Par Mohammed Harbi
Le Soir d’Algérie du 21
février 2012 a
publié un récit consacré à l’affaire Chaâbani. L’auteur, Cherif Mehdi,
revêtu du costume de l’inquisiteur, y fait le procès du régime de Ben Bella et,
jouant de l’insinuation venimeuse, m’attribue un rôle dans l’exécution du
colonel Chaâbani. Je reviendrais plus loin sur ce point. Mais pour édifier les
générations étrangères aux événements des années 1960, je me dois de rectifier
quelques opinions préconçues répandues sur mon itinéraire et ma position dans
le régime Ben Bella.
Repères pour un itinéraire
De septembre 1962 à mars 1963, je
figurais parmi les opposants au bureau politique du FLN. Avec d’autres
militants socialistes, j’ai condamné le sabotage du congrès de l’UGTA,
l’interdiction du PCA et le code de nationalité qui emprisonnait les Algériens dans
la confession musulmane. Ma réserve à l’égard des leaders de l’opposition s’est
dessinée après une entrevue à Paris, le 17 novembre 1962, avec Mohamed Boudiaf
en présence du colonel Salah Boubnider. Alger bruissait alors de mille rumeurs
sur la préparation d’un nouveau 1er Novembre.
J’avais préalablement échangé, au
mois d’octobre, mon analyse de la crise du FLN avec des amis que ses vues
semblaient séduire, notamment le professeur Mohamed Abdelmoumène(1). Le recours
à la lutte armée était, selon moi, la voie ouverte à la suprématie de l’armée.
Si le pays ne s’est pas disloqué en juillet 1962, c’est grâce en partie à
l’Etat administratif laissé en place par la France, c’est-à-dire l’Exécutif provisoire. Nous
avons échappé de peu à la congolisation. Allions-nous y plonger à nouveau ? Il
n’y avait, dans la situation d’alors, aucune alternative. Le peuple, hostile
aux luttes civiles, s’était prononcé au mois d’août aux cris de «Sept ans ça
suffit» ; la lutte pour sa survie était sa préoccupation majeure.
Les factions issues des wilayas
du FLN évoluaient au gré des événements et négociaient dans l’ombre leur retour
au bercail. La décantation politique et les reclassements des forces de la
résistance étaient loin de leur terme. L’urgence était à la construction de
nouvelles médiations enracinées dans le social et se nourrissant des problèmes
concrets des populations. Toute autre perspective ne ferait qu’aggraver la
désintégration sociale et donner du grain à moudre aux tenants d’une
«révolution par le haut» dont l’expression existait dans les sommets de l’armée
et de l’administration. Je n’ai pas été écouté. La recomposition politique à
laquelle j’aspirais s’inscrivait dans l’histoire du mouvement ouvrier et
syndical. Le mode de fonctionnement des oppositions issues du FLN, très
personnalisé, induisait des rapports de vassalité à des chefs. Tous ces
courants, qui m’apparaissaient un moment comme des partenaires possibles, ne me
séduisaient pas malgré la sympathie que j’avais pour eux.
Les faits porteurs de changement
vont apparaître, me semblait-il alors, avec les décrets de mars sur
l’autogestion. Nommé ambassadeur à Beyrouth, j’étais à la veille de rejoindre
mon poste, quand je reçus une convocation du président Ben Bella, celui-ci me
proposait d’entrer dans son cabinet. Je lui ai rappelé qu’en l’absence d’un
congrès des forces de la résistance, je considérais le bureau politique du FLN
comme une autorité de fait et non de droit. Il a ri avant de m’assurer qu’il
l’entendait ainsi et qu’il ferait appel à moi, le moment venu, pour la
préparation du Congrès. C’est dans ces circonstances qu’au mois d’avril 1963,
j’ai été nommé conseiller technique chargé du secteur socialiste et non
conseiller politique, comme l’écrit Mehdi Cherif.
