Par Lyes Benyoussef
Dans un article
publié jeudi dernier dans la revue Foreign Affairs, The French Connection,
deux chercheurs américains, William McCants et Christopher Meserole établissent
un lien entre djihadisme sunnite et culture politique française. En effet, ces
deux auteurs, tout en reconnaissant l’existence de facteurs différents qu'ils relèvent par ailleurs, affirment
que leur « recherche révèle qu’un autre facteur peut jouer un rôle :
la culture politique française. »
Francophonie et terrorisme
« L’automne
dernier, nous avons commencé un projet de vérification empirique des
explications nombreuses proposées au militantisme sunnite (Sunni militancy) autour
du monde. (…) Ce que nous avons découvert nous a surpris, tout particulièrement
s’agissant de la radicalisation des combattants étrangers. Il s’avère que le
meilleur indice de la radicalisation des combattants étrangers n’est pas la richesse
du pays. Ni le niveau d’instruction de ses citoyens, ni leur état de santé, ni
même leur accès à Internet. Par contre, le meilleur indice était si le pays
était francophone ; c’est-à-dire s’il a actuellement ou s’il a eu par le
passé le français comme langue nationale. Aussi étrange que cela puisse paraître,
quatre des cinq pays avec le plus élevé taux de radicalisation dans le monde
sont francophones, y compris les deux premiers d’Europe (la France et la Belgique.) »
Les auteurs
expliquent que l’utilisation du nombre de combattants est trompeuse. Mieux
vaut, d’après eux, utiliser le pourcentage de djihadistes par musulman dans la
population totale. « Par musulman, la Belgique produit beaucoup plus de
combattants étrangers que le Royaume-Uni ou l'Arabie Saoudite. »
Laïcité agressive, démocratie en régression
Mais comment la
langue peut-elle influer sur le djihadisme ? Pour McCants et Meserole, ce
n’est pas la langue de voltaire en elle-même mais ce qu’elle véhicule
actuellement qui joue un rôle dans cette radicalisation, à savoir la culture politique
française. Celle-ci, aujourd’hui, se résume en une laïcité agressive conjuguée
à une démocratie en régression. Ils écrivent : « L’approche française
de la laïcité est plus agressive que, disons, l’approche britannique. La France
et la Belgique sont les seuls pays d’Europe qui ont interdit le voile intégral
dans les écoles publiques. Ils sont aussi les seuls deux pays d’Europe
occidentale qui n’ont pas de forts indices de démocratie dans les célèbres
donnés Polity… »
(Rappelant qu'en 2013, un rapport de la Commission américaine sur les libertés religieuses avait épinglé certains pays européens, dont la France, pour précisément cette «laïcité très agressive.»)
Chômage et urbanisation
Pour les
auteurs, « l’effet francophonie » fonctionne pleinement dans les
pays les plus développés : « pays francophone avec un taux d’alphabétisation
élevé, de meilleures infrastructures et un meilleur système de santé. Ce n’est
pas une histoire sur le pillage colonial français. C’est plutôt une histoire à
propos de ce qui se passe quand s’enracine le plus le développement économique
et politique à la française. »
Aussi un facteur
secondaire intervient-il : la distribution de la richesse. « Tout
particulièrement, le taux de chômage chez les jeunes et le taux d’urbanisation. »
Ainsi, d’après
les données de McCants et Meserole , quand le taux de chômage chez les jeunes
est entre 10% et 30% et quand le taux d’urbanisation est entre 60% et 80%, dans
les pays francophones, une montée du militantisme sunnite est observée. C’est
le cas, affirment les auteurs, de Molenbeek (Belgique), des banlieues de Paris
et de Ben Gardane (Tunisie).
La fabrique des djihadistes
Ainsi, suivant
des données fiables et un modèle qui a examiné plus de 1000 interactions de
variables diverses, le lien est établi entre djihadisme sunnite, politique à la
française (laïcité agressive avec une régression de la démocratie), chômage des
jeunes et urbanisation poussée.
Que se
passe-t-il concrètement ?
La logique est implacable. D’après McCants et Meserole, quand les jeunes chômeurs
sont nombreux, certains parmi eux sont condamnés à la dérive. Et s’ils sont dans
des grandes villes, la probabilité qu’ils rencontrent des causes radicales est
plus grande. Si ces villes sont en pays francophones, avec une culture
politique à la française, la cause radicale qui attire le plus les jeunes chômeurs
est le djihadisme sunnite.
Par conséquent,
un homme politique responsable conclura de ce qui précède en la nécessité d’une
politique économique qui tient compte réellement de l’emploi des jeunes et aussi d'une politique intérieure avec une
laïcité tolérante et raisonnée, et la renforcement des pratiques démocratiques. Sur ce dernier point comme sur le premier, la France, si sa
classe politique revient à la raison, a de précieuses leçons à apprendre de
pays nettement supérieures à elle globalement et dans le détails et plus paisibles comme la Suède. Pareil pour les francophiles indigents du Tiers-Monde, du Monde arabe et d'Algérie en particuliers.
Quid du sionisme ?
Toutefois, McCants
et Meserole ne disent pas dans leur étude, avec plus de 1000 interactions de
variables, s’ils ont vérifié le poids de la politique étrangère pro-israélienne
d’États aventuriers comme la France, et des politiques intérieures de plus en
plus islamophobes. Le parti-pris pro-israélien de certains pays est manifeste, tout
comme le sont la présence de groupuscules pro-israéliens hyper-actifs et le chantage,
de plus en plus pathétique il est vrai, à l’antisémitisme, qui ne dupe plus personne.
L. B.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire