dimanche 27 mars 2016

Une laïcité agressive comme cause de radicalisme djihadiste



Les combattants étrangers de Daech montrent leurs visages.

Par Lyes Benyoussef

Dans un article publié jeudi dernier dans la revue Foreign Affairs, The French Connection, deux chercheurs américains, William McCants et Christopher Meserole établissent un lien entre djihadisme sunnite et culture politique française. En effet, ces deux auteurs, tout en reconnaissant l’existence de facteurs différents qu'ils relèvent par ailleurs, affirment que leur « recherche révèle qu’un autre facteur peut jouer un rôle : la culture politique française. »


Francophonie et terrorisme

« L’automne dernier, nous avons commencé un projet de vérification empirique des explications nombreuses proposées au militantisme sunnite (Sunni militancy) autour du monde. (…) Ce que nous avons découvert nous a surpris, tout particulièrement s’agissant de la radicalisation des combattants étrangers. Il s’avère que le meilleur indice de la radicalisation des combattants étrangers n’est pas la richesse du pays. Ni le niveau d’instruction de ses citoyens, ni leur état de santé, ni même leur accès à Internet. Par contre, le meilleur indice était si le pays était francophone ; c’est-à-dire s’il a actuellement ou s’il a eu par le passé le français comme langue nationale. Aussi étrange que cela puisse paraître, quatre des cinq pays avec le plus élevé taux de radicalisation dans le monde sont francophones, y compris les deux premiers d’Europe (la France et la Belgique.) »
Les auteurs expliquent que l’utilisation du nombre de combattants est trompeuse. Mieux vaut, d’après eux, utiliser le pourcentage de djihadistes par musulman dans la population totale. « Par musulman, la Belgique produit beaucoup plus de combattants étrangers que le Royaume-Uni ou l'Arabie Saoudite. »

Laïcité agressive, démocratie en régression

Mais comment la langue peut-elle influer sur le djihadisme ? Pour McCants et Meserole, ce n’est pas la langue de voltaire en elle-même mais ce qu’elle véhicule actuellement qui joue un rôle dans cette radicalisation, à savoir la culture politique française. Celle-ci, aujourd’hui, se résume en une laïcité agressive conjuguée à une démocratie en régression. Ils écrivent : « L’approche française de la laïcité est plus agressive que, disons, l’approche britannique. La France et la Belgique sont les seuls pays d’Europe qui ont interdit le voile intégral dans les écoles publiques. Ils sont aussi les seuls deux pays d’Europe occidentale qui n’ont pas de forts indices de démocratie dans les célèbres donnés Polity… »

Les musulmans s'estiment victimes de lois islamophobes en France

(Rappelant qu'en 2013, un rapport de la Commission américaine sur les libertés religieuses avait épinglé certains pays européens, dont la France, pour précisément cette «laïcité très agressive.»)

Chômage et urbanisation

Pour les auteurs, « l’effet francophonie » fonctionne pleinement dans les pays les plus développés : « pays francophone avec un taux d’alphabétisation élevé, de meilleures infrastructures et un meilleur système de santé. Ce n’est pas une histoire sur le pillage colonial français. C’est plutôt une histoire à propos de ce qui se passe quand s’enracine le plus le développement économique et politique à la française. »
Aussi un facteur secondaire intervient-il : la distribution de la richesse. « Tout particulièrement, le taux de chômage chez les jeunes et le taux d’urbanisation. »
Ainsi, d’après les données de McCants et Meserole , quand le taux de chômage chez les jeunes est entre 10% et 30% et quand le taux d’urbanisation est entre 60% et 80%, dans les pays francophones, une montée du militantisme sunnite est observée. C’est le cas, affirment les auteurs, de Molenbeek (Belgique), des banlieues de Paris et de Ben Gardane (Tunisie).

La fabrique des djihadistes

Ainsi, suivant des données fiables et un modèle qui a examiné plus de 1000 interactions de variables diverses, le lien est établi entre djihadisme sunnite, politique à la française (laïcité agressive avec une régression de la démocratie), chômage des jeunes et urbanisation poussée.
Que se passe-t-il concrètement ?

Le djihadisme prospère avec le chômage.

La logique est implacable. D’après McCants et Meserole, quand les jeunes chômeurs sont nombreux, certains parmi eux sont condamnés à la dérive. Et s’ils sont dans des grandes villes, la probabilité qu’ils rencontrent des causes radicales est plus grande. Si ces villes sont en pays francophones, avec une culture politique à la française, la cause radicale qui attire le plus les jeunes chômeurs est le djihadisme sunnite.
Par conséquent, un homme politique responsable conclura de ce qui précède en la nécessité d’une politique économique qui tient compte réellement de l’emploi des jeunes et aussi d'une politique intérieure avec une laïcité tolérante et raisonnée, et la renforcement des pratiques démocratiques. Sur ce dernier point comme sur le premier, la France, si sa classe politique revient à la raison, a de précieuses leçons à apprendre de pays nettement supérieures à elle globalement et dans le détails et plus paisibles comme la Suède. Pareil pour les francophiles indigents du Tiers-Monde, du Monde arabe et d'Algérie en particuliers.

Quid du sionisme ?

Toutefois, McCants et Meserole ne disent pas dans leur étude, avec plus de 1000 interactions de variables, s’ils ont vérifié le poids de la politique étrangère pro-israélienne d’États aventuriers comme la France, et des politiques intérieures de plus en plus islamophobes. Le parti-pris pro-israélien de certains pays est manifeste, tout comme le sont la présence de groupuscules pro-israéliens hyper-actifs et le chantage, de plus en plus pathétique il est vrai, à l’antisémitisme, qui ne dupe plus personne.

L. B.

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