La gestion de ce secteur et son
extension ne dépendaient pas de moi mais des ministres du secteur. Partisan
d’une démocratie directe et donc adversaire d’une révolution par le haut
conduite par une bureaucratie d’Etat, ma vision était d’œuvrer à construire des
lieux d’autonomie pour lever l’hypothèque du monopartisme. Je suis devenu donc
l’homme à abattre et l’objet de plusieurs cabales(2) montées aussi bien par la Sécurité militaire que
par les amis intimes du Président.
A la veille de la conférence
d’Addis-Abbeba qui a vu la création de l’OUA, le président Ben Bella m’a confié
la direction de Révolution africaine. La responsabilité d’un journal m’a permis
de faire connaître les idées du socialisme autogestionnaire et d’exprimer ma
différence avec les partisans du capitalisme d’Etat et avec les staliniens,
comme avec le Président. Il suffit de lire Révolution africaine pour s’en
convaincre. Abordons maintenant l’affaire Chaâbani.
L’affaire Chaâbani
L’affaire Chaâbani s’inscrit dans
la perspective de la construction d’une armée nationale. Pour être bref et
précis, disons que dans le processus qui y mène, il y eut une phase de
prépondérance civile. Les chefs comme leurs recrues sont des guerriers
improvisés. Il y avait bien peu de militaires de métier. Les wilayas comme
corps armés sont fortement pénétrées par la société. On peut dire, sans risque
de se tromper, qu’elles constituaient des armées totalement sociétales. Les
troupes aux frontières en dépendaient malgré une coordination confiée à Krim
Belkacem au niveau du CCE d’abord, puis du GPRA.
La seconde phase commence avec le
bouclage des frontières par l’armée française. Technicité, discipline et esprit
de corps devenaient indispensables. On assiste alors à l’entrée en scène d’un
encadrement de militaires de métier. Cela ne se fit pas sans secousses.
L’amalgame entre guerriers improvisés, officiers déserteurs de l’armée
française et officiers formés dans les académies militaires de pays amis ne fut
pas un long fleuve tranquille.
Cette tâche fut assumée d’abord
par Krim Belkacem puis par un état-major général installé en 1960 et dirigé par
le colonel Boumediène avec comme adjoints les commandants Mendjeli (Wilaya II),
Zerrari Rabah (Wilayas III et IV), Kaïd Ahmed (Wilaya V). Ils héritaient d’un
projet conçu par le commandant Idir en 1959. Dans ce projet, l’armée des
frontières constitue la force principale. Une partie des effectifs des wilayas
la rejoindrait, l’autre partie serait reversée dans des corps répressifs à
créer. La mise en œuvre de cette troisième phase échut au colonel Boumediène et
à ses collaborateurs. Elle se déroula après l’indépendance, dans un contexte
marqué par l’implosion du FLN dans une société hétérogène, divisée par les
rivalités anciennes et nouvelles et travaillée par des forces centrifuges. Les
classes urbaines (bourgeoisie, classe ouvrière, intelligentsia) étaient à l’état
embryonnaire et segmentées.
Noyées dans l’océan rural et
bousculées par la vague plébéienne, elles ne pouvaient prétendre au
commandement de la société que par procuration. Le poids écrasant de la colonisation
et l’effacement des notables compromis avec la colonisation ont créé un vide
social.
On a vu alors surgir du sol l’insurrection déclenchée, des meneurs d’hommes courageux sortis du peuple, des chefs insolites, audacieux, conservateurs, indifférents aux idées, peu regardants sur les formes d’action et passant sans scrupules d’une faction dirigeante à l’autre.
On a vu alors surgir du sol l’insurrection déclenchée, des meneurs d’hommes courageux sortis du peuple, des chefs insolites, audacieux, conservateurs, indifférents aux idées, peu regardants sur les formes d’action et passant sans scrupules d’une faction dirigeante à l’autre.
Ils évoluaient dans une situation
où la crise du nationalisme a entraîné la marginalisation de secteurs civils et
de personnalités qui ont tenté, des années 1920 à 1954, de construire dans les
interstices laissées par le pouvoir colonial des espaces à potentialité
démocratique. C’est à ces meneurs d’hommes que revint la sélection d’une
nouvelle élite. Le rang qu’ils ont acquis à travers l’armée dépendait moins de
leurs qualités intrinsèques que de la vague historique qui les portait. Le
colonel Lotfi, mort au combat, en a dressé, dans des confidences au président
du GPRA, Ferhat Abbas, un tableau saisissant : «J’ai observé, disait-il, chez
le plus grand nombre d’entre eux (il s’agit des chefs), des tendances aux
méthodes fascistes. Ils rêvent tous d’être des sultans au pouvoir absolu.
