samedi 3 septembre 2011

Le drame syrien : Israël pourrait s’immiscer


Par Lyes Akram 


Sur le sectarisme dans le monde musulman
Si au Maghreb le sectarisme est marginale, compte tenu de la composition religieuse des populations, et ce sont le tribalisme et le régionalisme qui constituent les dangers réels, les ravages du sectarisme (et du confessionnalisme) ailleurs dans le monde musulman sont démesurés. La République Islamique d’Iran est un exemple d’un régime confessionnel qui ferme toutes les portes aux sunnites et autres adeptes de toutes les doctrines religieuses hormis le chiisme duodécimain. Pis encore, les harcèlements des populations adeptes de ces croyances minoritaires – minoritaires et non marginales – vont en outre du domaine administratif et touchent même à la vie privée des gens, leur intimité profonde.
Le Liban est un autre exemple. Dans ce pays, que l’on dit démocratique, et il l’est plus que tout autre entité arabe, c’est le confessionnalisme hérité de la France coloniale qui a permis aux germes démocratiques de subsister. Cependant, malgré qu’il puisse paraitre, paradoxalement, comme une exception à préserver, la raison impose l’abrogation pure et simple d’un tel système où la majorité de la population, cette fois les chiites, n’a pas droit d’élire un président qui serait sorti de ses entrailles, ou même un premier ministre. Le Liban n’est donc pas une démocratie, dans la mesure où celle-ci permit effectivement à une minorité politique de devenir une majorité (j’ai bien dit politique). Toutefois, malheureusement, on ne raisonne pas encore dans le monde arabe et musulman en termes politiques…
Le confessionnalisme et le sectarisme ruinent la vie politique et sociale là où ils sont présents et maintenus par des suppôts de ceux qui ont délabré, hier, les nations arabes ; ils gâchent toute tentative d’édification sociale sérieuse par les vrais patriotes ; et, surtout, ils sapent détruisent les volontés d’émancipations des populations opprimées, comme on le voit si clairement dans certains pays avec « l’éveil arabe » actuel.
Aujourd’hui le peuple syrien est proie à une répression criminelle sauvage. On peut dire à raison que le régime syrien tyrannique a déclaré la guerre contre sa propre population puisque c’est par l’armée qu’il réprime, et non la police. L’armée, restée dans les casernes pendant des décades alors que le plateau du Golan est annexé par Israël, officieusement depuis 1967 après la défaite des Arabes dans la guerre des six jours, et, comble de l’arrogance israélienne, officiellement en 1981, cette armée-là est aujourd’hui le fer de lance de la répression criminelle du peuple syrien qui montre journellement ce qu’est la bravoure et l’amour de la patrie, mais aussi l’amour de la liberté, ce sans quoi la vie n’a plus de sens.
En outre l’implication de l’armée dans la répression, il y a des structures criminelles, autrement plus sanguinaires, qui participent dans les massacres et les tueries des populations syriennes civiles et pacifiques. En Syrie, on les appelle ‘‘Chabiha’’. C’est un mot d’arabe vernaculaire syrien, qui signifierait ‘‘super fantôme’’ : des structures illégales et criminelles créées par un cousin du despote syrien, composées de milliers de criminels armés et entrainés, particulièrement cruels, qui dominaient avant le soulèvement populaire la vie du peuple – mainmise sur l’importation et aussi le trafic de tout ce qui se vend – et qui semaient la peur… Et depuis le début de la révolte, c’est cette structure qui est responsable de la majorité des exactions inhumaines commises par le régime syrien. Le peuple syrien, preux, n’a pas l’intention de céder. Car, avant tout, ce ne sont que des droits essentiels à la vie humaine digne qu’il revendique. Pourquoi alors le régime syrien poursuit ses boucheries alors que la majorité de la population a affirmé sa volonté d’en finir une fois pour toutes avec la tyrannie criminelle et de le faire pacifiquement ?
On peut trouver une réponse à cela. Pour ma part, je crois ne pas me tromper si je dis que c’est le sectarisme du régime qui fait qu’il poursuivra encore la répression. Le régime syrien se prétend laïque, mais la vérité est tout autre.
90% des syriens sont musulmans, dont 78% des sunnites. Le régime est cependant dominé par les alaouites, démographiquement très minoritaire, qui, avec le leurre du panarabisme séculier qui a séduit le siècle dernier des dizaines de millions d’arabes et de Syriens, ont pu, peu à peu, disposer de tous les appareils de l’Etat.
Si c’était cela la laïcité… J’espère que l’éveil arabe actuel aura aussi corolairement corrigé ce genre d’aberrations.
Pour rappel, c’est la France coloniale qui a divisé suivant les confessions la Syrie, et a même créé, entre les deux guerres mondiales, un Etat alaouite. Puis, avec les indépendances, après quelques péripéties,  le Baath devint une force politique d’ampleur dont les piliers sont le socialisme, le nationalisme panarabe et le sécularisme. Bientôt le temps aura prouvé qu’il était surtout un mirage. Massacrer son peuple n’est pas étranger au régime syrien, à l’exemple du carnage de Hama en 1982 où plus de 25 000 sunnites sont massacrés.
Pour se rapprocher des Arabes sunnites qu’il tue, le régime syrien nie officiellement l’existence des autres ethnies (Kurdes…) sans crainte des conséquences ultérieures sur l’unité du pays. Mais aussi, il joue la carte palestinienne. La cause des Palestiniens est devenue un enjeu politique d’ampleur en Syrie. Le régime se dit donc « résistant » car il n’a pas d’accord de paix avec Israël – cette résistance est certes relative, le Golan que nous avons évoqué en est la preuve. En dessus de cela, le régime a engendré une bureaucratie monstrueuse qui a fait qu’une sorte de classe moyenne improductive composée de fonctionnaires puisse exister et lui reste quelque peu fidèle.
Mais, puisque sectaire, le régime a des soutiens dans la région. En effet, Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah, toute honte bue, n’a pas hésité de soutenir le régime syrien et a même osé appeler le peuple syrien à baisser les bras. Son argument fallacieux est facile à deviner : c’est le seul régime arabe résistant !
Puis l’Iran aussi soutient le régime criminel.
Le sectarisme musulman, comme tout autre, obnubile et ne permit ni à la raison ni à l’objectivité de prévaloir dans des jugements aussi importants comme le soutien d’un peuple opprimé. L’opinion publique dans le monde arabe ignore souvent que les alaouites sont une secte du chiisme. La relation entre le Hezbollah, l’Iran et la Syrie est avant tout une solidarité intra-chiite. Et c’est cela qui fait que l’Iran condamne la répression des manifestants au Bahreïn sans souffler le moindre mot sur les Syriens dont des milliers sont morts. Et, pour tout dire, la répression au Bahreïn(1) est elle-même un fruit amer cette fois du sectarisme sunnite, qui est aussi exécrable que le sectarisme chiite. Au Bahreïn, c’est une coalition des armées des pays du Golfe qui a écrase les manifestants pacifiques, la majorité du peuple étant chiite et la dynastie régnante sunnite comme les autres dynasties des pétromonarchies.

