Ostrovsky,
un ancien agent du Mossad, dit que la devise de ce dernier est : « Au moyen de
la tromperie, tu feras la guerre ».
Le
Mossad, dit-il, a provoqué la frappe aérienne américaine sur la Libye en 1986 en faisant
apparaître que des ordres terroristes étaient transmis par le gouvernement
libyen à ses ambassades autour du monde. Mais les messages provenaient d’Israël
et étaient retransmis par un système spécial de communication – un « cheval de
Troie » – que le Mossad avait placé à l’intérieur de la Libye.
Le
Mossad se retourna ensuite contre Saddam, poussant les Etats-Unis à lui faire
la guerre.
Les
sayanim sont des résidents d’autres pays qui coopèrent avec les katsas (les
officiers traitants du Mossad).
Les
commentaires de Peter Myers sont indiqués {ainsi}.
Comment
le Mossad a poussé l’Amérique à bombarder la Libye et à combattre l’Irak
Victor Ostrovsky et Claire
Hoy, extrait de By Way of Deception, St Martin's Press, New York 1990.
{Avant-propos
d’Ostrovsky}
{p.
vii} REVELER LES FAITS tels que je les connais de mon point de vue de quatre
années passées à l’intérieur du Mossad ne fut en aucune manière une tâche
facile.
Venant
d’un milieu sioniste ardent, je m’étais vu enseigner que l’Etat d’Israël était
incapable de mauvaise conduite. Que nous étions le David dans l’éternel combat
contre le Goliath toujours grandissant. Qu’il n’y avait personne pour nous
protéger à part nous-mêmes – un sentiment renforcé par les survivants de
l’Holocauste qui vivaient parmi nous.
Nous,
la nouvelle génération des Israélites, la nation ressuscitée sur sa propre
terre après plus de deux mille ans d’exil, étions en charge du sort de la
nation toute entière.
Les
commandants de notre armée étaient appelés champions, pas généraux. Nos
dirigeants étaient les capitaines à la barre d’un grand navire. Je fus
transporté de joie lorsque je fus sélectionné et que je reçus le privilège de
rejoindre ce que je considérais comme l’équipe d’élite du Mossad.
Mais
ce furent les idéaux pervertis et le pragmatisme autocentré que je rencontrai
dans le Mossad, associés à l’avidité, la soif de pouvoir et le total manque de
respect pour la vie humaine dans cette soi-disant équipe, qui me motivèrent à
raconter cette histoire.
C’est
par amour d’Israël en tant que pays libre et juste que je mets ma vie en danger
en faisant cela, faisant face à ceux qui se sont autorisés à transformer le
rêve sioniste en cauchemar d’aujourd’hui.
Le
Mossad, étant le corps de renseignement chargé de la responsabilité de
reconnaître la route pour les dirigeants à la barre de la nation, a trahi cette
confiance. En agissant en son nom propre, et pour des raisons étroites et
égoïstes, il a placé la nation sur la voie d’un choc avec une guerre totale.
{Avant-propos
de Claire Hoy}
{p.
ix} L’un des principaux thèmes de ce livre est la conviction de Victor que le
Mossad est hors de contrôle, que même le Premier Ministre, bien qu’étant
ostensiblement responsable, n’a pas d’autorité réelle sur ses actions…
[…]
Le Mossad – croyez-le ou non – a seulement 30 à 35 officiers traitants, ou
katsas, opérant dans le monde au même moment. La principale raison pour ce
total extraordinairement faible, comme vous le lirez dans ce livre, est que, à
la différence des autres pays, Israël peut exploiter le cadre important et
loyal de la communauté juive mondiale en-dehors d’Israël. Cela est réalisé à
travers un système unique de sayanim, auxiliaires juifs volontaires.
{texte
écrit conjointement – le reste du livre}
{p.
52} Mes six premières semaines furent vides d’événements. Je travaillai au
bureau du centre-ville, essentiellement comme homme à tout faire et
documentaliste. Mais un jour glacial de février 1984, je me retrouvai avec
quatorze autres dans un petit bus. … Ce cours devait être connu sous le nom de
Cadet 16, puisque c’était le seizième cours des cadets du Mossad.
{p.
