Conseiller
auprès de l'Institut français des relations internationales, Denis Bauchard,
ancien haut-diplomate au Quai d'Orsay,
s'est rendu en Algérie, peu avant les élections législatives. Voici son
compte-rendu de voyage que nous nous sommes procuré. Il y évoque le malaise de
la jeunesse, le rejet d'un Etat mafieux, l'obsession française, et nous
explique pourquoi "le printemps arabe" y a fait long feu.
Par Denis Bouchard
Il
est très difficile de parler de l’Algérie de façon détachée. Cinquante ans
après l’indépendance, la charge émotionnelle née d’une présence française de
132 ans qui s’est terminée par une « guerre de libération » de près
de huit ans demeure, de part et d’autre, encore très forte. L’Algérie reste en
France un problème de politique intérieure sensible comme l’a montré la récente
campagne électorale ; il en est de même en Algérie où l’expression
« le parti de la France »
[hizb frança] est toujours l’arme utilisée pour disqualifier l’adversaire
politique.
A
l’occasion d’une récente tournée de conférences en Algérie sur le thème
« L’Europe et le monde arabe », j’ai rencontré de nombreux
interlocuteurs. Ces impressions de voyage rédigées à la suite de ce déplacement
et qui ont un caractère personnel, essaient de mieux faire comprendre ce pays
avec lequel, par delà les polémiques et les ressentiments, des liens profonds
subsistent.
I- Une situation paradoxale
L’Algérie
possède de nombreux atouts pour assurer une croissance économique qui permette
à sa population d’avoir un emploi et des conditions de vie convenables. Or ce
n’est pas le cas.
1- Des atouts multiples.
° Des moyens financiers importants :
L’augmentation
du prix des hydrocarbures permet à l’Algérie, pour la première fois depuis de
nombreuses années, de disposer de ressources financières considérables. Il est
probable que cette situation va perdurer compte tenu de la tendance à la hausse
des cours du pétrole tant sur le court terme – effets combinés des printemps
arabes et des bruits de botte dans le Golfe – que sur le long terme – forte
demande d’énergie et raréfaction de l’offre. Les hydrocarbures représentent en
2011, avec 74 Mds/$, la quasi-totalité (97 %) des
exportations de l’Algérie. Les revenus des hydrocarbures s’élèvent à 70 %
des recettes budgétaires. Au total, les réserves de change s’élèvent
actuellement à près de 200 Mds/$. Un fonds de réserve – sorte de fonds
souverain – a pu être créé et doté de 75 Mds/$.
Les
autorités algériennes ont profité de cette aisance budgétaire tout d’abord pour
se désendetter : l’endettement extérieur est devenu marginal (5 Mds/$) et
l’Algérie refuse toute proposition de financement international. Après
« l’humiliation » subie dans les années 1990 au cours desquelles
l’Algérie avait du avoir recours au FMI, cette politique de désendettement
marque bien la volonté du pouvoir d’affirmer la souveraineté nationale, y
compris dans le domaine financier. Dans le même temps, un important programme
d’infrastructures a été réalisé. Il porte en particulier sur la construction de
l’autoroute qui relie d’est en ouest les principales villes algériennes, de la
frontière marocaine à la frontière tunisienne. En voie d’achèvement, elle
a été partagée entre deux consortiums, l’un chinois, l’autre japonais. Cet effort
a porté également sur certaines infrastructures portuaires, aéroportuaires
(Alger), urbaines (métro d’Alger, tramway d’Oran) et sur l’hôtellerie
d’affaires. Il a permis également au pouvoir de mieux faire face à la demande
de logements neufs, même si la situation de pénurie n’est pas encore résorbée.
Un programme d’un million de logements a ainsi été réalisé sur cinq ans, dont
le résultat est spectaculaire : à la périphérie des grandes villes, comme
des villes moyennes, des quartiers entiers ont surgi de terre en l’espace de
quelques années comme à Tlemcen, Constantine ou Oran. Un effort
particulier a été fait dans le domaine des universités avec la volonté de doter
d’un campus chacune des 48 willayas. J’ai été aussi impressionné par
l’importance et la qualité des équipements réalisés dans les trois universités
où j’ai fait ma conférence, Belgaid (à la périphérie d’Oran), Oum el Bouaghi
(non loin de Constantine) et Tlemcen qui bénéficient de locaux que
pourraient envier de nombreuses universités françaises.
La
dépense budgétaire est également généreuse dans le domaine du fonctionnement.
