous les ingrédients de la
déflagration sont réunis
-
Nous avons perdu la valeur du travail comme moyen de réussite.
-
Au plan moral, la corruption n’est plus motif de honte et la violence est
devenue un signe de virilité
-
J’affirme qu’il faut aujourd’hui un sauvetage de la société avant celui du
régime — qui du reste est le reflet de la société — où certains préfèrent
maintenir le statu quo et recourir à la corruption afin de perpétuer le régime
-
L’immolation par le feu est le signe ultime de la maladie de la société
-
Ces augmentations de salaires sont un gaspillage des richesses du pays et
consacrent la corruption dans les mœurs
Entretien
réalisé par Brahim Taouchichet
Le
regard du sociologue Zoubir Arous, que nous avons rencontré dans son fief au
Cread (Centre de recherche en économie appliquée pour le développement) à
l’Université de Bouzaréah (qui a besoin au demeurant d’un sérieux lifting),
n’incite pas à l’optimisme. Sans être amer, il peut paraître excessif quant aux
risques d’explosion sociale du fait des émeutes récurrentes, les sit-in de
protestation, etc. Tout est fait selon lui pour que perdure un système à bout
de souffle mais qui arrive toujours à rebondir. Acheter la paix sociale par les
augmentations de salaires participe à la dilapidation des richesses nationales
et encourage la paresse, la corruption et le gain facile. Jusqu’au budget de
fonctionnement de l’Etat qui n’est plus constitué de la fiscalité générale mais
de la rente pétrolière ! Société malade, absence de travail productif, Zoubir
Arous en appelle au sursaut des consciences, au changement pacifique et
consensuel qui nous épargnerait violences et malheurs…
-Le Soir d’Algérie : Qu’attendre de cette Assemblée nationale à forte présence féminine et laquelle participent de nombreuses formations politiques ?
-Zoubir
Arous : En vérité, le
Parlement a de tout temps été une institution paralysée quels que soient le
contexte et les étapes par lesquels il est passé depuis sa création.
-Des lois ont été votées…
-C’est
vrai, mais on doit dire qu’il n’a jamais été l’initiateur de lois sur
lesquelles il devait légiférer. Les projets de lois lui sont imposés et il
n’est nul besoin de citer une loi précise. L’Assemblée nationale a été
incapable de jouer son rôle constitutionnel dans toutes les sessions, et ce,
pour plusieurs raisons dont l’absence de tout esprit d’initiative d’une part.
D’autre part, le pouvoir en place marginalise l’Assemblée. Nous sommes passés
par une période dangereuse qui consiste à légiférer par ordonnance et
par-dessus tout le député n’a pas conscience d’être investi d’une mission par
le citoyen. Il se pose comme élément du pouvoir exécutif et non de
l’institution législative, ce qui le coupe des citoyens. Des sondages montrent
que les jeunes en particulier n’attendent rien de cette Assemblée ni d’un
changement réel venant du Parlement. Quant à la forte présence féminine dans
cette Assemblée, elle est inattendue d’autant qu’elle n’est pas le résultat
d’une évolution naturelle de la vie politique. Avec tout le respect que je dois
aux femmes, leur présence vise beaucoup plus à embellir cette Assemblée, et
elle constitue le prétexte pour valider le discours sur l’égalité entre l’homme
et la femme. Pour ce qui est du nombre de partis politiques, je considère que
le but recherché est de noyer les partis dans la vie politique et rendre
inefficace leur action pour un changement politique réel.
-Quelle est alors votre lecture sur la crise que vivent tous les partis sans exception ?
-Tout
d’abord, ces partis revendiquent la démocratie mais ce ne sont pas des partis
démocratiques. Ils n’ont pas été créés sur une base de militantisme mais sur
une appartenance conjoncturelle d’intérêts. Ces partis ne sont pas composés de
militants mais de personnes qui se regroupent en fonction des opportunités et
dont les intérêts personnels sont primordiaux. Ce ne sont pas des foyers de
militantisme. De mon point de vue, la pléthore de partis politiques fait penser
à un plan du pouvoir. Les partis islamistes, dont la caractéristique première
était la discipline, sont devenus le terroir de partis dissidents. Cela est
tout aussi valable pour les partis démocrates et nationalistes. La migration
d’un parti vers un autre n’est pas une migration idéologique. Les gens qui
migrent sont tantôt démocrates tantôt nationalistes tantôt islamistes.
L’appartenance à une formation politique ne tient plus à des principes mais à
des intérêts personnels et le maximum d’avantages que pourrait offrir un parti.
-Les
revendications socioprofessionnelles dans toutes les corporations, les
manifestations, voire les émeutes récurrentes ne semblent pas mettre en danger
une paix sociale, même précaire, et l’explosion sociale dont parlent certains
analystes dont vous faites partie n’a pas eu lieu.
-Il
y a danger. On a échappé à ce qu’on appelle le printemps arabe. Evidemment, le
printemps algérien ne peut être occulté. Mais un mouvement social s’inscrit
dans un moment historique et non dans une période déterminée. Dans les années
1990, les revendications étaient politiques pour le changement du régime sur la
base d’un projet démocratique ou un projet dit islamiste. Nous devons revenir à
l’histoire du mouvement de revendications des années 1980. Nous ne partageons
pas la thèse de certains analystes qui affirment que le printemps arabe ne
passera pas par l’Algérie. Les revendications sont à caractère social mais
peuvent se transformer en revendications politiques à la faveur d’un facteur
déclenchant qui peut être l’augmentation des prix, des excès dans les mesures
sécuritaires ou autres. La société algérienne est sur un volcan. Tous les
ingrédients de la déflagration sont réunis. Plutôt qu’une explosion et la
violence, nous souhaitons qu’il y ait un changement pacifique consensuel grâce
à une bonne compréhension des aspirations populaires à tous les niveaux. Le
danger est que la catégorie sociale qui a provoqué l’explosion d’Octobre 1988
n’est pas celle d’aujourd’hui qui est consciente car elle est aussi constituée
d’universitaires. Elle ne croit pas au cadre organisé des partis politiques ni
aux associations de la société civile d’où le risque d’une anarchie générale ou
de violence incontrôlable.