53} Il marcha vivement vers le bout de la table pendant que les deux autres
s’asseyaient au fond de la salle. « Mon nom est Aharon Sherf », dit-il. « Je
suis le directeur de l’Académie. Bienvenue au Mossad. Son nom complet est Ha
Mossad, le Modiyn ve le Tafkidim Mayuhadim [Institut pour le Renseignement et
les Opérations Spéciales]. Notre devise est : « Au moyen de la tromperie, tu
feras la guerre ».
{p.
86} Le jour suivant Ran S. donna un cours sur les sayanim, une partie unique et
importante des opérations du Mossad. Les sayanim – assistants – doivent être
juifs à 100%. Ils vivent à l’étranger, et bien qu’ils ne soient pas des
citoyens israéliens, beaucoup sont contactés par l’intermédiaire de leurs
parents en Israël. Un Israélien ayant un parent en Angleterre, par exemple,
peut se voir demander d’écrire une lettre disant que la personne porteuse de la
lettre représente une organisation dont le principal but est d’aider à sauver
des Juifs de la diaspora. Le parent britannique pourrait-il aider d’une manière
quelconque ?
Il
y a des milliers de sayanim dans le monde. Rien qu’à Londres, il y en a environ
2.000 qui sont actifs, et 5.000 autres sur la liste. Ils remplissent beaucoup
de rôles différents. Un sayan-voiture, par exemple, dirigeant une agence de
location, pourrait aider le Mossad à louer une voiture sans avoir à remplir la
documentation habituelle. Un sayan-appartement pourrait trouver un logement
sans provoquer de suspicions, un sayan-banque pourrait vous trouver de l’argent
si vous en aviez besoin au milieu de la nuit, un sayan-docteur traiterait une
blessure par balle sans le dire à la police, et ainsi de suite. L’idée est
d’avoir une réserve de gens disponibles si nécessaire, qui peuvent rendre des
services mais qui n’en parleront pas, par loyauté à la cause. On leur rembourse
seulement les coûts. Souvent la loyauté des sayanim est abusée par des katsas
qui tirent avantage de l’aide disponible pour leur propre usage personnel. Il
n’y a aucun moyen pour le sayan de le vérifier.
Une
chose dont vous pouvez être sûr, c’est que même si un Juif sait que c’est le
Mossad, il n’est peut-être pas d’accord pour travailler avec vous – mais il ne
vous dénoncera pas. Vous avez à votre disposition un système de recrutement
sans risque qui vous donne en fait une réserve de millions de Juifs à exploiter
en-dehors de vos propres frontières. Il est beaucoup plus facile d’opérer avec
ce qui est disponible sur place, et les sayanim offrent un incroyable appui
pratique partout. Mais ils ne sont jamais mis en danger – et ne sont jamais mis
au courant d’informations classifiées.
Supposez
que pendant une opération un katsa ait soudain besoin d’un magasin
d’électronique comme couverture. Un appel à un sayan dans ce secteur peut
rapporter 50 téléviseurs, 200 magnétoscopes – tout ce qui est nécessaire – à
votre projet, et en un rien de temps vous avez un magasin avec 3 ou 4 millions
de dollars de matériel en stock.
Comme
la plus grande part de l’activité du Mossad est en Europe, il peut être
préférable d’avoir une adresse commerciale en Amérique du Nord. Ainsi, il y a
des sayanim-adresses et des sayanim-téléphones. Si un katsa doit donner une
adresse ou un numéro de téléphone, il peut utiliser celle/celui du sayan. Et si
le sayan reçoit une lettre ou un coup de téléphone, il saura immédiatement
comment procéder. Certains sayanim-commerciaux ont une équipe de 20 opérateurs
pour répondre au téléphone, taper des lettres, faxer des messages, tout cela au
nom du Mossad. Le plus drôle est que 60% du trafic de ces sociétés de service
téléphonique en Europe vient du Mossad. Elles fermeraient autrement.
Le
seul problème avec le système est que le Mossad ne semble pas réaliser à quel
point cela pourrait être dévastateur pour le statut des Juifs de la diaspora si
c’était connu. La réponse que vous obtenez si vous posez la question est : « Et
qu’est-ce qui peut arriver de pire à ces Juifs ? Ils viendraient tous en Israël
? Génial ! ».
