Démocratie, gouvernement, religion, partis, économie,
citoyenneté…
Ce que pensent les Algériens
(El Watan) L’enquête
a été faite pour le compte de Arab Barometer, un organisme de recherche
constitué d’universitaires américains et de chercheurs arabes. Ce
type d’enquête a été réalisé dans onze autres pays arabes. Sur plus de 1000
questions posées à un échantillon de 1200 personnes, tous âges confondus, des
deux sexes et de toutes catégories professionnelles, citadins et ruraux, le
groupe de recherche algérien est parvenu à tirer des conclusions.
Le
rapport, entrant dans le cadre du Baromètre arabe (qui en est à sa
2e édition après celle de 2006) sera envoyé à différentes institutions,
dont la Ligue
arabe et l’ONU. Il est à préciser que ce groupe de chercheurs a entamé
l’enquête bénévolement, de façon indépendante et n’a pas travaillé pour le
compte d’une institution ou d’un organisme quelconque.
L’enquête
s’articule autour de 7 volets, à savoir «Comment les Algériens conçoivent
la situation économique» ; «L’avis et l’évaluation des Algériens sur les
institutions» ; «La confiance que les Algériens leur accordent» ; «Le
rôle de la femme dans la société» ; «L’Algérien et les pratiques
religieuses» ; «La citoyenneté et les droits» et enfin «Le Monde arabe et
les sujets internationaux vus par les Algériens».
Cette
enquête, entamée le 24 avril et close le 8 mai 2011, met en relief
l’essence de ce que pensent les Algériens. Le même sondage a été effectué dans
d’autres pays arabes qui ont connu des changements de régime entre autre la Tunisie et l’Egypte.
-
62% des Algériens sont insatisfaits du rendement du gouvernement
45%
des Algériens interrogés estiment que le rendement du gouvernement est négatif
et 17% disent qu’il est «catastrophique». Les Algériens pensent à 25% que le
travail du gouvernement est prolifique, et 27% disent être satisfaits du
rendement. «Nous constatons une crise de confiance», écrivent les chercheurs.
-
80% est corrompue
Même
si la lutte contre la corruption vient en 3e position des défis majeurs,
près de 80% d’Algériens pensent qu’«elle est pratiquée dans l’administration».
Les habitants du Sud-Ouest répondent par la positive à 100%, en indiquant que
«ce fléau paralyse l’administration». Cependant, près de 80% d’Algériens ont la
certitude que «le gouvernement lutte contre la corruption». 57% des sondés
disent que «pour être employé, il faut passer par les réseaux de corruption»,
mais 88% d’Algériens pensent en même temps que «pour arracher un emploi, il y a
un besoin de passer par les réseaux de connaissances».
-
32% n’accordent aucune confiance au Conseil des ministres
Le
rapport démontre que 32% d’Algériens n’accordent aucune confiance au Conseil
des ministres. Près de 35% lui accorde «un peu de confiance» et 23% une
confiance «moyenne».
-
50% n’accordent aucune confiance au Parlement
Les
chercheurs auteurs de l’enquête soulignent que 45% d’Algériens n’accordent
aucune confiance au Parlement, 30% lui donnent «peu» de confiance et 15%
accordent une confiance «moyenne».
-
Plus de la moitié des Algériens n’accordent pas de confiance aux partis
Près
de 52% d’Algériens n’accordent «aucune confiance» aux partis politiques, 27%
«peu de confiance» et 15% «une confiance moyenne». En outre, près de 30%
d’Algériens n’accordent «aucune confiance» aux associations de la société
civile, près de 30% «peu de confiance» et près de 30% «une confiance moyenne».
-
97% ne sont pas membres d’un parti politique
Près
de 97% d’Algériens n’adhèrent à aucun parti politique. Près de 94% ne sont pas
membres d’une association caritative, 97% ne sont pas membres d’un syndicat
professionnel, 92% ne sont pas membres d’une association ou d’un groupement
sportif, près de 98% ne font pas partie d’une confédération tribale et 99%
d’Algériens n’adhèrent pas à une association de développement local. Les
rédacteurs du rapport concluent que les Algériens «ne sont pas encadrés».