Les étudiants sont à cet égard très choyés : gratuité du logement en
résidence, gratuité des études, prix des repas dérisoires (1 à 2 dinars soit un
peu plus d’un centime d’euros). Un système d’aide aux jeunes pour la création
d’entreprise a été mis en place : le prêt octroyé, dans des conditions
très favorables (taux de 1 %) – de l’ordre de 80.000 € – n’est remboursé qu’en
cas de succès. De même des programmes d’accès à la propriété permettent aux
jeunes ménages d’avoir des niveaux de remboursements comparables à un loyer
modéré. L’importance des subventions sur les produits de base rend dérisoire le
prix de certaines denrées, comme le pain, (une baguette coûte 10 centimes d’euros),
l’essence (13 centimes), les pommes de terre, le sucre, le gaz,
l’électricité, l’eau, etc. L’équipement des ménages en eau, gaz et électricité
est très élevé, au-delà de 85 %.
Globalement
le taux de croissance économique s’est maintenu au rythme de 5 % par an malgré
la crise et le taux de chômage officiel ne serait que de 10 %.
° Stabilité et ouverture politique contrôlée :
Sur
le plan politique, après la « décennie noire », l’Algérie bénéficie
de la paix et d’un régime politique stable qui pratique une certaine ouverture.
Certes le pouvoir est détenu par ce que les algériens appellent « le
Conseil d’administration » qui regroupe le président, le DRS – Département
de recherche et de sécurité, successeur de la Sécurité militaire – et l’état
major des armées. Il contrôle étroitement la redistribution de la rente et
l’économie algérienne, directement ou indirectement. Cependant il ne s’agit pas
d’une dictature militaire à proprement parler, mais d’un régime collégial qui
s’accorde des privilèges particuliers, voire de prébendes lucratives. Le
président Bouteflika dispose d’une marge d’action significative, notamment dans
le domaine économique et social. « L’Etat DRS » a été affaibli
et le jeu politique a été ouvert. Le gouvernement actuel réunit une
« alliance présidentielle » qui associe plusieurs partis, le FLN, le
RND et des partis islamistes. Cependant la classe politique ou militaire ne
s’est guère renouvelée. Dans l’armée, une nouvelle génération piaffe
d’impatience en attendant que les gérontes septuagénaires, notamment le patron
du DRS, le fameux « Toufik », disparaissent. Il en est de même pour
le président qui en est à son troisième mandat, et dont on évoque ouvertement
la succession qui devrait intervenir au plus tard en 2014.
Une
certaine liberté existe : liberté syndicale, liberté d’entreprendre,
liberté d’expression, mais, comme le soulignent les grandes ONG, la situation
des droits de l’homme demeure préoccupante. J’ai été cependant frappé de la
liberté des propos tenus devant moi par mes interlocuteurs algériens, y compris
ceux ayant des fonctions officielles. On est loin des propos convenus que j’ai
pu entendre dans le passé même en privé, dans des pays comme la Tunisie, la Syrie ou même le Maroc ou
certains sujets sont tabous, surtout devant un étranger. S’agissant de
la presse écrite, il existe plus de 80 titres, le tiers environ étant
francophone. Leur lecture est édifiante. Les propos sont souvent très critiques
à l’égard des ministres, du premier ministre, du président, voire globalement
du régime. Depuis l’incarcération en 2004 du directeur du Matin et la
suspension du journal qui reparaît sur le Net, les lignes rouges
se sont déplacées dans le sens de l’élargissement sans qu’elles soient
précisément délimitées. Certes le pouvoir dispose de moyens de pression dans la
mesure où, à quelques exceptions près, il contrôle l’impression des journaux
comme les recettes de publicité, mais de façon suffisamment habile pour ne pas
être accusé de censure. Le ton de certains articles comme des caricatures de
Dilem ou de Le Hic est parfois violent, voire ravageur. La réécriture de
l’histoire mythique de l’Algérie depuis 1962 se fait progressivement et fait
apparaître que, loin de l’unité affichée, le pouvoir a été soumis à de fortes
tensions, à des rivalités de personnes qui ont débouché sur des règlements de
comptes, voire des assassinats politiques, à l’initiative notamment de la Sécurité Militaire,
devenue DRS. Le recours à Internet permet de diffuser ces informations. La
façon dont une partie de la presse a rendu compte de la carrière de Ben Bella
témoigne de cette réécriture. Le héros de l’indépendance est tenu responsable
des turbulences de l’après indépendance au cours de laquelle, selon El Watan
du 14 avril dernier, « Alger s’est transformé en un véritable laboratoire
où romantisme révolutionnaire côtoie l’absurde, l’horreur. » Cette oraison
funèbre témoigne d’une remise en cause de l’histoire politiquement correcte,
reprise encore maintenant par le très officiel Moujahid. Dans un autre
article du même journal, une journaliste concluait le bilan de cinquante ans
d’indépendance par ces mots : « L’Algérie mérite un meilleur avenir
que de continuer de perpétuer 50 années de dictature ». Certes, il y a
parfois quelques rappels à l’ordre, des sanctions et une certaine autocensure
chez les plus timides. Mais, si la télévision publique reste la voix de son
maître, elle est peu regardée au profit des chaînes étrangères, arabes ou
françaises. Quant à la presse écrite algérienne, elle est certainement une des
plus libres du monde arabe.