Les
katsas des stations sont en charge des sayanim, et les sayanim les plus actifs
recevront la visite d’un katsa une fois tous les trois mois à peu près, ce qui
pour le katsa signifie entre deux et quatre rencontres face-à-face par jour
avec les sayanim, en plus de nombreuses conversations téléphoniques. Le système
permet au Mossad de travailler avec un personnel squelettique. C’est pourquoi,
par exemple, une station du KGB emploierait environ cent personnes, alors
qu’une station comparable du Mossad n’en nécessiterait que six ou sept.
{p.
269} Pollard [célèbre espion pris la « main dans le sac » aux USA en 1985, NDT]
n’était pas du Mossad, mais beaucoup d’autres qui espionnent, recrutent,
organisent et mènent des activités secrètes – principalement à New York et
Washington, qu’ils appellent leur « terrain de jeu » – appartiennent à une
division spéciale et super-secrète du Mossad appelée simplement « Al », le mot
hébreu pour « au-dessus » ou « au sommet ».
L’unité
est si secrète et si séparée de l’organisation principale que la majorité des
employés du Mossad ne sait même pas ce qu’elle fait et n’a pas accès à ses
dossiers sur l’ordinateur.
Mais
elle existe, et emploie entre 24 et 27 vétérans du terrain, trois en tant que
katsas actifs. La plus grande partie de leur activité, mais pas toute, est à
l’intérieur des frontières US. Leur tâche essentielle est de rassembler des
informations sur le monde arabe et l’OLP, et non de rassembler des
renseignements sur les activités US. Mais comme nous le verrons, la ligne de
partage est souvent floue, et en cas de doute, Al n’hésite pas à la franchir.
Dire
qu’elle ne rassemble pas d’informations sur les Américains revient à dire que
la moutarde n’est pas l’essentiel, mais que vous en aimez un peu sur votre
hot-dog. Supposons, par exemple, qu’il y ait un sénateur dans le comité des
armes qui intéresse le Mossad. Al utilise rarement des sayanim, mais les
papiers de ce sénateur, tout ce qui se passe dans son bureau, seraient des
informations importantes, donc un assistant deviendrait une cible. Si
l’assistant était juif, il (ou elle) serait approché en tant que sayan.
Autrement, la personne serait recrutée comme agent, ou même seulement comme
ami, pour infiltrer et écouter.
Le
circuit de cocktails de Washington est très important pour cela. Certains
attachés en suivent les progrès. Ce n’est pas un problème d’ajouter quelqu’un à
ce circuit et de lui donner un groupe légitime.
Supposez,
par exemple, que McDonnell Douglas veuille vendre des avions US à l’Arabie
Saoudite. Est-ce une affaire US ou une affaire israélienne ? Eh bien, en ce qui
concerne l’Institut, c’est l’affaire d’Israël. Quand vous avez quelque chose
comme ça en place, c’est très difficile de ne pas l’utiliser. Donc ils le font.
{p.
270} L’une des plus célèbres activités de Al a impliqué le vol de matériel de
recherche à certaines grandes firmes aéronautiques US pour aider Israël à
s’assurer un contrat de cinq ans de 25,8 millions de dollars en janvier 1986
pour équiper la marine US et le corps des Marines avec 21 drones de 4,87 mètres de long, ou
Mazlat Pioneer 1 sans pilote, plus l’équipement de contrôle au sol, de
lancement et de récupération. Les drones, qui ont un moniteur de télévision
monté sous le ventre, sont utilisés dans le travail de reconnaissance
militaire. Mazlat, une filiale des Israeli Aeronautical Industries and Tadiran,
étatisées, « remporta » le contrat après avoir renchéri sur les firmes US dans
un appel d’offre en 1985.
En
réalité, Al avait volé la recherche. Israël avait travaillé sur un drone, mais
n’avait pas encore assez avancé pour entrer dans cette compétition. Quand vous
n’avez pas à inclure le coût des recherches dans votre offre, cela fait une
différence substantielle.
Après
avoir remporté le contrat, Mazlat entra dans un partenariat avec AAI Corp. de
Baltimore dans le Maryland, pour le terminer.