Élections législatives de 2007 : réponses mitigées
35%
des Algériens ne savent pas «si les élections législatives de 2007 ont été
transparentes». Ce qui démontre leur désintérêt pour les rendez-vous
électoraux, notent les rédacteurs du rapport. 23% pensent que ces élections
étaient «libres et transparentes avec toutefois des irrégularités
secondaires» ; 13% pensent que «les élections de 2007 ont été
transparentes avec des irrégularités majeures» ; près de 19% disent
qu’elles n’ont été «ni transparentes ni libres». En se référant à ce sondage,
seuls 33% d’Algériens ont voté contre 64% qui ne se sont pas exprimés,
remarquent les enquêteurs. Dans le sud-ouest du pays, le taux d’abstention a
atteint les 75%, relève-t-on.
-
60% veulent des lois respectueuses de la charia
-
Près de 60% des Algériens estiment que la religion doit régenter la vie
politique et sociale, contre 21% qui s’opposent à cette idée. La moitié des
interrogés disent que la religion est une affaire privée. Notons que 14% n’ont
pas d’avis sur ce point.
-
43% s’opposent à l’influence des hommes de religion sur la politique et 15%
s’opposent fermement à cette idée. En parallèle, 17% des Algériens veulent de
cette influence.
- 35% des Algériens disent que le Parlement doit légiférer des lois selon les aspirations du peuple, avec 25% qui croient «fermement» à cette idée et 15% qui s’y opposent. Toutefois, 16% ne savent pas.
- 35% des Algériens disent que le Parlement doit légiférer des lois selon les aspirations du peuple, avec 25% qui croient «fermement» à cette idée et 15% qui s’y opposent. Toutefois, 16% ne savent pas.
-
41% d’Algériens disent que le Parlement doit légiférer des lois selon les
préceptes de la charia, avec 25% qui tiennent «beaucoup» à cette vision, 10%
qui s’y opposent et 15% qui ne savent pas. 34% des Algériens disent que le
Parlement doit légiférer selon les aspirations du peuple pour certains sujets
et selon les préceptes de la charia islamique pour d’autres. 28% sont
entièrement d’accord avec cette idée ; 12% s’y opposent et 18% ne savent
pas.
-
44% des Algériens réfutent l’idée selon laquelle la démocratie n’est pas
compatible avec les principes islamiques, 11% s’opposent avec «fermeté» à cette
idée et 24% ne savent pas ; 13% disent le contraire.
Les
rédacteurs du rapport notent que 43% d’Algériens s’opposent à l’interférence
des hommes de religion dans la politique, mais parallèlement, 60% d’entre eux
disent que le Parlement doit légiférer selon les préceptes de la charia
islamique.
-
81% des Algériens sont pratiquants
Les
Algériens sont pratiquants à 81%, d’après le sondage ; 60% déclarent être
«moyennement pratiquants» et 21% «peu pratiquants» ; 14,5% disent être non
pratiquants ; ces derniers n’observent pas le jeûne du mois de Ramadhan.
Plus de 4% ont refusé de répondre à cette question sur la pratique religieuse.
Les 18-25 ans disent «ne pas être pratiquants» à hauteur de 21%.
Plus
de 83% d’Algériens disent que «ne pas faire la prière est un obstacle pour
marier un fils, une fille, un frère ou une sœur» ; plus de 12% disent que
«ce n’est pas un obstacle».
Près
de 40% des Algériens disent que «la femme n’est pas obligée de porter le hidjab
(foulard porté par les musulmanes) si elle porte une tenue respectable», contre
21% qui sont contre cette idée. A cette question, le sondage indique que les
ruraux sont plus tolérants que les citadins avec près de 60% contre 48% pour
les seconds. Les 18-25 ans sont encore plus tolérants avec près de 60% qui
disent que la femme n’est pas dans l’obligation de porter le hidjab. Les 26-35 ans
ont répondu par la positive à près de 55% et les plus de 46 ans sont
d’accord à 39%. «Ce qui montre que plus il est jeune, plus l’Algérien est
tolérant», indiquent les sondeurs.
