samedi 9 juin 2012

Les dessous de la complicité Bouteflika–Emirats : De l'Etat rêvé à l'Etat scélérat

Après les révélations de TSA, documents à l'appui, sur les "conditions exceptionnelles" d'investissement de quelques Emiratis voraces, sur instruction de Abdelaziz Bouteflika, Le Matin revient, par de longs extraits d'un ouvrage collectif, Notre ami Bouteflika, coordonnée par Mohamed Benchicou et publié en 2010, sur les dessous de cette affaire et beaucoup plus. Le livre qui, comme l'on s'y attend, n'a pas été publié en Algérie, et de ce fait, loin de la portée du public algérien, est important à plus d'un titre. 
Informations et Réflexions reproduit ci-dessous les extraits tels que publiés par Le Matin.
Nous sommes en 1998. L’Algérie est en train de se relever, laborieusement mais triomphalement, d’une bataille impitoyable contre le terrorisme islamiste. Le coût en vies humaines est énorme. Les temps sont durs. Le pétrole est à son plus bas niveau. Le pays est boycotté. Les ambassades ont fermé. Les compagnies étrangères ont quitté le territoire. Il n’y a plus d’argent dans les caisses. Mais l’Etat, en dépit de tout, reste debout et n’a pas capitulé devant l’islamisme comme le recommandait la plateforme de Sant'Egidio. Le général Liamine Zéroual est élu massivement, et avec enthousiasme, malgré les mises en garde de l’organisation terroriste, le GIA, qui menaçait de s’en prendre aux citoyens qui se rendraient aux urnes. La Constitution est modifiée pour se baser désormais sur le pluralisme et la représentativité, essentiels pour s’engager dans un processus de transition démocratique. Elle abolit le pouvoir à vie et limite le nombre de mandats présidentiels à deux (art.74). La Constitution de 1996, après celle de 1989, reconnaît et garantit le droit de créer des partis politiques (art.42) et des associations (art.4), y compris syndicales (art.56). Le chemin est ainsi désormais ouvert vers le pluralisme. La Constitution de 1996 dispose que "le peuple choisit librement ses représentants" (art.10). Combiné avec d’autres articles sur les libertés et les droits, et aussi les articles 6, 7, 11, 71 et 101, la Constitution algérienne opte clairement pour un système politique démocratique.
Tout est encore loin d’être parfait. Les élections présidentielles de 1995 peuvent difficilement être créditées des caractères de liberté et d’honnêteté qu’exigent la Constitution et les résolutions des organisations internationales. Il reste que cette Algérie retrouve goût à la grandeur et courtise la démocratie. La lutte contre l’intégrisme islamiste a redonné une nouvelle légitimité au combat populaire. Ce pays qui ose l’intransigeance et dont le président Zéroual refuse de serrer la main à Chirac à Washington, inquiète les lobbies occidentaux et arabes.
Un complot international d’émasculation de l’Algérie va voir le jour, qui va faire démissionner Zéroual et livrer le pays à Abdelaziz Bouteflika. Il a réussi.
En quelques années, cet homme va stopper l’élan novateur de la société algérienne, décapiter l’embryon d’ouverture démocratique en Algérie, réduire la société au silence, réhabiliter l’islamisme, changer la Constitution, installer la corruption, aligner l’Algérie sur les dictatures arabes et faire le lit d’une kleptocratie, un pouvoir de malfrats, qui dirige aujourd’hui un Etat perverti, vide le pays de sa richesse et se livre aujourd’hui une guerre de gangs.
Aujourd’hui, l’Algérie n’est plus qu’un Etat bananier, une autocratie moyenâgeuse, dominée par la rapine et la trique, soumis au règne de la corruption et de la répression, c’est-à-dire aux marqueurs universels de la gestion mafieuse de la chose publique, soumis au régime de l’état d’urgence, où les rassemblements et les manifestations sont interdits, où les journalistes vont en prison, où des journaux indociles sont liquidés, des livres déplaisants brûlés, des écrivains pourchassés, des syndicalistes matraqués…
En janvier 2010, la France et les Etats-Unis classent l’Algérie parmi les 14 pays les plus "délinquants" de la planète, parmi les plus corrompus aussi, et on entend ces scandales qui retentissent à Alger, impliquant des « hommes du président », histoires d’argent sale, de meurtres et de peuple trahi… Alger, Chicago des années trente. Le sang mêlé aux affaires d’argent sale. Des responsables de l’Etat, tous "amis du président", sont gravement mis en cause dans des affaires de détournement de milliards d'euros blanchis dans l'immobilier dans les quartiers chics d'Alger, Paris et Barcelone.
Le chef de la police, Ali Tounsi, est abattu dans son bureau.
Qui l’a tué ? "Affaire de clans", dit-on à Alger. Alger où tout est allé trop loin, beaucoup trop loin, au point que, dix ans plus tard, les planificateurs de la déchéance de l’Algérie, devant l’ampleur du désastre, se détournent de leur protégé. Alger est évité. Hillary Clinton se rend en visite au Maroc mais ignore l’Algérie. Plus aucune figure du monde occidental ne s’aventure à s’afficher aux côtés de Bouteflika. Même Sarkozy préfère annuler la visite d’Etat programmée pour juin 2009 pour "proximité" avec des élections "pharaoniques". Comment recevoir à l’Elysée un homme qui avait surclassé Mugabe dans le Top 10 des dictateurs les mieux élus dans le monde ?

En se faisant réélire pour un troisième mandat – après avoir trituré la Constitution de 1996 – avec un score de 90,24 %, le chef de l’Etat algérien s’était, en effet, classé brillamment en 3e position dans ce palmarès prestigieux, juste derrière Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, l’inamovible maître de la Guinée Equatoriale qui s’était donné 97,1 % des suffrages et Noursoultan Nazarbaïev, le seigneur du Kazakhstan, crédité de 91% des voix. Bouteflika devançait des despotes chevronnés comme Robert Mugabe du Zimbabwe (85,5%), Omar Hassan el-Béchir du Soudan (86,5%), Gurbanguly Berdimuhamedow du Turkménistan (89,23%) Islom Karimov d’Ouzbékistan (88,1%) et même Zine el-Abidine Ben Ali, Tunisie: 89,62% ! Quant à Alexandre Loukachenko, le despote de Biélorussie, avec ses 82,6%, il faisait presque figure de démocrate aux côtés de Bouteflika. Oui, comment s’afficher avec un homme qui avait surclassé Mugabe ? C’est bien lui pourtant, Sarkozy, qui avait annoncé, un an avant la tenue des élections algériennes, la venue du président algérien "en visite d'Etat à Paris en 2009". Oui mais c’était du temps du plan d’émasculation de l’Algérie, pour forcer les derniers décideurs algériens encore réticents, à accorder un troisième mandat à "l’ami Bouteflika".
Puisque Bouteflika était publiquement "notre ami". Un vieil obligé que Paris fascinait, et auquel l’intérêt stratégique de la France dictait de s’y accrocher. C’était pour le bien de la France que l’Elysée préférait voir s’éterniser cet homme sans relief. Pour profiter du vide géopolitique laissé par l’Algérie depuis, en particulier son arrivée au pouvoir. Pour asseoir un vieux projet d’expansion vers le sud. Oui, cet homme qui se pique d’avoir 3 centimètres de plus que Napoléon, qui aime s’entendre parler, cet homme incapable d’avoir une influence régionale, incapable d’avoir une influence sub-saharienne, cet homme, Bouteflika, avait ouvert un large boulevard d’opportunités à la France de Sarkozy. On avait même fermé les yeux sur la violation de la Constitution. Un simple amendement, adopté par un parlement croupion, préalablement gratifié d’une augmentation des indemnités de ses députés et sénateurs, avait modifié l’article 74 qui limitait le nombre des mandats présidentiels à deux et offrait loisir au président de se présenter autant de fois qu’il le désire.
Seulement voilà : Bouteflika avait changé, trop ostensiblement, de costume et de Constitution. Il avait été boulimique, arrogant, impudent même. Il ne conçoit pas d’être "élu" avec un taux inférieur au scrutin précédent. "Que penserait-on de moi ? Une chute de popularité ? My God ! Impensable !" Alors cet homme "élu" en 1999 avec 73,79 % des suffrages exprimés se fera un devoir de prouver un regain de popularité en se faisant réélire en 2004 avec un taux supérieur (84,9 %) et, tout naturellement, en 2009, avec un score encore plus avantageux : 90,24% ! Troisième dictateur le mieux élu dans le monde !
Oui, comment recevoir à l’Elysée un homme qui avait surclassé Mugabe ? Comment expliquer à l’opinion que cet autocrate soigneusement dissimulé pendant dix ans, dans les vapeurs de la connivence diplomatique et politique allait être reçu en grandes pompes dans la capitale d’un pays qui se pique d’être la place forte des libertés et de la démocratie dans le monde ? La politique comme la diplomatie ne pouvaient plus rien contre l’arithmétique : difficile de s’afficher avec un président qui a triomphé à hauteur de 91% quand on a taxé à longueur d’année, Robert Mugabe d’être le parangon de la dictature africaine, lui l’élu à "seulement" 85 % ? Le Français ordinaire ne comprendrait pas… Or, c’est le Français ordinaire qui va voter en 2012 !
L’Algérie, Etat bananier infréquentable ! Comment en est-on arrivé là ? C’est toute l’histoire d’un stratagème, d’une formidable opération de camouflage et de travestissement, orchestrée conjointement par la caste militaire d’Alger, des capitales occidentales – à leur tête Paris – et des monarchies arabes. C’est l’histoire, somme toute classique, d’un choix fait par des lobbies sur le dos d’un peuple et qui plonge ce peuple, pour je ne sais combien de temps encore, dans l’inconnu. Rien que l’histoire d’une gigantesque opération de mystification qui a tourné mal et qui a réduit, en dix ans, un pays débout en nation égarée.