Al
est similaire au Tsomet, mais elle n’entre pas dans la juridiction du chef du
Tsomet. Au contraire, elle fait ses rapports directement au chef du Mossad. A
la différence des stations normales du Mossad, elle n’opère pas à l’intérieur
de l’ambassade israélienne. Ses stations sont situées dans des maisons ou des
appartements sûrs.
Les
trois équipes de Al sont établies en station, ou unité. Supposons que pour une
raison ou une autre, les relations entre Israël et la Grande-Bretagne
s’effondrent demain et que le Mossad doive quitter le Royaume-Uni. Ils
pourraient envoyer une équipe d’Al à Londres et avoir un réseau clandestin
complet le jour suivant. Les katsas de Al sont parmi les plus expérimentés de
l’Institut.
Les
Etats-Unis sont un endroit où les conséquences de la négligence sont immenses.
Mais le fait de ne pas travailler à travers l’ambassade crée des difficultés,
spécialement pour les communications. Si les gens de Al se font attraper aux
Etats-Unis, ils sont emprisonnés comme espions. Ils n’ont pas d’immunité
diplomatique. Le pire qui puisse arriver à un katsa dans une station normale,
parce qu’il a l’immunité diplomatique, est l’expulsion. Officiellement, le
Mossad a une station de liaison à Washington, mais rien d’autre.
{p.
271} Les Américains ne réalisent pas combien d’informations nous sont données à
travers l’OTAN, des informations qui peuvent être manipulées pour présenter une
image beaucoup plus vivante…
Les
stations de Al, bien qu’étant en-dehors de l’ambassade, opèrent néanmoins comme
des stations pour la plus grande part. Elles communiquent directement avec le
QG de Tel-Aviv par téléphone, télex ou modem d’ordinateur. Elles n’utilisent
pas de système de brouillage de communications, parce que même si les
Américains ne pouvaient pas décoder les messages, ils sauraient qu’il y a une
activité clandestine dans le voisinage, ce que le Mossad veut éviter. La
distance est aussi un facteur.
{p.
276} Dans un pays où tout le monde sert dans l’armée, le service militaire est
important. C’est pourquoi vous vous retrouvez avec un gouvernement qui est
composé à 70% de généraux. Les gens ne semblent pas comprendre que cela n’est
pas bon – avec des gens dont les narines se dilatent à l’odeur de la poudre.
{p.
277} Au milieu de tout cela, le Mossad avait eu son premier contact avec les
producteurs d’opium en Thaïlande. Les Américains tentaient d’obliger les
fermiers à cesser de produire de l’opium et à faire pousser du café à la place.
L’idée du Mossad était d’entrer là-dedans, de les aider à faire pousser du
café, mais en même temps de les aider à exporter de l’opium comme moyen de
récolter de l’argent pour les opérations du Mossad.
{p.
286} Le Mossad ne reconnaît toujours pas l’existence de Al. A l’intérieur de
l’Institut, on dit que le Mossad ne travaille pas aux Etats-Unis. Mais la
plupart des gens du Mossad savent que Al existe, même s’ils ne savent pas
exactement ce qu’elle fait. Le plus drôle de tout cela est que quand le LAKAM
éclata avec l’affaire Pollard, les gens du Mossad disaient toujours : « Une
chose est sûre. Nous ne travaillons pas aux Etats-Unis ».
{fin
des citations}
Victor Ostrovsky, The Other
Side of Deception, Editions Harper & Collins, New York 1994.
{p.
24} Jeudi 13 février 1986, 07:45
{p.
31} Vendredi 21 février
{p.
32} Il semblait que tout l’immeuble devenait fou. Tout le monde était à la
recherche d’informations qui pourraient stopper les efforts du roi Hussein de
Jordanie pour une initiative de paix…
La
communauté juive américaine était divisée en une équipe d’action à trois
niveaux. D’abord il y avait les sayanim individuels (si la situation avait été
l’inverse et si les Etats-Unis avaient convaincus des Américains travaillant en
Israël de travailler secrètement pour le compte des Etats-Unis, ils auraient
été traités comme des espions par le gouvernement israélien). Ensuite il y
avait l’important lobby pro-israélien. Il mobiliserait la communauté juive dans
un effort forcené dans la direction que le Mossad lui indiquerait. Et enfin il
y avait la B’naï
B’rith. On pouvait faire confiance aux membres de cette organisation pour se
faire des amis parmi les non-juifs et dénoncer comme antisémites tous ceux
qu’ils ne pouvaient pas gagner à la cause israélienne. Avec ce genre de
tactique un-deux-trois, rien ne pouvait nous résister.