-
55% refusent que La femme soit Présidente ou Premier ministre
55%
des Algériens refusent qu’une femme devienne Présidente ou occupe la fonction
de Premier ministre dans un pays musulman comme l’Algérie, contre 41% qui n’y
voient «aucun inconvénient pour occuper ces deux postes importants». A cette
question, l’avis des citadins et des ruraux ne diffère pas, soulignent les
chercheurs. Par ailleurs, près de 60% des Algériens ne s’opposent pas à la
nomination d’une femme comme magistrat, contre près de 38% qui refusent. Les
sondeurs rappellent qu’il existe en Algérie des dizaines de magistrates et des
femmes ministres sont nommées depuis 1982. Dans le milieu professionnel, plus
de 64% des Algériens ne s’opposent au travail de la femme contre 31%.
-
53% ne croient pas vraiment en la justice
Le
rapport indique que 31% des Algériens accordent «un peu de confiance» à la
justice et 35% lui accordent une confiance «moyenne», contre 22% qui ne
lui en donnent «aucune».
-
50% doutent de la police
35%
des Algériens accordent une confiance «moyenne» en la police et 12% une
«entière confiance», contre 31% «un peu» et 18% «aucune». Dans le même sillage,
22% des sondés accordent une «entière confiance à l’armée», 31% une confiance
«moyenne», 25% «peu de confiance» et 18% «aucune confiance».
-
44% ne se sentent pas sécurisés
Près
de la moitié des Algériens pensent que la sécurité «leur est assurée» ainsi
qu’à leur famille. Près de 5% se sentent «entièrement sécurisés», mais 35%
estiment qu’il n’y a «aucune sécurité» et près de 9% disent qu’elle est
«inexistante». Les habitants de l’ouest du pays ont répondu crûment : ils
disent pour la plupart ne pas se «sentir en sécurité», contrairement à ceux des
autres régions. En effet, dans le rapport, plus de 17% des habitants du
Sud-Ouest disent «ne pas connaître la sécurité». Il en est de même pour 15% des
Algériens vivant dans le Nord-Ouest.
-
34% Des femmes autorisent leur mari à prendre une deuxième épouse
Quant
au volet familial, près de 89% d’Algériens donnent «raison à la fille qui
refuse un mari proposé par la famille». Près de 70% des Algériens sont
«d’accord pour qu’une femme demande le divorce au même titre que l’époux». Les
meneurs de l’enquête soulignent que «34% des femmes interrogées autorisent leur
mari à prendre une deuxième femme dans le cadre de la loi».
-
70% ne se sentent pas sécurisés
Près
de la moitié des Algériens pensent que la sécurité «leur est assurée» ainsi
qu’à leur famille. Près de 5% se sentent «entièrement sécurisés», mais 35%
estiment qu’il n’y a «aucune sécurité» et près de 9% disent qu’elle est
«inexistante». Les habitants de l’ouest du pays ont répondu crûment : ils
disent pour la plupart ne pas se «sentir en sécurité», contrairement à ceux des
autres régions. En effet, dans le rapport, plus de 17% des habitants du
Sud-Ouest disent «ne pas connaître la sécurité». Il en est de même pour 15% des
Algériens vivant dans le Nord-Ouest.
-
65% pensent que la situation économique est mauvaise
Le
sondage montre que 51% des Algériens estiment que la situation économique du
pays est «mauvaise», près de 14% la jugent comme «très mauvaise». En revanche,
près de 30% des Algériens voient la situation économique comme «bonne» et 2,5%
comme «très bonne». Ceci peut expliquer, selon les chercheurs, que «la
transition économique n’a pas bénéficié à la majorité des Algériens». En outre,
les enquêteurs indiquent dans le rapport qu’«une personne sur trois seulement
évalue positivement la situation économique du pays», tandis que «trois
personnes sur quatre la considèrent comme négative». En ce qui concerne
l’avenir de l’économie nationale au cours des 3 à 5 prochaines années, la
moitié des Algériens interrogés sont «prudemment optimistes» et pensent,
soulignent les sondeurs, que «la situation peut s’améliorer».
