Par Lyes Benyoussef
Rendons hommage,
pour commencer, à Sidi Mohamed El Hadi El Hamlaoui, le Cheikh de la zaouïa El
Hamlaouïa à Mila, pour son courage et son honnêteté. Il a été le seul à avoir
refusé sa zaouïa au sieur Chakib Khelil qui, par une tournée obscène dans les
zaouïas du pays, entreprend sa propre promotion politique. Le Cheikh, approché
par l’entourage de Khelil, a répondu selon El Watan : « Notre zaouïa
a une vocation religieuse et ne se mêle jamais de politique ni de manœuvres
politiciennes. » Admirez la précision : « … ni de manœuvres politiciennes. »
Ce propos contient en outre une franche acceptation de la sécularité. On
comprend aisément qu’il s’agit d’une opinion minoritaire. Cela dit, cet article
aborde autre chose : un exemple de l’islam salafiste.
L’islam, une réalité profonde en Algérie
En Algérie, le
poids de la religion n’échappe à aucun observateur. L’historien Mohammed Harbi
écrit dans un article paru en 1994 : « l'islam est inscrit dans les
profondeurs de la réalité algérienne. Il n'est pas une structure religieuse
autonome et circonscrite dans une société aux pratiques sécularisées. Il a
façonné l'espace symbolique où s'est inscrit le politique. Et l'action de
l'État en place depuis 1962 n'a en rien modifié cela parce que jamais n'a été
entreprise l'institution d'un nouvel espace national qui aurait opposé sa
ferveur civique au poids du religieux. »
Si tel est le
cas de l’Algérie, il faut aussi parler avec Edward Said des islams. Par
rigueur. Car, on le sait, il y a à peu près autant d’islams que de musulmans,
autant de corans que de lectures de coran et autant de lectures que de
lecteurs, etc.
Le salafisme quiétiste, un discours somnifère
Un islam en
particulier, le salafisme, pose un sérieux problème aux sociétés modernes. Et dans
toutes ses variantes : quiétiste, politique et, bien évidemment,
djihadiste. C’est que ses adeptes croient que tout ce qui est nécessaire et
utile à la vie a été découvert ou inventé il y a 14 siècles. Par les compagnons
du Prophète et leurs compagnons, les fameux Salafs (prédécesseurs, ancêtres). Point n’y
manque. Rien à y ajouter. Il suffit d’appliquer. Et ceux qui s’y
refusent sont naturellement considérés comme hérétiques. Le simplisme et la
rigidité de ce dogme expliquent que certains salafistes excommunient
ouvertement d’autres musulmans. Aussi cet islam salafiste est-il pleinement
résumé par la célèbre phrase de Marx, « l’opium du peuple. »
À cet
égard, voici mon témoignage, qu'il convient d'abord de situer dans son contexte.
La nuit du 29 au
30 avril, à environ minuit, j’étais connecté sur Twitter. J’observe qu’une
tendance est « Twitter sur Algérie », autrement dit un des thèmes les
plus discutés par les internautes. Inscrit sur Twitter depuis 2009,
je ne m’y suis connecté très rarement avant 2016.
Un exemple de salafiste
Lorsque début
2016 je me suis connecté, j’étais étonné de la stupidité des propos de nombre d’Algériens
sur Twitter (et de la profondeur des divisions). Ils paraissaient tous des
adolescents sexuellement frustrés. (Si seulement ils sont vraiment adolescents !)
Quand j’ai vu « Twitter sur Algérie » comme tendance, et aussi « Exposer
Anouar Malek », j’ai posté un Tweet. (Rappelant que le nommé Anouar Malek,
en fait Nouar Abdelmalek, se présente comme ancien militaire, torturé en prison
par l’islamiste Bouguerra Soltani — contre lequel il a déposé plainte, on s’en
souvient. Il a été tour à tour, lèche-cul du régime marocain — il a fondé le
site Algeria Times, ouvertement pro-marocain — avant de se retourner contre lui
par un reportage publié par Echorouk discréditant les thèses marocaines sur le
Sahara Occidental. Et puis, et avec zèle, il devient un lèche-cul du régime
algérien, publiant des articles dans la presse arabophone. Et aujourd’hui il s’exhibe
ouvertement pro-saoudien — « les critiques de la monarchie saoudienne le
sont par haine de l’islam » (sic) — et iranophobe primaire. Bref, Anouar Malek se
vend au plus offrant.)
À mon tweet, 11
minutes plus tard, répond un salafiste. Son pseudonyme : « Devrais-je
me taire à leur propos » (sic). Son lien sur Tweeter @salafie1987. Je
présume qu’il s’agit d’un jeune salafiste né en 1987. Et quelques Tweets plus
loin, le jeune m’apprend que mes propos, ou plutôt mes interrogations sur le
régime algérien sont clairement illicites. Autant dire, je ne suis pas assez
bon musulman. Voici la « conversation ».
« Conversation » avec un salafiste
- Lyes : « La
plupart des thèmes abordés par les Algériens sont futiles et engendre de la
frustration, voire plus. Mais avec ‘‘exposer Anouar Malek’’ il y a peut-être
des germes de conscience et d’espoir »
-Salafiste :
« Bonne description et avec précision, que Dieu te bénisse, il est vrai
que la majorité des thèmes sont futiles et révèle un faible discernement chez
ceux qui les choisissent. On veut un niveau plus élevé…
-Salafiste :
« … on veut un niveau plus élevé et s’intéresser aux choses importantes
qui concernent l’Algérie et la Oumma islamique »
-Lyes : « Les
thèmes importants en Algérie actuellement sont nombreux, mais à leur tête il y
a la maladie de Bouteflika, qui gouverne réellement et qui lui succèdera,
serait-il le corrompu Chakib Khelil ? »
-Salafiste :
« Écoute mon frère, ce qui est illicite en religion, nous n’en parlons
pas. Et la question de Bouteflika et de qui gouverne, c’est en religion
illicite (la yadjouzou char‘ane) d’en parler et le devoir est l’obéissance de
préférence. »
[Voyant
clairement une excommunication implicite, je ne réponds pas pour qu’elle ne
devienne pas explicite. Et le salafiste continue :]
-Salafiste : « Je
suis sur le dogme des Anciens (Salafs) qui interdit de parler du gouverneur (el
hakim) et ordonne d’éviter de tels sujets et mon conseil pour toi est ‘‘abandonne’’
et ne t’intéresse que par ce qui te concerne. »
Ainsi donc, l’identité
de celui qui règne ou gouverne est sans intérêt pour les sujets, ces brebis (ra‘aya)
que nous sommes !
Un autre salafisme ?
Ce discours n’est
pas le seul qu’un salafiste puisse tenir. Car il y a salafisme et salafisme. Ou
plutôt trois types ou avatars de salafisme.
L. B.
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