L’école
algérienne s’enfonce dans la médiocrité :
Comment en est-on arrivé là…
Comment en est-on arrivé là…
(Dossier
– El Watan) L’école, le système éducatif… Tout le monde s’en plaint : les
parents, les élèves, les enseignants, les directeurs des établissements
scolaires. Mais personne n’ose le crier tout haut. Tout
bas, tous les acteurs de la vie éducative sont scandalisés.
Un enseignant
d’Alger est allé jusqu’à dire que «ce qui se fait actuellement au niveau de
l’école s’apparente à un véritable plan de destruction, un plan de sape établi
pour abrutir nos enfants». Les dysfonctionnements sautent aux yeux. A commencer
par le préscolaire. Il n’est dit nulle part que cet enseignement est
obligatoire. Censé être généralisé pour les enfants dont l’âge varie entre
trois ans et six ans, l’enseignement préscolaire ne se résume en fait qu’à
l’année préparatoire. Et encore ! Des milliers d’élèves n’y ont pas encore
droit. Du coup, on assiste à une école à deux vitesses. Des enseignants, on ne
sait pour quelle raison, ne prennent pas en considération cette situation et
dispensent des programmes qui font fi des besoins de ceux qui n’ont jamais fait
d’année préparatoire. Et ce n’est un secret pour personne aujourd’hui, le
secteur de l’éducation ne dispose ni de structures pouvant accueillir les
élèves ni de formateurs, en quantité et en qualité, pour dispenser
l’enseignement préscolaire. La première faille se situe donc incontestablement
à ce niveau. Devant une situation aussi préjudiciable pour les élèves, les
responsables du secteur semblent adopter la politique de l’autruche. Ce n’est
pas l’unique problématique que pose l’enseignement en Algérie : méthode et
contenus. La stratégie de l’enseignement et de l’éducation nationale est un
véritable ovni (objet volant non identifié). On a tout essayé. L’école
algérienne est devenue un interminable laboratoire où l’on a tenté plusieurs
expériences sans en réussir aucune. La dernière en date c’est évidemment la
méthode dite «approche par les compétences». Un enseignant du secondaire,
nouvellement recruté, avoue ne rien connaître de cette approche. Un autre,
rencontré à Alger, critique les programmes confectionnés par la tutelle et
souligne toute la difficulté de les transmettre aux élèves.Les différentes réformes,
menées depuis presque deux décennies, de l’avis de beaucoup d’observateurs et
de spécialistes de la question, ont conduit des générations droit dans le mur.
Des parents d’élèves n’arrivent pas à donner un sens à la charge de travail à
laquelle sont soumis leurs enfants, et encore moins à la nouvelle méthode
d’enseignement. Certains que nous avons rencontrés, ceux qui ont leurs enfants
dans le primaire, se plaignent du fait qu’ils se retrouvent à refaire les cours
dans la soirée. Une parente d’élève en a par-dessus la tête. Elle dénonce le
volume des programmes et le nombre incalculable de devoirs qu’on donne à son
fils à la maison. A ce rythme, les enfants ne peuvent qu’être saturés et
détesteront à coup sûr une école qui les fatigue. Pour les érudits, cela
s’appellerait l’approche par compétences (APC), qui oblige l’apprenant – on ne
parle plus d’élève font remarquer des spécialistes – à apprendre de lui-même. La
méthode est née aux Etats-Unis avant d’être adoptée, quelques années après,
dans certains pays européens. Et beaucoup parmi ces derniers l’ont limitée au
stade expérimental, sinon cantonnée dans le secteur de la formation
professionnelle avant de l’abandonner tout simplement. En Algérie, elle a été
généralisée au premier coup d’essai. L’échec est patent. Au-delà même de cette
histoire de méthode, le constat est sans appel : la qualité de l’enseignement
laisse à désirer. Les élèves sortent de l’école avec de sérieux handicaps de
langues, des analphabètes trilingues, comme on les désigne, et avec de sérieux
manques dans beaucoup de matières. Les statistiques présentées par des
syndicats indiquent qu’à l’issue des examens du premier trimestre de l’année en
cours, les résultats dans les matières scientifiques, les mathématiques et la
physique sont catastrophiques. Un ancien enseignant à Alger soutient que la
méthode globale, au lieu de l’ancienne approche dite méthode syllabique,
adoptée pour l’enseignement des langues, est en décalage avec nos réalités
sociales. Cela est valable pour les langues nationales et les langues
étrangères.