La
proportion de ceux qui estiment que la situation économique «serait beaucoup
mieux» dépasse les 8% et 30% disent quelle serait «un peu mieux». Les
chercheurs affirment «être devant une proportion d’optimistes de l’ordre de
39%, alors que ceux qui avancent des perspectives négatives pour l’économie du
pays sont de 24%». Toutefois, 16% des Algériens présagent que l’économie sera
encore «désastreuse» et 7% pensent qu’elle sera «catastrophique» ; 32,6%
estiment en parallèle que «la situation économique du pays ne changera pas».
Les
chercheurs déduisent que «la situation économique est la première raison
poussant à l’émigration» car près de 3% d’Algériens veulent «quitter le pays
pour des raisons politiques», contrairement aux 10% qui ont l’intention
d’«émigrer pour des raisons économiques» ; près de 55% «ne pensent pas à l’émigration»
même s’ils ne sont pas satisfaits de la situation économique du pays. Le
rapport montre que «plus l’Algérien avance en âge, plus son envie d’émigrer
diminue». Ainsi, la situation socioéconomique est «la première raison pour
quitter le pays» et «non pas le volet politique». Les femmes sont moins
enclines à émigrer, contrairement aux hommes. Les ruraux pensent moins à
l’émigration, ce qui n’est pas le cas de la majorité des citadins.
-
40% s’opposent au crédit bancaire
Toujours
au chapitre religion, 30% d’Algériens acceptent de contracter des crédits
bancaires avec intérêts, mais 40% s’y opposent ; 22% ont répondu qu’ils
n’avaient pas de réponse claire à ce sujet. Les chercheurs rappellent que les
banques islamiques n’ont été au centre des débats que «ces dernières années».
Dans le même registre, 48% des hommes et 30% des femmes s’opposent de manière
catégorique aux crédits bancaires sur une moyenne nationale de 40%.
Autre
question, de moindre banalité : 20% d’Algériens acceptent de jouer au loto
contre 48% qui refusent de le faire. Par contre 27% ont déclaré ne pas y jouer
car «ils n’ont pas de chance» !
-
60% sont propriétaires de leur logement
Près
de 60% des sondés disent être propriétaire d’un logement ; 30% sont locataires
et 10% sont endettés auprès des banques afin d’acquérir un logement.
-
83% Le volume de l’argent envoyé par les émigrés diminue
83%
des interrogés indiquent ne pas percevoir d’argent leur famille vivant à
l’étranger ; 2% en reçoivent mensuellement ; 3% plusieurs fois dans
l’année et près de 6% une fois annuellement. Ce qui montre que l’émigration
économique ne joue plus le même rôle qu’auparavant, expliquent les rédacteurs
du rapport.
-
15,5% s’intéressent à la politique
L’intérêt
des Algériens pour les questions politiques est très faible, selon le sondage.
Ils sont 15,5% seulement à avoir dit qu’ils s’intéressent à la politique, 3,6%
à dire être très intéressés et 43,9% intéressés faiblement. Ils sont 35,6% à ne
faire aucune attention à la politique. Les enquêteurs relèvent qu’avec un taux
global de 25%, la région du sud-ouest du pays exprime un intérêt plus soutenu
pour la politique. Plus présent dans les campagnes que dans les villes,
l’intérêt pour les questions politiques concerne plus les hommes que les
femmes. «Nous n’avons constaté aucun lien fort entre le niveau d’instruction et
l’intérêt pour la politique», est-il constaté. Selon le sondage, 65,3% des
Algériens pensent que la politique est compliquée, rendant sa compréhension
difficile pour les citoyens, contre 29% qui sont d’un avis opposé. Le plus
étonnant est que les Algériens suivent à 73% les informations politiques contre
24,9% qui n’accordent pas d’importance à cela. Cette attitude peut s’expliquer
par le fait que suivre l’actualité politique ne signifie pas forcément intérêt
marqué pour la politique elle-même.
