-Algeriepatriotique
: Vous intervenez fréquemment pour commenter l’actualité dans la région du
Moyen-Orient, et, globalement, dans le monde musulman. Que pensez-vous de ces «révolutions» qui secouent cette région depuis deux ans ? Sont-elles porteuses
d’un vrai changement, positif pour ses populations ?
-Pierre
Dortiguier : A répondre d’une manière synthétique, je vous dis ma certitude que
ces révolutions qui ont reçu médiatiquement la dénomination de «printemps
arabe» sont un engrenage dans lequel on a fait entrer des forces politiques
nationales, pour les broyer et affaiblir durablement la force des institutions
étatiques qui leur servait de fondement, de cadre, de forme comme nous disons
en philosophie. Ce fut le cas de la Tunisie qui avait naturellement des aspects
négatifs – qui n’en a pas dans notre monde ? –, mais avait, depuis Bourguiba,
considérablement augmenté sa puissance, avec des injustices, corrigeables par
le développement.
Je suis depuis des années dans un secteur particulier, le
développement de l’enseignement des mathématiques, à Monastir, et j’y ai vu des
générations, féminines en particulier, atteindre un niveau d’instruction
remarquable dans cette matière ; dans d’autres domaines, il y avait une
indépendance, bien sûr sous dépendance occidentale, mais partagée avec la
Russie, la Chine, le Japon… Aujourd’hui, le pays est colonisé par le Qatar qui
prend toutes les offres. L’immobilier a augmenté de 50%. Sous prétexte de
lutter contre la famille du général Ben Ali, l’on a saisi des biens, comme ceux
de Kadhafi à l’étranger, et ce sont des investissements dont le manque a
précipité le chômage, ruiné une classe moyenne. Je donne un exemple sensible,
constatable. Le but de ces révolutions a été clairement expliqué par le
journaliste germano-américain William Engdahl : répandre une idéologie
faussement musulmane, un islam artificiel qui s’attache aux formes extérieures,
mais abandonne la gestion et l’initiative géopolitique aux USA, en réalité au
lobby sioniste qui veut détruire les Etats qui ont la main sur leur finance,
contrôlent leur système bancaire, etc., bref, qui ne sont pas englués dans l’endettement.
La Tunisie sortait de cet endettement, la Libye était indépendante du FMI, la
Syrie aussi. C’est contre ces pays et aussi contre l’Algérie indépendante que
sont dirigés ces mouvements, dans la suite des révolutions colorées de George
Soros, le financier apatride qui ruina la livre sterling et l’Asie orientale ;
tous ces gens subvertissent la jeunesse pour la dresser contre l’autorité de
l’Etat. Pour moi, l’islamisme de ces révolutions du «printemps arabe», c’est
un nouveau bolchevisme, un nihilisme pour affaiblir les Etats arabes, ruiner le
«nassérisme».
-Le
discours sur la crise économico-financière qui frappe les pays développés ne
cache-t-il pas, à votre avis, une crise plutôt structurelle, voire de
civilisation ?
-Oui,
je vous donne raison. Pour mon ami Salim Laibi, de Marseille, j’ai préfacé sa
Faillite du monde moderne où je mets en question, comme de nombreux Français et
Européens depuis longtemps, la manière de s’endetter, de vivre au-dessus de ses
moyens, de dissiper par l’abondance d’un argent factice toutes les réalités
naturelles, les normes sociales et morales (dont cette adoption des enfants par
les homosexuels est le dernier crime. Même Platon dans l’Antiquité et Aristote
ont blâmé cette façon de faire.) La crise économique est un élément matériel,
un symptôme de cette chute de la moralité du travail, de la bonne économie.
L’Allemagne s’est mieux conduite, relativement, car la religion est, chez elle,
une science morale, et elle souffre moins parce qu’elle a gardé le sens du travail.
Je le constate en visitant mes collègues de philosophie et les écoles, en
Autriche, en Bavière, etc., en Hollande même. Voltaire a dit avec raison que le
travail éloigne de nous trois grand maux : l’ennui, le vice et le besoin. La
crise mondiale est une conséquence de cette diminution de l’idée de
civilisation, de moralité, et cela jusque dans l’art. Cette crise forme un
tout. C’est ce que l’on appelle une crise de civilisation, dont de nombreux
esprits avaient parlé. Je le savais, jeune étudiant, mais c’est depuis 1968,
après la chute de de Gaulle, favorisée, vous le savez, par les sionistes de
chez nous qui sont puissants, qui voulaient se venger de l’attitude du général
en 1967, que le pays s’est mis à perdre sa puissance et à s’endetter. Avec
Mitterrand, la facilité l’a emporté. Aujourd’hui, nous attendons la crise et de
nombreuses personnes, avec raison, investissent dans les métaux précieux.
-D’aucuns
estiment aujourd’hui, en Occident, que l’islam peut constituer une menace pour
la démocratie et la modernité, mais tout en encourageant une certaine forme
d’islamisme dans les pays du Sud. Cela reflète-t-il, à votre avis, l’opinion de
la majorité en Europe ?