Une potentielle ingérence israélienne
Toute cette atmosphère infernale et diabolique née du sectarisme ne va en profiter ni aux régimes ni aux peuples de la région. Mais bel et bien à l’ennemi désormais traditionnel. Toute cette division bloque les initiatives qui pourraient faire évoluer la situation dans le monde arabe et musulman et, on le constate quotidiennement, du statuquo actuel un seul gagnant en sort : Israël. Confronté lui-même à de grandes contestations sociales intérieures à  cause de la cherté de la vie et notamment de l’immobilier, Israël est actuellement imprévisible. Avec la demande de reconnaissance d’un Etat Palestinien, les derniers développements après l’assassinat de militaires égyptiens au Sinaï après l’attentat commis en Israël, tous ces facteurs rendent la situation de plus en plus complexe. Le soutien israélien du despote égyptien était criard : un journaliste est allé même à demander de baptiser une rue au nom de Moubarak.  Quant à la Syrie, un pays qui n’est pas sans importance aux yeux des stratèges israéliens, la situation n’est pas si évidente. Si Assad était regardé comme ennemi officiellement et la Syrie sous son régime faisant partie de « l’axe du mal », l’actualité montre qu’il en était surtout autrement.
A travers cet article, je veux prévenir du plus grave des scénarii de la suite de la crise en Syrie. Beaucoup se dit dans les milieux intellectuels israéliens. Dans la presse israélienne, un article particulier, passé complètement sous silence dans le monde arabe, a retenu mon attention sur la situation actuelle, résultante de ce qu’il convient d’appeler « l’éveil arabe », et non printemps ou révolution…
« …Parmi les conséquences de ce soulèvement [arabe], certaines sont nuisibles à Israël : les masses sunnites ne veulent plus des dictateurs comme Hosni Moubarak qui signent des traités de paix avec l'Etat hébreu », a écrit John Myhill dans une contribution publié dans le Jérusalem Post, le 17 aout dernier(2). Ensuite, l’universitaire israélien poursuit en expliquant que : « Certes, la révolution syrienne est née sous la bannière de ‘‘la démocratie’’, et les médias internationaux la présentent naïvement encore comme telle. » Il y a là une insinuation que les Syriens ne se révoltent pas contre la tyrannie. Mais, écrit John Myhill, « c'est parce que les sunnites abhorrent les ‘‘infidèles’’ alaouites qui se sont emparés du pays. Et ces derniers sont terrifiés à l'idée d'un coup d'Etat des sunnites, qui ne manqueraient pas de programmer aussitôt leur perte. Les sunnites représentent 70 % de la population mondiale syrienne, les alaouites seulement 12 %. Le parallèle avec le génocide au Rwanda de 1994 n'en est que trop frappant. »
Ce qui frappant en effet, c’est de faire le parallèle alors qu’il n’y a rien dans l’actualité qui présage une telle éventualité. Cela dit, les 12% ne sont pas seulement les alaouites mais aussi les druzes et autres minorités.
John Myhill n’y va pas par quatre chemins. Confiant en son analyse, le reste de son développement est réellement …frappant.
« Il est clair que alaouites et chiites ne peuvent plus faire diversion en faisant passer Israël pour la cause de tous leurs maux. Les alaouites ont appris la leçon et les chiites libanais, qui leur ont déjà envoyé de l'aide, l'assimileront assez tôt. Représentant un total de 3,5 millions seulement, ils se rendent compte qu'ils sont entourés par les 15 millions de sunnites syriens et libanais, qui ne seront plus dupes bien longtemps.
« Alors que la guerre civile bat son plein en Syrie, les Alaouites n'auront d'autre choix que de retirer leur bastion montagneux au nord-ouest et faire appel à une aide militaire qui les protégera et les aidera à établir leur propre Etat là-bas (comme ils l'ont en vain demandé aux Français dans l'entre-deux guerres). »
Puis, voilà le genre d’argument qu’il présente :
« Ayant personnellement côtoyé des alaouites, je sais qu'ils ont déjà commencé à discuter de la possibilité de faire appel à Israël. S'ils le font et que la communauté internationale ne leur porte pas secours, il n'est pas exclu qu'Israël intervienne en faveur des alaouites, et dans la foulée de leurs alliés chiites, qui se retrouveront eux aussi en difficulté. Le résultat serait la formation d'un bloc d'États du Levant occidentaux qui partageraient un intérêt commun : éviter une domination sunnite. »
Fier de sa proposition, John Myhill se félicite :
« Pour la première fois, Israël aurait un Etat allié réel dans la région, et non plus seulement des traités de paix de pacotille. C'est certainement une meilleure option plutôt que de laisser les sunnites de Syrie massacrer les alaouites et établir un Etat fantoche au Liban. »
Et, bien évidemment, il y a aussi la volonté de maintenir le statuquo, qui, comme je l’ai écrit ci-haut, n’en profite qu’à Israël. L’universitaire israélienne finit son article : « Car après avoir éliminé les alaouites et les chiites, ils [les sunnites] auront tout le loisir de concentrer l'énergie qu'il leur reste contre les Juifs. » Par « Juifs », il veut dire l’entité sioniste.

