dimanche 22 avril 2012

Alger : décès d'une Librairie

Chronique d'une mort annoncée
« La propriété est inaliénable, mais l’inculture aliène. »
La Librairie des Beaux-arts, sise au 28, rue Didouche Mourad, à Alger, est à nouveau menacée de disparition. Elle a reçu en effet un avis d’expulsion. Selon des sources concordantes, aucun préavis ne l’aurait précédé et la mesure aurait un caractère imminent, excluant a priori toute possibilité de recours. Il semblerait, d’autre part, que le propriétaire du local l’aurait déjà vendu à un commerçant et que ce serait ce dernier qui aurait actionné la mesure d’expulsion. C’est donc la deuxième fois que ce lieu de culture fait l’objet d’une procédure adverse, à la différence que, cette fois-ci, l’expulsion serait entrée en phase ultime d’exécution.
En mai 2009, la Librairie des Beaux-arts avait failli disparaître, sommée par le propriétaire de quitter les lieux. Dans un premier temps, le gérant de la librairie, Boussad Ouadi, s’était résigné et avait commencé à brader son stock. Mais le mouvement de solidarité pour la survie de la librairie lui avait fait changer d’avis en l’encourageant à résister à son expulsion. Des milliers de citoyens, lecteurs et lectrices de la librairie, hommes et femmes de culture, associations, etc. s’étaient en effet élevés contre la perte de cette petite mais précieuse institution culturelle. Son gérant avait alors révélé qu’il détenait depuis mai 2005 un bail de gérance libre de trois ans renouvelable. Il avait déclaré notamment : «Dorénavant, seuls les tribunaux compétents auront à savoir des aspects commerciaux et juridiques de ce différend. Toute tentative d’éviction se heurtera à la légitimité du droit, au sens de l’intérêt général et au devoir de mémoire que nous sommes très nombreux à revendiquer en ce lieu».
Nous ignorons si la justice avait été finalement saisie puisque l’activité avait repris par la suite et que la question ne se posait plus. Y a-t-il eu alors arrangement à l’amiable entre le propriétaire et le gérant ? Toujours est-il que la Libraire des Beaux-arts avait, une deuxième fois, échappé au mauvais sort. Une deuxième fois car, après l’assassinat terroriste contre son précédent gérant, Vincent Grau, en 1994, le lieu avait connu une période de fermeture puis de réouverture aléatoire avant que la nouvelle équipe ne s’attelle à lui redonner tout son dynamisme et son lustre.  
L’affaire avait relancé le débat sur la question des lieux culturels, le sort des librairies et le problème de la distribution des livres. Une question toujours d’actualité qui, d’ailleurs, a fait récemment dire à Khalida Toumi, ministre de la Culture, qu’il était «anormal» que, même à Alger, le nombre important de livres édités actuellement en Algérie, ne soit disponible que dans une vingtaine de communes sur un total de 57. En 2009, Boussad Ouadi avait présenté cette problématique en ces termes : «En tant que citoyen jaloux de préserver notre pré-carré culturel, que pouvons-nous faire pour préserver nos espaces d’expression et de ressourcement : librairies, cinémas, galeries d’art, théâtres, maisons de la culture?» Une interrogation à maints égards importante.
La Librairie des Beaux-arts, un des plus anciens fleurons de la librairie algérienne, est aussi un repère urbain, dans l’emblématique rue Didouche Mourad qui se transforme progressivement en bazar et qui bientôt achèvera l’œuvre de défiguration de la capitale.
Il n’est bien sûr pas question de remettre en cause les droits légitimes d’un propriétaire ou de ses héritiers. Mais sont-ils complètement incompatibles avec le maintien d’une des rares librairies du pays ? Si une dame qui se nommait Alia n’avait pas fait don à la ville d’un terrain immense à l’Est d’Alger pour en faire un cimetière, qui abrite même le Carré des Martyrs, où les Algérois enterreraient-ils aujourd’hui leurs morts ? La Loi est claire : la propriété est inaliénable. Mais il s’agit seulement de préserver un fonds de commerce qui se trouve être une activité vitale à l’épanouissement social et culturel. Des échos qui nous parviennent d’une nouvelle mobilisation. Certains avancent même l’idée de fédérer des bonnes volontés et des mécènes fortunés pour se constituer en acheteurs collectifs du local et assurer ainsi la vie de la librairie. D’autres pensent aussi à classer la librairie dans le patrimoine culturel national… Faudra-t-il aussi enterrer les livres à El Alia ? 

