Chronique d'une mort annoncée
« La
propriété est inaliénable, mais l’inculture aliène. »
La
Librairie des Beaux-arts,
sise au 28, rue Didouche Mourad, à Alger, est à nouveau menacée de disparition.
Elle a reçu en effet un avis d’expulsion. Selon des sources concordantes, aucun
préavis ne l’aurait précédé et la mesure aurait un caractère imminent, excluant
a priori toute possibilité de recours. Il semblerait, d’autre part, que le
propriétaire du local l’aurait déjà vendu à un commerçant et que ce serait ce
dernier qui aurait actionné la mesure d’expulsion. C’est donc la deuxième fois
que ce lieu de culture fait l’objet d’une procédure adverse, à la différence
que, cette fois-ci, l’expulsion serait entrée en phase ultime d’exécution.
En
mai 2009, la Librairie
des Beaux-arts avait failli disparaître, sommée par le propriétaire de quitter
les lieux. Dans
un premier temps, le gérant de la librairie, Boussad Ouadi, s’était résigné et
avait commencé à brader son stock. Mais le mouvement de solidarité pour la
survie de la librairie lui avait fait changer d’avis en l’encourageant à
résister à son expulsion. Des milliers de citoyens, lecteurs et lectrices de la
librairie, hommes et femmes de culture, associations, etc. s’étaient en effet
élevés contre la perte de cette petite mais précieuse institution culturelle. Son
gérant avait alors révélé qu’il détenait depuis mai 2005 un bail de gérance
libre de trois ans renouvelable. Il avait déclaré notamment : «Dorénavant, seuls
les tribunaux compétents auront à savoir des aspects commerciaux et juridiques
de ce différend. Toute tentative d’éviction se heurtera à la légitimité du
droit, au sens de l’intérêt général et au devoir de mémoire que nous sommes
très nombreux à revendiquer en ce lieu».
Nous
ignorons si la justice avait été finalement saisie puisque l’activité avait
repris par la suite et que la question ne se posait plus. Y a-t-il eu alors
arrangement à l’amiable entre le propriétaire et le gérant ? Toujours est-il
que la Libraire
des Beaux-arts avait, une deuxième fois, échappé au mauvais sort. Une deuxième
fois car, après l’assassinat terroriste contre son précédent gérant, Vincent
Grau, en 1994, le lieu avait connu une période de fermeture puis de réouverture
aléatoire avant que la nouvelle équipe ne s’attelle à lui redonner tout son
dynamisme et son lustre.
L’affaire
avait relancé le débat sur la question des lieux culturels, le sort des
librairies et le problème de la distribution des livres. Une question toujours
d’actualité qui, d’ailleurs, a fait récemment dire à Khalida Toumi, ministre de
la Culture, qu’il
était «anormal» que, même à Alger, le nombre important de livres édités
actuellement en Algérie, ne soit disponible que dans une vingtaine de communes
sur un total de 57. En 2009, Boussad Ouadi avait présenté cette problématique
en ces termes : «En tant que citoyen jaloux de préserver notre pré-carré
culturel, que pouvons-nous faire pour préserver nos espaces d’expression et de
ressourcement : librairies, cinémas, galeries d’art, théâtres, maisons de la
culture?» Une interrogation à maints égards importante.
La
Librairie des Beaux-arts,
un des plus anciens fleurons de la librairie algérienne, est aussi un repère urbain,
dans l’emblématique rue Didouche Mourad qui se transforme progressivement en
bazar et qui bientôt achèvera l’œuvre de défiguration de la capitale.
Il
n’est bien sûr pas question de remettre en cause les droits légitimes d’un
propriétaire ou de ses héritiers. Mais sont-ils complètement incompatibles avec
le maintien d’une des rares librairies du pays ? Si une dame qui se nommait
Alia n’avait pas fait don à la ville d’un terrain immense à l’Est d’Alger pour
en faire un cimetière, qui abrite même le Carré des Martyrs, où les Algérois
enterreraient-ils aujourd’hui leurs morts ? La Loi est claire : la propriété est inaliénable. Mais
il s’agit seulement de préserver un fonds de commerce qui se trouve être une
activité vitale à l’épanouissement social et culturel. Des échos qui nous
parviennent d’une nouvelle mobilisation. Certains avancent même l’idée de
fédérer des bonnes volontés et des mécènes fortunés pour se constituer en
acheteurs collectifs du local et assurer ainsi la vie de la librairie. D’autres
pensent aussi à classer la librairie dans le patrimoine culturel national…
Faudra-t-il aussi enterrer les livres à El Alia ?
Arts
& Lettres
El Watan 21 avril 2012
LIVRE
EN LARMES !