Ce thème est certes capital ; les lignes que vous avez lu, je les ai écrites ce matin, le 03 septembre 2011, et j’avais même mis le point final, et voilà que le journal arabophone Al-Quds al-A’arabi affirme dans son édition d’aujourd’hui qu’un certain Ephraim Maroun, ancien responsable du MOSSAD israélien, aurait affirmé dans ses mémoires que les services israéliens avaient en effet planifié l’émiettement de la Syrie et du Liban et la fondation, sur les décombre de ces deux Etats, d’autres micro-États confessionnels et antagonistes(3). On lit dans l’article que dans les années 1950, il y avait eu des fuites de ce plan et un journal indien anglophone avait publié un article sur le sujet avant qu’un autre journal syrien ne le traduise et n’alerte ainsi l’opinion publique et par conséquent les services syriens. Le lecteur est en mesure d’évaluer l’importance de ce thème. Et dans le présent, la version moderne du plan ancien du MOSSAD est certainement la question alaouite.

Pour que les alaouites, que je n’ai pas côtoyés, puissent commettre une immense et irrationnelle erreur, il faudrait qu’ils seraient par surcroit aveugles. Car, la situation des Arabes en Israël, plus de 20% des citoyens, pitoyable, n’augure pas un bon avenir aux alaouites sous protection israélienne.
Maintenant, alors que l’on sait que cette éventualité catastrophique est considérée en Israël, qui est Etat paria localement et qui risque de le devenir internationalement dans le cas de la reconnaissance d’un Etat palestinien – ce qui augmente les chances que se réalise cette éventualité – comment vont réagir les Syriens, mais aussi les autres peuples et Etats Arabes ?

Enfin, il convient que je finisse mon propos par un constat. Si cette catastrophe se réalisera, elle ne le sera pas principalement à cause d’une intervention israélienne, mais c’est d’abord la faute au sectarisme arabe. Et pleurer et s’apitoyer sur son sort ne règleront certainement pas le problème. J’espère que triomphe chez les alaouites Syriens la raison et la sagesse.

Par Lyes Akram 

Notes de renvoi
(1)- Voir le documentaire d’Al Jazeera sur le Bahreïn :
(2)- Lisez l’article de l’universitaire israélien :
(3)- En arabe : « Un ancien officier du MOSSAD révèle dans ses mémoires qu’Israël avait planifié l’émiettement du Liban et de la Syrie pour construire des Etats confessionnels et rivaux », vous pouvez lire cet article sur mon blog :

4 commentaires :

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