Par
Mustapha Bouhadef
Ancien
secrétaire national du FFS
A
la veille du 50e anniversaire de l’indépendance du pays, s’annoncent des
élections législatives, le 10 mai prochain, dans des conditions pour le moins
déplorables pour les Algériens. Si le pari de la libération du territoire a été
réussi, celui de la libération de l’homme, tel que prévu dans la déclaration du
1er Novembre 1954 n’est toujours pas acquis.
Les manifestations pacifiques ne sont pas toujours permises, notamment
dans la capitale, et le droit de grève, remis en cause par le pouvoir, qui a
promulgué une batterie de textes qui prorogent de fait l’état d’urgence
théoriquement levé. Le chômage atteint
des records inégalés, le suicide même des enfants est devenu un phénomène de
société, et le mal-vivre est le quotidien des Algériens. Il ne reste plus à la
population, notamment les jeunes, que l’émeute pour poser leurs problèmes quand
ils n’optent pas en dernier ressort pour la harga, à tel point qu’il ne se
passe pratiquement pas un seul jour sans que l’on signale ces drames à travers
le territoire national.
La
répression et la gestion des émeutes sont des points forts du régime
autoritaire et policier. Les services de sécurité sont dotés de moyens humains
et matériels ahurissants. La paix sociale à tout prix est achetée avec une
partie de la rente pétrolière qui a échappé à la corruption. Des sommes
faramineuses sont englouties dans l’import/import au détriment de la création
de richesses source intarissable d’emplois, souci majeur de notre jeunesse. L’économie
est en panne, et, au lieu de la développer, on recourt au crédoc puis à une
dévaluation du dinar qui ne dit pas son nom afin de faire accroire par les
chiffres qu’elle se porte bien. Pour faire baisser la fièvre, on casse le
thermomètre ! Les droits à la santé, au
logement, à l’éducation, à la culture, au sport, aux loisirs..., pourtant
garantis par la Constitution,
sont devenus des privilèges quand ils ne sont pas bafoués. Au plan extérieur, la situation est très
préoccupante.
Attirés
par son pétrole et sous prétexte d’instaurer la démocratie en Libye, les pays
de l’OTAN y ont installé la guerre civile. Des armes de guerre y circulent à
ciel ouvert, traversent nos frontières devenues poreuses, constituant ainsi une
menace pour la sécurité du pays et de toute la région. La déstabilisation du
Mali additionnée à celle de la
Libye nous fait craindre le pire. Faute d’anticipation
d’évènements, pourtant à nos portes, nos chancelleries sont violées, notamment
à Gao où nos diplomates ont été enlevés, sans coup férir, par un groupe non
identifié ! Souhaitons qu’ils retrouvent leur pays sains et saufs. L’Algérie, dont
la guerre d’indépendance avait émerveillé le monde, jouissait d’un respect et
d’une considération ; aujourd’hui ses ressortissants sont renvoyés par l’Italie,
par exemple, la bouche scotchée sans qu’il y ait la moindre réaction immédiate
de la part de nos autorités ; les
Italiens eux-mêmes sont plus outrés que nos responsables.
Pendant
ce temps à Alger, on déroule le tapis rouge à des étrangers, qui, en fait, ne
représentent qu’eux-mêmes quand notre capitale n’est qu’une escale de quelques
heures pour des responsables internationaux de haut niveau, attendus chez nos
voisins devenus plus attractifs. En fait,
tous ces éléments montrent qu’il n’y a pas d’Etat protecteur de ses «sujets»
car il n’y a pas de citoyens en Algérie ; il n’y a qu’un régime autoritaire et
policier dont l’unique souci est de régenter la société pour se maintenir, perdurer
et faire fructifier sa rente. C’est dans
ce contexte chaotique que le pouvoir, épaulé par d’insoupçonnables partis
politiques, compte organiser les prochaines élections législatives.
Ajoutons
à cela le fait que des partis qui remplissaient les conditions d’existence en
vertu de la loi n’ont pas été agréés alors que des dizaines d’autres, dont
certains sont issus du sérail, l’ont été en un temps record, en vertu de la
politique de l’octroi ; c’est à se demander si par ce subterfuge, la fraude
attendue aidant, on ne cherche pas à imposer par un jeu d’alliances, même
contre nature, une nouvelle carte politique, par le haut, à la mesure du prince
du moment. Cette opération semble être
pour le pouvoir un préalable à l’autre élection à venir, autrement plus
importante qu’est la présidentielle de 2014.
N’est-ce pas là, en définitive, l’enjeu principal des législatives ?
La
participation à ce scrutin, outre le risque de le voir se dérouler «à la Naegelen» est de
cautionner, voire de participer à une recomposition par le haut. Il y a risque
de contribuer à la remise en selle d’un pouvoir illégitime, autiste et isolé ; isolé,
car il a tout fait pour détruire la société civile et les partis politiques
crédibles, dont le rôle d’intermédiation entre lui et la population est leur
raison d’être pour éviter toute explosion sociale dont personne ne peut prévoir
les conséquences. Le risque de la
participation vaut-il la peine d’être pris ?
Mustapha
Bouhadef, ancien secrétaire national du FFS
In
El Watan, 22 avril 2012
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