"Il sait dribbler"
Dès l’été 1998, un axe formé de Paris, Washington, Riad et Abu-Dhabi, exploitant le malaise de l’Armée qui "ne veut plus" être au centre du système politique, va accélérer le départ du commandement militaire, pousser le général Zéroual à la démission et fabriquer de toutes pièces, ce 15 avril 1999, son successeur : Abdelaziz Bouteflika. Leur homme-orchestre : Larbi Belkheir, conseiller de l’ancien président Chadli Bendjedid et futur chef de cabinet de Bouteflika, porte-parole de la caste militaire et jouissant de bonnes relations avec les Emirats et l’Arabie Saoudite, développées du temps de Chadli. Il avait la confiance des Saoudiens.
Ils vont accuser l’armée d’avoir fomenté les carnages de populations civiles qui, tous, eurent lieu (coïncidence ?) juste après l’adoption de la nouvelle Constitution. C’est la préparation politique de l’arrivée de Bouteflika. Ces vénérables et puissantes personnes voulaient LEUR président pour avoir mainmise sur le pouvoir, sur le pétrole, sur un pays qui saignait... Sans doute ne sont-elles pas étrangères à l’impressionnante campagne politico-médiatique qui ciblait l’armée algérienne. Une campagne bien efficace : l'ANP, acculée par une campagne médiatique féroce qui l’accusait d’avoir commandité les carnages qui frappaient les populations, embarrassée par le fameux panel de l’ONU, la commission Soulier, la troïka et toutes ces ONG qui l’incriminaient, s'était décidée à "se retirer", sans plus tarder, de la politique. C’est ce calcul que le lobby Paris – Washington - Riad - Abu-Dhabi, va exploiter, sous la férule de Larbi Belkheir.
Le choix de Bouteflika apparut alors comme le choix idéal à tous.
Aux généraux, il incarnait le parfait subterfuge pour afficher la "détermination" des militaires à passer le pouvoir aux civils ; se "retirer" de la politique sans s’en retirer. Qui mieux, en effet, que ce Bouteflika, merveilleusement bicéphale, civil avec de parfaits états de service d’auxiliaire militaire, pouvait le mieux convenir aux généraux pour assurer un faux retrait de la politique ?  Il a toujours été l’homme lige auquel les chefs militaires ont fréquemment dû avoir recours pour concevoir, puis mener des putschs qu’ils soient directs ou maquillés. A deux reprises au moins, en 1962 comme en 1965, quand il fallut au clan arracher le pouvoir par les chars de Boumediene, à chaque fois que le sang algérien a coulé, Abdelaziz Bouteflika a tenu un rôle décisif au service des chefs militaires putschistes.
Ils savaient que ce nouveau président, Bouteflika, alors jeune capitaine, avait orchestré, en décembre 1961, pour le compte de l’état-major général de l’ALN dirigé par le colonel Houari Boumediene, le putsch contre le gouvernement légitime, le Gouvernement provisoire de Benyoucef Benkhedda auquel les chefs de l’Armée n’entendaient pas céder le pouvoir. Et ce sera lui qui fomentera le renversement de Ben Bella au profit du colonel Boumediene en 1965.
Les généraux avaient, en 1994 puis en 1999, opté pour un "des leurs". Ils croyaient refaire avec Bouteflika ce que Boumediene et l’état-major avaient fait avec Ben Bella en 1962 : se fabriquer un président parmi la fratrie naturelle. Un militaire à l’apparence civile, un civil à l’âme militaire. Un "faux civil" qui disposait du seul pouvoir qu’ils n’avaient pas : le pouvoir des mots. Profil parfait pour l’avocat dont la hiérarchie militaire, accusée de tous les crimes de la terre en cette année 1998, avait un pressant besoin : il avait le talent de communicateur pour plaider leur cause sans être tenté de les trahir en raison, justement, de cette relation intime qui en faisait un "filleul de l’Armée".
De plus, ils n’ignoraient rien de la vie sulfureuse du noceur-diplomate. C’était, pensaient-ils, un moyen de pression supplémentaire sur Bouteflika. Le général Khaled Nezzar, évoquant avec un brin de nostalgie le "temps où les dossiers sur les frasques de la vie privée était une façon, par le chantage du scandale, de s’assurer la loyauté des commensaux", rappelle, fort à propos, que Bouteflika avait fait l’objet de "petits dossiers" de la part du vigilant Kasdi Merbah, alors chef des services secrets. Bien "tenus à jour", ces dossiers serviront en 1979 à écarter Bouteflika de la succession à Boumediene. Le général soutient même que certains de ces bulletins policiers rédigés sur le fêtard Bouteflika datent de l’époque de Ben Bella : "La police politique du président l’épingle. Les petits billets des renseignements généraux rapportent, au jour le jour, des excès et des frasques qui indisposent le rigoriste Ben Bella. La démission du fringant ministre est demandée…"
Revenus à la raison d’Etat en 1994, les chefs militaires s’accrochèrent à la contestable renommée pour la consacrer à deux reprises, les deux fois où le ministre des Affaires étrangères fut invité à présider aux destins de la République. "Nous connaissions les pages pas très nettes de son passé, mais nous n’avions pas le choix et nous restons attentifs", écrit Nezzar. Toute une hiérarchie militaire avouant n’avoir "pas le choix" que d’ériger un bambocheur à la tête d’un pays pourtant riche de brillants cadres honnêtes et patriotes ! Mais peut-être que la survie du système passait-elle par l’intronisation d’un danseur de rumba plutôt que de vrais hommes d’Etat ! Les généraux qui donc "savaient tout cela" jugèrent, en 1994 puis en 1999, en brillants esprits, que "l’Algérie avait besoin d’un diplomate habile, familier des grands de ce monde et des hémicycles internationaux afin de dynamiser la diplomatie en butte à l’hostilité et à la désinformation". Les décideurs, astreints à accrocher des paillettes à la vie bien remplie du fêtard devenu "moins mauvais" des candidats, se rappelèrent, note Nezzar, que Bouteflika présida l’Assemblée générale de l’ONU en 1974 et qu’il fut aux affaires pendant vingt ans. 
Tournée la page des frasques, de l’argent facile, des comptes suisses et des absences prolongées. Les généraux oublient volontiers le "deux tiers mondain" quand ils n’ont besoin que du tiers-mondiste. Un marchand de paroles ? Un tartarin ? Et après ? C’est même pour cette insigne qualité qu’il a été choisi par les chefs militaires. "Il sait dribbler", aurait dit le général Médiène au docteur Youcef Khatib, candidat à la présidentielle de 1999. 
La fascination des militaires pour les vertus oratoires de Bouteflika ne date pas de 1994. Le commandant Azzedine admet qu’en 1961 déjà, les chefs de l’état-major général de l’ALN dont il faisait partie ne voyaient personne d’autre que Bouteflika pour leur servir d’émissaire auprès des cinq leaders du FLN détenus à Aulnoy. "Il était le plus instruit, le plus à même de savoir parler aux ministres du GPRA. On ne voyait pas quelqu’un d’autre…". Bouteflika bénéficiera également de cette préséance intellectuelle en décembre 1978 quand il décrocha le privilège de prononcer l’oraison funèbre en l’honneur de Boumediène, "les autres membres du Conseil de la Révolution, tous plus ou moins handicapés de la langue" étant bien contents de lui laisser la corvée, selon l’innocente formule du général Nezzar. Il faut dire, à la décharge des généraux, que la fable du diplomate exceptionnel s’était puissamment installée dans les esprits depuis trente ans. Et le talent de Bouteflika à savoir exploiter pour lui la grandeur de l’Algérie postrévolutionnaire y est pour beaucoup. Bouteflika s’est habilement placé au centre d’une révolution qui, avec le prestige du GPRA et la guerre de libération, produisait sa propre célébrité. Il accrocha son nom à "l’Algérie, Mecque des révolutionnaires" et au "dialogue Nord-Sud" comme un jeune en rollers s’accrocherait à un camion pour en bénéficier de la puissance motrice. Il a su saisir l’opportunité pour se construire une image de grand diplomate. Aussi le nom d’Abdelaziz Bouteflika apparaîtra-t-il avec force, en 1999, lorsque le complot international d’émasculation de l’Algérie va être mis en pratique.

