Par Fayçal Métaoui
Pour l’historien Mohamed Harbi, Messali Hadj n’avait jamais exclu le recours à la lutte armée contre le colonialisme français, alors que Mohamed Boudiaf avait pensé, à tort, que le fondateur du Mouvement national algérien (MNA) était hostile à «la révolution».
Cette terre n’est pas à vendre.» La phrase prononcée par Messali Hadj, fondateur du Parti du peuple algérien (PPA), le 2 août 1936 lors de la célèbre intervention du stade municipal d’Alger, est le thème choisi pour le colloque international sur le père du nationalisme algérien organisé depuis hier à l’auditorium de l’université Aboubakr Belkaïd de Tlemcen. Un colloque préparé par l’Association des anciens élèves du collège de Slane, du lycée et des médersas de Tlemcen (Ecolymet) en collaboration avec le laboratoire de recherche et d’études civilisationnelles de l’université de Tlemcen. «L’un des objectifs de l’association est la préservation de notre mémoire collective. Nous sommes fiers de projeter dans le temps notre valeureux passé pour l’émancipation les générations actuelles et futures (…) Messali Hadj a œuvré toute sa vie pour que l’Algérie soit libre et recouvre son indépendance totale. Ce colloque doit être abordé avec une approche scientifique, universitaire et de concertation», a d’emblée précisé Boumediène Benyoucef, président d’Ecolymet, lors de la cérémonie d’ouverture. Il a lu une lettre envoyée par Djamel Ould Abbès, ministre de la Santé, qui n’a pu répondre à l’invitation qui lui a été adressée. Pour Djamel Ouled Abbès, l’Etoile nord-africaine (ENA), le PPA et l’Organisation spéciale (OS, bras armé du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratique, MTLD) étaient des «structures révolutionnaires» créées par «le leader incontesté» du nationalisme algérien, Messali Hadj. Daho Ould Kablia, ministre de l’Intérieur, ancien du MALG, a, lui, délégué Mme Yellès, directrice centrale de son département, pour le représenter au colloque. Mme Yellès a estimé que la manifestation s’inscrit dans une logique «de devoir de mémoire» à l’égard du «monument du nationalisme», Messali Hadj. Hadjiat Abdelhamid, enseignant à l’université de Tlemcen, a indiqué qu’une équipe de chercheurs est désignée depuis quelques années pour étudier l’évolution du mouvement nationaliste en Algérie. «Une étude qui se base sur ce qui peut être trouvé comme documents et témoignages», a-t-il souligné. «Cette terre n’est pas à vendre, n’est pas un slogan publicitaire. C’est le cri d’un homme indigné. Messali Hadj venait de traverser la Méditerranée pour dire non au rattachement de l’Algérie à la France. C’était hier matin, il y a 75 ans. Ce geste symbolique fort a embrasé le patriotisme de tout un peuple. Il a ouvert la voie à l’indépendance du pays et a fissuré les fondations de l’empire colonial», a déclaré Djanina Messali Benkelfat, fille de Messali Hadj. Elle a regretté l’évacuation de l’histoire algérienne de la date du 2 août 1936. «Date méconnue d’au moins trois générations, jamais commémorée, elle demeure un repère fondateur et essentiel de la mémoire collective», a-t-elle appuyé. Elle a rendu hommage à certains compagnons de son père qui avaient contribué à l’organisation de l’Etoile nord-africaine après le discours d’Alger : Mohamed Guenanèche, Boumediène Mâarouf, Mohamed Memchaoui, Mustapha Berezzoug et Abdelkrim Benosmane. «Messali Hadj avait prononcé le mot magique ‘‘indépendance’’ au moment où d’autres en étaient à l’assimilation et à la reconnaissance de la citoyenneté au rabais», a observé Abdellah Bendi, universitaire, qui a modéré les débats de la matinée. L’historien Mohamed Harbi, lors de la première intervention, s’est intéressé au rapport de Messali Hadj avec l’intelligentsia algérienne et aux origines directes de l’insurrection en Algérie. «Avant la conquête coloniale, la société algérienne était de type inégalitaire, hiérarchisée, préférentialiste. Il y avait dans cette société le berger dirigeant (rouâat) et le troupeau où il y avait ‘‘el âama’’ et ‘‘el khassa’’. Lorsque Messali Hadj est entré en politique, ce vocabulaire était celui de la majorité des Algériens. Lui-même, de par ses origines sociales et son expérience politique, était considéré comme un homme du peuple. Il appartenait à el âama (le commun des gens, ndlr). C’est de cette manière qu’il était perçu par l’intelligentsia algérienne», a-t-il expliqué. Cette intelligentsia considérait, d’après lui, que la chose politique était une matière qui revenait aux gens instruits et à des spécialistes. «Il fallait mener un combat sur deux fronts, s’imposer à la France comme interlocuteur et s’imposer à l’élite de son peuple. On peut dire que pour le discours de 1936, le peuple était présent pour la première fois à une tribune. Une tribune où figurait toute l’intelligentsia de l’époque composée des élus, des responsables du parti communiste et des oulémas. Les oulémas étaient parmi les premiers à définir la nation. On se souvient de l’ouvrage de Tewfik El Madani, Kitab El Djazaïr, paru en 1930. Ce sont eux qui vont faire du mot ‘‘chaâb’’ (peuple), un mot d’ordre qui va se nationaliser», a expliqué Mohamed Harbi.
