Par
Pierre Puchot
Année
du cinquantenaire de l’indépendance algérienne, 2012 sera-t-elle aussi celle de
sa révolution ? L’anniversaire des cinquante ans des accords d’Evian, le 18
mars 2012, s’annonce morose. Tout au long de l’année passée, les analystes ont
tantôt dédaigné le pays le plus peuplé du Maghreb (36,3 millions d’habitants en
2011 selon l’estimation de l’office national des statistiques), tantôt expliqué
qu’Alger ne saurait profiter du souffle tunisien voisin pour faire sa mue
démocratique.
En
cause, la décennie noire du terrorisme des années 1990, au cours de laquelle
périrent 200.000 Algériens, et avec eux, l’espoir d’un avenir démocratique
fondé sur le progrès social et la juste répartition des richesses. Un
terrorisme qui n’appartient d’ailleurs toujours pas au passé, comme en témoigne
cet été l’attentat de Tizi Ouzou…
L’Algérie
est-elle définitivement perdue pour le printemps arabe, plus de deux décennies
après la révolution avortée de 1988 ? Ce serait oublier que la source de ce
printemps est avant tout économique. Et sur ce terrain, l’examen minutieux des
caractéristiques de la région montre qu’au cours des trente dernières années, l’Algérie
épouse parfaitement l’évolution tunisienne.
Depuis
les années 1970, l’Algérie se trouve en pointe du rattrapage du monde arabe par
rapport aux pays industrialisés. Sur les quarante dernières années, on compte
cinq Etats arabes (Oman, l’Arabie saoudite, la Tunisie, l’Algérie et le
Maroc) au palmarès des 10 meilleures progressions au classement de l’indice de
développement humain (Idh) du programme des Nations unies pour le développement
(PNUD, télécharger le rapport 2011 du PNUD ici) Si, à la fin
des années soixante, l’Algérie se situait au niveau des pays d’Afrique noire, comme
le Congo, elle a aujourd’hui rejoint le « premier monde » au vu de nombre
d’indicateurs, comme celui de l’espérance de vie.
Une
évolution générale au monde arabe qui explique, pour les auteurs du rapport 2011
du PNUD, l’éruption démocratique tunisienne : « Les récentes manifestations en
faveur de la démocratie qui ont eu lieu dans les Etats arabes ont commencé en
Tunisie et en Egypte, menées dans les deux cas par de jeunes citadins instruits.
(…) A long terme, les personnes qui atteignent un niveau d’éducation supérieur
et voient leur niveau de vie augmenter sont peu enclines à tolérer le maintien
d’un régime autocratique. »
Dans
leurs conclusions, les rapporteurs estiment cependant que « le développement a
donné lieu à d’autres contradictions, les attentes croissantes restent
insatisfaites générant souvent de profondes frustrations sociales. Les
inégalités se sont creusées, tandis que les téléphones portables et Twitter ont
permis une transmission plus rapide des idées. Pour beaucoup d’analystes, les
taux de chômage et de sous-emploi élevés des jeunes éduqués sont un des
facteurs clés de la dissidence politique dans la région. La moitié de la
population des Etats arabes est âgée de moins de 25 ans et les taux de chômage
des jeunes y sont presque deux fois supérieurs à la moyenne mondiale ».
Une
situation sociale toujours explosive au cœur de laquelle on retrouve l’Algérie,
qui se situe à une médiocre 96e place du classement du PNUD pour l’indice de
développement humain, derrière… la
Tunisie (92e). Un
comble pour un pays qui bénéficie, contrairement à ses voisins, d’importantes
ressources en gaz et en pétrole.
L’exception algérienne, un discours des élites et du FMI
En
apparence, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Abdelaziz
Bouteflika, président de la « réconciliation nationale » après la décennie
noire du terrorisme, avait annoncé des objectifs chiffrés ambitieux pour le
plan de relance 2005-2009 : un revenu par habitant de plus de 3.000 dollars, une
dette extérieure ramenée à moins de 10 milliards de dollars, la construction de
800.000 logements (réalisés), un taux de chômage réduit à 10 %. Selon les
statistiques officielles, il les a atteint, ou peu s’en faut.
Fin
2011, les analystes du Fonds monétaire international (FMI) tressaient même
quelques lauriers à l’économie algérienne : « Dans un contexte international
incertain, l’Algérie continue d’enregistrer une bonne performance économique
tirée en grande partie par les investissements publics, estiment les
rapporteurs du FMI. Les politiques macroéconomiques prudentes suivies par le
passé ont permis à l’Algérie de se constituer une position financière
confortable avec des niveaux d’endettement très faibles. Les performances
macroéconomiques restent robustes en 2011. » Seul motif d’inquiétude, « le taux
de chômage global a baissé mais demeure élevé pour certaines catégories de la
population ».
C’est
bien là, la faiblesse de l’économie algérienne, une faiblesse structurelle que
l’on découvre via les données fournies par la banque mondiale (consultables ici),
grâce auxquelles l’on s’aperçoit notamment que le taux d’alphabétisation
plafonne à 73 %, soit 20 points de moins que le voisin tunisien.
De
même, les centaines d’émeutes qu’a connues le pays en 2011, sur l’ensemble du
territoire, démontrent s’il en était besoin l’écart de développement et de
perspectives qui se cache derrière le bilan macro-économique du FMI. En ce début 2012, c’est cette fois Chéraga, banlieue-ouest
d’Alger, située à quelques kilomètres du palais présidentiel, qui s’est
embrasée faute d’accès à l’emploi.