Clic clak, merci Kodak !
A Paris et dans les royaumes du Golfe, on aide, avec enthousiasme, à ce changement à la tête de l’Etat algérien, à ce passage du "militaire au civil".
Une aubaine. Un cadeau de la Providence !  Paris attache, en effet, un intérêt vital à ce pays. "L’Algérie, c’est la profondeur stratégique de la France", disait Alexandre de Marenches qui savait de quoi il parlait pour avoir été, jusqu'à l'élection de Mitterrand, le "pacha" du SDECE. La venue de Bouteflika survenait au bon moment.
La France, en cette fin de siècle, veut s’étendre sur le sud, son salut, un nouvel espace économique et politique où elle pourrait prendre le leadership et dans lequel ni l’Allemagne, ni le Royaume-Uni ne pourraient lui faire concurrence. Son avenir en tant que puissance influente n’est plus en Europe. Elle y est surclassée, économiquement, par l’Allemagne qui a réussi sa réunification et, politiquement, par les Anglais qui ont installé une suprématie, soutenus en cela par les pays de l’Est. Or, conquérir le sud de l’Europe, c’est d’abord conquérir l’Algérie
L’occasion était propice ce 15 avril 1999. Le départ du général Zéroual et l’arrivée au pouvoir de cet homme superficiel, superficiel et inconstant était un tournant majeur. L’Algérie changeait de carapace. Ce n’était plus l’Algérie de Boumediene qui n’avait jamais mis les pieds en France, ou celle de Zéroual qui avait refusé de serrer la main à Chirac, celle, bourrue, des colonels arrogants. Les Français qui n’ignorent rien de Bouteflika, comprennent que cet homme à l’égo démesuré, et qui aime s’entendre parler, n’avait rien des colonels qui l'avaient précédé au gouvernail algérien, Boumediene, Chadli ou Zéroual et qu’ils ne trouveraient pas meilleur partenaire pour leurs desseins économiques mais aussi politiques et stratégiques.
Le personnage, ils le connaissent parfaitement. Chirac le décrit dans son livre-testament, en dix lignes (seulement !), comme un "homme timide" et "complexe". Un président de la République "timide" alors qu’il doit s’affirmer devant ses pairs et défendre tout un peuple ? En jargon diplomatique cela veut dire, en fait, que Bouteflika a un double langage : il hausse le ton contre la France quand il est à Alger mais pas devant Chirac ! Quant à l’étiquette de "complexe", elle sous-entend que la pensée de Bouteflika n’est pas structurée, qu’il n’y a pas de cohérence dans ce qu’il dit. Chirac a mis cette thèse à profit. Lui qui s’est empressé de rendre visite au président Bouteflika fraîchement réélu pour son deuxième mandat, en avril 2004, avant même la confirmation du scrutin par le Conseil constitutionnel, a toujours su satisfaire les caprices de son homologue algérien. Il s’est fait grassement payer en retour : les ventes françaises en Algérie ont augmenté de 700% en l’espace de 6 ans !
Les Français vont donc s’accrocher à ce président qui a besoin de paillettes pour exister politiquement et dont ils savent la vieille fascination pour la France, depuis toujours, depuis son fameux message envoyé à Giscard en 1979, lors du retour de Boumediene de Moscou à Alger via Paris, ou depuis ses innombrables visites en France… Depuis, il passa pour un personnage sous influence française.
Le récit de Belaïd Abdesselam, un des principaux ministres de Boumediene, est éloquent : "L’actualité de l’été 1978, chez nous, était marquée par le renversement du régime d’Ould Dada en Mauritanie et la nouvelle donne que cet événement introduisait dans l’évolution du problème du Sahara occidental. Des consultations s’étaient engagées à ce sujet entre Alger et Paris. Bouteflika en profita pour rendre visite, deux fois de suite en l’espace d’un mois, à Giscard d’Estaing à l’Elysée. Le recevant pour un compte rendu à Brioni où, à l’invitation du maréchal Tito, il prenait quelques jours de repos après le sommet de l’OUA à Khartoum, Boumediène l’interpella en ces termes : “Enfin, es-tu le ministre des Affaires étrangères de Giscard ou le mien ? Tu lui as déjà rendu une visite pour une première consultation ; pour la seconde consultation, c’était à lui à m’envoyer son ministre des Affaires étrangères et non à toi de te précipiter une seconde fois dans son bureau !"  Mais Bouteflika n’en avait cure ! Lors du retour de Boumediène de Moscou, quelques jours avant d’entrer dans le coma qui devait se terminer par sa mort, Bouteflika s’arrangea pour faire survoler le territoire français par l’avion qui le ramenait d’URSS en Algérie." "Durant les derniers mois qui avaient précédé la mort de Boumediene, raconte Belaïd Abdesselam, il s’était beaucoup agité pour gagner certaines sympathies extérieures comme si quelque chose lui avait laissé présager l’ouverture proche de la succession du chef de l’Etat. En particulier, il fit beaucoup pour gagner les grâces de l’Elysée". 
En 1979, les officiels français avaient accueilli cette lettre de Bouteflika comme un mea culpa après le bel incident diplomatique de 1975 entre Boumediène et le président Giscard d’Estaing après que ce dernier se fût autorisé, à Alger, de faire référence "à la terre des ancêtres".
En 1999, ils se réjouissent d’avoir pour interlocuteur ce même personnage malléable, qui, contrairement à Houari Boumediene qui s’était fait un point d’honneur à bouder l’ancienne puissance colonisatrice au point de ne jamais y faire de voyage, fut-il privé, fera, lui, une dizaine de voyages parfaitement stériles. "On observera que notre chef d’Etat n’a pas effectué une seule visite officielle bilatérale en Afrique depuis 1999 – il s’est rendu 8 fois en France –, ni reçu à Alger plus de trois chefs d’Etat africains, si nous excluons le sommet de l’OUA de juillet 1999", nous rappelle Abdelaziz Rahabi. Il s’imposera même à l’Elysée sans qu’on l’y invite, dont l’une, le 19 décembre 2003, a franchement embarrassé ses hôtes français, obligés de le recevoir à déjeuner ! Jamais un chef d’Etat algérien ne s’était à ce point rabaissé devant l’ancienne puissance colonisatrice. "Pathétique Bouteflika", avait titré le quotidien Nice Matin, sous la plume de son directeur de rédaction, au lendemain de la visite parisienne de quelques heures sollicitée par le président algérien le 3 octobre 2003. Le journal se gausse : "Clic-clac, merci Kodak ! La visite du président algérien n'aura duré que quelques heures. Prétexte officiel, l'inauguration de deux expositions dans le cadre de la fameuse Année de l'Algérie. Raison réelle : être pris en photo, et sous toutes les coutures, avec Jacques Chirac, l'ami français, à la veille d'échéances algériennes majeures. Pathétique visite, et si embarrassante pour la France."
C’est tout naturellement qu’à partir de 1999, l’Elysée va accéder à tous les caprices de Bouteflika. Le Maroc a eu sa saison en France ? Alors l’Algérie aura la sienne. Une kermesse culturelle s’ouvre à Paris le 31 décembre 2002 pour ne se clôturer qu’en décembre de l’année suivante, une procession de galas, d’expositions de toutes sortes, de films et de pièces de théâtre proposés au public français au moment où Alger ne dispose même pas d’une salle de cinéma digne de ce nom ! Le président algérien n’obtiendra pas d’investissements de la part de la France, mais se contentera d’un match de football France-Algérie, en octobre 2001, que ne justifiait ni le niveau respectif des deux équipes ni le moment. Organisé sans préparation, dans un contexte de passions électriques entre les deux pays et les deux communautés, le match tourne au cauchemar : l’hymne national français est hué par une partie du public, et le terrain est envahi par les supporters algériens mécontents de la correction que subissait leur équipe (4 buts à 1). Le match restera comme le plus noir souvenir de l’année pour les Français : 69 % des internautes français, interrogés par le sondeur Jérôme Jaffré, affirment que la Marseillaise sifflée lors de France-Algérie est l'évènement qui leur a le plus déplu dans l'actualité française.
Bouteflika gardera cette manie de s’afficher avec les stars françaises, de Depardieu à Zidane.