Quand la régression obéit à une politique !
Un
autre enseignant évoque, lui, la méthode mixte. Un troisième affirme qu’en
réalité aucune méthode n’est maîtrisée et lance avec beaucoup d’ironie que
celle qui est en vigueur s’appelle «la méthode débrouille-toi !». Un prof
de physique dans un lycée à Tizi Ouzou questionné sur la méthode de l’approche
par les compétences pour savoir si elle constituait un problème pour
l’enseignement, a répondu : «Ce n’est pas un problème de méthode mais de
compétences.» Selon lui, «les enseignants en général sont issus de cette pseudo
école qui a échoué». Il explique : «La méthode se résume à ne pas
dispenser des cours comme avant, elle suppose que les parents sont instruits,
qu’ils sont connectés à Internet et que les élèves peuvent faire eux-mêmes de
la recherche.» A la question de savoir si cette manière d’enseigner colle à
notre réalité, l’enseignant de physique soutient : «Bien évidemment non
pour la majorité des élèves. La raison est que ces derniers doivent apprendre
d’eux-mêmes.» En ont-ils les moyens ? Ce n’est pas évident. En 2008,
lorsque le ministère s’apprêtait à appliquer cette approche au niveau du
secondaire, les lycéens sont sortis dans la rue. Le département de Benbouzid a
été obligé de calmer le jeu en répondant favorablement à leurs doléances. Leurs
ardeurs calmées, le ministère revient à la charge et c’est elle qui est en
vigueur dans nos écoles. Pour ce qui est de l’enseignement des langues, notre
interlocuteur trouve logique que les élèves n’aient la maîtrise que de la
langue arabe, en raison du volume horaire qui lui est consacré. L’enseignement
des langues étrangères n’est en réalité qu’accessoire. La preuve, dans
plusieurs wilayas, le département de Benbouzid n’a pas encore, à l’entame du
deuxième trimestre, pourvu des milliers d’élèves d’enseignants de français. On
n’est pas, en effet, au premier dysfonctionnement du système éducatif. Des
enseignants du primaire, préférant garder l’anonymat, parlent carrément de contradictions,
même entre le manuel scolaire et les programmes qu’on leur demande. C’est le
cas par exemple pour les maths en troisième année primaire. Plus que cela, et
de l’avis de beaucoup d’enseignants avec qui nous nous sommes entretenus, «les
cours de langue arabe, plus précisément ceux concernant la grammaire, sont de
plus en plus compliqués pour le cerveau d’un petit enfant. On sert aux écoliers
des cours qu’ils ne sont censés maîtriser logiquement qu’après avoir appris
certaines règles grammaticales». Même les responsables des établissements
scolaires n’y comprennent pas grand-chose.
Dans l’anonymat, ils dénoncent cet état de fait, mais ils se réservent le droit
de le dire publiquement. L’année dernière, beaucoup a été dit sur l’allègement
des programmes. Le ministère de l’Education a fait d’incroyables promesses.