Comment
expliquer que, malgré plus de 155 milliards de dollars de réserve de devises
revendiquée par le gouvernement l’an passé, l’Algérie soit aujourd’hui un pays
moins développé que son voisin tunisien ?
Une économie de rente qui étrangle la population algérienne
Depuis
le début des années 2000, toutes les études sérieuses l’affirment : l’économie
algérienne est devenue une absurdité, une impasse semblable à la gabegie de
l’Arabie saoudite, qui gaspille les plus importantes ressources naturelles de
l’histoire de l’économie moderne, sans pour autant diversifier l’économie
nationale ni créer les conditions d’un développement social et intellectuel de
sa population. Financée par l’Union européenne, une étude portant sur les
structures économiques algériennes démontre le déséquilibre des contributions
des différents secteurs au produit intérieur brut : en 2005, les hydrocarbures
pèsent pour 47,5 % du PIB, et 98 % des exportations. Au bout du compte, «85 % du
PIB sont couverts par la
Sonatrach (société publique des hydrocarbures) et les
dépenses de l’Etat». Tendance qui se confirme les années suivantes, comme le
souligne une autre étude de l’OCDE.
Une
absence de diversification qui rend impossibles l’émergence d’un marché
intérieur, la création de PME et la redistribution des ressources à la
population. «Les généraux algériens qui ont pris le pouvoir au cœur des années 1990
ont poussé l’économie algérienne vers un système d’économie d’importation, jusqu’aux
trois quarts des produits alimentaires, explique le journaliste Jean-Baptiste
Rivoire, auteur de plusieurs ouvrages de référence sur l’Algérie contemporaine.
Et pourquoi ? Parce que lorsque l’on importe, on signe un contrat avec un
fabricant étranger, sur lequel on peut prélever une commission. Un exemple qui
décrit bien la situation algérienne : il y a quelques années, un entrepreneur
de Tizi Ouzou avait tenté de fonder une usine pour fabriquer des postes de
télévision. Ce projet contrariait un général, qui importait des téléviseurs
depuis la Corée. Résultat
: l’usine de l’entrepreneur de Tizi a fini par exploser à la suite d’un
attentat… Nous, la France,
ça nous arrange bien, cela nous offre des débouchés pour nos produits.»
À
ce petit jeu du «mono-développement» économique, le compagnon idéal du
gouvernement demeure en effet la
France, premier partenaire économique de l’Algérie de
Bouteflika. Dès lors, la visite de représentants français est une bonne
occasion pour les journalistes algériens de poser les questions qui fâchent. Le
31 janvier 2012, lors d’un entretien accordé par Jean-Pierre Raffarin, envoyé
par le gouvernement français pour s’assurer de la signature de nouveaux
contrats, un journaliste du site Tout sur l’Algérie met les pieds dans le plat :
«Cinquante ans après l’indépendance de l’Algérie, interroge le journaliste
algérien, de nombreux services publics comme les eaux d’Alger et de Constantine,
le métro et l’aéroport d’Alger sont gérés par des Français. Pourquoi n’y a-t-il toujours pas de transfert de savoir-faire
pour permettre aux Algériens de gérer eux-mêmes ces services ? » «Précisément, bredouille l’ancien premier
ministre, il s’agit de contrats de gestion de durée limitée, qui comprennent
justement un volet important de transfert de savoir-faire et de formation, et
qui visent à permettre aux opérateurs publics algériens concernés, lorsqu’ils
le jugeront souhaitable, de reprendre eux-mêmes la gestion de ces services
publics, forts de l’expérience qui aura été acquise auprès des entreprises
françaises actuelles, délégataires.»
En
2012, l’absence planifiée de diversification de l’économie algérienne risque de
se révéler d’autant plus insupportable pour la population que les années à
venir s’annoncent plus incertaines pour la rente pétrolière, désormais en «
état d’alerte » selon la presse algérienne du fait des incertitudes sur le prix
du baril de brut et la crise financière internationale. Et jusqu’au FMI, qui
appelle l’Algérie à modérer ses dépenses. Qui donc, en cette année de
célébrations, est prêt à parier que les Algériens resteront impassibles face à
l’austérité qui s’annonce, qui plus est en l’absence d’alternance démocratique
aux élections législatives de mai prochain ?
Par
Pierre Puchot
mediapart.fr,
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M PIERRE PUCHOT vous connaissez l’expression " si tu veux savoir où tu vas il faut savoir d'ou tu viens " l'inverse est également vrai, les Français la première chose que vous aviez faites en tant que colonisateur barbares à tous les niveaux c'est de nous affubler d'une arabité qui n'est pas la notre, nous ne sommes pas des arabes, comme vous le savez dans votre malhonnêteté intellectuelle, nous sommes des IMAZIRENES peuple africain et méditerranéen, vous aviez effacé notre histoire plusieurs fois millénaire, votre domination a donné la prééminence à la region sachant qu'elle est facteur de régression et soumission par elle même et peut devenir mortelle pour un peuple écrasé par le pire colonisateur que l'humanité malade ait pu produire, a lire l'article de l'un de ses représentant que vous êtes j'ai du mal à croire que l'algérie n'est pas le Quatar ou l'arabie Saoudite et surtout que ces pays se situent à 3400 km de nos rivages
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