La reconnaissance du ventre
Les capitales du Golfe, Emiratis et Saoudiens, jubilaient eux aussi, ce 15 avril 1999.
Les monarchies arabes espèrent une Algérie réorientée vers une engeance arabo-islamique, qui intégrerait leur sphère d’influence.
Ils attendaient également de Bouteflika la reconnaissance du ventre.
Les autorités de Riad et d’Abou-Dhabi furent, en effet, d’une grande prodigalité envers Bouteflika, dans ses années d’exil. Cela commença à Genève, où le futur président algérien avait été pris en charge par Zaki Yamani, alors patron d'Air Harbour Technologies, spécialisée dans le tourisme d'affaires au Moyen-Orient et en Afrique. A Paris, l’ambassade des Emirats payait tous les frais de Bouteflika, ceux du transport aérien notamment. 
C’était avant que l’ancien ministre tunisien Masmoudi ne l’aida à s’installer aux Emirats.
A Abu Dhabi, Bouteflika avait passé son séjour entre un logement mis à sa disposition par cheikh Zayed Ben Sultan Al Nahyan, chez qui il a travaillé comme vague conseiller à l'Institut des études stratégiques, et l'hôtel Intercontinental, aux frais de l'ancien ministre des Affaires étrangères émirati M. Souidi. Il se rendait assez souvent au Centre culturel de la ville, dirigé par le fils de Souidi, où, dit-on, il participait à des débats privés, parfois des discussions informelles avec des représentants des corps diplomatiques occidentaux et arabes.  
Au président Chadli qu’embarrassait cet exil doré accordé à un ancien ministre de la République, cheikh Zayed donna cette explication chafouine : « Mieux vaut que Bouteflika soit pris en charge par les Emirats que par Saddam ou Kadhafi. Et puis, il est préférable pour nous tous qu’il ne subisse pas l’exil en France. » 
Une fois élu président de la République, Bouteflika eut effectivement la reconnaissance du ventre. Il s’est toujours senti redevable envers le cheikh à qui il rendait visite à la moindre hospitalisation en Suisse. Il se fera également fort de se souvenir de l’hospitalité des amis émiratis auxquels il accordera de juteux marchés au mépris de la réglementation et le droit de chasser les espèces rares dans le désert algérien. 
C’est toute l’histoire d’Orascom et de Djezzy, sa filiale algérienne.
D’une dette que le nouveau président Bouteflika avait envers ses bienfaiteurs émiratis.
Personnage central : Mohamed Al Shorafa affairiste émirati et ami de Bouteflika. 
Les deux hommes se sont connus aux Emirats dans les années d’exil de Bouteflika. Dès que fut certifiée, en novembre 1998, la désignation d’Abdelaziz Bouteflika par la hiérarchie militaire comme futur président de la République algérienne, Mohamed Al Shorafa s’empressa de créer, le 11 décembre 1998 à Abu Dhabi, une modeste société familiale, dénommée United Eastern Group. C’est le gérant de cette petite firme toute nouvelle, sans prestige, sans fonds et sans patrimoine que Bouteflika présentera comme «grand partenaire arabe» et qu’il recevra avec tous les honneurs à la Présidence dès juin 1999. 
Al Shorafa entrera dans le monde des affaires algérien par la grande porte du palais d’El Mouradia. Bouteflika confiera à la modeste United Eastern Group d’immenses marchés, comme la rénovation et l’extension du port d’Alger et de l’aéroport Houari-Boumediène, la construction du port de Djendjen, la zone franche de Bellara et, surtout, la deuxième licence de téléphonie mobile !
L’accord entre cette petite SARL et le gouvernement algérien se fera le 4 août 1999 entre Al Shorafa et le conseiller spécial de Bouteflika, Rachid Aïssat, devant les caméras de la télévision algérienne. L’agence de presse officielle APS rapporte l’évènement, et les journaux publics en feront leur titre de première page ! Mohamed Al Shorafa agissait en fait en tant qu’actionnaire de la firme égyptienne Orascom à laquelle il devait rétrocéder le marché de la téléphonie mobile. Des cadres algériens s’opposent alors à l’arnaque. La presse Il déposera plainte contre le directeur du Matin, plainte qui se soldera par une condamnation à trois mois de prison ferme. 
Bouteflika nourrira une grande rancune envers les journaux algériens pour cette révélation handicapante pour sa réputation. Il parviendra cependant à faire bénéficier Orascom de la licence GSM en bafouant toute la règlementation. pour moins de 800 millions de dollars, soit un tiers en moins que la licence payée par Méditel au Maroc alors que le PIB par tête des Algériens est deux fois plus élevé que celui des Marocains. 
En 2009, dans la foulée d’une campagne anti-égyptienne née de matchs de qualification pour le Mondial entre l’Algérie et l’Egypte, les autorités algériennes «découvrent» une entreprise égyptienne florissante mais à la prospérité douteuse : Orascom. En 8 années d’activité, cette firme de téléphonie mobile avait dominé le marché (Djezzy, la filiale algérienne, comptait 14 millions d’abonnés) et réalisé une plus-value de plus de 2 milliards de dollars sur le dos de l’Algérie en revendant sa filiale algérienne, la société Ciment blanc d’Algérie holding (Ciba) qui regroupe deux cimenteries (M’sila et Mascara) au géant français Lafarge en septembre 2007, quelques années seulement après son acquisition auprès de l’Etat algérien.
Le scandale est que Sawiris, fort de l'appui de Bouteflika, a bénéficié d’un montage financier des banques publiques et privées algériennes comme ce fut le cas d’ailleurs pour sa filiale de téléphonie mobile Djezzy dont les bénéfices sont tout simplement énormes. Faut-il rappeler également que son projet de réalisation de deux lignes de production de ciment blanc et de ciment gris basées dans la région d’Oggaz près de Mascara a été financé à hauteur de 61% par les banques publiques et privées algériennes ? 
Le coût total de cette opération est évalué à 538 millions de dollars (38,74 milliards de dinars). L’histoire retiendra que jamais une entreprise algérienne ou étrangère n’a mobilisé autant de banques de renom pour concéder un montant aussi important. Orascom l’a fait. Et le président de sa filiale algérienne n’a pas caché sa joie ce jour-là : «C’est un rêve qui se réalise !», avait-il déclaré.
Comme on le comprend : ce financement algérien des «investissements» de Sawiris lui a juste permis de mieux vendre à Lafarge. Le vrai rêve c’est donc la cagnotte qu’il a engrangée, mais surtout le pied qu’il a mis dans le capital du groupe français à hauteur de 11,4%. 
La transaction ayant fait de Lafarge un acteur majeur du marché du ciment en Algérie, les pouvoirs publics disent n’avoir pas digéré l’opération de cession, faite sans que l’Etat n’en ait été préalablement informé.
Ils constatent, par ailleurs, que les sorties de dividendes ont été cinq fois plus importantes que les nouvelles entrées de capitaux, et accusent alors Orascom de «piller le pays»
C’était un des « cadeaux » de Bouteflika aux parrains du Golfe. 
D’autres suivront. 
Prenons un  exemple, celui du dépeçage de la côte algérienne. 
En marge du forum économique de Crans Montana en Suisse, édition de l'automne 1999, le président Bouteflika affirmait, lors d'une conférence de presse, que "le marché touristique algérien est une affaire de plusieurs milliards de dollars et que l'Algérie entend engager des pourparlers avec des partenaires étrangers désirant collaborer sérieusement et investir dans ce secteur vital de notre économie". Certains milieux d'affaires à l'affût de toutes les opportunités juteuses n'ont pas attendu cet appel pour s'accaparer le créneau. Sur la côte algérienne, l'OPA au dinar symbolique a commencé depuis plusieurs années, au plus fort de la violence et des tueries menées par les islamistes armés. 
Les mille deux cents kilomètres de littoral algérien sont la seule partie du sud-ouest de la Méditerranée encore relativement épargnée par le béton. Pas pour longtemps, car le pillage va commencer. La stratégie employée par ces investisseurs est toute simple : lancer des projets touristiques fumeux pour s'approprier les sites, tout en bénéficiant des facilités accordées par la loi et les organismes d'aide à l'investissement.  C'est le moyen de devenir propriétaire des lieux et intermédiaires des investisseurs étrangers qui pointent le nez, venant des pays du Moyen Orient et du Golfe plus particulièrement. L'un d'entre eux, issu de la famille Hariri du Liban et proche de l'ancien Premier ministre, n'avait pas caché son intérêt, lors d'une visite en Algérie, à investir dans des projets touristiques et commerciaux en partenariat avec des entreprises publiques algériennes. L'échec du projet lui fit dire : "je crois d'ailleurs qu'on a utilisé le nom de Rafik Hariri [nom du Premier ministre libanais] pour avoir une OPA sur ces terres et lever tous ces obstacles. Cette zone [la côte] est sans doute au centre de nombreux enjeux politiques". Ce qui est acquis pour une bouchée de pain, par les voies les plus "légales" au demeurant, mais avec des complicités certaines au sein des institutions concernées de l'État, sera revendu au prix fort aux investisseurs venus d'ailleurs, annonçant une spéculation foncière effrénée sur tout le littoral. A moins que l'acquéreur opportuniste ne se pose en associé des partenaires étrangers professionnels.
Dans l’algérois, les extorsions s’opèrent à grande échelle.
Les investisseurs du Moyen-Orient et du Golfe s’intéressent de près à cette prédation. Plusieurs de leurs projets ont été retenus par la Société d’investissement hôtelier (SIH), une société par actions basée à Club des Pins et rattachée directement à la Présidence de la République. Le  ministère de tutelle est tenu quasiment à l’écart. Pour preuve, alors que le ministère attend les conclusions de l’étude devant déterminer la nature de l’investissement approprié à la plage Les Dunes, les terres ont déjà été clôturées pour accueillir un gigantesque complexe de l’homme d’affaires libanais Mustapha Hariri, cousin du Premier ministre Rafik Hariri. Pas loin des Dunes, à Sidi Fredj, le milliardaire émirati Cheikh Hammed prévoit de construire un hôtel cinq étoiles. Les Saoudiens ne sont pas en reste. Un important complexe touristique, avec centre commercial, est prévu dans la région de Boumerdès.» Et pour s’approprier les terres, les prétendants ne font pas dans la dentelle : Des haies de tôle et de parpaing ont délimité 20 hectares des EAC sur arrêté du wali d’Alger, Abdelmalek Nourani, signé le 19 octobre 2002. Des agents de la résidence Sahel veillent sur la surface reprise, désormais interdite à la production agricole. 
Après la côte, la faune.
Bouteflika autorisera les émirs braconniers à venir exterminer la faune algérienne, notamment les espèces protégées par la loi, telles que la gazelle Dorcas et l'outarde. Arrivés par vol spécial en provenance d'Arabie Saoudite, des Emirats, de Qatar ou de Koweït, ils érigent des camps de luxe, dont l’accès est interdit aux Algériens, et s’adonnent en toute liberté au carnage. Sur instruction spéciale du président Bouteflika, les braconniers sont accueillis avec faste par les autorités locales entourées d'un impressionnant dispositif sécuritaire. Bouteflika laisse faire et fait même voter une loi qui légalise ce braconnage de masse. 
Il a fallu l’assassinat, non élucidé à ce jour, d’un dignitaire saoudien en décembre 2003 pour que le braconnage des émirs prenne fin sur les terres algériennes.

