En 1992, le romancier algérien
Rachid Bouedjedra publie un pamphlet très virulent contre le FIS, Front
islamique du salut. Néanmoins, le livre ne se réduit pas aux propos dégradants
qu'il tient contre les islamistes (comparés à des « rats pestiférés et enragés
», etc.) Boudjedra reste en effet un témoin précieux de l'Algérie indépendante.
Ainsi, FIS de la haine évoque, par exemple, l'entourage de Houari
Boumediene. Extraits (les notes sont miennes).
L. B.
Par Rachid Boudjedra
«[Boumediene] était aveuglé par la
passion du pouvoir dont il fut un ascète rigoureux pendant les cinq premières
années de son règne ; et pour ce faire, il s’était entouré — paradoxalement —
d’officiers algériens qui avait servis dans l’armée française pour leur
compétence d’abord et pour les avoir et sa merci, vu leur passé louche et
trouble. En bons militaires disciplinés, ceux-ci furent à la botte de leur
chef, certains à sa dévotion, exécutant ses ordres, le récupérant très vite, le
séduisant en un tour de main.
Coté civil, Boumediene s’est
entouré de deux hommes jeunes, intelligent et dynamique, mais dont la moralité
était désastreuse. Jouisseurs jusqu’à l’obscénité. Alcooliques notoires.
Obsédés sexuels qui ramassaient les vieilles mendiantes dans les rues.
Spécialistes hors pairs en libations pornographiques ; ils défrayaient la
chronique, provoquaient des scandales, s’arrogeaient des pouvoirs gigantesques,
faisaient régner la terreur rien qu’en prononçant leurs noms.Le premier, beau
garçon mais affligé d’une taille d’un mètre soixante, jouit les play-boys aussi
bien dans les ministères dont il avait la charge, que dans les partouzes où il
régentait où doigt et à l’œil une escouade de femmes, tant bourgeoises que
routières. Le deuxième dauphin de Boumediene et son chouchou jusqu’à sa
disgrâce, était, lui, un alcoolique ! Ces deux hommes, avec le patron de la
sécurité militaire et grand tortionnaire du régime, constituaient l’entourage
personnel de Boumediene.
(…)
L’ancien ministre aujourd’hui
décati, perdant ses cheveux et ses dents mais gagnant un embonpoint certain,
flirte très dur avec le FIS (1) et fait partie d’un comité pour la libération
de ses chefs emprisonnés. Idem pour le deuxième personnage. J’avais rencontré
ce dernier par hasard au cours d’une de ces soirées qu’il organisait pour les
intimes. Originaire de la même ville (2) que lui, j’ignorais ses frasques, sa
pathologie de petit jouisseur et d’alcoolique invétéré. Quand j’arrivai chez
lui, il était ivre mort. Pelotait d’une façon obscène toute les femmes qui
étaient là, dont une rombière américaine, baguenaudée et fardé à mort (la haute
sphère faisait dans le cosmopolite à cette époque faste d’Alger nocturne tout
en faisant la chasse aux jeunes couples qui se bécotaient sur les bancs des
jardins publics !), petite Mata Hari de deuxième zone, à tout les coups. Il
éructait des insanités. C’était l’époque de la charte nationale (1974
exactement) et l’homme pérorait contre le socialisme dont il était —
officiellement — le garant et le maitre à penser. Hors de mois, je m’étais
étonné qu’il en parlât si mal. Il me répondit : «Quoi, un homme intelligent
comme toi, tu crois à ces balivernes. Le socialisme c’est une merde ! Il n’y a
que le capitalisme qui compte»
(…)».
Rachid Boudjedra, FIS de la haine,
1992, pp. 36-8.
(1)- L’ancien ministre de
Boumediene, le spécialiste en libations pornographiques, l’obsédé sexuel, et
celui qui « flirtait » avec le FIS, qui est-il ? Mohamed Benchicou écrit : «(…)
Bouteflika suggéra à un couple d’amis, les Hassani, proches d’Abassi Madani,
d’organiser un déjeuner auquel serait convié le tristement célèbre islamiste.
L’entrevue se déroula très mal. A l’heure du thé, Abassi Madani (leader du FIS)
posa à Bouteflika la question fatale : « Est-il exact, Si Abdelaziz, que vous
avez volé l’argent de l’Etat comme il se raconte un peu partout ? » Bouteflika
rougit et bredouilla des explications confuses qui mirent fin au déjeuner (…)
». Bouteflika, une imposture Algérienne,
page 67.
(2)- La ville où
est né Rachid Boudjedra est Aïn El Béïda (commune de la wilaya d’Oum El
Bouaghi). Le ministre alcoolique est peut-être feu Chérif Belkacem, étant natif
de cette ville et très proche, à cet époque, de Abdelaziz Bouteflika. Il était
ministre chargé de l’Orientation, puis ministre d’Etat des finances et du plan,
et enfin ministres d’Etat chargé du FLN. Mort à Paris en juin 2009.
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