Mais c’était beaucoup plus pour faire taire les parents d’élèves qui se
plaignaient de la charge des programmes et de la lourdeur du cartable. En fin
de compte, ce n’est que de l’esbroufe. On a diminué un quart d’heure de chaque
cours. Ce qui fait que les élèves sont libres à partir de 14h30. Mais pour
faire quoi en fait ? Rien jusqu’à 15h30. Le ministre a parlé d’activités
périscolaires, comme le dessin, le sport et la musique, mais dans certains
établissements scolaires d’Alger, l’on a fait appel à la contribution des
parents d’élèves. Les salaires des enseignants sont bien évidemment assurés par
ces derniers. Et à défaut, il y a des écoles où les enseignants chargés du
préscolaire font carrément du gardiennage. La situation de l’école est
catastrophique. Et nous avons l’impression que ce n’est pas seulement à cause de
l’incompétence, mais cela semble relever d’une volonté d’installer l’école
définitivement dans la régression. Il suffit de prendre un exemple frappant
concernant les études de médecine et d’autres filières scientifiques : il
n’y a aucun système d’enseignement dans le monde où l’élève jusqu’à l’obtention
du bac suit un cursus totalement arabisé, et ensuite se voit obligé de faire
des études supérieures en langue étrangère.
Said
Rabia
El Watan, 19
janvier 2012
La réforme qui a accouché d’une souris
N’ayons
pas peur des mots : la situation de l’école algérienne est catastrophique. On
est peut-être loin d’évaluer le sinistre, mais tous les spécialistes le disent
aujourd’hui. Les satisfecit officiels cachent mal un malaise visible au
quotidien. Les réformes, dont le ministre, Boubekeur Benbouzid, en place depuis
plusieurs années, vante la réussite, ne semblent pas avoir donné de résultats. Au
contraire, l’école est confrontée à la dure réalité de la régression. Le
dossier a été pourtant l’une des priorités du président Abdelaziz Bouteflika, à
l’orée de son premier mandat en 1999. La commission Benzaghou a travaillé
durement pendant plusieurs mois pour remettre un rapport exhaustif sur l’école
algérienne et les réformes qui devaient être conduites. Plusieurs années plus
tard, le document a fini dans les tiroirs. Ce qu’on a pris des recommandations
de la commission de réforme a été, selon des sources au fait du dossier, trituré
et changé pour aboutir à l’aggravation du marasme dans lequel se débat le
système éducatif. Les contenus ont été maintenus dans une «idéologisation»
accentuée de l’école, où logiquement doit primer le rationalisme. Difficile de
croire donc les satisfecit que sert le ministre de l’Education. On en trouve
d’ailleurs à s’en gaver dans cette préface d’une publication dédiée par
l’Unesco en 2005 à La refonte de la pédagogie en Algérie, défis et enjeux d’une
société en mutation. L’évocation pompeuse de la nécessité d’ancrer les valeurs
de la démocratie républicaine et citoyenne et la culture des droits de l’homme
au sein de l’école algérienne est une insoutenable tromperie sur la marchandise.
Boubekeur Benbouzid se complaît à transfigurer tout simplement la réalité d’une
école que le défunt Mohamed Boudiaf avait qualifiée, à juste titre d’ailleurs, de
sinistrée. Comme les taux exagérés de réussite aux examens du bac et du BEM, le
discours officiel sert à édulcorer une situation qui, comme tout le monde le
sait, est grave. Une incroyable fuite en avant qui enfonce encore plus l’école
dans sa médiocrité. Jusqu’à quand continuera-t-on à cacher la déliquescence de
l’école ? Depuis 1995, on ne cesse de lancer, chaque année, des chiffres qui
n’ont jamais été démentis par le ministère de l’Education : une déperdition de 500
000 élèves éjectés du système scolaire. Plus de 40 000 cas de violence (0,50%) entre
les élèves tous niveaux confondus ont été recensés en 2010, a révélé, à Alger, Mme
Latifa Remki, directrice des activités culturelles et sportives et de l’action
sociale au ministère de l’Education nationale. Par ailleurs, selon une étude
diligentée par l’Union des associations des parents d’élèves, (elle concerne 17
wilayas), la majorité des enfants scolarisés dans les trois paliers, primaire, moyen
et secondaire, ont obtenu des résultats «catastrophiques» en mathématiques, en
physique et en langues étrangères. La même source a indiqué à El Watan dans son
édition du 20 décembre dernier que plus «de 70% des élèves n’ont pas obtenu la
moyenne de 10 sur 20 dans les épreuves de français et d’anglais ». «Les
résultats sont encore plus inquiétants concernant les maths et la physique : plus
de 80% des élèves ont eu moins de 10 dans ces deux matières scientifiques.»