-La
majorité en Europe n’est pas contre l’islam comme religion, car la religion a
perdu de son influence au profit du matérialisme, et ce qu’on appelle le
judaïsme, c’est une pancarte pour soutenir l’entité sioniste ; l’islam est bien
sûr en train de gagner une partie de la jeunesse européenne, non immigrée,
surtout dans les couches cultivées, car l’islam est une culture, ce n’est pas
une secte, mais une idée plus stricte de Dieu. L’islamisme dont vous parlez est
une caricature, comme le fameux voile porté par à peine 2 000 femmes en France,
je veux dire la burqa. On en fait un épouvantail pour favoriser une atmosphère
de guerre civile, le jour de la crise économique ouverte, et surtout pour
désorienter la jeunesse musulmane issue de l’immigration qui est délaissée par
les anciens pieds-noirs encore aux postes de commande et le lobby sioniste très
enragé contre les Arabes. C’est pourquoi le Qatar, avec son argent, est bien
vu, il monte les jeunes musulmans en France... contre la Syrie et l’Iran, on
veut former une «légion étrangère» au service des Etats-Unis ; c’est ce que
dit notre collègue américain Alex Jones et il a raison. Qu’il y ait de
l’islamophobie en Europe, non. L’islam est respecté et respectable. On dit même
que nous avons des jeunes gens engagés en Syrie contre le gouvernement légal de
Bachar Al-Assad.
-Le
débat sur l’islam en France semble réduit à quelques stéréotypes, voire à des
thèmes polémiques (l’affaire Merah par exemple). Il est devenu l’apanage d’un
cercle connu dans les médias. Pensez-vous, franchement, que le lobby «pro-sioniste» empêche, comme on le laisse entendre, l’existence d’une
pluralité d’opinion sur ce type de questions ?
-Oui,
nous l’avons vu ici. Pendant des années, certains Français se demandaient avec
inquiétude si l’on pourrait donner du travail et si l’on instruisait bien toute
la jeune génération, surtout algérienne et marocaine, née sur le sol français.
Moi-même qui ai, tout adolescent et jeune homme, lutté contre le mensonge de
l’«Algérie française» et surtout les socialistes, comme chez vous Lacoste «ministre de l’Algérie», qui refusaient toute identité algérienne, je voyais
cette nouvelle jeunesse déculturée, méprisée dans les écoles par des cadres
laïques qui ont persécuté les filles avec l’interdiction du voile. Nous étions
alors traités de réactionnaires, et aujourd’hui, ce sont ces mêmes enfants et adultes
de l’immigration qui sont caractérisés par les hommes politiques et les médias
«maçonnisés» comme des ennemis potentiels, un danger islamiste. Les anciens
prétendus amis du peuple de l’immigration comme Harlem Désir et Julien Dray –
par ailleurs amis d’Israël – deviennent les ennemis de ce peuple. Vous avez
raison de parler de stéréotypes. Netanyahou est venu à Toulouse là où Merah
aurait tué les enfants (car rien n’a été prouvé puisqu’il a été tué), ce fut
une manifestation de solidarité avec l’Etat d’Israël, et l’on confond
antisionisme et antisémitisme. Nous sommes, nous Français, dans un orchestre
dont le chef est israélien ou maçonnique. Exactement ce que vos parents ont
connu en Algérie. C’était ça le cadre de la colonisation. Il y a une «police
de la pensée». On n’ose pas parler ouvertement. Mais ceci aura une fin. Dieu
ne permet pas à l’injustice de durer, il ne la laisse que pour découvrir les
âmes mauvaises.
-Directement
ou indirectement, l’Algérie revient toujours dans ce genre de débats en France.
On parle d’une «incommunicabilité» entretenue entre les deux pays, à cause du
contentieux historique. Qui devrait, à votre avis, faire plus de concessions à
l’autre ?
-Oui,
cette question algérienne – comme d’une certaine façon un certain contentieux
franco-allemand – subsiste. Cette incommunicabilité est entretenue d’abord par
les nombreux Français qui ont dû quitter l’Algérie, ils sont venus avec leur
ressentiment, transmis d’une génération à l’autre. Je crois – c’est une opinion
philosophique – que la demande de réparation, ou les grands mots sur la
reconnaissance des fautes commises, est inutile, même si je comprends
l’attitude des hommes politiques algériens, parce que c’est soulever une
polémique sans fin. Ici, en France, très peu de gens connaissent l’histoire de
la colonisation algérienne, très peu je vous l’assure. Ce qu’il faut, c’est un
effort de la part de l’Algérie pour tourner la page, et fixer l’attention des
Français sur leurs responsabilités présentes, et surtout de se développer, pour
convaincre par l’exemple. Le débat est faussé, parce que ce ne sont pas de
vrais Français qui sont à la tête du pays – nous ne sommes plus à l’époque de
de Gaulle ou de Couve de Murville, ni de Pompidou ou Giscard. La France est, en
période de crise, xénophobe, elle croit que le mal vient de l’extérieur, et non
d’elle-même. Elle doit faire un effort de conscience, l’Algérie aussi, mais ce
sera lent et il ne faut pas brusquer un pays qui se porte moins bien qu’avant,
comme l’a fait remarquer l’ancien excellent chancelier allemand Schroeder, et
surtout mettre en garde les jeunes issus de l’immigration contre le piège
grossier du wahhabisme nouveau qui sert toujours les mêmes intérêts, hier
britanniques contre l’Empire ottoman qu’on voulait affaiblir, aujourd’hui
américano-sioniste contre les héritiers du nationalisme arabe nassérien, etc.
Je crois que de Gaulle – dont le père enseignait la philosophie (c’est la seule
chose brève qu’il m’ait dite en 1969 par téléphone) – eût approuvé mon
sentiment. Vive l’amitié franco-algérienne !
Entretien
réalisé par Rafik Mahmoudi
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