mercredi 24 août 2011

Le régime algérien sera le prochain à tomber


Par Bruce Riedel

Alors que l’opposition libyenne se rapproche de Tripoli, le régime algérien craint qu’il ne soit le prochain. Le plus grand pays africain avec beaucoup plus de pétrole et de gaz que la Libye, l’Algérie a les mêmes problèmes que les autres pays arabes. Est-ce que la vague d’agitation traversera maintenant l’ouest de l’Afrique du Nord ?
Les protestations qui ont balayé le monde arabe en 2011 ont, en effet, commencé en Algérie au début de janvier. Même avant que les manifestations ne secouent la Tunisie voisine et ne renversent le Président Ben Ali, il y avait, à travers l’Algérie, des protestations sans précédent. Chaque ville algérienne était bercée par les plus grandes manifestations depuis des années. Puis ils ont commencé à refluer. De moins en moins de manifestants étaient attirés, et le régime a pris le dessus. L’Algérie est une nation hantée ; la peur d’un retour à la terreur et la violence des années 1990 est tellement grande qu’elle a agi tel un frein du printemps arabe avant même la fin de l’hiver.
L’Algérie est extrêmement vulnérable à la contagion de l’agitation contre le régime et contre l’ordre établi qui a bouleversé le reste du monde arabe. Elle a une grande majorité de la population jeune ; le chômage et le sous-emploi sont massifs, le régime sclérosé ne permit pas la participation du public au processus de prise de décision. L’Algérie abrite également une branche violente d’Al-Qaïda, Al-Qaïda au Maghreb Islamique. Mais les souvenirs de la « décennie perdue » sont présents chez les Algériens, et il n’y a pas d’envie d’un retour à l’abîme.
La République Algérienne Démocratique et Populaire est le plus grand pays arabe en taille, et, maintenant puisque le Soudan est divisé, elle est le plus grand pays en Afrique. Il a pris son indépendance de la France en 1962 après une lutte amère d’une décennie où un million de personnes ont péri.
L’ancien régime de gauche a été contesté par les islamistes durant les années 1980. Le Front Islamique du Salut (FIS) a gagné les élections locales en 1990. Ensuite, il a remporté les élections législatives nationales en décembre 1991 et était prêt à former un gouvernement. Mais l'armée est intervenue et les généraux ont pris le contrôle du pays.
Un cauchemar s’est alors ensuivi avec la rébellion des islamistes. Une décennie d’une terreur violente a suivi. Le Groupe islamique Armée (GIA), le plus grand groupe de rebelles islamistes, est devenu de plus en plus fanatique et extrémiste. L’armée a infiltré les groupes terroristes, ce qui a produit des éléments dévoyés qui ont échappé à tout contrôle. Le GIA s’est scindé ensuite en plusieurs factions qui se sont battus entre elles. Vers la fin des années 1990, un nouveau groupe encore plus fanatique et plus extrémistes, le Groupe Salafiste de la Prédication et du Combat, a émergé. Les estimations du nombre des morts s’élèvent à 160 000, ou plus.
Puis le temps de la furie a flétri. L’élection de 1999 du Président Abdelaziz Bouteflika a produit un gouvernement plus légitime, qui a commencé une série de réforme et d’amnisties pour saboter l’insurrection. Alors que Bouteflika, aujourd’hui dans sont troisième mandat, a un pouvoir politique considérable, les généraux demeurent les détenteurs du pouvoir réel derrière le voile. Le régime est opaque : les Algériens ne savent pas qui réellement tire(nt) les ficelles dans leur Capitale et les étrangers sont encore moins informés à propos du « pouvoir » (1) alors que le cercle intérieur des généraux est connu.
La guerre ne Libye est si troublante pour les Algériens. Comme le reste du monde, les Algériens n’ont point d’affection pour Mouammar El-Guedhaffi, ni pour son régime. Mais l’éclatement de la Libye entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque, et l’intervention des forces de l’OTAN – en particulier des avions – est considéré comme un signal d’alarme à Alger. Comme la Libye, l’Algérie a une histoire de rivalités régionales fortes, et d’un pouvoir intérieur indépendant. Les forces aériennes européennes et américaines combattant si prêt ont ravivé de profonds et amers souvenirs coloniaux.
Alger a effectivement soutenu El-Guedhaffi contre les rebelles, critiquant les opérations de l’Otan et votant contre la résolution de la ligue arabe pour l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne. L’Algérie a exprimé une préoccupation particulière selon laquelle les troubles en Libye pourraient conduire à l’élaboration d’un havre de tranquillité et d’un sanctuaire pour Al-Qaïda et les autres extrémistes djihadistes.
Dans le cinquième anniversaire du 11 septembre, Ayman Zawahiri avait annoncé dans un message vidéo d’As-Sahab d’Al-Qaïda, que le GSPC était devenu désormais l’aile nord-africaine du mouvement. Le GSPC s’est formellement rebaptisé Al-Qaïda au Maghreb Islamique et s’est aussitôt attaqué au siège de l’ONU à Alger et a tenté d’assassiner Bouteflika. Depuis lors, il a étendu ses cellules à travers l’Afrique même si loin tel au Nigéria, et a kidnappé des occidentaux au Sahara.
L’Algérie est ainsi tiraillée entre sa crainte d’un retour au chaos et à la violence si l’armée et le régime réduisent les restrictions d’un coté, et, de l’autre, ses difficultés socio-économiques sous-jacentes qui crient pour des réformes politiques et économiques. Les Etats-Unis ne sont pas un acteur majeur dans les affaires algériennes ; l’Europe pourrait éventuellement l’être, mais elle est probablement si fauchée pour le faire. Décidément, les Algériens doivent faire face à leur dilemme seuls entre eux.

Par Bruce Riedel
Traduit de l’anglais par Lyes Akram.


Note :
1)- le mot « le pouvoir » est écrit en français dans l’article en Anglais.


Titre original : Algeria Will Be Next To Fall.
Lire l’article en anglais ici.

Notice biographique de l’auteur : Bruce Riedel est un membre éminent au Saban Center for Middle East Policy de la Brookings Institution, un conseiller principal à Albright Stonebridge Group, un ancien analyste de la CIA, un expert en contre-terrorisme.

P.S.
L’article ne reflète pas obligatoirement l’opinion du traducteur.

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