Voilà des statistiques qui donnent froid dans le dos et qui logiquement
devraient interpeller les hauts responsables du pays. Mais cela semble ne pas
être l’urgence de l’heure. A entendre le ministre parler de e-éducation, on a
l’impression qu’il est sur une autre planète, alors que l’école algérienne se
débat dans un marasme indescriptible. C’est bien beau d’équiper les écoles de
l’outil informatique, mais ce serait mieux de lancer urgemment un véritable
débat pour trouver une réponse aux questions de fond.
Said
Rabia
L’approche
par les compétences
Généralisée
en Algérie, décriée partout
Un
curriculum vitae (CV) riche de quatre pages et un pedigree à faire pâlir le
plus érudit des experts. Il s’agit de celui qui a fait la promotion de
l’approche par les compétences (APC) en cours dans l’enseignement en Algérie. On
peut dire que c’est lui qui a vendu la nouvelle méthode d’enseignement aux
responsables algériens. Il s’agit de Xavier Roegiers, professeur à
l’université catholique de Louvain-la-Neuve, en Belgique, et directeur du
Bureau d’ingénierie en éducation et en formation (BIEF). Selon son CV, «il est
spécialiste de l’accompagnement des systèmes éducatifs en matière de curricula,
d’évaluation des acquis et de manuels scolaires, en particulier en termes de
compétences. Son expertise est reconnue par les grandes organisations
internationales qui se préoccupent du développement de l’éducation à travers le
monde, comme l’Agence intergouvernementale de la francophonie, l’Unicef, la Banque mondiale, l’Unesco
ou encore l’Union européenne». Des sources bien au fait de la situation
affirment que les responsables algériens l’ont suivi aveuglément. Xavier
Roegiers a séjourné plusieurs fois dans le pays, au milieu des années 2000. Il
a donné des formations dont on retrouve la trace dans son CV : «Formation
au pilotage d’une réforme des membres du comité de la réforme éducative en
termes de compétences. Formation des concepteurs des programmes de
l’enseignement primaire en termes de compétences. Formation de concepteurs et
d’évaluateurs de manuels scolaires en termes de compétences.» Seulement,
l’approche en question n’a pas eu longue vie dans le monde. Hormis une vingtaine
de pays, exclusivement francophones, où elle a été appliquée dans les systèmes
éducatifs, aucun autre ne s’en est inspiré. La plupart l’ont mise en œuvre,
disent plusieurs experts, mais seulement à titre expérimental. En Algérie, elle
a été généralisée dès le départ. L’APC a été très critiquée dans tous les pays
où elle a été essayée. Pour certains, c’est «une mystification pédagogique»,
pour d’autres c’est «un concept flou». Selon une étude réalisée par
Gerald Boutin, professeur de sciences de l’éducation à l’université du Québec à
Montréal (UQAM), «au Québec, lors de la tenue de la Commission des états
généraux sur la situation de la langue française, plusieurs linguistes et
professeurs d’université ont exprimé leur inquiétude sur la façon dont le nouveau
programme de français, basé avant tout sur la notion de compétences, négligeait
l’acquisition des connaissances.» D’après lui, «curieusement, on trouve encore
peu de textes critiques concernant l’APC dans le monde de la francophonie,
alors que les Australiens, les Britanniques et les Américains, dont la longue
pratique de l’approche par les compétences remonte aux années 1970, émettent à
son endroit de nombreuses objections et réticences». «L’APC, même dans sa
version la plus récente de la pédagogie des résultats attendus (Out-Come Based
Education), ne semble pas, et de loin, être la panacée tant attendue dans le
domaine de l’éducation.» «Elle n’a pas réussi à ‘‘assurer le succès de tous’’,
pour reprendre un slogan à la mode», dit-il en faisant remarquer qu’«il ne se
passe pas un mois sans que les journaux spécialisés fassent allusion aux
limites d’une telle démarche». Jean-Claude Michea, pédagogue, a écrit un brûlot
sur le sujet, en 1999 : L’enseignement de l’ignorance. Dans ce livre, il a
établi un rapport très net entre la logique libérale et l’APC.