Un
tableau permet de constater que les Algériens suivent quotidiennement
l’actualité surtout à travers la télévision (35,1%) et la presse écrite
(22,7%) ; la radio intervient en troisième position avec 15,2% et
l’internet en quatrième avec 11,5%. La part de la presse hebdomadaire est
insignifiante : 1,9%. Ils ont 20,7% à suivre l’actualité plusieurs fois
par semaine à la télévision, 17,6% dans les journaux, 11,9% à internet et 11,8%
à la radio. Contrairement à l’idée répandue donc, la radio, en Algérie, est un
média mineur et l’internet n’est toujours pas le média de référence pour le
public. Les sondés ont déclaré suivre rarement l’actualité à la radio avec
38,2% contre 25% pour internet. Les enquêteurs ont pris soin de préciser que lors du sondage, il n’a pas été demandé aux personnes interrogées sur quelle chaîne de télévision ou de radio s’informent-elles. Idem pour les journaux.
38,2% contre 25% pour internet. Les enquêteurs ont pris soin de préciser que lors du sondage, il n’a pas été demandé aux personnes interrogées sur quelle chaîne de télévision ou de radio s’informent-elles. Idem pour les journaux.
La
lutte contre la corruption, principal défi pour le Monde arabe
Pour
les Algériens, la lutte contre la corruption financière et administrative est
le principal défi qui se pose pour le monde arabe. Ils sont 22,4% à le penser.
En deuxième position, le renforcement de la démocratie avec 19,5%, la situation
économique (pauvreté, chômage, hausse des prix) avec 18,9%, l’arrêt de
l’intervention étrangère avec 14%, solutionner la question palestinienne avec
12,4%, renforcer la stabilité et la sécurité de la région avec 11,2%. Les
enquêteurs sont étonnés que la question palestinienne n’intervienne qu’en
cinquième position dans le classement des défis. Par ailleurs, les Algériens
estiment à 15,5% que les éléments extérieurs empêchent l’évolution du monde
arabe. A part presque égale, 14%, les Algériens pensent que les éléments intérieurs
jouent aussi un rôle. Les plus âgés sont ceux qui défendent le plus cette idée.
Mais la majorité, 54%, sont d’avis que les éléments intérieurs et extérieurs
sont à l’origine des blocages que connaissent les pays arabes. Le plus étonnant
est que 15% ont répondu n’avoir aucune opinion à exprimer sur cette question.
Sur un autre chapitre, les Algériens sont 32% à refuser que la réforme
politique soit dictée de l’extérieur, 22,6% pensent que cela nuit aux intérêts
nationaux, contre 24,6% qui sont favorables à cela, mais avec des conditions et
7,5% qui ne trouvent pas d’inconvénient à ce que la réforme soit imposée de
l’étranger. Cela dit, 12% se sont montrés hésitants sur ce sujet, refusant de
donner leur avis.
-
35,4% n’utilisent pas l’internet
Des
questions ont été posées sur l’usage du web. Il en ressort que les Algériens
utilisent l’internet de manière quotidienne ou presque quotidienne à 32,4%,
soit près d’un tiers de la population. Se connecter à la Toile ne veut donc pas dire
suivre l’actualité politique. Il sont 15,4% à utiliser l’internet une fois par
semaine, 8,8% une fois par mois et 7,8% plusieurs fois par an. Mais le chiffre
le plus important est celui-là : 35,4% des personnes interrogées ont
reconnu ne pas utiliser internet. Résultat : les deux tiers des Algériens
utilisent peu ou pas internet.
Les
habitants des campagnes sont plus «branchés» sur la Toile que les citadins.
Ainsi, ils sont 47% à dire qu’ils se connectent presque quotidiennement contre
27,7% pour les habitants des villes. Les citadins sont à 40,6% à ne pas user de
l’internet alors que les gens des campagnes ne sont qu’à 19,1%. Naturellement,
les plus jeunes, surtout les garçons, sont ceux qui se connectent le plus à la Toile avec 49,3% pour les
18-25 ans, 39,4% pour les 26-35 ans, 31,7% pour les 36-45 ans et
10,1% pour les plus de 46 ans. Le niveau d’instruction influe sur l’usage
du web : les internautes universitaires dominent avec 54% contre 45,9%
pour ceux de niveau secondaire. Les personnes actives sont celles qui utilisent
le plus internet par rapport aux sans profession ; ces dernières sont
40,6% à ne pas se connecter au web. Les internautes utilisent la Toile pour suivre la vie
politique nationale ? Peu : 17,9% seulement le font à cette fin. La
majorité, 76,5%, recourent au web pour d’autres buts. Ils ne sont que 6,2% à
exprimer une opinion politique sur le Net alors que 83,8% ne le font pas. «Plus
les Algériens sont âgés, plus ils ont tendance à exprimer un avis politique sur
internet. Seuls 12,1% s’informent sur internet sur les points de vue de
l’opposition. Plus les gens sont instruits, plus la tendance à connaître
l’opinion de l’opposition grandit», est-il noté.