Cette terre n’est pas à vendre.» La phrase prononcée par Messali Hadj, fondateur du Parti du peuple algérien (PPA), le 2 août 1936 lors de la célèbre intervention du stade municipal d’Alger, est le thème choisi pour le colloque international sur le père du nationalisme algérien organisé depuis hier à l’auditorium de l’université Aboubakr Belkaïd de Tlemcen. Un colloque préparé par l’Association des anciens élèves du collège de Slane, du lycée et des médersas de Tlemcen (Ecolymet) en collaboration avec le laboratoire de recherche et d’études civilisationnelles de l’université de Tlemcen. «L’un des objectifs de l’association est la préservation de notre mémoire collective. Nous sommes fiers de projeter dans le temps notre valeureux passé pour l’émancipation les générations actuelles et futures (…) Messali Hadj a œuvré toute sa vie pour que l’Algérie soit libre et recouvre son indépendance totale. Ce colloque doit être abordé avec une approche scientifique, universitaire et de concertation», a d’emblée précisé Boumediène Benyoucef, président d’Ecolymet, lors de la cérémonie d’ouverture. Il a lu une lettre envoyée par Djamel Ould Abbès, ministre de la Santé, qui n’a pu répondre à l’invitation qui lui a été adressée. Pour Djamel Ouled Abbès, l’Etoile nord-africaine (ENA), le PPA et l’Organisation spéciale (OS, bras armé du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratique, MTLD) étaient des «structures révolutionnaires» créées par «le leader incontesté» du nationalisme algérien, Messali Hadj. Daho Ould Kablia, ministre de l’Intérieur, ancien du MALG, a, lui, délégué Mme Yellès, directrice centrale de son département, pour le représenter au colloque. Mme Yellès a estimé que la manifestation s’inscrit dans une logique «de devoir de mémoire» à l’égard du «monument du nationalisme», Messali Hadj. Hadjiat Abdelhamid, enseignant à l’université de Tlemcen, a indiqué qu’une équipe de chercheurs est désignée depuis quelques années pour étudier l’évolution du mouvement nationaliste en Algérie. «Une étude qui se base sur ce qui peut être trouvé comme documents et témoignages», a-t-il souligné. «Cette terre n’est pas à vendre, n’est pas un slogan publicitaire. C’est le cri d’un homme indigné. Messali Hadj venait de traverser la Méditerranée pour dire non au rattachement de l’Algérie à la France. C’était hier matin, il y a 75 ans. Ce geste symbolique fort a embrasé le patriotisme de tout un peuple. Il a ouvert la voie à l’indépendance du pays et a fissuré les fondations de l’empire colonial», a déclaré Djanina Messali Benkelfat, fille de Messali Hadj. Elle a regretté l’évacuation de l’histoire algérienne de la date du 2 août 1936. «Date méconnue d’au moins trois générations, jamais commémorée, elle demeure un repère fondateur et essentiel de la mémoire collective», a-t-elle appuyé. Elle a rendu hommage à certains compagnons de son père qui avaient contribué à l’organisation de l’Etoile nord-africaine après le discours d’Alger : Mohamed Guenanèche, Boumediène Mâarouf, Mohamed Memchaoui, Mustapha Berezzoug et Abdelkrim Benosmane. «Messali Hadj avait prononcé le mot magique ‘‘indépendance’’ au moment où d’autres en étaient à l’assimilation et à la reconnaissance de la citoyenneté au rabais», a observé Abdellah Bendi, universitaire, qui a modéré les débats de la matinée. L’historien Mohamed Harbi, lors de la première intervention, s’est intéressé au rapport de Messali Hadj avec l’intelligentsia algérienne et aux origines directes de l’insurrection en Algérie. «Avant la conquête coloniale, la société algérienne était de type inégalitaire, hiérarchisée, préférentialiste. Il y avait dans cette société le berger dirigeant (rouâat) et le troupeau où il y avait ‘‘el âama’’ et ‘‘el