« Le monde te prend tel que tu te donnes »Nietzsche, premiers écrits.
Par Lyes Benyoussef
Comment devenir
ministrable en Algérie ? L’approche biographique est la plus indiquée, en
sociologie, pour y répondre. Examinons un cas. Ministre de la communication
depuis 2014, Hamid Grine se présentait comme écrivain et journaliste et le peu d’Algériens qui
le connaissaient auparavant ne savaient pas grand-chose sur l’homme. Pourtant,
il est intéressant de le connaitre : cela donnerait une idée sur la
nature des hommes que le régime algérien autoritaire privilégie de « recruter ». Et
avec un système scolaire massifié, le temps où l’on se moquerait des
responsables analphabètes ou non-diplômés arrivera bientôt à terme. Il faut se
préparer désormais à des docteurs — des docteurs non moins illégitimes, ni moins
incompétents que les analphabètes auxquels ils succèdent. Le cas Tliba est
intéressant à cet égard. Cependant Grine
n’est pas docteur !
Un auteur médiocre
Mais il est écrivain,
et ce n’est quand même pas rien…
Les écrivains ne
sont pas égaux toutefois. Parmi les écrivains algériens, francophones et arabophones, qui
est Grine ? Écrivain médiocre, il aimait user et abuser des noms des
grands écrivains (Gide, Camus) dans les titres de ses livres : comme si
citer Gide indiquait être de la même trempe que lui ! Pourquoi donc les journalistes présentaient ses livres et avec éloge ? Comme si « le monde
te prend tel que tu te donnes », selon l'heureuse phrase de Nietzsche adolescent. Mais suffit-il de se présenter comme grand pour être considéré comme tel ? Non, et c'est ce qu'on va voir.
Grine commence sa « carrière »
en écrivant des livres très légers, comme Lakhdar Belloumi, sur l’ancien
joueur de football.
En 2005, il publie un livre sur les élections présidentielles de 2004
qui furent semblables à toutes celles organisées en Algérie depuis 1946.
Il intitule ce livre Chronique d'une élection pas comme les autres !
Grine, le journaliste
Il était aussi journaliste.
Ainsi, aujourd'hui, c'est un journaliste qui dirige le ministère de la communication et, en principe, ce serait une bonne chose.
Pourquoi donc Grine est-il critiquée par la presse ? De la jalousie ? Lui qui a toujours jouer les grands écrivains (on verra comment plus loin)...
Ou pour ses penchants liberticides ? Ces penchants, on en sait quelque chose. Mais est-ce étonnant ? Pas du tout. En tout cas quand on connait quelques fragments de son passé.
Un chargé de communication pas comme les autres
Les mœurs du régime algérien étant ce qu'elles sont, pourquoi choisir un journaliste et écrivain à ce poste ? Hamid Grine
était aussi autre chose. Longtemps, il était le chargé de communication de Djezzy. Devenir
ministre de la communication après avoir été le chargé de communication d’une
grande entreprise peut sembler une promotion. Et celle-ci serait due,
naturellement, à la qualité de son travail chez Djezzy.
En l’occurrence, les
journalistes algériens en savent quelque chose. Ainsi, il me souvient d’un
témoignage d’un journaliste algérien, Mahmoud Belhimer, sur Hamid Grine comme
chargé de communication de Djezzy, qui devrait intéresser les Algériens.
Témoignage d’un journaliste sur Grine
Le témoignage
date de 2009 et évoque des évènements survenus en 2006. Il convient de retenir
cela car à l’époque, Djezzy, qui avait bénéficié de facilités hors normes — et
hors droit — pour son installation en Algérie, avait une position dominatrice. Voire
plus. Mahmoud Belhimer, aujourd’hui installé aux États-Unis, a eu une
expérience intéressante. Dans un article publié en 2009 par Algérie-Politique (blog actuellement inactif),
il en livre quelques épisodes.
Après avoir
résumé une mésaventure avec Hadda Hazzam du quotidien arabophone Al-Fajr, Mahmoud
Belhimer parle du sieur Grine.