L’Etat noyé
Entrée en fanfare! Nous sommes le 5 avril 1999, le candidat Bouteflika est en campagne pour l’élection présidentielle du 15 avril. «Chez nous, les bandits sont devenus des gouvernants et les gouvernants des bandits .(…) Je suis venu effacer avec l’eau de javel la politique d’oppression, la politique de la haine et des calculs..». Moins d’une semaine après son élection, il revient à la charge: «ce pays a été géré par des bandits». Et quelques mois plus tard à Tipaza, devant une foule qui n’attendait pas tant, il annonce: «Je vous informe que la lessive au sein de l’Etat ne fait que commencer », fustigeant au passage les banques, les passe-droits, les douaniers et même la gendarmerie . «Je tiens à annoncer que le mouvement qui a touché le corps des walis - il a mis fin à la fonction de 22 d’entre eux et interdit 16 autres de tout emploi - n’est qu’un premier pas vers ce que nous envisageons d’entreprendre pour redresser tous les secteurs sans exclusive. La dépravation doit disparaître de notre pays car, que le mal devienne la règle et le bien l’exception est inacceptable». «Des bandits ont pris en main le marché de l’importation par la force, et parfois par la menace et la terreur (...) Ces monopoles individualisés sur le marché agissent selon les textes de la loi de la République. Ce qui explique l’assurance de ce groupe de personnes à dominer l’économie du pays. Toutes les facilités leur sont accordées par les banques (...)
«L’Algérie est un pays miné par la corruption» : le propos, présumé indigné, du président Abdelaziz Bouteflika a été lâché lors d’un meeting tenu le 30 août 1999. Le constat ne paraît pas avoir nettement changé depuis, 2 mandats présidentiels plus tard, et ne changera certainement pas lors de ce 3ème mandat. Dans une interview au quotidien français "Le Figaro", le 16 novembre 1999, Bouteflika a donné quelques indications sur sa méthode pour lutter contre la corruption : "La consolidation du processus démocratique, la promotion de l'État de droit, le développement des médias, l'irruption du mouvement associatif, le rétablissement de la confiance entre l'administration et l'administré, tous ces chantiers immenses auxquels j'ai décidé de m'attaquer vont certainement donner naissance à une dynamique qui éliminera dans une large mesure les corrompus et les parasites".    
Plus de dix ans après ces belles paroles, l’Algérie est classée par l’ONG Transparency international dans son rapport annuel 2009 à la peu glorieuse 111 éme place sur 180 pays, classés en fonction de leur degré de corruption. Par rapport à 2008, l’Algérie qui avait été classée à la 92e place, en perd donc 19. Autrement dit, en une année la corruption s’est aggravée. Et cette série d’affaires qui ont éclaté en 2010 ne fait que confirmer une tendance lourde à la corruption qui gangrène l’État et les institutions au plus haut niveau. Le fait que le pouvoir politique ait décriminalisé la corruption, estiment de nombreux spécialistes du droit algérien, a amplifié le phénomène. 
Aux effets socialement déstructurant induits par les années de violence terroriste se sont ajoutées les mutations provoquées par l’accélération du libéralisme économique dans une conjoncture marquée par une embellie financière sans précédent. D’une dizaine de milliards de dollars  en 2000, les réserves de change ont atteint les 144 milliards de dollars à fin 2009, sans que cela se traduise par une amélioration des conditions sociales d’existence des couches les plus pauvres. 
L’existence de cette énorme masse financière, dans un système politique caractérisé par une opacité totale, a aiguisé bien des appétits et n’est pas sans rapport avec l’ampleur inouïe prise par la corruption en Algérie.  
En revanche, les affaires révélées par la presse, en particulier par le Matin, n’ont pas bénéficié du même traitement. Ainsi de l’affaire Mohamed Ali Shorafa, ce milliardaire émirati, ami d’Abdelaziz Bouteflika, qui en 1999 a cherché à profiter de ses relations avec le chef de l’Etat (il ne s’en cachait nullement) afin que le marché de la téléphonie mobile n‘échappe pas à l’égyptien Orascom . Dix ans après, Orascom, qui avait racheté pour une bouchée de pain la cimenterie de Meftah avant de réaliser une juteuse opération en la revendant au français Lafarge, et dont le nom a été cité dans le récent scandale Sonatrach, sur la sellette, est priée de quitter l’Algérie. Quant à Mohamed Ali Shorafa, son passé ne plaide pas pour lui: son nom a été cité dans l’affaire de la banque BCCI aux Etats-Unis. Cette banque avait fait l‘objet d‘une commission d‘enquête menée par le sénateur John Kerry, avant d’être liquidée par les autorités de régulation américaine et européennes le 2 juillet 1991 pour malversations financières . 
Ajoutons pour clore cette partie du tableau, cette autre forme de corruption consistant à utiliser l’argent de l’Etat pour sa campagne électorale en 2003-2004 : le chef de l’Etat avait distribué 190 milliards de dinars à 35 wilayas. Des enveloppes qui n’étaient pas prévues et budgétisées dans la loi de finances 2003-04. 