khassa’’. Lorsque Messali Hadj est entré en politique, ce vocabulaire était celui de la majorité des Algériens. Lui-même, de par ses origines sociales et son expérience politique, était considéré comme un homme du peuple. Il appartenait à el âama (le commun des gens, ndlr). C’est de cette manière qu’il était perçu par l’intelligentsia algérienne», a-t-il expliqué. Cette intelligentsia considérait, d’après lui, que la chose politique était une matière qui revenait aux gens instruits et à des spécialistes. «Il fallait mener un combat sur deux fronts, s’imposer à la France comme interlocuteur et s’imposer à l’élite de son peuple. On peut dire que pour le discours de 1936, le peuple était présent pour la première fois à une tribune. Une tribune où figurait toute l’intelligentsia de l’époque composée des élus, des responsables du parti communiste et des oulémas. Les oulémas étaient parmi les premiers à définir la nation. On se souvient de l’ouvrage de Tewfik El Madani, Kitab El Djazaïr, paru en 1930. Ce sont eux qui vont faire du mot ‘‘chaâb’’ (peuple), un mot d’ordre qui va se nationaliser», a expliqué Mohamed Harbi.
Le culte des valeurs
L’auteur de Aux origines du FLN a estimé qu’il fallait en finir avec «les mentalités anciennes», celles qui excluaient une partie du peuple de la participation politique. Les différends à l’intérieur du parti de Messali Hadj étaient nés du fait qu’un courant voulait s’appuyer sur la population pour mener le combat politique et que l’autre estimait qu’il fallait compter sur les appareils. «D’après des témoignages que j’ai recueillis, des gens étaient venus au PPA pour le changer dans le sens de leurs idées propres. Ils allaient se heurter aux entrepreneurs de la mobilisation. D’où la crise du PPA-MTLD», a-t-il noté. Il a relevé que le PPA-MTLD s’était organisé autour de la personnalité charismatique de Messali Hadj auquel chacun s’identifiait.
Ceci était le propre des «sociétés religieuses» et pas des «sociétés industrielles». «Loin d’être le dictateur, le personnage de Messali incarnait la cause. Il se présentait comme un simple médiateur. Le militantisme était devenu une imitation de ce personnage. Dans l’ancienne littérature, on parle toujours de retour aux sources. C’est une logique de type religieux. C’est donc le retour à quelque chose qui a été abandonné. C’est ce qui fait la violence de toutes les crises qu’a connues l’Algérie avant 1954», a expliqué Mohamed Harbi.
Pour lui, le PPA-MTLD n’était pas un parti religieux, mais un parti politique qui avait les traits d’un mouvement religieux avec un certain messianisme.
«Le culte du leader est en fait le culte aux valeurs dont cet homme est le représentant et pas à l’individu lui-même. Et le caractère du mouvement religieux fait que quiconque ne se rallie pas à ce personnage est considéré comme un déviant ou un traître», a-t-il relevé. Il a estimé que le PPA-MTLD ne prendra une allure nationale qu’à partir du début des années 1940.
Un parti qui devait militer tant pour être reconnu légalement que pour garder un appareil clandestin. «Le recours aux armes n’a jamais été exclu. Messali en avait toujours parlé. Lorsque les oulémas avaient été interdits de prêcher dans les mosquées, il avait dit que nous devons défendre la liberté de prêche les armes à la main», a relevé l’historien.
Après la création de l’OS, et les arrestations qui avaient suivi, Messali avait estimé que l’option de lutte armée devait être revue. «Il était envisagé d’envoyer des contingents d’Algériens faire leur apprentissage dans les académies militaires arabes. L’attitude de Messali était donc différente de celle des hommes du Comité révolutionnaire d’unité et d’action, (CRUA, ndlr), les fondateurs du FLN», a-t-il relevé.