-Corruption, course pour l’enrichissement par n’importe quel moyen, cette réalité n’épargne aucune couche de la société tandis que se développent dans le même temps de graves fléaux sociaux comme la drogue, la prostitution, la grande délinquance.
-La
société algérienne a été touchée dans son harmonie morale en profondeur en
particulier durant les années 1990. Les valeurs de la famille, de la solidarité
ont volé en éclats. Nous avons perdu la valeur du travail comme moyen de
réussite. Nous sommes arrivés à voir dans le vol, la rapine ou «ch’tara»
(débrouille), ou encore la corruption des moyens d’acquérir le pouvoir et plus
grave d’obtenir un droit. Notre société souffre d’une violence diffuse et
devient de ce fait une société violente. Cette violence est devenue
individuelle et incontrôlable. Les moyens (la famille) de sa maîtrise ont été
brisés. La société algérienne est malade au sens durkheimien, sociologique. Au
plan moral, la corruption n’est plus motif de honte et la violence est devenue
un signe de virilité. J’affirme qu’il faut aujourd’hui un sauvetage de la
société avant celui du régime — qui du reste est le reflet de la société — où
certains préfèrent maintenir le statu quo et recourir à la corruption afin de
perpétuer le régime.
-Le problème des harraga prend de l’ampleur de même que celui des suicides par pendaison ou immolation. Quelle thérapie pour une société où, apparemment, ces phénomènes se banalisent ?
-L’immolation
par le feu se produit dans le cas de désespoir extrême, lorsque tous les horizons
sont bouchés. Elle montre que notre société traverse de graves crises. La
solution est dans le changement de la gestion de la chose publique. Il n’existe
aucun endroit pour se reposer psychiquement. Ce n’est pas du suicide mais un
moyen d’expression d’un mal dont souffre la société et montre qu’on a perdu les
repères dans la conduite de notre vie quotidienne. L’immolation par le feu est
le signe ultime de la maladie de la société.
-Allons-nous
alors vers plus de problèmes et moins de solutions ?
-Tous
les indicateurs vont dans le sens de l’aggravation de la crise. Notre société
est devenue improductive. Par exemple : il y a quelques années, le budget de
fonctionnement de l’Etat était fait sur la base de la fiscalité générale.
Aujourd’hui, il est pris de la rente pétrolière. Nous sommes en face d’une
castration de la société algérienne du point de vue du travail productif. Il
faut des solutions radicales.
-Selon vous, tous ces maux que vit le pays viennent-ils du système ou des dirigeants qui se sont succédé depuis l’indépendance à ce jour ?
-Ce
n’est pas une affaire de gestionnaires. La corruption est organisée.
L’incapacité au travail est aussi organisée du fait des perversions induites
par le système moral pris comme un tout. En toute franchise, je dis à la
société algérienne tu es malade à tous les niveaux…
-Ceux
qui nous dirigent en ont-ils conscience ?
-Certes
oui, mais ils n’ont pas une stratégie claire. Mais certains gagnent à ce que
cette situation demeure en l’état.
-La
situation qui prévaut dans le Sahel peut-elle amener le régime à plus de
rigidité par rapport aux revendications de changement sous le prétexte des
dangers aux frontières ?
-Malheureusement
le système profite de l’environnement arabe et des pays africains du Sahel. Il
est parvenu à exploiter les événements en cours et ce qui s’est passé en Libye,
en Égypte et ce qui se passe actuellement en Syrie. Il faut dire que cette
période de silence par rapport aux revendications de changement ne durera pas
longtemps…
-Les
revendications salariales sont en général satisfaites…
-J’appelle
cela la corruption généralisée de la société. Elle ne peut assurer la paix
sociale car le corrompu plus il en a, plus il en voudra davantage. C’est le
cercle infernal. Il faut pousser les Algériens au travail, le travail productif
dans une stratégie de captation de la main-d’œuvre toutes spécialités
confondues jusqu’au plus simple travailleur. Ces augmentations de salaires sont
un gaspillage des richesses du pays et consacrent la corruption dans les
mœurs.
-Les partis politiques préfèrent- ils garder le silence ?
-On
ne peut pas généraliser car il se trouve dans certains partis des militants
sincères. Mais en Algérie, les formations politiques sont devenues partie
intégrante du système.
B.
T.
Source :
Le Soir d’Algérie 29-10-212
Greetings from Carolina! I'm bored to death at work so I decided to check out your site on my iphone during lunch break. I really like the info you provide here and can't wait to take a look when I get home.
RépondreSupprimerI'm shocked at how fast your blog loaded on my cell phone .. I'm not even using WIFI, just
3G .. Anyways, excellent blog!
Also visit my web page - Michael Kors Outlet
May I simply just say what a relief to uncover someone
RépondreSupprimerwho really understands what they are talking about on
the web. You actually realize how to bring a problem to light and make it important.
More and more people really need to look at this and understand this side of your
story. I can't believe you're not more popular because
you most certainly possess the gift.
Visit my web page ... Air Jordan 2013