{p.
113} « C’est le vieux truc du couillon de Troie ». Il alluma une cigarette.
«
Qu’est-ce que c’est ça ? ». Je ne pus m’empêcher de sourire ; je ne l’avais
jamais entendu appeler comme ça avant.
«
Je savais que ça attirerait ton attention », dit-il avec un grand sourire. «
Shimon a activé l’Opération ‘Troyan’ en février de cette année » {le seul
Shimon dans la liste est Shimon Peres}.
J’approuvai
de la tête. J’étais déjà au Mossad quand cet ordre fut donné, et du fait de mon
passé naval et de ma connaissance de la plupart des commandants de la marine,
j’avais participé au planning de l’opération en tant que liaison avec la
marine.
Un
« Trojan » [Troyen] était un système spécial de communication qui pouvait être
implanté par des commandos de marine loin à l’intérieur du territoire ennemi.
Le système agirait comme station relais pour de fausses transmissions conçues
par l’unité de désinformation du Mossad, appelée LAP {note : LAP : LohAma
Psicologit. Guerre psychologique, ou, comme on le dit en Occident,
désinformation}, et destinées à être reçues par les stations d’écoute
américaines et britanniques. Provenant d’un navire de guerre israélien en mer,
les transmissions numériques préenregistrées ne pouvaient être captées que par
le Trojan. Le système réémettrait ensuite la transmission sur une autre
fréquence, une fréquence utilisée pour les affaires officielles dans le pays
ennemi, moment auquel la transmission serait finalement captée par les «
grandes oreilles » américaines en Grande-Bretagne.
Les
gens à l’écoute n’auraient aucun doute d’avoir intercepté une communication
authentique, d’où le nom de Trojan, rappelant le mythique cheval de Troie. De
plus, le contenu des messages, après déchiffrage, confirmerait les informations
venant d’autres sources de renseignement, c’est-à-dire le Mossad. Le seul
problème était que le Trojan lui-même devait être situé aussi près que possible
de l’origine normale de telles transmissions, à cause des méthodes
sophistiquées de triangulation que les Américains et d’autres utiliseraient
pour vérifier la source.
Dans
l’opération spéciale dont parlait Ephraim, deux unités d’élite de l’armée
avaient été chargées de placer le système « troyen » à l’endroit approprié.
L’une était l’unité de reconnaissance Matkal [Sayeret Matkal : unité d’élite de
reconnaissance de l’armée israélienne] et l’autre était la Flottille 13, les
commandos de marine. Les commandos étaient chargés de la tâche d’implanter le
système « troyen » à Tripoli, en Libye.
La
nuit du 17-18 février, deux navires lance-missiles israéliens, le Moledet de la
classe SAAR 4, armé de missiles mer-mer Harpoon et Gabriel, entre autres
armements, et le Geula, un navires lance-missiles de classe Hohit avec une
plate-forme pour hélicoptère et l’armement habituel des SAAR 4, effectuait ce
qui semblait être une patrouille de routine en Méditerranée, se dirigeant vers
le canal de Sicile et passant juste en-dehors des eaux territoriales de la Libye. Juste au nord
de Tripoli, les navires de guerre, qui étaient visibles au radar depuis Tripoli
ainsi que depuis l’île italienne de Lampedusa, ralentirent jusqu’à quatre nœuds
– juste assez longtemps pour permettre la mise à l’eau d’une équipe de douze
commandos de marine dans quatre mini sous-marins appelés « cochons » et deux
vedettes rapides à silhouette basse appelées « oiseaux ». Les « cochons »
pouvaient porter deux commandos chacun et tout leur équipement de combat. Les «
oiseaux », équipés d’une mitrailleuse de calibre MG 7,62 montée sur la proue et
d’une série de lance-roquettes antichar, pouvaient transporter six commandos
chacun, tout en remorquant les « cochons » vides. Les « oiseaux » amenaient les
« cochons » aussi près du rivage que possible, réduisant ainsi la distance que
les « cochons » auraient à parcourir seuls (les « cochons » étaient
submersibles et silencieux mais relativement lents).