Said Rabia
Yahia
Bourouina.
Pédagogue
et ancien cadre au ministère de l’Education nationale
«Si
rien n’est fait, dans cinq ans ce sera plus grave»
C’est
la faute à l’explosion démographique. En plus, il suffit de voir le taux de
l’analphabétisme à l’indépendance : il y avait 85% d’analphabètes. Cela
veut dire qu’il n’y avait que 15% d’Algériens qui étaient alphabétisés
- Monsieur Bourouina, vous qui avez été pendant longtemps cadre dans
le secteur de l’éducation, que pensez-vous de l’école algérienne d’aujourd’hui,
de ses insuffisances et de ses points positifs s’il y en a ?
Vous
savez, l’artisan du succès de la mission de l’école est l’enseignant. Le
problème central dont souffre l’école algérienne est lié à l’encadrement. C’est
un problème qui n’est pas lié aux aspects quantitatifs. La question est réglée
avec la démocratisation de l’enseignement et avec la multiplication des centres
universitaires sur l’ensemble du territoire. Quant à la qualité, aussi bien en
ce qui concerne la qualification académique, c’est-à-dire la maîtrise des
disciplines enseignées, qu’en ce qui concerne l’art de former, la situation
n’est pas bonne. Enseigner est un métier, un véritable métier. Et nos
enseignants manquent de professionnalisation et de professionnalisme.
- A votre avis, à quoi cette situation est-elle due ? Est-ce la
faute aux enseignants ? Est-ce la faute des responsables en charge de
l’éducation nationale ?
Ce
n’est la faute à personne, ce n’est ni celle des autorités ni celle des
enseignants.
- C’est la faute à qui, alors ?
- C’est la faute à qui, alors ?
A
l’explosion démographique. En plus, il suffit de voir le taux de
l’analphabétisme à l’indépendance : il y avait 85% d’analphabètes. Cela
veut dire qu’il n’y avait que 15% d’Algériens qui étaient alphabétisés. Au
lendemain de l’indépendance, les statistiques montraient que le nombre
d’élèves, à cette époque-là, était de 860 000. Nous en sommes à plus de
8 millions. Il y a eu des efforts des politiques publiques en direction de
l’éducation. On ne peut pas leur reprocher de ne pas avoir construit
suffisamment.
- Alors, à quoi est dû l’échec de l’école ?
- Alors, à quoi est dû l’échec de l’école ?
C’est
une question de formation des enseignants. On a souvent cru qu’en élevant le
niveau de qualification, on améliorait la qualité de l’enseignement dispensé.
C’est faux. C’est quelqu’un qui a passé 46 ans dans l’éducation qui vous
le dit. On a vu des moniteurs, au lendemain de l’indépendance, avec le niveau
de certificat d’études, recrutés et formés «à la cocotte-minute», mis dans les
classes en face d’effectifs pléthoriques, 45 à 50 élèves. Ils se sont
débrouillés et ont formé des générations.
- Pourquoi en est-on arrivé là ?
Le
problème est que l’on a considéré, pendant très longtemps, certains jusqu’à
présent, que la qualification universitaire suffisait. Le licencié a encore
besoin de formation, d’adaptation au poste de travail, de formation initiale au
métier d’enseigner. Les enseignants sont recrutés par voie de concours.
- Justement, l’école n’est-elle pas victime de cette politique ?