Depuis
la politique de réconciliation nationale poursuivie par le président
Bouteflika, la sécurité est progressivement revenue. Certes des actions
terroristes spectaculaires surviennent encore, comme l’attentat contre le
siège de l’ONU à Alger en 2009. Mais ces actions d’envergure se raréfient. Des
maquis subsistent dans certaines zones peu accessibles ; des opérations de
ratissages continuent. Des contrôles fréquents et des barrages sont mis en
place sur les axes routiers. Des précautions particulières sont prises en
faveur de certaines personnalités et des diplomates, qui en dehors de villes ne
peuvent se déplacer qu’avec escorte. Cependant la situation sécuritaire est
normalisée même s’il subsiste un terrorisme résiduel et si la situation dans
certaines zones – la petite Kabylie, le grand sud – demeure préoccupante.
Malgré
ces éléments, le climat politique reste lourd, les conditions de vie demeurent
difficiles et il existe un profond malaise, notamment chez les jeunes.
2- Un profond malaise.
° Le rejet d’un Etat mafieux :
Même
si l’Etat DRS est affaibli, il reste omniprésent et contrôle la vie du pays
dans tous ses aspects. Le dispositif sécuritaire reste très important :
près d’un million de personnes participent au maintien de l’ordre au sens
large, si l’on ajoute à l’armée, la police et la gendarmerie, les gardes
communaux et la protection civile. Au niveau local, les walis, l’équivalent des
préfets, qui exercent des fonctions administratives mais également politiques,
détiennent tous les leviers du pouvoir, y compris dans le domaine financier.
Les collectivités locales, notamment les maires, ne sont que des exécutants. Or
cette administration, malgré des cadres formés par l’ENA algérienne, fonctionne
mal. La première impression à l’arrivée en Algérie est celle d’un délabrement
généralisé : délabrement des immeubles non entretenus, maisons écroulées
ou abandonnées en pleine ville, comme dans la Casbah d’Alger. L’accumulation d’ordures et de
gravats frappe également le visiteur, y compris dans le centre des villes et
dans les quartiers résidentiels. Les rues, les routes, les trottoirs sont en
mauvais état, parsemés de nids de poule quand ils ne sont pas effondrés.
L’éclairage public est aléatoire. Un effort a été fait pour améliorer l’aspect
extérieur des bâtiments publics, mais il s’agit d’un décor Potemkine :
derrière la façade, la négligence et le mauvais entretien réapparaissent. Cet
état touche souvent les immeubles et les logements neufs où les malfaçons sont
fréquentes et provoquent des retards dans leur occupation.
Le
fonctionnement de l’administration est mis en cause. Paperassière, lente,
incompétente, corrompue, tels sont les nombreux qualificatifs adressés à la
bureaucratie d’Etat comme à celle des collectivités locales, notamment des
municipalités, les « Assemblées populaires communales », dépourvues
d’un réel pouvoir. Le Wali est tout puissant en matière d’ordre public comme de
réalisation des projets. La corruption existe à tous les niveaux, la grande
corruption comme la petite au niveau des guichetiers dans les
administrations ou des tribunaux. Les formalités douanières font l’objet d’un
trafic fructueux. Les pratiques illégales sont fréquemment couvertes par les
autorités concernées moyennant rémunération. C’est ainsi que l’Algérie se
trouve au 112eme rang (sur 182) du classement 2011 de Transparency
International.
° Une vie économique malsaine :
En
fait la vie économique est perturbée par les grands et petits trafics en tout
genre. Le faible coût des produits de base est exploité pour organiser des
trafics de grande échelle : tel est le cas du gasoil et de l’essence
achetés respectivement 13 et 20 centimes d’euros en Algérie et revendus au
Maroc cinq fois plus cher, compte tenu des prix qui y sont pratiqués. Camions
ou voitures particulières dotés de réservoirs supplémentaires passent aisément
la frontière, théoriquement fermée, mais qui s’ouvre moyennement un péage dont le
niveau est tarifé et connu. Des filières d’articles de contrefaçon, en
provenance essentiellement de Chine, sont organisées de la même manière par des
filières sur lesquelles des péages sont perçus au profit d’autorités civiles ou
militaires. Les vendeurs à la sauvette à l’étalage réduit sont omniprésents.
L’économie informelle est à la fois une plaie, un moyen de survie d’une
population largement sans emploi et une soupape pour diminuer le mécontentement
populaire. En effet, paradoxalement, ce pays riche connaît un taux de chômage
réel considérable, évalué, s’agissant des jeunes, à près de 50 %. Or en Algérie
les jeunes de moins de trente ans représentent près de 65 % de la population.
Ainsi
la structure économique de l’Algérie est-elle profondément malsaine : sa
dépendance vis-à-vis des hydrocarbures est exceptionnellement forte ;
c’est une économie largement subventionnée qui cache la vérité des prix.