A
trois kilomètres au large de la côte libyenne, on pouvait voir scintiller les
lumières de Tripoli au sud-est. Huit commandos se glissèrent doucement dans les
« cochons » et se dirigèrent vers le rivage. Les « oiseaux » restèrent derrière
au point de rendez-vous, prêts à entrer en action si la situation l’exigeait.
Dès qu’ils atteignirent la plage, les commandos laissèrent leurs transports en
forme de cigare submergés dans l’eau peu profonde et se dirigèrent vers
l’intérieur des terres, portant un cylindre « troyan » vert foncé de 1,80 m de long et de 178 cm de diamètre. Il
fallait deux hommes pour le porter.
Un
fourgon gris était arrêté sur le coté de la route à environ trente mètres de
l’eau, sur la route côtière allant de Sabratah à Tripoli puis à Benghazi. Il ne
risquait guère d’y avoir de la circulation à cette heure de la nuit. Le
conducteur du fourgon semblait être en train de réparer un pneu à plat. Il
cessa de travailler lorsque l’équipe approcha et ouvrit les portes à l’arrière
du fourgon. C’était un combattant du Mossad. Sans dire un mot, quatre des
hommes montèrent dans le fourgon et se dirigèrent vers la ville. Les quatre
autres repartirent vers l’eau, où ils se mirent en position défensive près des
« cochons » submergés. Leur travail était de tenir cette position pour assurer
une voie de retraite à l’équipe qui se dirigeait maintenant vers la ville.
En
même temps, un escadron de chasseurs israéliens refaisait le plein au sud de la Crète, prêt à intervenir.
Ils étaient capables de maintenir toute force terrestre [ennemie] à distance
des commandos, en cas de retour plus difficile. A ce moment, la petite unité de
commando était divisée en trois détachements – son moment le plus vulnérable.
Si l’un des détachements se heurtait aux forces ennemies, il avait pour
instruction d’agir avec une prudence extrême, avant que l’ennemi ne devienne
hostile.
Le
fourgon se gara derrière un immeuble d’habitation de la rue Al Jamhuriyh à
Tripoli, à moins de trois rues des casernes qui étaient connues pour abriter le
quartier général et la résidence de Kadhafi. Entre-temps, les hommes dans le
fourgon avaient revêtu des vêtements civils. Deux restèrent dans le fourgon
comme guetteurs et les deux autres aidèrent le combattant du Mossad à monter le
cylindre au dernier des cinq étages de l’immeuble. Le cylindre était enveloppé
dans un tapis.
Dans
l’appartement, la partie supérieure du cylindre fut ouverte et une petite
antenne en forme de saladier fut déployée et placée en face de la fenêtre située
au nord.
L’engin
fut activé, et le cheval de Troie fut en place.
Le
combattant du Mossad avait loué l’appartement pour six mois et avait payé le
loyer à l’avance. Il n’y avait pas de raison pour que quelqu’un entre dans
l’appartement à part le combattant. Cependant, si quelqu’un décidait de le
faire, le « Trojan » s’autodétruirait, emportant avec lui le plus gros de la
partie supérieure de l’immeuble.
Les
trois hommes retournèrent au fourgon et vers leur rendez-vous avec leurs amis
sur la plage.
Après
avoir amené les commandos à la plage, le combattant retourna vers la ville, où
il surveillerait le Trojan pendant les semaines à venir. Les commandos ne
perdirent pas de temps et repartirent vers la mer. Ils ne voulaient pas être
surpris dans les eaux libyennes au lever du jour. Ils atteignirent les «
oiseaux » et se dirigèrent à pleine vitesse vers un point de ramassage prévu,
où ils retrouvèrent les navires lance-missiles qui les avaient amenés.
A
la fin mars, les Américains interceptaient déjà des messages émis par le
Trojan, qui était activé seulement pendant les heures de trafic radio intense.