À
peine avais- je franchi la porte, qu’elle me porta l’accolade en larmes,
Qu’as-tu
ma grande ? pourquoi pleures tu, racontes ?
-
c’est fini Fateh ! la librairie va fermer au plus tard dans deux mois !
-
MALIKA ! On le sait depuis déjà quelques années que le propriétaire, une fois
le bail de location terminé avait intenté une action en justice pour la
récupération des locaux !
-
oui mais maintenant ils vont mettre à exécution la décision de justice et on se
retrouvera dans la rue avec nos livres !
Un
instant je me suis mis à imaginer des livres dans la rue, fleurir dans les
mains des gens…
DA
BOUSSAD et MALIKA au milieu de la foule,
Kateb
avec son étoile faisant embuscade à la nuit !
BENHADDOUGA
qu’un vent du sud a ramené par là !
TAHAR
DJAOUT s’échinant à faire avancer la famille avec une balle dans la tête qu’il
dispute à VINCENT l’ex-gérant de la même librairie des BEAUX ARTS, assassiné
par la horde terroriste sur le pas de la porte de cette même librairie !
Par
cette machine mise en marche et réglée pour tuer l’intelligence et le peuple
résistant !
J’ai
vu Karl Marx plus d’actualité que jamais !
Lakhdar
BENHASSINE lui faisant causette,
SADEK
AISSAT saluant HOURIA et les siens,
avec
NAILA pour couronne !
J’ai
vu Yousef SEBTI la gorge tranchée en compagnie d’un homme le gourdin à la main
Ayant
frappé a sa porte demandant pitance !
J’ai
vu DA MOULOUD MAMERI planté d’un arbre,
j’ai
vu Lamrani torturé sur une bouteille !
SENAC
abattu car trop humain,
BACHIR
Hadj ALI torturé par la gouape qui maintenant s’érige en historien !
MAIKOWSKI
saignant avec toute «ma force de poète je te la donne classe a l’attaque»
J’ai
vu BENZINE impuissant devant son journal étranglé par les siens !
Khalil
Gibran, TAHA HUSSEIN déclamant leurs prophéties !
ANOUAR
BENMALEK nous couvrant de fleurs !
L’émir
Abdelkader l’épée dans le poème,
BENBADIS
parlant du levain du peuple,
BOUALEM
MAKOUF et ses compagnons du bagne de LAMBESE,
Madaci
avec ses tamiseurs de sable
et
l’assassinat de LAID Lamrani,
j’ai
vu ABBANE une traitrise plantée dans le dos !
…j’ai
vu défiler les classiques de la littérature mondiale !
les
milles et une nuit !
j’ai
vu zyneb déclamant « el hbila »
wassini
soldat du beau,
j’ai
vu…
Et
je suis revenu a MALIKA, ses larmes étaient feuilles éparses, elles
continuaient de couler.
La
rue Didouche se vide de ce beau monde et de ses librairies.
Sur
une dizaine, il n’en reste que deux ! les locaux commerciaux du centre ville
d’Alger ont étés vendus au dinar symbolique dans le cadre de la vente des biens
vacants, leurs nouveaux propriétaires spéculation immobilière aidant, les ont
revendus à coups de milliards et dans la foulée ont changé d’activité car le
livre ne permet pas de s’enrichir vite aujourd’hui !
Un
état qui se dépouille de ses biens, qui n’est plus maitre du cœur de sa ville
qui devient gargote à ciel ouvert !
Aura
tout perdu !
En
coupant la nourriture à la tête on s’offre à l’irrationnel, à la mort !
Le
livre est éveil face aux semeurs de chaos il est subversif face a la régression
!
Essuie
tes larmes MALIKA lire deviendra à ce train dans notre pays comme l’amour un
acte clandestin, on aura droit a un livre unique !
On
excelle chez nous dans ce qui est unique, on a eu droit pendant longtemps au
règne du parti ! serait-ce les grands préparatifs pour les noces du livre unique
avec autant de femmes que sa foi puisse posséder, notre lecture rentrera-t-elle
dans la clandestinité ! s’il le faut on le fera, essuie tes larmes et ne me dis
pas que j’ai mis des couleurs à ta pluie !
J’ai
vu Malika pleurer c’était mardi treize, ce n’était pas vendredi, j’ai vu les
livres en larmes !
LA
LIBRAIRIE DES BEAUX
ARTS VA FERMER ENTENDEZ VOUS CE CRI !
J’ai
vu le livre en larmes dans les yeux de MALKA.
Fateh
Agrane
15
03 2012
In
Mouvement Social Algérien, 31 mars 2012
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