Plus que jamais, Bouteflika apparaît comme l’homme des lobbies étrangers
Jacques Chirac l’entend ainsi et, lui qui fut l’un des précurseurs du complot international d’émasculation de l’Algérie en 1998, déboule à Alger quelques jours plus tard, pour une visite de soutien au président Bouteflika, sans attendre la confirmation du scrutin par le Conseil constitutionnel !
Un an plus tard, en avril 2005, Bouteflika fait adopter, à la hussarde, une loi sur les hydrocarbures que Bouteflika, pour servir les lobbies étrangers, dans le silence le plus complet des parlementaires, des élus beaucoup plus soucieux de leur statut personnel et des privilèges qui s’y rattachent que du bien être du peuple qu’ils sont censés représenter. 
 Madame Bitat fut la seule sénatrice qui ait exprimé un avis contraire à la pensée unique ambiante. Une voix du lobby national ? Sans doute.
La dite loi proposait d’attirer par des largesses, qui n’existent nulle part ailleurs au monde, les grandes compagnies pétrolières mondiales afin qu’elles consentent d’investir des milliards de dollars dans le Sahara algérien. 
Les observateurs furent stupéfaits de découvrir que les Algériens qui, dans le passé avaient si souvent traité les monarchies arabes de cheval de Troie des USA à l’intérieur de la forteresse de l’OPEP, baisser à ce point la garde et accorder aux grandes compagnies pétrolières, américaines en particulier, des avantages inconsidérés; des avantages que nul autre pays pétrolier au monde n’avait concédés jusque là, allant jusqu’à laisser au partenaire étranger la propriété du sous sol. «Quel pays de contradictions que l’Algérie qui n’autorise pas les investisseurs étrangers à devenir propriétaire du lopin de terre sur lequel ils installeraient leurs unités industrielles mais qui concède, avec une telle légèreté, les milliers de milliards de dollars de ses ressources énergétiques à ces mêmes investisseurs !», ironise un ancien responsable de Sonatrach.
Les partenaires étrangers attendaient comme des fauves, depuis plus d’une année l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, afin de se jeter sur la proie qu’ils ont choisie. On parle même de cette très grande multinationale anglo-saxonne, avec laquelle le pouvoir négociait depuis une année pour l’associer au développement d’une vingtaine de champs, un projet de quelques trois milliards de dollars, sur lequel on lui a déjà promis 75% de participation.
Parallèlement, le ministre de l’Industrie et de la Promotion de l’investissement, Hamid Temmar, un proche du président, met en vente les entreprises d’Etat. 
Les hommes d’affaires arabes se ruent sur Alger…mais sans argent ! Temmar lui-même juge le niveau d’investissements arabes "insuffisant". Les "investisseurs" arabes veulent des avantages fiscaux et des secteurs de rente, comme le tourisme ou la téléphonie. “Le gouvernement ne peut pas aller plus loin. Sur les plans des impôts, nous ne pouvons pas simplifier plus que ne l’avons fait”, est obligé de répondre Temmar. N’empêche : en 2007, on dénombre 251 projets arabes qui ont obtenu des décisions d’octroi d’avantages accordés aux "jeunes entrepreneurs" !
Bouteflika discute directement pour les grands projets : l’extension du réseau de la téléphonie avec Orascom, un village touristique à Annaba avec le groupe Sidar, un hôtel cinq étoiles, à Moretti avec une investisseur émirati et Dounia-Parc… Il reçoit deux grands groupes, Emaar et le holding Quodra”.
"Emaar décroche un fabuleux contrat : la promotion et le développement de la nouvelle ville de Sidi Abdellah, la création d’une ville de santé à Staouéli (Alger) et le développement de la zone touristique Colonel Abbas (Tipaza). Le groupe annonce la réalisation de 70 tours à caractère administratif, hôtelières et commerciales et prétend déployer un investissement qui variera de 25 à 30 milliards de dollars sur une période de 12 années". Le chiffre fait rire le ministre de l’Industrie et de la Promotion de l’investissement, Hamid Temmar, qui a dû apporter un rectificatif, en vue de réduire le montant.
Puis ce fut le jackpot : Bouteflika confie aux Emiratis cinq grands projets pour l’aménagement de la ville d’Alger et ses environs. Un marché énorme puisque les investisseurs arabes ne veulent rien moins que transformer Alger en "cité du bien-être" avec un centre-ville "dynamique et harmonieux", une baie dotée d’hôtels luxueux, de bureaux et appartements de haut standing, d’aires commerciales de produits de luxe, d’aires de loisirs et un nouveau front de mer long de 4,4 km, avec ses marinas et ses canaux d’eau.