En utilisant le Trojan, le Mossad tentait de faire croire qu’une longue série
d’ordres terroristes était transmise à diverses ambassades libyennes dans le
monde (ou, comme elles étaient appelées par les Libyens, des Bureaux du
Peuple). Ainsi que le Mossad l’avait espéré, les transmissions furent
déchiffrées par les Américains et interprétées comme une preuve largement
suffisante que les Libyens étaient des soutiens actifs du terrorisme. De plus,
remarquèrent les Américains, les rapports du Mossad le confirmaient.
Les
Français et les Espagnols, cependant, ne croyaient pas à ce nouveau flot
d’informations. Pour eux, il leur semblait suspect que soudain, à l’improviste,
les Libyens, qui avaient été extrêmement prudents dans le passé, commencent à
claironner leurs actions futures. Ils trouvaient également suspect qu’en
plusieurs occasions des rapports du Mossad aient été rédigés de manière
similaire à des communications libyennes codées. Ils arguaient de plus que,
s’il y avait vraiment eu des communications libyennes après-coup concernant
l’attaque, alors l’attentat terroriste contre la discothèque La Belle [discothèque La Belle : l’attentat
terroriste à cet endroit fut considéré comme lié aux Libyens et fut le
catalyseur pour le bombardement américain du 14 avril sur la Libye] à Berlin-Ouest le 5
avril aurait pu être empêché, puisqu’il y aurait sûrement eu des communications
avant, permettant aux agences de renseignement à l’écoute de l’empêcher.
Puisque l’attaque n’avait pas été empêchée, ils raisonnaient qu’elle ne devait
pas avoir été faite par les Libyens, et que les « nouvelles communications »
devaient être fausses. Les Français et les Espagnols avaient raison. L’information
était fausse, et le Mossad n’avait pas la moindre idée de l’identité de ceux
qui avaient placé la bombe qui avait tué un militaire américain et blessé
plusieurs autres. Mais le Mossad était lié à de nombreuses organisations
terroristes européennes, et il était convaincu que dans l’atmosphère volatile
qui régnait en Europe, un attentat avec une victime américaine n’était qu’une
question de temps. Les chefs du Mossad comptaient sur la promesse américaine
d’effectuer des représailles contre tout pays qui serait surpris en flagrant
délit de soutien au terrorisme. Le Trojan donnait aux Américains la preuve
qu’ils demandaient. Le Mossad intégrait aussi dans l’équation l’image fanatique
et les déclarations mémorables de Kadhafi, qui n’étaient destinées en réalité
qu’à la consommation intérieure. Il faut se rappeler que Kadhafi avait tracé
une ligne dans l’eau à cette époque, déclarant le Golfe de Syrte comme faisant
partie des eaux territoriales libyennes et appelant la nouvelle frontière
maritime la ligne de la mort (une action qui ne lui donna pas vraiment une
image modérée). Finalement, les Américains tombèrent la tête la première dans
le stratagème du Mossad, entraînant avec eux les Britanniques et les Allemands
quelque peu renâclants. L’Opération Trojan fut l’un des plus grands succès du
Mossad. Elle provoqua sur la
Libye la frappe aérienne que le président Reagan avait
promise – une frappe qui eut trois importantes conséquences. D’abord, elle fit
capoter un accord pour la libération des otages américains au Liban, conservant
ainsi le Hezbollah (le Parti de Dieu) comme ennemi numéro un aux yeux de
l’Occident. Deuxièmement, elle envoya un message à tout le monde arabe, leur
disant exactement où se situaient les Etats-Unis concernant le conflit arabo-israélien.
Troisièmement,
elle renforça l’image que le Mossad se faisait de lui-même, puisque c’est lui
qui, par un ingénieux tour de passe-passe, avait poussé les Etats-Unis à faire
ce qu’il fallait. Les Français furent les seuls à ne pas croire à la ruse du Mossad
et furent déterminés à ne pas s’associer à l’acte agressif des Américains. Les
Français refusèrent le survol de leur territoire par les bombardiers américains
en route pour attaquer la
Libye.