L’économie souterraine y tient une place anormalement importante et génératrice
de tous les trafics. Dans ce contexte, le secteur privé a du mal à émerger, à
moins de rentrer dans les systèmes de corruption et d’arrangements illicites.
L’Algérie est un pays où le secteur public demeure largement dominant et
contrôlé étroitement par le pouvoir militaire. Le climat des affaires tel qu’il
est calculé par la Banque
mondiale est très médiocre : l’abus des formalités administratives,
l’absence d’offres de financements à long terme, les incertitudes en matière
foncière, les fluctuations législatives sont autant d’éléments qui découragent
les investisseurs locaux comme étrangers.
°
Un malaise multiforme, notamment chez les jeunes :
Ainsi,
dans ce pays à la population largement assistée, un malaise profond existe qui
se manifeste de différentes façons : multiplication des conflits sociaux
ou des contestations locales, gérés par les Walis au cas par cas ;
désintérêt à l’égard de la vie politique, comme en témoigne l’indifférence dans
laquelle sont vécues les prochaines élections législatives de mai 2012 ;
pression sociale de plus en plus forte exercée par les islamistes qui
exploitent ce mécontentement. Ce malaise est particulièrement profond chez les
jeunes qui, à l’exception de ceux appartenant à des familles bien placées, se
voient sans avenir. A cela s’ajoute l’absence de loisirs : faible
nombre de clubs de sports, disparition des cinémas et des théâtres,
installations culturelles mal entretenues et sans véritable programmation,
offre désuète et médiocre des bibliothèque publiques, y compris universitaires,
rareté et cherté des livres, sauf ceux à caractère religieux largement diffusés
par les fondations du Golfe, tristes cafés qui ne sont fréquentés que par des
hommes et où l’alcool est interdit. La seule distraction reste le poste de
télévision pour regarder des programmes étrangers – feuilletons américains,
européens, indiens, ou turcs – ou des DVD pirates ne coûtant que 1,5 €, qui
permettent de s’évader dans des pays fantasmés. Les programmes religieux venant
du Golfe, notamment ceux proposés par Iqra, sont également très
regardés. Ainsi, à 20h, toutes les villes algériennes sont mortes, situation
exceptionnelle dans cette Méditerranée où la vie nocturne reste une tradition
au nord comme au sud. Le malaise s’exprime de différentes façons, y compris,
régulièrement, par des immolations par le feu qui nous sont connues à travers
la presse. Les centres culturels français sont parmi les rares espaces de
loisirs existants. La pression pour le départ est donc très forte, vers une
Europe ou une Amérique largement mythifiées par les séries des télévisions
occidentales. Il existe en effet une forte demande des étudiants pour obtenir
un visa de départ à l’étranger, en particulier dans notre pays. Cinq
mille sont délivrés chaque année par la France, ce qui oblige à une très forte sélection.
Il s’agit de compléter les études supérieures menées en Algérie, de se
spécialiser, mais le nombre de ceux qui entendent ne pas revenir est élevé. Il
est difficile de quantifier ce phénomène, qui peut concerner, selon les pays
d’accueil, plus de la moitié des partants. Le Canada, qui conserve une
politique migratoire ouverte, tend à relayer la France comme pays
d’opportunités.
Dans
ce contexte, la société civile a peine à s’organiser autour d’ONG, où avocats
et médecins jouent un rôle important. Des initiatives locales souvent
sympathiques montrent bien qu’il y a dans la population un vrai besoin
d’ouverture. Par exemple ; l’association « Bel Horizon » d’Oran,
animée par des architectes, s’est donnée pour objectif de faire connaître Oran
et son riche patrimoine à ses habitants, pour les rendre conscients de
l’intérêt de sa préservation. Chaque année une marche commune est organisée le
1er mai : les marcheurs passent par les différentes sites
historiques de la ville et montent jusqu’au fort de Santa Cruz qui domine
l’agglomération, où se produit une animation musicale. En 2007, elle a réuni
500 personnes ; en 2011, 20.000. Mais ce genre d’initiative est rare et ne
peut faire oublier le désert culturel d’un pays assisté, en mal de vivre.
II- Un printemps arabe sans lendemain
1- « Algérie pas bien ».
Beaucoup
d’observateurs s’attendaient à ce que le printemps arabe, né en Tunisie, pays
voisin, s’étende très vite à l’Algérie. « Algérie pas bien », tel est
le propos exprimé dans un français sommaire, par un groupe de jeunes désœuvrés
que j’ai croisés à Constantine. En effet tous les ingrédients qui ont
contribué à son éclosion dans les pays arabes se retrouvent en Algérie.