2010 : La guerre reprend
L’Armée a peur.
Elle voit comme une grave menace l’incroyable prétention de Bouteflika de créer une dynastie et d’offrir la succession à son frère Saïd, dont l’agenda de fondation d’un nouveau parti à la conquête du pouvoir a été annoncé avant de se voir retardé.
Bouteflika ne renonce pas, non plus, à son ambition de dissoudre le DRS dans un grand ministère de la Sécurité, que dirigerait Yazid Zerhouni.
C’en est trop !
Le DRS contre-attaque.
Bouteflika est empêché de nommer un nouveau gouvernement. L’Armée veut récupérer les postes-clés de l’Energie, des Finances et de la Banque d’Algérie pour y placer ses hommes de confiance et gérer la rente pétrolière. Le Premier ministre Ouyahia échappe manifestement à l’autorité du président. 
Les "dossiers" secrets sont déterrés.
En janvier 2010, une enquête du DRS met Sonatrach au cœur du plus gros scandale de corruption qu’ait connu l’Algérie. Son PDG, Mohamed Meziane (soixante ans), et 10 cadres dirigeants dont trois vice-présidents ont été inculpés par la justice pour divers affaires présumées de corruption. Deux des vice-présidents, un ancien PDG de la banque publique, le Crédit populaire d’Algérie (CPA), et son fils, dirigeant un bureau d’études, ainsi que les deux enfants de M. Meziane et un entrepreneur privé ont été placés sous mandat de dépôt. Tous accusent le ministre de l'Énergie, proche du président Bouteflika De fait, Sonatrach, qui assure plus de 80 % des ressources en devises de l’Algérie et participe à hauteur de 30% du PIB algérien, est décapitée.
"Contrairement à ce qui a été beaucoup écrit ces derniers jours, M. Abdelaziz Bouteflika n’a pas décapité l’état-major de la Sonatrach pour lutter contre la corruption. C’est en réalité une initiative des services de sécurité militaire, avec qui le président est en lutte ouverte depuis des mois", écrit le Monde diplomatique.  Cela devait arriver : le contrôle de la rente pétrolière, au sein même de la kleptocratie au pouvoir, dégénère en lutte de gangs. 
"Les luttes de pouvoir (…) se situent aussi dans la préparation précipitée de l’après-Bouteflika. Ce dernier ne gouverne plus et n’est plus en capacité de le faire. Cette phase d’instabilité et de non-gouvernance peut expliquer que l’on fasse sortir aujourd’hui et en même temps les grandes affaires de corruption, affaires qui étaient dans un tiroir et n’ont pas nécessité de grandes enquêtes tellement l’impunité a prévalu dans le clan Bouteflika et ses périphéries." Pour le journal, "L’objectif des services est d’obtenir la démission volontaire (au moins en apparence), pour raisons de santé, de M. Bouteflika."
Chekib Khelil lâche le mot de trop et confirme. Acculé par les journalistes au sortir de la séance de clôture des travaux du Parlement, il n’a pas trouvé mieux que de parler d’"attaque contre le clan présidentiel", dont il s’autoproclame partie prenante. Un ministre de la République qui reconnaît publiquement l’existence de clans au sein du pouvoir ! Tout est dit : Sonatrach est bien la propriété secrète d’une kleptocratie agissant sous la protection du président Bouteflika lui-même, comme nous le rappelle Rahabi. 
"En fait, toutes ces opérations (de malversations, ndla) n’auraient jamais pu se faire si Chakib Khelil ne jouissait pas d’un soutien inconditionnel du chef de l’Etat et de quelques milieux des fournisseurs d’équipements pétroliers et gaziers de l’ex-Administration Bush. C’est pourquoi il décide sans consulter ni les représentants du peuple ni les organes consultatifs de l’Etat, qui s’en accommodent d’ailleurs parfaitement, et encore moins le gouvernement composé de deux collèges. Le premier jouissant d’un rang qui confère la condescendance autorisée par la proximité avec chef de l’Etat. Le second est composé en grande partie de commis de l’Etat servant d’alibi technocratique ou faussement théocratique obéissant aux injonctions politiques et par conséquence justiciables par destination au gré des changements au sommet de l’Etat." 
La guerre est visible à l’œil nu. 
Empêché de former un nouveau gouvernement, Bouteflika rompt les liens avec celui qu’on lui impose. Il cesse de présider le Conseil des ministres et évite de s’afficher publiquement avec ses ministres. Ahmed Ouyahia n’est plus reçu en audience. C’est une situation de non-gouvernance.
Profitant de la querelle algéro-égyptienne autour d’un match de football, Ouyahia va donner le coup de grâce à la filiale de téléphonie mobile Djezzy du groupe égyptien Orascom en lui imposant un redressement fiscal surréaliste de 600 millions de dollars. Il a ainsi l’incroyable projet de transférer Djezzy entre les mains du lobby national. Dans ce conflit, le but du gouvernement algérien est, en effet, bien clair : pousser le groupe égyptien à vendre ou à céder une partie de sa filiale algérienne à un groupe public algérien, ont avoué des sources gouvernementales et financières. Ouyahia ambitionne d’aider son ami et associé, Issad Rebrab, patron du groupe Cevital et tout petit actionnaire de Djezzy, à prendre le contrôle de cette filiale pour une bouchée de pain, avant d’effacer cette ardoise fiscale virtuelle. Belle revanche du lobby national !
Aussi l’Etat se dit-il engagé à acquérir Orascom Télécom Algérie et refuse que la holding Orascom Télécom cède Djezzy au groupe sud-africain MTN.
Quelques mois plus tard, le géant émirati de l'immobilier Emaar annonce son départ d’Algérie, invoquant "les difficultés rencontrées dans le pays pour pouvoir concrétiser ses projets."  Selon la société, l'affaire "échappe à la volonté d'Emaar", qui "avait préparé des plans pour de grands projets immobiliers en Algérie et remis ces plans aux autorités compétentes pour obtenir les autorisations nécessaires". Manière de pointer du doigt lesdites autorités.
Ainsi, selon le journal Echourouk, le groupe Emaar a fait appel au président Bouteflika pour "lever l’embargo" imposé à ses opérations en Algérie et "arrêter la campagne de désinformation menée à son encontre par certaines parties qui ne veulent pas d’investissements arabes en Algérie." Une source responsable au sein du groupe a déclaré à Echourouk que certaines parties "connues pour leur opposition aux investissements arabes" ne se sont pas contentées d’entraver la concrétisation de ces projets, mais ont été jusqu’à mener des campagnes de désinformation virulentes dans l’objectif de discréditer le groupe en Algérie. Pendant ce temps, chaque camp tente de placer ses pions au détriment du clan d’en face.

Un homme du lobby national à la tête de Sonatrach
Après de longs mois de tractations et de tiraillements en coulisses, la Sonatrach a enfin un nouveau patron en remplacement de Mohamed Meziane. Il s’agit de Nourredine Cherouati, enfant de la maison où il était entré en 1971 en tant qu’ingénieur spécialisé dans la monopolisation des hydrocarbures. Il n’a jamais été un proche de Chakib Khélil, ministre de l’Energie et des mines, dont l’entourage répétait à l’envi qu’il ne manquait que le "Képi et les Moustaches" pour que Nourredine Cherouati devienne le représentant officiel de l’armée nationale populaire (ANP) au sein de la "firme". Une source interne au ministère de l’Energie a affirmé que Chakib Khélil a tout fait, en 2001, pour écarter Cherouati de son poste de secrétaire général du ministère de l’Energie et des mines.
En 2005, le nouveau patron de la Sonatrach revient en force aux devants de la scène et décroche, à la barbe et au nez de son ministre de tutelle, le poste de président de l’Autorité de régulation des hydrocarbures. Les cadres de la Sonatrach soupçonnent cette instance d’avoir servi à collecter les informations à l’origine du scandale qui a emporté Mohamed Meziane et affaibli Khélil.
La nomination de Noureddine Cherouati et le départ de Mohamed Faghouli, jusque-là PDG par intérim constitue un revers cuisant pour Chakib Khélil qui a pu, pour un moment, jouer la carte de Faghouli, un obligé qui assura brièvement l’intérim et, par là, barrer la route à tous ceux qui ne font pas partie de sa "clique" au sein de la Sonatrach.
"On a donc un P-DG fort de ses trente ans d’expérience au sein du secteur de l’énergie qui contrairement à son prédécesseur ne sera pas effacé, écrit le quotidien Liberté. Contrairement à ce qu’on imaginait, ce n’est pas un relais de Khelil, le ministre de l’Énergie, ni un membre parachuté à la tête de Sonatrach. Un signe de la position affaiblie par le scandale du premier responsable du secteur.  Ouyahia aura cependant usé de son influence pour que Cherouati, le président de l’Agence de régulation des hydrocarbures soit nommé P-DG de Sonatrach alors qu’il préparait au regard de son âge (62 ans) son départ à la retraite.
Dans la foulée, le nouveau top management, contrairement à l’équipe de Meziane, décapitée par le scandale ne fait pas partie du clan de Khelil. Ils sont issus quasiment de Sonatrach."
Mai 2010. Rebondissement dans l'affaire Sonatrach : le DRS entame une enquête au sujet des sommes faramineuses déboursées dans le cadre de l'organisation de la 16e conférence internationale du gaz naturel liquéfié (GNL16) qu'a abritée la ville d'Oran en avril dernier. 
Selon le quotidien Le Temps, qui cite des "sources dignes de foi", Abdelhafid Feghouli, directeur de l'activité «aval» de Sonatrach qui a occupé le poste de président-directeur général intérimaire lors de la tenue de la Conférence sur le GNL, est désormais dans le collimateur des services de sécurité. Il devrait comparaitre dans les prochains jours devant la justice pour s'expliquer sur l'enveloppe déployée pour le financement de la 16e conférence internationale du GNL, laquelle est de l’ordre de 800 millions de dollars. 
L'enquête des services de sécurité vise à démontrer si cette somme d'argent astronomique qui été déboursée pour assurer la bonne organisation de la Conférence du GNL16 n'a pas fait l'objet d'une surfacturation. Et il n'y a pas que les services de sécurité qui enquêtent à ce sujet. On apprend, en effet, que les mêmes investigations ont été recommandées au niveau interne du groupe Sonatrach, et ce, depuis l'installation du nouveau PDG, Nordine Cherouati. Ce qui veut bien dire…
Qui a tué Ali Tounsi ?
Le jeudi 25 février 2010, le directeur général de sûreté nationale (DGSN), Ali Tounsi, un proche du général Tewfik et qui avait des relations tendues avec le ministre de l'Intérieur Noureddine Yazid Zerhouni, est assassiné dans son bureau. Le tueur serait un certain Oultache Chouaib, directeur de l’unité aérienne de la sureté nationale, (la flotte d’hélicoptères de la police) basée à Dar El Beida. 
Pourquoi Oultache a-t-il tué Tounsi ?  
"Affaire personnelle", s’empresse de déclarer le ministère de l’Intérieur dans un communiqué hâtif. Le texte ajoute que "le décès de M. Ali Tounsi, Directeur Général de la Sûreté nationale est survenu lors d'une séance de travail, au cours de laquelle un cadre de la police, apparemment pris d'une crise de démence a utilisé son arme et a blessé mortellement le colonel Ali Tounsi, après quoi il a retourné l'arme contre lui se blessant gravement et a été transféré à l'hôpital".
"Faux !", réagit la famille du défunt, dans un autre communiqué adressé à la presse où elle conteste cette version officielle et affirme que Ali Tounsi a été assassiné devant témoins et "n'avait aucun problème personnel avec son assassin, ni d'ailleurs avec quiconque." Puis le texte ajoute : "Son épouse et la famille tiennent à préciser que le défunt a été assassine froidement, lâchement et en toute conscience dans son bureau de la Direction Générale de la Sûreté nationale, alors qu'il s'apprêtait à tenir une réunion avec les directeurs centraux. Il est mort "debout" dans son bureau, en patriote, au service de l'Etat, dans le cadre de la lutte de la criminalité sous toutes ses formes", lit-on dans le communiqué de la famille.
Contrairement à la version du ministère de l’Intérieur qui parle d’acte de démence, selon nos informations, il s’agirait donc bien d’un acte réfléchi et froidement exécuté. 
Le tueur a-t-il agi pour le compte du clan Bouteflika ? Tounsi détenait-il quelques informations compromettantes ? Dans un climat de tensions politiques en Algérie sur fond d'un scandale de corruption visant la direction de la compagnie pétrolière nationale, Sonatrach, il y avait tout lieu de le penser.
Et qui pour succéder à Tounsi ?
Dès la première semaine qui a suivi la mort de Tounsi, s’installe un bras-de-fer entre Mohamed Toufik Mediène, patron du DRS, les services de renseignements algériens, et Yazid Zerhouni, ministre de l’Intérieur et allié indéfectible du président algérien, Abdelaziz Bouteflika.
Toufik, qui n’a pas apprécié la déclaration de Zerhouni, quelques jours après l’assassinat de Tounsi, dans laquelle il affirmait que "son successeur a été désigné", a réussi à bloquer cette nomination. De surcroît, tous les noms qui lui ont été proposés ont été écartés. Mais ce qui aurait durci le plus la position du patron du DRS, ce sont les messages émis par des proches de Bouteflika affirmant que "seul le président de la République est habilité à désigner le nouveau chef de la DGSN". Cette précision aurait mis le feu aux poudres, incitant Toufik Mediène à attaquer sur un autre front, en relançant l’ouverture de l’enquête sur les détournements à la Sonatrach où le nom du ministre du Pétrole et des Mines, Chakib Khélil, est cité à plusieurs reprises. Ceci tendrait à prouver que le "gentleman’s agreement" conclu entre le clan présidentiel et le dirigeant du renseignement militaire algérien serait déjà brisé.