Derrière leurs querelles,
j’aperçois un grave danger pour l’Algérie indépendante. Ils n’ont aucune notion
de la démocratie, de la liberté, de l’égalité entre les citoyens. Ils
conserveront du commandement qu’ils exercent le goût du pouvoir et de
l’autoritarisme. Que deviendra l’Algérie entre leurs mains ?» C’est à ces chefs
liés au peuple et au travail politique des civils que l’Algérie doit d’avoir
recouvré son indépendance. C’est également à ces chefs que Ben Bella et
Boumediène doivent leur pouvoir. Mais très vite, ils vont leur apparaître comme
un obstacle à la construction d’un Etat.
Chaâbani considérait le Sahara
comme sa chasse gardée. Il s’est dressé contre Boumediène pour maintenir son
contrôle sur son fief régional et devenir un partenaire dans le partage du
gâteau national. Contre le colonel Boumediène, il n’avait aucune chance.
L’impunité dont il a bénéficié tout au long de sa carrière lui a fait perdre le
sens de la mesure et des rapports de force. Sommé de quitter le commandement de
la région saharienne, il refuse d’obéir et oblige l’administration à ne plus
reconnaître l’administration centrale. Il ouvrait malgré lui un champ d’action
à toutes les forces extérieures hostiles à l’Etat algérien.
C’est la raison pour laquelle le
journal que je dirigeais, Révolution africaine, a appelé le gouvernement à
réagir. La dissidence de Chaâbani s’est produite le 4 juillet et a pris fin le
11 du même mois. Entre ces deux dates, Révolution africaine a publié trois
articles ; deux éditoriaux sous ma signature, le troisième intitulé «Les
féodalités bureaucratiques», exprimait le point de vue de la direction du FLN ;
y était relaté le fond de l’affaire Chaâbani. Celui-ci a été jugé sans garantie
de justice par un tribunal militaire les 2 et 3 septembre et la sentence
exécutée dès le procès terminé. A cette date, je n’étais plus le directeur de
Révolution africaine ; Amar Ouzeggane m’y avait remplacé dès le 29 août.
Je ne pouvais, donc écrire, comme l’affirme Chérif Mehdi, un article
incendiaire le lendemain de son exécution ! Pourquoi fausse-t-il la chronologie
des faits sinon pour valider un mensonge et suggérer que j’étais l’inspirateur
de l’exécution de la sentence évacuant la responsabilité des militaires qui
l’ont condamné ?
Drôle de logique que celle qui
épargne les militaires membres du tribunal pour incriminer celui qui a refusé
la grâce, à savoir le président Ben Bella ! Pourquoi proférer à mon encontre
une accusation grave sans citer sa source ? Pour qui roule-t-il et qui
protège-t-il ? J’ai interrogé et enregistré le colonel Zbiri sur l’affaire
Chaâbani. A aucun moment, il n’a évoqué mon nom. Il savait bien qu’entre la
gauche socialiste et le président Ben Bella, le torchon brûlait depuis la fin
du congrès du FLN, en avril 1964. En vérité, s’il fallait résumer la substance
des luttes qui dominèrent la vie politique après 1962, elles s’ordonneraient
presque toutes autour de la conquête du pouvoir, de son exercice et de l’usage
qu’il convient qu’en fassent ses détenteurs du moment.
Mais aussi sur leur identité et
leur droit à l’occuper. L’affaire Chaâbani n’a pas dérogé à cette logique, le
pouvoir au bout du fusil régissant les rapports entre les candidats à la
succession de l’Etat colonial. Elle n’a été qu’un moment dans la dissolution de
la faction qui a porté Ben Bella au pouvoir et de l’affirmation de l’autorité
du colonel Boumediène sur l’ensemble de l’armée. L’article de Cherif Mehdi
participe des usages politiques du passé et n’a rien à voir avec l’histoire. Le
recours au passé n’est ni politiquement innocent ni fortuit. Il s’intègre à la
campagne en faveur du général Nezzar organisé par le Soir d’Algérie et repose sur
une interpellation fondamentale, la sacralisation d’un des chefs de l’armée.