L’existence d’une jeunesse nombreuse, de plus en plus diplômée, frustrée car
sans emploi ou pourvue d’un emploi sous qualifié par rapport à ses ambitions ou
son diplôme, ne se voyant pas d’avenir. En effet, si la crise a eu peu d’impact
en Algérie, il n’en demeure pas moins que, pour des raisons structurelles, le
chômage, comme on l’a vu, est très élevé, surtout chez les moins de trente
ans. Les jeunes algériens ont le sentiment d’être méprisés par le pouvoir comme
par la société. De même ils dénoncent la corruption et rejettent
un régime dominé par le DRS, incapable de leur proposer des perspectives :
certes les étudiants sont choyés dans des universités flambant neuves, mais
pour quel avenir ? On ne dénonce pas une personnalité comme en Tunisie ou
en Egypte, bouc émissaire de tous les maux dont souffre la société :
Bouteflika bénéficie d’une certaine popularité car il a ramené la paix civile.
On dénonce plutôt un « système » opaque, mafieux, qui étend son
emprise sur tout le pays. D’une façon générale, la contestation s’amplifie
comme le montre la multiplication des conflits locaux pour des raisons sociales
et on rejette un régime militaire qui perdure depuis l’indépendance, malgré ses
tensions internes.
2- Un printemps qui tourne court.
En
effet le printemps, après une tentative timide, a tourné court. Début janvier
2011, des émeutes ont eu lieu avec des revendications à la fois politiques et
sociales, dénonçant le pouvoir et la vie chère. Le 12 février, une marche est
organisée à l’initiative de la
CNCD, la
Coordination nationale pour le changement et la démocratie.
Un participant me raconte : « Lors de cette marche nous étions 8.000,
alors qu’étaient déployés 30.000 policiers ; lorsque nous avons voulu la
refaire le lendemain, nous n’étions plus que 1.000 et le surlendemain
500 ». Le printemps était terminé et il y a peu de chance qu’il renaisse à
court terme.
Comment
expliquer cette situation ? Mes interlocuteurs ont été unanimes : la
crainte d’un retour à la « décennie noire » est un facteur explicatif
majeur. Celle-ci s’est traduite dans les années 1990 par une véritable guerre
civile, qui a compté sans doute autour de 150.000 morts, mais également près de
300.000 départs à l’étranger, essentiellement des cadres (médecins,
universitaires) qui craignaient pour leur vie. Beaucoup ont vu des parents ou
des amis touchés directement par cette guerre qui ne disait pas son nom, dans
laquelle le danger venait tout autant des terroristes islamistes que des forces
de répression qui ne faisaient pas dans la nuance et en profitaient pour régler
leurs comptes.
Par
ailleurs, le régime a réagi habilement en laissant la presse se défouler, en
faisant quelques réformes politiques à caractère cosmétique et en achetant
la paix sociale. Toute une série de mesures ont ainsi été prises :
nouvelle loi sur l’information en septembre mettant fin théoriquement au
monopole de l’Etat sur l’audiovisuel public ; suspension de l’état
d’urgence ; augmentation des subventions aux produits de base de façon à
faire baisser les prix ; promesse d’élections législatives
« démocratiques » ; adoption d’une nouvelle loi électorale et
d’une autre sur les partis politiques. En fait, le régime peut faire valoir que
la situation en Algérie n’est pas celle de la Tunisie, l’Egypte ou la Syrie : une certaine
liberté d’expression existe, notamment à travers une presse parfois très
critique ; il n’y a pas une famille ou un clan prébendier : le
renouvellement des postes de responsabilité permet de faire partager les
avantages à beaucoup de fidèles au régime. Dans un pays où la débrouillardise
est un art de vivre, beaucoup ont pu se constituer une rente de situation
grâce à la bienveillance rémunérée de l’administration.
Un
dernier élément contribue à expliquer cette situation : l’évolution
du printemps arabe dans la proximité immédiate, en Tunisie, en Libye, en
Egypte. Les médias algériens suivent de près l’évolution des soulèvements
révolutionnaires. La poussée islamiste et plus particulièrement salafiste, est
constatée avec inquiétude. La situation anarchique prévalant en Libye, avec
laquelle l’Algérie a une frontière commune, est redoutée comme source de
déstabilisation de la région : l’impact sur les revendications touaregs à
la création de l’Azawad qui serait en partie en territoire algérien, renforcées
par le retour des mercenaires de Khadafi comme le développement des activités
de l’AQMI, qui a pu récupérer des armes lourdes dans les arsenaux libyens sont
ressentis comme des menaces à la sécurité de l’Algérie et à la stabilité de la
région sahélienne. L’argument du « déluge arabe », manipulé par les
puissances occidentales, utilisé par le premier ministre Ouyahia, est développé
par le pouvoir avec une certaine efficacité. Certes, tout n’est pas parfait en
Algérie, mais au moins il existe un certain dynamisme économique, des avantages
sociaux indéniables, et la paix civile est revenue. Ainsi, sous-entend le
pouvoir : « ne lâchez pas la proie pour l’ombre ». Ce message
porte dans un pays meurtri par la guerre civile.