C’est
l’évolution du système qui a voulu cela. La formation des enseignants, en
Algérie, a fluctué depuis le système de l’école normale qui existait à l’époque
coloniale et dont nous avons hérité à l’indépendance. Nous l’avons développé en
y adjoignant des écoles normales d’instructeurs. A l’époque, il n’y avait pas
de bacheliers. On prenait des élèves avec le niveau du BEPC de cette période ou
avec le brevet élémentaire, on les formait dans ces écoles pour leur donner le
savoir-faire, comment enseigner, comment établir la relation maître-élève, comment
gérer la pratique de la classe, comment préparer ses cours, comment les
planifier sur un trimestre, sur toute l’année. Tout cela s’apprend !
Disons que l’enseignant à qui l’on remet une affection, aujourd’hui, pour qu’il
rejoigne une école, ne sait pas tout cela. Cependant, il y a des wilayas ou des
régions, où était déjà implantée une école normale, et là où il y en avait une,
il y a forcément un noyau de pédagogues et une tradition de formation des
enseignants.
- Donc, pour vous, le problème central est l’enseignant ?
Je
vous le redis encore une fois, le problème central, le problème vital est celui
de l’enseignant. C’est celui de la formation professionnelle de l’enseignant.
La formation pédagogique de l’enseignant. L’inculcation des savoir-faire
élémentaires qu’il ne maîtrise pas.
- La question des programmes chargés revient à chaque fois ; elle est considérée comme étant l’une des raisons de l’échec scolaire…
Il
n’y a pas de programmes légers et il n’y a pas de programmes trop chargés. Les
programmes ne font que recenser l’ensemble des connaissances que les élèves
sont censés maîtriser au cours d’un cycle d’études déterminé, que ce soit une
année scolaire ou un niveau d’enseignement. On ne peut pas parler de la charge
des contenus qui sont universels. Prenez les programmes des mathématiques et
comparez-les à ceux de l’ensemble des pays de la planète, vous allez trouver
que ce sont les mêmes programmes. Là, c’est du point de vue notionnel. La
différence est dans la présentation et dans l’orientation méthodologique.
- Une question sur l’enseignement en général et celui des langues en particulier : l’enseignement élémentaire, lire, écrire et compter, l’école éprouve du mal à accomplir cette tâche…
Lire,
écrire et compter sont les fondamentaux de l’éducation. Pour l’apprentissage
des langues, les résultats, comme vous le savez, sont catastrophiques. Serait-ce
un problème d’approche ? Au niveau de la commission nationale des
programmes, ils ont adopté l’approche par les compétences. Pour les langues
c’est très simple : il y a quatre compétences qu’on ne cesse de développer
depuis la première année primaire jusqu’au baccalauréat et, plus encore,
jusqu’à la licence de langue. On ne fait que continuer à développer ces quatre
compétences. La première est d’avoir la capacité d’entendre et de comprendre un
message, une information. La deuxième, c’est la capacité de lire et de
comprendre. Ces deux compétences sont passives parce que vous n’avez pas
d’effort à fournir pour entendre. Le son vient à votre oreille. Les deux
autres, qui sont actives, c’est parler et se faire comprendre, écrire et se
faire comprendre. Les programmes sont basés sur ces quatre compétences ;
l’entraînement en classe est bâti sur celles-ci. Sauf si l’enseignant n’a pas
conscience du fait que l’architecture de son programme repose sur ces quatre
piliers.
- Si ce n’est ni la méthode d’enseignement ni les programmes qui posent problème, c’est quoi alors ?
Là
il y a une incompréhension. Si vous parlez de la méthode tracée par la
commission nationale des programmes c’est une chose, si vous me parlez de la
méthode d’enseigner, c’est une autre chose.
- Il y a une différence ?