Le
14 avril 1986, cent soixante avions américains lâchèrent plus de soixante
tonnes de bombes sur la
Libye. Les attaquants bombardèrent l’aéroport international
de Tripoli, les casernes de Bab el Azizia, la base navale de Sidi Bilal, la
ville de Benghazi, et le terrain d’aviation de Benine en-dehors de Benghazi. La
force de frappe consistait en deux groupes principaux, l’un venant d’Angleterre
et l’autre des porte-avions en Méditerranée. D’Angleterre vinrent vingt-quatre
F-111 de Lakenheath, cinq EF-111 de Upper Heyford, et vingt-huit avions
ravitailleurs de Mildenhall et Fairford. Dans l’attaque, les F-111 et les
EF-111 de l’Air Force furent rejoints par dix-huit avions de soutien A-6 et
A-7, six chasseurs F/A-18, quatorze avions EA-6B de brouillage électronique, et
d’autres appareils de soutien. Les avions de la marine furent catapultés des
porte-avions Coral Sea et America. Du coté libyen, il y eut environ quarante
victimes civiles, y compris la fille adoptive de Kadhafi. Du coté américain, un
pilote et son observateur furent tués quand leur F-111 explosa.
Après
le bombardement, le Hezbollah rompit les négociations concernant les otages
qu’il détenait à Beyrouth et exécuta trois d’entre eux, incluant un Américain
nommé Peter Kilburn. Quant aux Français, ils furent récompensés pour leur
non-participation à l’attaque par la libération à la fin de juin de deux
journalistes français retenus en otages à Beyrouth (il se trouve qu’une bombe
perdue toucha l’ambassade de France à Tripoli pendant le raid).
Ephraim
m’avait tout expliqué et m’avait confirmé certaines informations que je
connaissais déjà. Il poursuivit alors : « Après le bombardement de la Libye, notre ami Kadhafi va
sûrement se tenir tranquille pendant quelque temps. L’Irak et Saddam Hussein
sont la prochaine cible. Nous allons maintenant commencer à le présenter comme
le grand méchant. Cela prendra quelque temps, mais pour finir, il n’y a pas de
doute que ça marchera ».
«
Mais Saddam n’est-il pas considéré comme modéré envers nous, allié à la Jordanie et grand ennemi
de l’Iran et de la Syrie
? »
«
Oui, c’est pourquoi je suis opposé à cette action. Mais c’est la directive, et
je dois la suivre. J’espère que toi et moi en aurons fini avec notre petite
opération avant que quelque chose d’important ne se passe. Après tout, nous
avons déjà détruit son installation nucléaire, et nous gagnons de l’argent en
lui vendant de la technologie et de l’équipement par l’intermédiaire de
l’Afrique du Sud. »
{p.
254} Dans les semaines suivantes, de plus en plus de découvertes furent faites
concernant le canon géant et d’autres éléments de la machine de guerre de
Saddam. Le Mossad ne faisait que saturer le domaine du renseignement avec des
informations concernant les mauvaises intentions de Saddam le Terrible, misant
sur le fait que sous peu, il aurait suffisamment de corde pour se pendre. Le
but principal du Mossad était très clair. Il voulait que l’Occident fasse le
travail à sa place, tout comme les Américains l’avaient fait en Libye avec le
bombardement de Kadhafi. Après tout, Israël ne possédait pas de porte-avions ni
d’énorme force aérienne, et bien qu’il soit capable de bombarder un camp de
réfugiés à Tunis, ce n’était pas la même chose. Les chefs du Mossad savaient
que s’ils pouvaient faire apparaître Saddam comme suffisamment mauvais et comme
une menace pour les champs pétrolifères du Golfe, dont il avait été le
protecteur jusqu’à maintenant, alors les Etats-Unis et leurs alliés ne le
laisseraient pas s’en tirer à bon compte, mais prendraient des mesures pour
éliminer totalement son armée et son potentiel militaire, particulièrement
s’ils étaient conduits à croire que cela pourrait être leur dernière chance
avant qu’il obtienne la puissance nucléaire.
Le
Mossad entraînant les DEUX CAMPS dans la guerre civile au Sri Lanka ; et son
appui aux fondamentalistes musulmans, pour faire capoter le processus de paix ;
et son plan pour tuer George Bush père, en réponse au processus de paix qu’il
avait initié.
A suivre dans la deuxième partie.
Source : Voxnr
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