Citant un document, Mohamed Harbi a révélé que Mohamed Boudiaf avait confié aux cofondateurs du Parti de la révolution socialiste fondé en 1962 (PRS) qu’il avait lui-même «retourné» Boussouf, Ben M’hidi, Bentobal et Zighout, lesquels étaient tous favorables à Messali Hadj. «Il leur avait dit que Messali ne voulait pas de la révolution. Boudiaf avait considéré que l’éclatement de l’OS était un reniement de la part de Messali. Boudiaf voulait une fixation claire de la date de l’insurrection», a-t-il précisé.
Une pensée actuelle
Aïssa Kadri, sociologue et responsable du Master Méditerranée/monde maghrébin à l’université Paris 8, a estimé que la pensée et l’action de Messali Hadj sont toujours d’actualité.
«Dans le contexte de la crise algérienne qui dure depuis l’indépendance nationale, ce que pourrait nous apprendre un retour sur le combat de Messali Hadj est le primat de l’action politique sur l’usage actif de la violence. De fait, la violence armée inscrite dans le cours de la remise en cause de la dominance de l’oppression colonialiste a secondarisé et dissous l’action politique dans ce qu’elle pouvait poser comme question de fond sur le devenir de la formation sociale algérienne», a-t-il analysé.
Selon lui, la crise de ces dernières années témoigne de la faillite du politique en Algérie.
L’alternative messaliste de construction nationale est, d’après Aïssa Kadri, toujours d’actualité. «Il s’agit des prérequis d’une Assemblée constituante souveraine élue au suffrage universel sans distinction de race et de religion, des élections libres, une réalisation d’une République sociale et démocratique», a-t-il noté.
Il rappelé la proposition de Messali Hadj d’une table ronde pour trouver une solution démocratique à la sortie de guerre. Aïssa Kadri est revenu ensuite sur le rapport entre la gauche française et le messalisme.
Il a estimé que les syndicats d’éducation français étaient les plus engagés dans le soutien à la démarche de Messali Hadj. Aïssa Kadri a rappelé que Messali Hadj, qui s’était inspiré du modèle d’organisation du Parti communiste français (PCF) pour fonder l’ENA, avait rompu avec ce parti en raison de son soutien à «une autonomie dans les colonies avec un Parlement pour les indigènes» alors que lui était pour l’indépendance.
Il a évoqué la participation des militantes de l’ENA aux manifestations antifascistes à Alger en 1934. «L’arrivée du Front populaire au pouvoir en France débouche sur la dissolution de l’ENA en 1937 et marque durablement la rupture avec la gauche et avec le PCF qui avait une responsabilité dans la répression à l’égard des nationalistes. A l’annonce de la création du PPA, l’Humanité (organe du PCF, ndlr) a mené une campagne violenté. A cette date, Messali Hadj rencontrait la gauche non conventionnelle», a-t-il souligné.
Les libertistes de la SFIO et les dissidents trotskistes du PCF avaient soutenu l’action des Messalistes et l’ENA.
Leila Benkelfat, petite fille de Messali Hadj : Réquisitoire contre l’amnésie collective
Petite-fille de Messali Hadj, Leïla Benkelfat est doctorante en histoire à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle prépare une thèse sur l’internationalisation de la question algérienne dans les grandes instances internationales de 1927 à 1962. Ce thème a été choisi pour son intervention hier au colloque consacré à son grand-père. «Je suis émue d’être présente ici.
Dans ce contexte d’amnésie collective organisée depuis plus de cinquante ans, je suis interpellée par la clairvoyance, la force et les qualités de quelques citoyens courageux. Cette initiative est la résultante d’une poussée du tréfonds de la société algérienne. Elle contribuera sans aucun doute à ce que le peuple algérien se réapproprie une partie de sa mémoire collective», a-t-elle déclaré.
Elle a repris une chronique de Kamel Daoud, intitulé «Les mains sales de la nation» dans laquelle notre confrère du Quotidien d’Oran dénonçait le silence entretenu autour du combat de Messali Hadj. «Si l’histoire de ce pays est souvent sans intérêt autre que cérémoniel pour les jeunes générations, c’est que cette histoire ressemble toujours et encore à un vieux livre dont la première moitié est introuvable. On a beau s’accrocher à sa trame, on ne comprend pas d’où viennent les personnages, comment ils sont liés à leur destin et qui les a enfantés une seconde…», avait écrit Kamel Daoud.
Fayçal Métaoui
El Watan, 18 septembre 2011.
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