Le
pouvoir entend canaliser le mécontentement réel en l’encadrant par des
élections législatives qui auront lieu le 10 mai prochain. Il promet que le
scrutin sera honnête et transparent. Il invite pour la première fois des
observateurs étrangers, ceux de l’OCI comme de l’Union européenne. Un débat
s’esquisse. Les partis islamistes autorisés, ceux de « l’alliance
verte » avec le Mouvement de la société pour la paix (MSP), Ennahda
et El Islah envisagent de présenter des candidatures communes défendant
un programme commun. Ils essaient de récupérer une partie de l’électorat du
FIS, aidés par l’appel lancé récemment par le cheikh Hachemi Sahnouni, appelant
l’ensemble des partis islamistes à constituer une grande coalition,
tandis que le charismatique Abdallah Jaballah crée un nouveau parti, le
Front de la justice et du développement (FJD) qui peut perturber le jeu. Un
taux d’abstention important est prévu, compte tenu d’une certaine indifférence
de l’opinion pour ces élections, dénoncées comme une manœuvre. Cependant on
s’attend à une poussée des partis islamiques, qui pourrait conduire à une
nouvelle coalition gouvernementale regroupant ces partis avec l’aile islamisée
du FLN représentée par son actuel et contesté secrétaire général, Abdelaziz
Belkhadem, qui serait capable de canaliser cette évolution. Ainsi tout
changerait pour que rien ne change, compte tenu de la faiblesse des pouvoirs de
l’Assemblée populaire nationale, qui devra toujours composer avec un Conseil de
la nation dont les modalités de nomination garantissent sa fidélité au régime.
La
véritable échéance sera celle de l’après Bouteflika, qui ne saurait tarder, son
mandat expirant en toute hypothèse en 2014. Déjà les grandes manœuvres entre
les prétendants, mais plus encore entre les deux camps qui s’affrontent depuis
l’indépendance, celui des « islamo-conservateurs » et celui
des « libéraux laïcs ». A. Belkhadem est représentatif de la
première tendance, A. Ouyahia, de la deuxième. Mais d’autres prétendants
peuvent apparaître à l’initiative de l’armée qui peut jouer un rôle
d’arbitre : contrairement à ce que l’on pourrait croire, elle n’a pas la
tradition laïque de l’armée turque. Elle est pragmatique, éradicatrice
éventuellement, mais prête à jouer la carte de « l’islamisme modéré »
tant que celle-ci lui permet de conserver un pouvoir effectif et ses prébendes.
Ainsi, on la soupçonne de favoriser l’émergence d’une majorité de sensibilité
islamiste, pour mieux canaliser la vague, étant entendu que le pouvoir réel
reste entre ses mains.
Ainsi
le scénario le plus probable est celui d’un vrai faux printemps islamiste dans
le cadre d’un régime qui peut se survivre à lui-même pendant encore quelque
temps.
III- L’obsession française
1- « Je t’aime, moi non plus ».
Après
132 ans de présence française, dont 7 années de guerre, la relation avec la France reste à la fois
privilégiée et difficile malgré les efforts faits de part et d’autre pour
tourner la page. Comme me l’a exprimé un de mes interlocuteurs, français
d’origine algérienne, « le roman national de l’Algérie et celui de la France ne se rencontrent
pas et sont tous les deux truffés d’inexactitudes », mais plus du côté de la France, jugeait-il. De
fait, on est frappé par le comportement quelque peu schizophrénique des
Algériens. Dans certaines villes ou villages, on a l’impression de se retrouver
dans une localité française, avec ses monuments publics, sa mairie, son église,
sa place centrale, son théâtre. Les rues, rebaptisées du nom des « martyrs
de la guerre de Libération », souvent inconnus de la population, sont
restés dans le langage courant celles de la colonisation : on continue à
utiliser les noms anciens des principales artères : rue d’Isly et rue
Michelet à Alger, rue Nationale et les Arcades à Constantine. Des magasins
portent encore les noms désuets de l’époque coloniale comme ce magasin de
chaussures « Au pied mignon » en face de la cathédrale d’Oran. Au
siège de la Willaya
de Constantine, qui occupe le bâtiment de la fin du XIXème siècle, et qui
ressemble à n’importe quelle préfecture française, les noms des anciens préfets
sont rappelés suivis de ceux des walis nommés depuis l’indépendance. La langue
française reste, sauf exception, notamment au ministère de la justice, la
langue de travail qui s’exprime dans le style administratif français le plus
pur. Les ministres dans leurs discours publics mêlent français et arabes. Les
matches de football français de première comme de seconde division sont suivis
avec une attention soutenue. Le Lycée français Alexandre Dumas à Alger n’arrive
pas à satisfaire les demandes d’inscription insistantes provenant des élites du
pouvoir, sûrs d’y trouver un enseignement de qualité. Il en est de même des
Instituts de France qui ne parviennent pas à satisfaire la demande. Le rêve de
tout jeune est d’obtenir un visa pour la France, comme le président Chirac accueilli par
une foule d’étudiants dense et chaleureuse, avait pu le constater lors de son
voyage officiel en 2003, répétant en un bruissement continu « visa, visa,
visa, visa… ». L’élection présidentielle en France est suivie avec beaucoup
plus d’attention voire de passion que la campagne pour les prochaines élections
législatives qui se déroulent dans l’indifférence. La plupart des responsables
possèdent une maison ou un appartement de même qu’un compte en banque en
France. Les journaux francophones donnent chaque jour le programme détaillé de
toutes les chaînes françaises, sans mentionner celui des chaînes algériennes.