Les
deux tiers des Algériens sont pour le respect des droits humains
55,4%
des Algériens trouvent injustifiable le non-respect des droits humains pour des
considérations sécuritaires, 21% justifié mais à un faible niveau et 4,1%
justifié à un large niveau. Parmi les sondés, 11,3% ont répondu ne pas
connaître le sujet, alors que 1,4% ont refusé de donner leurs avis. Il apparaît
donc que deux Algériens sur trois estiment que le respect des droits humains
passe avant les impératifs de sécurité. Par division géographique, les
habitants des campagnes, qui ont le plus souffert des actes terroristes, sont
plus enclins à privilégier la sécurité au détriment des droits de
l’homme ; les citadins le sont moins.
-
46,9% n’ont pas peur de critiquer le gouvernement
Même
s’ils sont partagés, les Algériens ne craignent pas de critiquer publiquement
le gouvernement. Ils sont 46,9% à le penser alors que 44,3% ont avoué craindre
la critique du gouvernement. Une faible proportion, 7,9%, a déclaré «ne savoir
quoi dire» sur cette question. Concernant les réformes politiques, la majorité
des sondés sont favorables à une démarche graduelle : 21,1% sont très
d’accord, 32,4% quelque peu d’accord, 18,5% relativement contre, 12,6% opposés
radicalement, 14,3% ne savent pas et 1,1% refusent de donner leur avis. Donc,
en tout, 53,5% partagent l’idée d’une réforme politique par étapes.
-
36,1% estiment que la démocratie est une opportunité pour changer le
gouvernement
Quelle
est la principale caractéristique de la démocratie ? 36,1% des Algériens
estiment que la démocratie est une opportunité pour changer le gouvernement à
travers les élections, 16 ,3% que c’est la garantie pour chaque personne
d’avoir l’alimentation, le logement et l’habit, 13,1% que c’est l’éradication
de la corruption financière et administrative, 10% que c’est la réduction du
fossé entre riches et pauvres, 7,9% que c’est l’égalité en droits politiques
entre les citoyens et… 0,2% que c’est une occasion pour les partis de jouer un
rôle. En première lecture, les Algériens privilégient les aspects politiques
dans la définition de la démocratie. Ils sont 64,2% à être d’accord avec l’idée
que le système démocratique, malgré les problèmes qu’il peut avoir, demeure le
meilleur. Ceux qui sont contre ne sont que 13,3% alors que 17,8% ont répondu
«je ne sais pas».
Comment
les Algériens pratiquent-ils leurs droits politiques ? Les enquêteurs
ont voulu approfondir la thématique du rapport qu’ont les Algériens avec la
démocratie et avec la défense de leurs droits. Est-il facile de faire parvenir
une plainte aux responsables concernés ? 38,5% ont répondu que c’est très
difficile, 28,3% difficile, 6% facile. Le plus curieux est que 18,7% ont
reconnu n’avoir jamais tenté de le faire et 3,8% disent ne rien savoir sur
cette question. Détaillant les réponses, les enquêteurs ont constaté que les
habitants de campagne sont ceux qui ont le plus de difficulté à prendre attache
avec un responsable pour une requête ; ils sont 42% à avoir reconnu cela.
«Plus les Algériens sont jeunes, plus ils ont de la peine à se rapprocher des
décideurs pour régler leurs problèmes. Et plus les Algériens sont instruits,
plus ils sentent la difficulté de se faire écouter par un responsable», est-il
relevé.