Depuis quand une armée s’identifie à ses chefs avant de s’identifier à la
nation ? S’agit-il d’une caste ou d’une institution au service du pays ?
La désinformation est une technique
vieille comme le monde. Elle vise ici à faire taire un homme qui dérange. On
veut faire croire au lecteur qu’aujourd’hui, je dénonce les disparitions, les
enlèvements, la torture, alors qu’hier, au cabinet de Ben Bella, j’étais
moins regardant.
Le procédé utilisé à cette fin
est ignoble et soulève le problème de l’itinéraire des hommes qui l’utilisent,
de leurs idées, de leurs pratiques. Contrairement à toute interpellation
honnête d’un acteur politique où on produit, à la fois, le point de vue de l’accusateur
et du défendeur, ici, on commence par publier l’article de l’accusateur et par
lyncher le défendeur ; en ce sens, les médias ne sont plus un véhicule de
l’information mais l’instrument de manipulateurs de l’opinion publique, d’un
spectacle qui ne répond qu’à une règle : salir. Dénoncer le fait du prince
devient un crime de lèse majesté. Prêtons l’oreille sur ce sujet à Saâd Dahlab,
ancien membre du CCE et ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Ben
Khedda : «Nous devons (au fait du prince) de voir nos concitoyens constamment
s’incliner devant le fait accompli.
Nous ne discutons jamais les
initiatives unilatérales du chef, encore moins ses ordres, même lorsque nous
sommes responsables devant la nation. Nous nous contentons d’entériner le fait
du prince et même de l’applaudir quel que soit ce que nous pensons.» Ce
comportement relève d’une culture politique archaïque encore en vigueur dans
certains pays musulmans. Cette culture distingue, en matière d’autorité, le
berger et le troupeau. Ce à quoi nous convie Chérif Mehdi, c’est de nous
comporter comme un troupeau, de nous confier à un guide et de considérer
l’arbitraire comme relevant de la nature des choses. Nous sommes au XXIe
siècle. En entrant dans le monde moderne, nous avons acquis la conscience de
nos droits et nous avons appris à les revendiquer et à les défendre.
C’est grâce à cette mentalité
nouvelle que nous avons vaincu le colonisateur. Là où la force tient lieu de
droit, où les libertés individuelles, notamment la liberté de conscience, sont
bafouées, il n’y a pas de place pour le progrès. Ne permettons pas à de mauvais
bergers et à leur meddah de nous faire perdre la conscience de nos droits et de
nous inculquer, par la répression, la corruption et le conditionnement, l’esprit
de soumission. Les droits humains ne sont pas un luxe mais une nécessité
politique et sociale, un bouclier efficace contre toutes les formes de
domination qu’elles soient le fait de l’étranger ou des nationaux. Devons-nous
nous taire sur la pratique de la torture ? Je réponds non. Ceux qui en usent
doivent-ils en répondre devant les tribunaux ? Je dis oui.
La question de la torture et de
la violence contre les populations, je l’ai soulevée en 1964 à propos de la Kabylie, lors d’une
session du comité central qui a montré, malheureusement, que cette instance
était loin d’être mûre pour un tel débat. «Donnez-moi des preuves de torture»,
a demandé Ben Bella, désorienté. «J’en ai», réplique Saâdaoui de Draâ El Mizan
en exhibant un dossier. Lui ravissant la parole, le colonel Boumediène
intervient pour dire : «Donnez-moi un autre moyen pour avoir des
renseignements» sans manquer de nous traiter de «rêveurs» ! Cherif Mehdi
oublie-t-il, dans le procès qu’il m’intente, que de tels propos ont déjà été
entendus lors de notre guerre de libération en France et qu’ils ont suscité une
vague de protestations des intellectuels libéraux et de gauche ?