Le lobby arabe au secours de Bouteflika
Dès mars 2010, Hosni Moubarak et Cheikh Zayed Al Nahyan, président de l’Etat  des Emirats Arabes Unis volent au secours d’Orascom et des firmes arabes malmenées par le lobby national, en Algérie. Le Cheikh profite d’une tournée dans le Golfe du président égyptien pour se proposer en médiateur afin de "réconcilier" l’Algérie et l’Egypte. C’est le signe d’une riposte. "Il faut resserrer les coudes du lobby arabe autour du président Bouteflika."
Sitôt dit, sitôt fait.  Les souverains de Qatar, Koweït et Emirats Arabes Unis lancent une invitation au président algérien.  
Fin avril 2010 : le président Abdelaziz Bouteflika, malgré un état de santé déficient, s’offre à son tour, une visite d’amitié dans ces trois monarchies du Golfe où, selon la presse, il donne des assurances aux investisseurs locaux. A-t-il repris du poil de la bête ? Toujours est-il que la question des firmes arabes maltraitées par Ouyahia est au menu des déjeuners qu’il a avec Cheikh Sabah Al Ahmed Al Djaber Al-Sabah, émir de l’Etat du Koweït et au Qatar avec Cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani. A Qatar comme au Koweit ou aux Emirats, Bouteflika a également reçu des personnalités du monde de l’investissement et plaidé la cause de son pays en invitant les hommes d’affaires de ces riches pays arabes à venir investir une partie de leurs capitaux en Algérie. Des engagements ont été pris et des promesses ont été faites pour matérialiser le souhait du président algérien. De son côté, ce dernier n’aura pas manqué de donner les assurances nécessaires pour faciliter la concrétisation des futurs investissements, que l’on espère conséquents. Partout, la visite du président de la République est marquée par la signature de plusieurs accords portant notamment, sur la non-double imposition, la coopération économique et technique…
Aux Emirats, Bouteflika a notamment un entretien en tête-à-tête avec Cheikh Khalifa Ibn Zayed Al-Nahyane. Ce dernier affiche sa détermination à "coopérer" avec l’Algérie, à l’occasion d’un déjeuner officiel offert en l'honneur de Bouteflika, en présence des hauts responsables de l’Etat émirati.
Les entreprises émiraties jubilent. Le lobby arabe a réagi. Et il bat le fer pendant qu’il est chaud.
Trois jours à peine après le retour de Bouteflika à Alger, débarque dans la capitale algérienne le ministre du développement économique du gouvernement d’Abou Dhabi (Emirats Arabes Unis), Nacer Ben Ahmed Al-souidi, vieille connaissance du président algérien, accompagné d’une délégation composée de responsables de la société d’investissement d’Abou Dhabi, de l’entreprise des zones industrielles, de la chambre de commerce d’Abou Dhabi et de la société Moubadala, société qui relève du gouvernement d’Abou Dhabi. Il est immédiatement reçu par Bouteflika et ressort ravi "de nombreuses opportunités sont en cours d’étude pour être réalisées en Algérie". 
Bouteflika le fait recevoir par le ministre algérien des travaux publics, Amar Ghoul, avec ordre de "lui ouvrir toutes les portes". Obéissant, Ghoul annonce aux Emiratis que l’Algérie "cherche des partenaires pour la réalisation d’un ou de deux ports à 50 jusqu’à 70 km à l’est et à l’ouest de la capitale afin de désengorger le port d’Alger". Il cite plusieurs projets proposés actuellement au partenariat dont la création de ports commerciaux à travers le pays, l’extension et la modernisation des ports d’Oran, de Annaba, de Skikda et de Jijel ainsi que des actions de mise à niveau de 43 aéroports des lignes intérieures afin de les convertir en aéroports internationaux. Il ajoute le projet de modernisation de 12 aéroports internationaux, précisant que ces projets sont ouverts au partenariat. Il invite la société Moubadala à prendre des marchés dans le transport terrestre, suggérant aux Emiratis d’investir dans la mise en service de bus sur la voie reliant Alger à Tamanrasset. "Nous avons rénové les routes et il ne reste que de mettre en service des bus modernes".
Le retour des investissements émiratis en Algérie marque le début de la contre-offensive des lobbies étrangers, la première depuis deux ans. Bouteflika l’a-t-il emporté face au duo Ouyahia-Toufik ? Toujours est-il que même Hamid Temmar ressort sa stratégie industrielle, avec une énième réorganisation de groupes publics. Le ministre annonce la création de neuf grands groupes industriels composés au total de 300entreprises activant dans les industries électrotechnique, métallique, métallurgique, mécanique, chimique, les produits d'assainissement, l'électroménager, le textile, les cuirs et la menuiserie. C’est un défi au Premier ministre Ahmed Ouyahia qui avait, en mars 2009, critiqué la démarche de son ministre. "Pour cette stratégie industrielle, je vais être brutal. Elle a fait beaucoup plus l’objet de communications que d’actions. Elle n’a jamais été adoptée en Conseil des ministres", avait-il dit sur les ondes de la radio nationale.
Empoignade aussi autour d’Orascom. A la mi-mai 2010, Hamid Bessalah, ministre des Télécoms affirmait à des journalistes qu’il était en train de finaliser le rachat de Djezzy. Mais son homologue des Finances, argentier du pays, affirmait à l’APN que l’Etat n’avait pas encore soumis d’offre à Orascom Telecom Holding (OTH), maison mère de Djezzy.
La lutte des clans autour du pouvoir et de la rente pétrolière se poursuit.


H.K.
In LeMatinDZ en 3 parties : première, deuxième et troisième.

2 commentaires :

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    Le général Khaled Nezzar caporal de satan adjudant de la franc maçonnerie Khaled Nezzar ces généraux ces politiciens et ces journalistes contre le Fis et la charia islamique normal des amis de satan Nezzar pire pharaon le coup d’état le 11 les attentats terroriste le 11 le 11 symbole de la franc maçonnerie et satan satan est mort c’est la fin du monde a Ali Belhadj et aux algériens d’appliquer le Coran a 100% pour éviter l’enfer et pour éviter ces criminels et leurs Gia Daech a l’enfer the end.

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