Pour
les algériens, les États-Unis sont le pays le plus démocratique, Israël le
moins démocratique
Les
enquêteurs ont proposé aux sondés de faire un comparatif avec sept pays :
l’Algérie, l’Arabie Saoudite, la
Turquie, l’Iran, la
Chine, Israël et les Etats-Unis. Ils devaient classer ces
pays par le niveau de démocratie y existant. Israël arrive en tête des pays les
moins démocratiques, suivi, dans l’ordre, de l’Arabie Saoudite, l’Algérie,
l’Iran, la Chine,
les Etats-Unis et la Turquie.
Paradoxalement,
les Algériens classent l’Algérie juste derrière les Etats-Unis, dans la case
des pays les plus avancés sur le plan démocratique. L’Algérie est même
positionnée avant Israël et la Turquie. Israël est le pays qui suscite le plus
l’indifférence des personnes interrogées puisque 31,6% d’entre elles disent
n’être pas intéressées par le système démocratique de l’Etat hébreu, alors que
24,5% disent ne rien connaître sur ce sujet. Plus de 7% – le nombre le plus
élevé – ont refusé de répondre à une question relative à Israël. La Chine arrive en deuxième
position dans le classement des pays qui «n’intéressent» pas les sondés avec
29,8% contre 29,3% pour l’Iran, 28,4% pour l’Arabie Saoudite, 28%
pour la Turquie
et 26,5% pour les Etats-Unis.
Dans le même tableau et à la lumière de la réponse «je ne sais pas», l’Iran, la Turquie, la Chine et Israël paraissent les pays les moins connus. Curieusement, ils sont 2,1% à avoir refusé de répondre à la question sur l’Algérie, alors qu’ils ne sont que 1,9% pour l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis et la Turquie. Les enquêteurs ont relevé que le taux de personnes non intéressées par le classement des systèmes démocratiques des pays ou n’ayant aucune idée sur le sujet est élevé, dépassant globalement les 50%. Ce désintérêt n’a pas d’explication.
Dans le même tableau et à la lumière de la réponse «je ne sais pas», l’Iran, la Turquie, la Chine et Israël paraissent les pays les moins connus. Curieusement, ils sont 2,1% à avoir refusé de répondre à la question sur l’Algérie, alors qu’ils ne sont que 1,9% pour l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis et la Turquie. Les enquêteurs ont relevé que le taux de personnes non intéressées par le classement des systèmes démocratiques des pays ou n’ayant aucune idée sur le sujet est élevé, dépassant globalement les 50%. Ce désintérêt n’a pas d’explication.
Le
contexte :
En
introduction, les chercheurs indiquent qu’«une série de mouvements de
protestation ont été enregistrés dans de nombreuses villes (en Algérie) au
cours de l’année 2011». Ils constatent que «si les méthodes d’expression sont
similaires aux années précédentes, cette fois-ci, les pouvoirs publics ont
considéré les protestations comme des mouvements politiques de premier degré».
Les
dimensions économiques associées à «la hausse des prix de certaines matières
premières de large consommation, comme le sucre et l’huile, ont été les
principaux prétextes menant les jeunes à se révolter», écrivent-ils. Et
d’ajouter : «Le président de la République propose une série de réformes, lors de
son discours à la nation, le 15 avril 2011… Malgré ces promesses, les
mouvements de protestation pour exiger un développement économique et social
ont continué sur le même rythme et se sont intensifiés sous la forme de
grèves. Le gouvernement a cédé, l’aisance financière qui caractérise l’Algérie
ces dernières années aidant.»
Plus
loin, les chercheurs expliquent que «parallèlement à ce mouvement populaire, un
dialogue politique entre le gouvernement et la classe politique ainsi que la
société civile a été initié sous la forme de réunions, pour des consultations
sur les réformes politiques annoncées, dont l’instance a été présidée par
Abdelkader Bensalah, président du Sénat». «Ce dialogue a été néanmoins boycotté
par l’opposition et des personnalités politiques», précisent-ils.
Fayçal Metaoui et Mehdi Bsikri
In
El Watan, 17 janvier 2012
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