Voici son
témoignage :
« (…) J’ai
vécu aussi un autre problème lié à la pression qu’exerce sur la presse les
pouvoirs financiers. Ces derniers menacent notre presse jusqu’à sa mise à
genoux. Vous connaissez tous un certain Hamid Grine, directeur de la
communication de Djezzy. Ce monsieur, fort de sa position de distributeur de la
manne publicitaire : pages de pub, puces, voyages, a ‘‘colonisé’’ tous les
journaux (TAHANHOUM). Il est le vrai rédacteur en chef ; il peut même
licencier des journalistes, les affecter et choisir ceux qui couvrent les
activités de Djezzy. La presse a fait de lui un grand romancier dépassant les
écrivains connus comme Rachid Boudjedra et…le grand Balzac ! Le malheur est que
toute la presse a accepté de sacrifier sa liberté contre quelques téléphones
mobiles, pages de pub offertes par Grine. Les patrons des journaux acceptent
TEHIN et ERROUKHSS. La presse algérienne peut critiquer Toufik, l’homme fort du
DRS, mais jamais Djezzy, comme l’écrivait un jour mon ami Hassane Moali d’El Watan !
Hamid Grine a
créé beaucoup de problèmes à des journalistes honnêtes qui refusent de
collaborer avec lui dans ce jeu de bandits et de rentiers, comme mon ami Faycel
M’djahed de Liberté, qui a dû quitter son journal à cause de lui. Et bien sûr,
moi aussi il essayait de me créer des problèmes lorsque j’étais rédacteur en chef
adjoint à El Khabar. Il a demandé à mes responsables de me licencier sinon
Djezzy cesserait de donner la pub à El Khabar. Une menace de l’asphyxier
financièrement puisque les revenus de la pub de Djezzy à El Khabar dépassent
les 2 milliards de centimes par mois ! Heureusement que les responsables
du journal étaient à mes côtés.
Je vais partager
avec vous ces SMS que j’ai eu à échanger avec ce ‘‘Grand écrivain romancier’’
que je garde pour l’histoire de notre presse.
Hamid Grine, chargé
de la communication à Djezzy, m’envoie un message le lundi 13 mars 2006 à 22h
30mn, voici le texte : ‘‘Tu censure nos communiqués, j’en informe Ali’’
(Ali est le PDG d’El Khabar). Ma réponse par SMS : ‘‘Réponse : 1.
c’est moi qui ai insisté pour que le communiqué sortira demain. 2. Daz Maahoum
Anta waali djerri Taak 3. Je suis responsable à El Khabar et je ne serais
jamais un esclave de Djezzy. 4. et fin, je ne vais jamais être acheté par une
puce, portable, dîner, ou même un voyage à l’étranger. Mahmoud Belhimer’’.
Hamid Grine, envoie ce message à mes responsables à El Khabar et m’envoie un
autre SMS : ‘‘C’est un message de voyou, je ne m’abaisserai pas à ton niveau,
On ne joue pas dans la même division, je demanderai des sanctions à Ali que tu
insultes’’.
Ma réponse par
SMS : ‘‘1. le voyou c’est celui qui menace un journaliste pour publier un communiqué.
2. le niveau ? Oui, un Huntington de Djezzy qui se croit le seul détenteur du
monopole du savoir ! 3. Ta division, c’est les Zéro. 4. et fin. Encore une
fois, Daz Maahoum 200 pour 100. Mr Belhimer’’.
Himid Grine continue dans la provocation et l’insulte par SMS toujours,
et envoi ceci. ‘‘Nedjma te paye combien’’. (J’ai un numéro Nedjma) J’ai décidé
de ne pas répondre après insistance de mes responsables.
Voilà mes amis
une histoire parmi d’autres (…) »
Ainsi, les agissements
du sieur Grine comme ministre de la communication s’éclaire mieux à la lumière
des agissements du sieur Grine, le chargé de communication. Néanmoins, la personne du ministre pèse peu sur le devenir de la presse en Algérie.
L. B.
(22h40) Un détail oublié et lu en ce moment sur Facebook : Hamid Grine avait pris la fuite dans les années 1990. Il s'était réfugié au Maroc où il aurait soutenu, d'après le journaliste Salim Salhi sur sa page Facebook, les thèses marocaines sur le Sahara Occidentale.
Un détail oublié et lu en ce moment sur Facebook : Hamid Grine avait pris la fuite dans les années 1990. Il s'était réfugié au Maroc où il aurait soutenu, d'après le journaliste Salim Salhi sur sa page Facebook, les thèses marocaines sur le Sahara Occidentale.
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