Bien
sûr qu’il y a une différence. On dit à l’enseignant comment il faut faire, il
essaie de s’imprégner de ce « comment il faut faire » et il
l’applique. A quel degré a-t-il compris ? A quel degré est-il capable de
respecter les consignes ? C’est une autre histoire. C’est pour cette
raison que je dis que le point focal du succès ou de l’échec d’un système
éducatif, c’est la formation de l’enseignant. Si on avait formé l’enseignant à
l’art d’enseigner, s’il avait été quelque peu initié grâce à un contact avec
une autorité pédagogique, avec un inspecteur, un ancien collègue, il n’y aurait
pas de dégâts, même s’il n’est pas très efficace. Malheureusement, nous avons
des gens qui font des dégâts parce qu’ils n’ont jamais été initiés à la manière
de conduire une classe. Je comprends les parents d’élèves, ceux qui se
plaignent de la manière dont réagissent leurs enfants à leur contact avec
l’école. Le premier contact, en première année. Les élèves qui ont fait le
préscolaire, à la rigueur, arrivent à suivre, les autres moins. Un enseignement
préscolaire auquel des pays comme le nôtre n’accordent pas une grande
importance. Des études scientifiques démontrent que les enfants qui ont fait le
préscolaire, qui ont bénéficié d’activités d’éveil dès la première enfance,
c’est-à-dire entre trois et six ans, sont ceux qui réussissent le plus dans
leurs études ultérieures, y compris les études universitaires. On se dit :
comment cela est-il possible ? Il y a l’effet cumulatif. Encore
mieux : un prix Nobel d’économie a dit que la participation aux programmes
d’éveil et d’éducation dans la petite enfance contribuent à diminuer la
criminalité dans le monde adulte.
- Pourquoi le préscolaire n’est-il pas obligatoire chez nous ?
Il
me semble que c’est en raison des incidences financières de cet enseignement.
- Mais il y a une sorte d’école à deux vitesses…
Vous
savez, il faut que le feu vert soit donné par la puissance publique (l’Etat, le
gouvernement). La loi est claire à ce sujet : elle définit l’éducation
préscolaire et prévoit que l’éducation préparatoire, c’est-à-dire la dernière
année du préscolaire, de 5 ans à 6 ans, soit généralisée
progressivement. En principe, on devrait la voir concrétisée d’après la
programmation du ministère de l’Education nationale. Mais ce n’est pas le cas.
Aussi faut-il comprendre que le ministère ne peut défoncer un portail blindé
lorsqu’au niveau de la puissance publique, on dit : «On ne peut pas». En
vérité, on ne sait pas quoi faire de nos richesses. Cet enseignement n’est pas
encore généralisé ; ce qui se fait actuellement est insuffisant parce qu’on
ne s’intéresse qu’à la troisième année préparatoire. Voilà une faille qu’un
ministère seul ne peut pas régler.
- Revenons à la méthode d’approche par les compétences qui est aujourd’hui en vigueur dans l’enseignement ; elle est critiquée dans les pays mêmes où elle a été initiée… Pour ses détracteurs, cette méthode néglige les savoirs et les connaissances. Comment a-t-on pensé à en faire usage dans l’école algérienne ?
Beaucoup
critiquée même. Il y a des effets de mode. Quand ils ont appris qu’une nouvelle
approche avait été mise au point, ils s’y sont agrippés tout de suite. On a
encensé cette méthode et on a cru trouver la clé pour résoudre tous les
problèmes de l’Algérie. La gestation a commencé au début des années 2000. En
2003, il y a eu la première mise en œuvre des programmes de la première année
primaire et de la première année moyenne avec l’approche par les compétences.
Et chaque année, on avançait dans la mise en place des nouveaux programmes
basés sur l’approche par les compétences. Les partisans de cette approche, en
Occident, avaient déjà réussi à l’implanter dans un certain nombre de pays
africains. Et lorsqu’ils l’ont fait au Maroc et en Tunisie, les Algériens ont
dû se dire pourquoi pas nous aussi. Normalement, même en s’y engageant, ce n’est
pas catastrophique parce que les méthodes évoluent. Et quelle que soit
l’évolution, on retrouve la trame. Chez nous, ceux qui ont mis en œuvre cette
méthode ont coupé la trame en disant qu’avec l’approche par les objectifs, on
était à côté de la plaque ! Et puis, le mot compétent est un mot magique.
