Par
Lyes Akram
Inénarrable,
le régime algérien n’a d’égal que lui et parvient à chaque fois à se surpasser.
Ayant développé des réflexes pavloviens nauséeux, il est devenu lui-même
prévisible à bien des égards. Il en est ainsi des moments choisis, toujours
précédés par les mêmes prémices et qui sont devenus périodiques, pour
l’utilisation de la carte du « péril intégriste », que des journaux,
à l’image de « L’Expression », savent comment propager. Pareil pour
la « main de l’étranger », dont la diffusion est assurée quasi-exclusivement,
cette fois, par la presse arabophone. Ainsi, depuis avant l’indépendance et sa
confiscation, qui n’avait pas tardé, les décideurs ont toujours accusé tous
ceux qui ne les ont pas déifiés et qui ne se sont pas prosternés devant leur
médiocrité de connivence directe ou indirecte avec l’étranger et de haute
trahison, sans apporter, toutefois, la moindre preuve, ni même le moindre indice.
Ces
ruses ont pour but la manipulation du peuple afin qu’il applaudit sur des
crimes. La manipulation, en général, on le sait, s’adresse aux sentiments des
cibles et non à leur raison, celle-ci étant, par définition et essence, la
faculté de discernement, propre à l’esprit humain.
Lorsque
sonna son heure en 1970, Krim Belkacem fut ainsi accusé, un an auparavant, afin
qu’une « justice » aux ordres ne le condamne à mort. Un certain
nombre de sous-hommes ont même poussé l’outrance jusqu’à proférer de telles
insultes à l’encontre de l’architecte de la révolution, Abane Ramdane. Pour la
mémoire et pour l’honneur de celui-ci, il suffit de rappeler qu’après son
odieux assassinat, duquel l’Algérie continue de saigner à ce jour, son principal
meurtrier, Abdelhafidh Boussouf, avait admis dans une conférence qu’avant
l’arrivé de Abane Ramdane, « il n’y avait dans la révolution algérienne de
‘‘révolution’’ que le nom » !
Avec
la fin des « années Boumediene », cette ruse perverse, pourtant
tombée en désuétude, est resté toujours à l’ordre du jour. À titre d’exemple,
les fondateurs de la Ligue Algérienne
des Droits de l’Homme ont été, un par un, accusé, eux aussi, de connivence avec
l’étranger. La « main de l’étranger » est devenue en Algérie dite indépendante
le prétexte à tous les forfaits qu’aura commis le régime. Compte tenu de
certaines conditions que les lecteurs habituelles du blog sont en mesure de
discerner, une partie, heureusement maigre et maigrissant, de la population semble
le croire encore et est ainsi dupée. Mais la majorité des Algériens a vécu une
auto-guérison. Ne dit-on pas, à raison, que « le temps guérit »…
Mais
le régime, obnubilé, persiste dans ces méthodes dépassées. Et, par surcroit, il
est incapable de développer d’autres procédés afin de leurrer la population,
étant totalement incompétent comme le montre son bilan, un demi-siècle après
son installation à la pointe des épées. En effet, le « manipulateur »,
afin que sa « ruse » continue de berner, devrait au moins respecter
une règle et prendre les précautions qui vont avec. Répéter à l’infini une même
accusation, et sans répit comme c’est le cas aujourd’hui en Algérie, sans y
changer l’apparence ni quoi que ce soit, fait qu’elle soit exposé et vire aux
yeux du peuple à la raillerie. Mais dégoutante tout de même…
Ainsi,
y compris et surtout depuis 1999, tous ceux qui n’ont pas été conformes, chacun
dans son domaine, aux différents prototypes désignés par le système, se sont
vus accusés, tour à tour, d’accointances avec l’ennemi d’hier qu’est la France, ou l’ennemi des
Arabes qu’est l’Israël, ou tout autre nouvel ennemi qui « ne nous veut pas
le bien », comme aime le dire un faux-moudjahid qui n’a pas connu la sueur
depuis 1962, ni même avant.
Reste
que toujours, vu la taille des instruments de propagande du régime, des
manipulés car manipulables, existeront. Ennahar, Echorouk, ainsi que d’autres
journaux des deux langues et les innombrables imamillons et autres politiciens
sans âmes ou pseudo-intellectuels allaités par notre miel butiné des puits dans
le désert ne sont là rien que pour cela…
Mais,
et c’est ce qui m’a poussé à rédiger ces quelques lignes, la dernière
accusation de « connivence avec l’étranger » n’avait pu être avalé y
compris par Echorouk, pourtant sa servilité au régime, qui a fait de lui ce
qu’il est, n’est plus à démontrer.
Même Echorouk s’est refusé de s’impliquer dans celle-là…
Dans
l’ouverture de l’édition du 01 octobre de ce journal, on peut lire : «
…Mais lorsque la théorie du complot est utilisée pour des choses simples qui ne
peuvent être que des revendications légitimes des citoyens, et que d’aucuns
l’usent et l’abusent en prétexte, afin de justifier l’injustifiable, cela ne
peut être ni accepté ni avalé. Que le ministre Djamel Ould Abas prétend que le
manque de médicaments est un jeu de la mafia du secteur en complicité avec
l’étranger, même à contrecœur, on pourrait accepter cela. Mais qu’il nous inonde
en accusant les praticiens de la santé en grève de se conformer aux calculs des
étrangers, selon la théorie du complot
sur le peuple et le pays, cela ne peut qu’être considéré futilité et qui montre
en plus que le ministre de la santé est ‘‘gravement malade’’ par la théorie du
complot… ».
Et
cela se lit dans les colonnes d’Echorouk, journal dont la soumission au régime
n’est pas à prouver et dont certains écrits très peu glorieux subsistent encore dans
la mémoire.
Collatéralement,
lorsque le régime dégénère à ce point, c’est aussi un danger, un de plus, sur
l’Etat. Les étrangers « qui ne nous veulent pas le bien » (may’haboulnache
el’kheir) ou même ce fameux et fumeux péril intégriste, sont tellement galvaudés
qu’il serait possible, si une funeste providence veut qu’un de ces malheurs
nous frappe, ne pas voir venir le danger, à cause des maintes fausses alertes
qui l’auraient précédé.
Bref,
certes, Echorouk, en rude concurrence en cela avec Ennahar qui l’a battu et de
loin, est toujours au service du régime. Il n’a pas fait son mea-culpa et il ne
le fera certainement pas. Mais ce genre de texte est avant tout un indice.
C’est pour dire que le ridicule a des limites. Et, lorsque le régime, en phase
terminale, ne distinguera plus le faisable de l’infaisable, le manipulable du
non-manipulable, même ses relais, ses serviles et sbires le lâcheront, en
définitive, afin qu’il sombre seul ou que sombre seul la partie « sacrifiable ».
Pour
nous autres citoyens, on doit comprendre de cela que lorsque sa fin arrive,
suite à une révolution qui n’est que nécessaire et inéluctable, le régime
lèguera à la postérité des virus fatals, comme Echorouk mais aussi des hommes
politiques et autres soutiens éhontés, et dont la capacité de déguisement, comme on le voit en
Tunisie et en Egypte, n’est que frappante – des criminels de droit commun,
parait-il, ont été utilisés par les reliques des anciens régimes et maquillés
en militants politiques afin de gâcher l’atmosphère de démocratie naissante
dans ces deux pays.
Vigilance
s’impose d’ores et déjà en Algérie.
L.
A.
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