dimanche 18 septembre 2011

Appel et contre-appel au soulèvement : Quand la rumeur aggrave la confusion politique


Par Nadjia Bouaricha 

Un étrange appel à un soulèvement populaire ayant circulé sur facebook, puis des sms appelant au calme ont créé un climat de psychose généralisé. Relents de manipulation : ceux qui ont appelé à rester chez soi, le 17 septembre, ne sont pas identifiés, tout comme les initiateurs de l’appel à manifester. L’adage populaire dit que «la peur fait courir même les vieux». On peut y ajouter qu’elle peut même être source d’inspiration pour les plus machiavéliques desseins.
L’appel à sortir manifester le 17 septembre contre le pouvoir en Algérie, puis celui de faire barrage à cet appel en assimilant la survie de la nation à celle du pouvoir, relève de la pure manipulation. Tout comme les initiateurs de l’appel à manifester, ceux qui ont appelé à rester chez soi le 17 septembre, ne sont pas identifiés. D’une rumeur amplifiée sur le réseau social facebook, jusqu’aux propos tenus par le ministre de l’Intérieur sur une hypothétique «menace extérieure», en passant par une campagne orchestrée en règle par certains journaux proches du cercle du pouvoir contre une prétendue «main étrangère qui veut déstabiliser le pays», la manœuvre semble être bien tissée et montée comme une pièce théâtrale pour faire œuvre de propagande «anti-révolution». Hier, une journée ordinaire s’est offerte à la capitale, Alger, qui, la veille, guettait en sourdine les signes d’un bombardement israélien, ou d’une agression de l’OTAN, ou d’une manifestation que guiderait un bouffon «philosophe-imposteur», cheveux au vent. Il n’en était rien hier. La supercherie, orchestrée dans de sombres officines, a fini par traduire ce qu’elle est réellement, un tissu de mensonges. Une grosse couleuvre, bien grasse et difficile à avaler. On peut être tentés de se poser la question de savoir pourquoi s’aventurer à faire circuler une telle menace ? Dans les multiples techniques de manipulation, celle consistant à faire craindre une terrible situation et offrir la solution en même temps, en est une bien connue. La situation créée et imaginée suscitera à son tour la réaction souhaitée de la part du public cible. Ce dernier, et en pensant aux conséquences terribles, s’abstient de s’y inscrire et d’y participer. On invoque les constantes nationales et les causes unificatrices pour fédérer le maximum de personnes. On créé de fausses menaces, de faux sursauts nationalistes et on invoque la fameuse «union contre l’ennemi commun». C’est ainsi que cette opération, même relayée par la Télévision nationale, a rappelé le triste souvenir de Sabra et Chatila ; et a appelé à l’utilisation du symbole de l’emblème national. L’appel à l’émotion consommé, la raison peut sommeiller. Toutes les manœuvres sont porteuses lorsqu’il s’agit de faire barrage à l’«ogre étranger». Le but de la manœuvre étant de créer la psychose et de semer le doute sur l’option de la révolte comme moyen de lutte pour avoir ses droits. Il s’agit aussi de jeter la suspicion sur d’éventuels et futurs appels au sursaut contre la hogra et l’oppression. L’attention du public étant ainsi détournée des réelles préoccupations qui accompagnent cette rentrée sociale, le recroquevillement sur soi, le sentiment de culpabilité qui s’empare de celui de la révolte, devient le refuge où se meurent les aspirations au changement. L’expression «manipulez, manipulez, il en restera quelque chose» n’a jamais été aussi vraie. On occupe les esprits pour un temps, mais en pensant à un impact futur. Le génie des peuples est de justement se soustraire au «prêt-à-penser». 

Nadjia Bouaricha 
El Watan, le 18 septembre 2011

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