Même les parents d’élèves étaient séduits par l’approche. Il n’y aura pas
d’échec. L’approche par les compétences a été conçue par Noël Chomsky, un
sociolinguiste du Massachusetts Institute of Technology. C’est lui qui a mis au
point la dichotomie en linguistique, la dichotomie compétence-performance. Ceux
qui se sont embarqués sur ce modèle pour faire l’approche par les compétences à
des fins d’enseignement ou de formation se sont dit c’est formidable : d’un
côté on a la compétence, de l’autre on a la performance, donc on va augmenter
la productivité et le rendement des usines ! Ce sont donc les Etats-Unis
qui ont été les premiers à transposer l’approche par les compétences dans le
domaine de l’enseignement. Mais, très pragmatiques, ils ne l’ont expérimentée
que dans un nombre réduit de classes avec un nombre limité d’élèves. Après
évaluation, les résultats ont été significatifs : ceux qui étaient censés
devenir compétents étaient les moins capables. Le verdict n’a pas tardé à
tomber : au bout d’un certain temps, les Américains ont abandonné cette
méthode. Chez nous, on s’est précipité à l’appliquer et à la généraliser dès le
début. On ne peut pas parler de compétences si, au préalable, il n’y a pas les
connaissances.
- Mais a-t-on conscience des résultats que cela donne ? Certains craignent l’existence d’un plan diabolique pour détruire l’école…
Effectivement.
Personne n’a été formé à l’approche par les compétences. Les inspecteurs qui
n’ont été formés à aucune approche, eux aussi, disent aux enseignants :
faites comme vous savez faire. Le fond du problème est que les enseignants sont
recrutés directement par voie de concours. Si c’est une politique délibérée, il
est évident qu’elle vise à former des abrutis. Mais je ne le pense pas. C’est
un dysfonctionnement qui a existé dans l’histoire du système éducatif algérien
en matière de formation des enseignants. Les ITE n’existent plus. La formation
des enseignants est déterminante pour l’efficacité du système éducatif ;
elle en est la pierre angulaire. On a pensé que le niveau allait être relevé
avec le niveau de qualification. Quand on parle de pédagogie, on vous
répond : épargnez-nous votre philosophie ! C’est là le langage tenu à
l’éducation et c’est la raison qui a fait qu’on est arrivé à ce point presque
de non-retour. Ce ne sont pas les mathématiques ou les langues qu’il faut leur
enseigner ; il faut leur inculquer comment enseigner les mathématiques et
les langues.
- Mais dans le cas ou à l’origine déjà, il n’y avait pas de maîtrise de ces matières…
C’est
kafkaïen. C’est absurde. On dit que les enseignants qui arrivent dans les
écoles, aujourd’hui, appartiennent en partie à cette même école qui a
échoué…
Il y a toujours ceux qui appartiennent à l’ancienne génération. Mais effectivement, ils commencent à arriver. Je vais vous dire, avec le système LMD, si rien n’est fait pour la formation des enseignants, dans cinq ans la situation sera plus grave.
Il y a toujours ceux qui appartiennent à l’ancienne génération. Mais effectivement, ils commencent à arriver. Je vais vous dire, avec le système LMD, si rien n’est fait pour la formation des enseignants, dans cinq ans la situation sera plus grave.
- Quelle est la solution à la problématique de l’école algérienne, à votre avis ?
C’est
de faire un vaste programme de formation pour les enseignants en cours
d’emploi. De mettre en place un dispositif de formation en cours d’emploi –
obligatoire et non pas optionnel – pour l’enseignant afin qu’il soit efficace
dans sa classe.
Said
Rabia
El Watan 19 janvier 2012
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