Cependant,
dans le même temps le système colonial est rappelé en termes rudes, les
accusations de génocide contre le peuple algérien sont reprises avec
insistance. La France
est accusée d’avoir « détruit des repères de l’identité algérienne entre
1830 et 1962 » comme le rappelait encore récemment le président
Bouteflika. Ce procès fait partie de la rhétorique officielle au plus haut
niveau. Elle est largement celle de la génération qui a connu la période
coloniale. Elle est moins vigoureuse au niveau des jeunes, conscients que
l’histoire réelle est sans doute plus complexe, malgré ce qu’ils peuvent lire
dans des manuels d’histoire particulièrement rudes à l’égard de la France. Ces reproches
parfois véhéments n’empêchent pas des relations personnelles chaleureuses.
Cette rhétorique s’emploie principalement à l’usage de la politique intérieure,
la dénonciation du « parti de la
France », conservant toute son efficacité de même que le
recours à la théorie du complot qui vise l’ancienne puissance coloniale.
Cette
réaction d’attraction-répulsion s’accompagne d’une connaissance de la France, qui relève
davantage des clichés que de la réalité. Les rumeurs parfois les plus
fantaisistes sont reprises sans discernement. On m’a ainsi assuré qu’en France,
le port de la barbe était interdit. Il est vrai que la langue française est de
moins en moins bien maîtrisée. Comme me l’a fait observer un de mes
interlocuteurs : « nous sommes des analphabètes bilingues ». En
effet, l’apprentissage du français a souffert de l’arabisation forcée de
l’époque Boumediene. Depuis lors il est prévu dans le cursus dès le primaire,
mais s’apprend comme une langue étrangère. Le niveau constaté au baccalauréat
est médiocre. Dans l’enseignement supérieur, un clivage existe entre les
étudiants faisant des études juridiques ou littéraires, qui sont enseignées en
arabe et ceux qui font des études médicales ou scientifiques, qui le sont en
français. J’ai pu noter ces carences lors des conférences faites devant un
public d’étudiants : à Oran, après être intervenu pendant 45 minutes, un
professeur a traduit et résumé en 20 minutes mon exposé, et la plupart des
questions a été posée en arabe. Les contacts que l’on peut avoir en ville, dans
les magasins, témoignent de cette déficience : il reste une certaine
connaissance passive mais l’expression orale et surtout écrite est nettement
déficiente. Il n’en reste pas moins qu’il y a une véritable demande de France
et de français, en particulier chez les jeunes.
2- Des ressentiments persistants.
Comme
j’ai pu le constater au fil de la lecture de la presse et de mes interventions
suivies d’un débat, aux reproches que l’on peut qualifier de structurels,
s’ajoutent aujourd’hui des irritants plus directement liés à la politique
étrangère menée par le président Sarkozy et tout récemment, à la campagne
électorale en France. J’ai cependant constaté un décalage évident entre les
questions, souvent agressives posées par les professeurs, et celles plus
neutres des étudiants.
° La criminalisation du « système colonial » :
Depuis
de nombreuses années, parfois depuis l’indépendance, les mêmes ressentiments,
parfois contradictoires, relayés par les médias locaux, mettent en cause le
« système colonial » : atteinte à l’identité algérienne,
« génocide » contre le peuple algérien en rappelant en
particulier les massacres de Sétif en mai 1945 et la « guerre de
libération ». S’y ajoute la mise en cause de certains aspects de la
politique français depuis l’indépendance, entre autres : la politique
restrictive en matière d’immigration et de visas de courte durée, malgré une
augmentation de leur nombre et l’amélioration des conditions de leur octroi ;
la volonté supposée d’ingérence et de domination dans les affaires intérieures
algériennes ; le soutien qui aurait été apporté au FIS et le « lâchage »
pendant la décennie noire, la
France faisant, selon le pouvoir, le jeu des islamistes ;
la préférence donnée à la relation avec le Maroc et la position jugée biaisée
en sa faveur sur la question du Sahara occidental, la complaisance à l’égard
des mouvements terroristes, notamment par le paiement de rançons ;
l’encouragement de la fuite des cerveaux. En 2005, en réponse à la proposition
de loi déposée au parlement français sur les « aspect positifs » de
la colonisation, des députés algériens ont proposé un texte pour
« criminaliser » la colonisation française. Cette affaire montre la
sensibilité du sujet et l’initiative française est encore très présente dans
les esprits et vue comme une « agression », bien que le texte ait été
désavoué par le gouvernement et en définitive retiré. En 2010, un texte du même
type a été de nouveau discuté en Algérie, mais est resté sans suite. Le
traitement « indigne » des immigrés et plus particulièrement la
« stigmatisation » des Arabes en France comme le comportement des
forces de l’ordre dans les banlieues difficiles est régulièrement
soulignée.
