Les réformes politiques promises et l’«ouverture » qui pourrait en découler attisent les appétits. La mouvance islamiste compte bien en tirer profit en se replaçant sur l’échiquier politique.
En affirmant que les partis nouvellement créés avaient des chances de prendre part aux prochaines échéances électorales, le ministre de l’Intérieur ressuscitait de vieilles ambitions et relançait la compétition dans un courant miné par des luttes de leadership. Figure charismatique de la mouvance islamiste, Abdallah Djaballah, qui annonce la création d’un nouveau parti politique, ouvre ainsi la course et donne le la. Il aura face à lui El-Islah et Ennahda qu’il connaît de l’intérieur et pour qui les élections auront valeur de test, le MSP qui semble être à la croisée des chemins. Tous devront compter avec les «nouveaux» arrivés sur le terrain de la compétition politique. Les dissidents du MSP comptent peser de tout leur poids tandis que les responsables des partis non encore agréés croient en leurs chances.
Nawal Imès (Le Soir d'Algérie)
IL SE POSE EN RASSEMBLEUR
Et de trois pour Djaballah
Fondateur d’Ennahda duquel il fut évincé par une faction menée par Lahbib Adami, Djaballah avait alors créé El Islah où, sous la direction de Djahid Younsi, il connaîtra le même sort.
Candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2004 avec un score de 4,8%, il n’abandonne cependant pas son vieux rêve d’être le représentant légitime du courant islamiste. En lançant son nouveau parti, le Front pour la justice et le développement (FJD), Djaballah affiche clairement ses ambitions : «Je ferai le maximum de concessions, sans poser de conditions, pour unir les rangs de cette mouvance et j'y crois», disait-il fin juillet aux militants de sa nouvelle formation politique. Le ton est donné. Djaballah revient sur la scène politique après d’amères expériences où il a pu vérifier que le charisme à lui seul ne pouvait être garant de l’ascension dont il rêve toujours. En annonçant la création d’un parti «qui militera pour une Algérie démocratique et sociale» qui s'inspire du Coran, des hadiths et des expériences réussies des autres pays, Djaballah n’a pas résisté à la tentation de faire un appel du pied à ses anciens compagnons pour, dit-il, contribuer à la construction du nouveau projet. Pour les rassurer, il leur dira que le temps de la légitimité historique est révolu et qu'il ne reste que la légitimité qu'octroient les militants à leurs leaders. Il demandera à ceux «qui ont la conviction que le pays a besoin d'une réforme profonde, globale et rapide» de le rejoindre, affirmant que le Front pour la justice et le développement «ne constitue un danger pour personne ni pour aucun parti». Réaliste, il déplorera néanmoins l’absence de ses anciens compagnons de route. Un signe qui ne trompe pas sur la division qui continue de miner la mouvance. Résigné, Djaballah se lance néanmoins dans la compétition avec un objectif affiché : retrouver sa place de leader.
N. I.
El Islah et Ennahda sur la corde raide
Très faiblement représentés au Parlement, Ennahda avec 5 députés et El Islah avec seulement trois, les deux formations politiques peinent à peser sur le débat.
Minées par des dissensions internes, elles ont passé plusieurs mois à se déchirer avant de retrouver un semblant de sérénité pour se concentrer sur l’essentiel. Créées par Djaballah, depuis évincé, les deux formations politiques qui ambitionnaient à elles seules de cristalliser l’électorat islamiste devront aujourd’hui se remobiliser pour ne pas tomber sous le coup de l’article exigeant un seuil de représentativité de 4% pour espérer prendre part à des élections. Pourtant, au départ rien ne prédestinait les deux formations à une telle traversée du désert. Elles avaient réalisé des scores importants avec plus de trente sièges chacune à l’Assemblée populaire nationale en 1997 pour Ennahda et El Islah au lendemain de sa création. Que s’est-il passé depuis ? Les luttes de leadership ont fini par laminer leurs bases. Le départ forcé de Djaballah d’Ennahda a eu raison du parti qui, après une longue bataille juridique, tente de regagner le terrain. Même expérience à El Islah au sein duquel Djaballah a fait face à des résistances ayant mené à son départ. Des turbulences qui ont éloigné les deux formations de leurs bases respectives. Un électorat fortement courtisé par d’autres partis de la mouvance islamiste qui tenteront certainement de transformer leur penchant et leur sympathie en voix. Djaballah, qui vient de lancer son parti politique, ne cache pas son intention de ratisser aussi large que possible. Il a d’ailleurs lancé un appel sans ambiguïté aux sympathisants du courant islamiste à rejoindre son parti. La bataille pour les voix s’annonce aussi rude qu’elle l’aura été pour la présidence des deux partis politiques islamistes qui ont fini par connaître un naufrage.
N. I.
APRÈS LE DÉPART DE SES FIGURES EMBLÉMATIQUES
Quel rôle pour le MSP ?
De plus en plus «coincé» dans une Alliance présidentielle dans laquelle il peine à se réaliser, le parti d’Aboudjerra Soltani fera face aux prochaines échéances électorales privé de plusieurs de ses figures emblématiques qui ont claqué la porte du parti pour en créer un nouveau.
Menés par Ahmed Dane et Abdelmadjid Menasra, un nombre non négligeable de personnalités jadis incontournables, a fait le choix de tourner le dos à Soltani. Après des années d’une lutte sourdre, ils dénonçaient la trajectoire que prenait le parti, estimant qu’il s’éloignait des idéaux de feu Nahnah. La scission devenait alors inévitable. Vidé de ses cadres, objet de critiques émanant de l’intérieur, le MSP a tenté de se maintenir à flots en alternant mauvais et bons points à une alliance qu’il ne se résout pas à quitter. En multipliant les déclarations au sujet d’un retrait plus qu’hypothétique de l’Alliance, Soltani n’a fait que confirmer une fois de plus qu’une telle décision n’est pas près d’être prise. Le numéro un du MSP claironnait que le Madjliss Echoura tenu en juillet s’annonçait décisif et que la question du retrait de l’Alliance sera au cœur des débat. En lisant et en relisant les conclusions du conclave, aucune trace d’une décision à ce sujet. La question a savamment été éludée. Le MSP affrontera visiblement les prochaines échéances électorales en étant toujours membre d’une Alliance présidentielle en panne d’initiatives. Le MSP fera auparavant face à une étape décisive. Il devrait tenir en 2013 son cinquième congrès. Un test de vérité pour Soltani contesté de plus en plus et accusé de ne plus être fidèle à la ligne du parti. Des accusations qui avaient fini par pousser le groupe mené par Menasra et Dane à claquer la porte du MSP pour créer le Mouvement pour le changement. Une formation qui compte elle aussi peser dans les débats. Comment se fera le partage des rôles ? La nouvelle formation des anciens du MSP tentera-t-elle de séduire les sympathisants du MSP ? Si des deux côtés, on affirme que la scène politique est suffisamment grande pour faire de la place pour tous, il est à parier que les jeux de coulisses feront rage entre frères ennemis…
N. I.
Le Soir d'Algérie, 08-08-2011
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