Avaient-ils tort, ces
intellectuels, de se dresser contre les méthodes barbares de leur armée dont
les chefs les ont accusés de trahir la France et de manquer de patriotisme ? Lorsqu’il
dresse un réquisitoire contre le régime du président Ben Bella, l’auteur de
l’article en parle comme si lui était extérieur à l’Etat, que l’armée n’en
était pas la colonne vertébrale et les militaires l’acteur hégémonique(3).
Dois-je lui rappeler que sa conception du devoir en a fait le complice d’un
sacrilège, à savoir le recel des cadavres des Colonels Amirouche et Si El
Haouès. Un citoyen, conscient de ses droits et de ses devoirs à l’égard de son
peuple, n’aurait jamais accepté de couvrir longtemps une telle vilénie. Sauver
l’indépendance des menaces qui peuvent faire d’elle un non-événement relève de
l’urgence. Mehdi Cherif a participé à trois coups de force : contre le GPRA,
contre Ben Bella et contre Boumediène. N’est-il pas temps pour lui, comme pour
nous tous, de réfléchir et de nous interroger autrement sur le rôle de l’armée
et de sa place dans la nation ?
Renvois
-1) Le professeur Abdelmoumène a
été arrêté en même temps que Ahmed Taleb Ibrahimi, Aït Challal et Mohammed
Mellah. Abdelmoumène peut témoigner que je n’ai cessé d’intervenir en leur
faveur jusqu’à leur libération. A ma connaissance, seul M. Mellah a été torturé
par la gendarmerie. Il est significatif que Cherif Mehdi ne cite que les cas
des personnalités promises à des carrières à l’ère de Boumediène. Il est
également significatif qu’évoquant l’auditoire des manifestations politiques en
faveur de Ben Bella, il parle «des foules qui hurlent». Comme dans d’autres
révolutions, les plébéiens algériens notabilisés tournent le dos à leurs
origines.
-2) J’en citerais trois : a)
début novembre 1964, le colonel Tahar Zbiri proteste auprès de moi à propos de
jugements que j’aurais tenus sur l’armée. Le lendemain, je suis convoqué par
Ben Bella. Selon les services de renseignement, j’aurais dit à un journaliste
de Libération que le défilé de l’ANP ressemblait à un défilé de l’armée
française. Malheureusement pour les calomniateurs, à la date indiquée par les
informateurs, je me trouvais à Constantine muni d’un ordre de mission. A la
même date, Estier n’était pas en Algérie ; b) un jour vers minuit, la police de
la présidence dirigée par le commissaire Hamadache frappe à ma porte. Un
ministre, qui était mon voisin, l’avait avisé qu’une orgie se tenait à mon
domicile. On y célébrait le mariage d’un opposant tunisien, Ibrahim
Tobbal avec une diplomate algérienne ; c) un autre jour, un des fondateurs de
l’association des Oulémas, Cheikh Kheireddine, se présente à mon bureau :
«Je viens, me dit-il, d’acquérir une orangeraie pour inviter les amis qui nous
ont aidés pendant la guerre. Les autorités veulent me la prendre en vertu de
l’annulation des transactions sur les biens vacants. Hier, le colonel
Boumediène est venu rompre le jeûne chez moi et m’a assuré que j’étais le seul
à pouvoir régler ce problème. Tous les acquéreurs de biens vacants en litige
avec l’Etat étaient sciemment orientés vers moi pour me faire endosser des
décisions prises ailleurs.»
-3) On disserte beaucoup sur le
pouvoir personnel de Ben Bella. Voici quelques preuves du contraire : lors
de la préparation du congrès, la commission que le bureau politique a mise en
place a rejeté, à plusieurs reprises, la demande faite par le président Ben
Bella d’être élu secrétaire général par le congrès et non par le comité
central. Cette requête n’a été agréée qu’après accord du chef de l’armée et de
ses partisans. Autre fait : la proposition de Ben Bella de créer au FLN
une commission militaire pour former politiquement les cadres de l’armée a été
contestée par Boumediène, qui a eu gain de cause. Sur cette question, Zbiri,
Chaâbani et Boumediène étaient du même côté.
Mohammed Harbi
In El Watan 2012-06-04
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