° Un jugement sévère sur la politique récente :
La
politique menée par le président Sarkozy est particulièrement dénoncée : alignement
sur la politique américaine, complaisance à l’égard d’Israël et mollesse dans
la dénonciation des « atrocités » israéliennes dans les territoires
palestiniens ; lancement de l’Union pour la Méditerranée
sans véritable concertation ; intervention en Libye « pour le
pétrole » sans avoir évalué les conséquences pour la stabilité de la
région ; laxisme envers l’AQMI que l’on a laissé piller les arsenaux
libyens ; ingérence en Côte d’Ivoire et au Mali, avec la volonté de
rétablir l’influence de la
France dans ses anciennes colonies ; instrumentalisation
du mouvement Touareg – le MNLA – avec le même objectif ; débat sur
l’identité nationale visant à stigmatiser plus spécialement les Arabes ;
propos tenus sur l’inégalité des civilisations…
Le
comportement du président sortant dans la campagne présidentielle a été jugé de
façon particulièrement critique : instrumentalisation du drame de Toulouse
en mettant en avant l’origine algérienne du tueur ; dénonciation de
l’accent mis sur la viande halal qui serait « au cœur des
préoccupations des Français » ; remise en cause explicite de l’accord
sur les migrations avec l’Algérie ; transfert de la dépouille du général
Bigeard aux Invalides ; reconnaissance de la responsabilité de la France dans l’abandon des
harkis et participation de l’Etat au monument national prévu à
Rivesaltes ; absence de message à l’occasion de la mort du père de
l’indépendance, Ben Bella, et de représentation à un niveau politique ;
d’une façon générale instrumentalisation de l’émigration qui vise explicitement
les Arabes. La liste des irritants soigneusement décomptés par les médias, est
longue, même si le pouvoir a évité de les exploiter. On notera que les
Algériens prennent à leur compte des actes ou mesures qui dépassent très
largement le cadre franco-algérien ou qui relèvent de la politique intérieure
française.
En
fait, cinquante ans après l’indépendance, la réconciliation n’est toujours pas
intervenue, même si, en France comme en Algérie, de plus en plus de voix
s’expriment en ce sens. Le projet de traité de réconciliation envisagé par le
président Chirac qui pouvait capitaliser sur sa popularité personnelle en Algérie,
allait sur la bonne voie. Il a échoué devant les oppositions résolues qui ont
surgi tant en France qu’en Algérie. Après l’anniversaire des accords d’Evian,
passés sous silence en Algérie, la célébration du cinquantième anniversaire de
l’indépendance pourrait être l’occasion de tourner la page. Il est peu probable
que l’on s’engage dans cette voie tant en Algérie qu’en France. Le moment n’est
sans doute pas encore venu. Les ressentiments de la majorité des rapatriés et
des anciens combattants d’un côté, l’exploitation par la vielle garde FLN et
des anciens moudjahidine des drames du passé laissent peu de chance, à court
terme, pour une telle réconciliation. Il faudra sans doute l’arrivée au pouvoir
de nouvelles générations aux postes de responsabilité, en particulier en
Algérie où la relève n’est pas encore faite, pour que le climat se prête à une
telle évolution.
En
conclusion, il apparaît que la vie
politique algérienne est à un tournant. Si le régime qui s’est imposé à
l’indépendance a réussi à se maintenir, même s’il s’est affaibli, il va devoir
évoluer pour survivre et faire sa place aux nouvelles générations qui, comme les
anciennes, se partagent entre les courants islamo-conservateurs et
démocrates laïcs, avec une tendance actuellement favorable aux premiers. Comme
le soulignait un de mes interlocuteurs, si le FIS a perdu la bataille militaire
et politique, il a gagné dans les esprits et la société. L’heure islamiste sous
le contrôle de l’armée est sans doute également arrivée en Algérie comme dans
d’autres pays arabes.
Dans
ce contexte, la relation avec la
France risque de passer un cap difficile, notamment à la
suite de la multiplication des irritants de la période récente. Mais une
relation forte est consciemment ou inconsciemment souhaitée en Algérie. Car il
y a dans ce pays un « besoin de France » et un intérêt évident à
maintenir, voire renforcer des liens indélébiles. Ce que demandent en
définitive les Algériens, c’est une sorte de reconnaissance que l’opinion
publique en France n’est pas encore prête à donner. Peut-être convient-il de
laisser encore du temps au temps pour fermer les blessures du passé, ce qui
n’exclut pas l’affirmation par le futur président de la force des liens qui
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