Arts & Lettres
El Watan 21 avril 2012


LIVRE EN LARMES !

À peine avais- je franchi la porte, qu’elle me porta l’accolade en larmes,
Qu’as-tu ma grande ? pourquoi pleures tu, racontes ?
- c’est fini Fateh ! la librairie va fermer au plus tard dans deux mois !
- MALIKA ! On le sait depuis déjà quelques années que le propriétaire, une fois le bail de location terminé avait intenté une action en justice pour la récupération des locaux !
- oui mais maintenant ils vont mettre à exécution la décision de justice et on se retrouvera dans la rue avec nos livres !
Un instant je me suis mis à imaginer des livres dans la rue, fleurir dans les mains des gens…

DA BOUSSAD et MALIKA au milieu de la foule,
Kateb avec son étoile faisant embuscade à la nuit !
BENHADDOUGA qu’un vent du sud a ramené par là !
TAHAR DJAOUT s’échinant à faire avancer la famille avec une balle dans la tête qu’il dispute à VINCENT l’ex-gérant de la même librairie des BEAUX ARTS, assassiné par la horde terroriste sur le pas de la porte de cette même librairie !
Par cette machine mise en marche et réglée pour tuer l’intelligence et le peuple résistant !
J’ai vu Karl Marx plus d’actualité que jamais !
Lakhdar BENHASSINE lui faisant causette,
SADEK AISSAT saluant HOURIA et les siens,
avec NAILA pour couronne !
J’ai vu Yousef SEBTI la gorge tranchée en compagnie d’un homme le gourdin à la main
Ayant frappé a sa porte demandant pitance !
J’ai vu DA MOULOUD MAMERI planté d’un arbre,
j’ai vu Lamrani torturé sur une bouteille !
SENAC abattu car trop humain,
BACHIR Hadj ALI torturé par la gouape qui maintenant s’érige en historien !
MAIKOWSKI saignant avec toute «ma force de poète je te la donne classe a l’attaque»
J’ai vu BENZINE impuissant devant son journal étranglé par les siens !
Khalil Gibran, TAHA HUSSEIN déclamant leurs prophéties !
ANOUAR BENMALEK nous couvrant de fleurs !
L’émir Abdelkader l’épée dans le poème,
BENBADIS parlant du levain du peuple,
BOUALEM MAKOUF et ses compagnons du bagne de LAMBESE,
Madaci avec ses tamiseurs de sable
et l’assassinat de LAID Lamrani,
j’ai vu ABBANE une traitrise plantée dans le dos !
…j’ai vu défiler les classiques de la littérature mondiale !
les milles et une nuit !
j’ai vu zyneb déclamant « el hbila »
wassini soldat du beau,
j’ai vu…

Et je suis revenu a MALIKA, ses larmes étaient feuilles éparses, elles continuaient de couler.
La rue Didouche se vide de ce beau monde et de ses librairies.
Sur une dizaine, il n’en reste que deux ! les locaux commerciaux du centre ville d’Alger ont étés vendus au dinar symbolique dans le cadre de la vente des biens vacants, leurs nouveaux propriétaires spéculation immobilière aidant, les ont revendus à coups de milliards et dans la foulée ont changé d’activité car le livre ne permet pas de s’enrichir vite aujourd’hui !
Un état qui se dépouille de ses biens, qui n’est plus maitre du cœur de sa ville qui devient gargote à ciel ouvert !
Aura tout perdu !
En coupant la nourriture à la tête on s’offre à l’irrationnel, à la mort !
Le livre est éveil face aux semeurs de chaos il est subversif face a la régression !
Essuie tes larmes MALIKA lire deviendra à ce train dans notre pays comme l’amour un acte clandestin, on aura droit a un livre unique !
On excelle chez nous dans ce qui est unique, on a eu droit pendant longtemps au règne du parti ! serait-ce les grands préparatifs pour les noces du livre unique avec autant de femmes que sa foi puisse posséder, notre lecture rentrera-t-elle dans la clandestinité ! s’il le faut on le fera, essuie tes larmes et ne me dis pas que j’ai mis des couleurs à ta pluie !
J’ai vu Malika pleurer c’était mardi treize, ce n’était pas vendredi, j’ai vu les livres en larmes !

LA LIBRAIRIE DES BEAUX ARTS VA FERMER ENTENDEZ VOUS CE CRI !

J’ai vu le livre en larmes dans les yeux de MALKA.

Fateh Agrane
15 03 2012
In Mouvement Social Algérien, 31 mars 2012

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