lundi 19 septembre 2011

Face à un pouvoir politique passif : Inquiétante poussée du salafisme en Algérie


Par Mehdi Bsikri

Le pouvoir promeut-il la doctrine salafiste pour se prémunir contre toute tentative de soulèvement populaire ? Par l’intermédiaire d’imams exposant des hadiths portant interdiction de la désobéissance (el khouroudj min waliyi el amr), les prêches du vendredi ne sont plus éducatifs. Cela ressemble plus à un discours pour aliéner et restreindre la réflexion. Depuis l’éclatement des révoltes populaires en Afrique du Nord, avec pour conséquences la destitution des tyrans Ben Ali et Moubarak, et plus tard, avec l’appui de l’OTAN, la fuite d’El Gueddafi, les lieux de culte en Algérie sont devenus des endroits hypnotiques.
La majorité des imams appellent à l’accalmie, mais surtout à l’obéissance du «prince». Ces imams, fonctionnaires du ministère des Affaires religieuses, semblent avoir été contraints d’exécuter à la lettre des instructions venant de haut lieu. Alger, la capitale, qui a enregistré le plus grand nombre d’émeutes depuis le début de l’année, voit certaines de ses mosquées se transformer en tribunes appelant à ne pas investir la rue, quel que soit le motif. Au lieu de distinguer entre le religieux et le politique, les imams sont devenus les relais d’un pouvoir qui n’a pas su gagner la confiance de son peuple, à force de promesses non tenues et d’annonces sans effet. 
Vendredi après vendredi, nous avons analysé le contenu des prêches dans différentes mosquées. Le contenu des prédications est surprenant. Au fil des semaines, les prêcheurs évoquaient plus un chaos pouvant survenir après une émeute, à l’exemple de l’appel lancé sur facebook pour une révolte le 17 septembre. De la manipulation en tout lieu. Bien entendu, les imams se référant à des récits coraniques et à des hadiths de plus de consistance ou l’interprétation très générale. 
En février dernier, l’imam de la mosquée de Bir Mourad Raïs a étonné les pratiquants. Il a cité un hadith dans lequel le prophète Mohammed aurait appelé à la patience, si el hakem (comprendre par là le chef d’Etat) est un tyran ou un despote. Dans la foulée, ce même imam affirme : «Quand un policier ou un gendarme vous frappe, entre de force dans votre maison, tabasse votre femme ou votre mère, il ne faut rien faire.» Cet homme de «religion» est-il réaliste en adressant un tel message à des Algériens ? N’a-t-il pas idée de leur tempérament ? Simple question. Dieu et Son Messager, le prophète Mohammed, veulent-ils que les musulmans vivent dans un environnement où règnent autant de maux créés par les régimes totalitaires ? La décadence, l’injustice, le détournement de deniers publics, la marginalisation des compétences sont légion dans les pays arabes, y compris en Algérie. Incontestablement, la réponse est non. Omar Ibn Khatab, second calife après Abu Bakr, répétait souvent que l’Islam a fait sortir les Arabes des ténèbres. Instrumentaliser la religion musulmane a toujours été pratiqué par les dynasties et les régimes arabes. Chez nous, les mosquées sont devenues des locaux d’abrutissement. Reste à se demander dans quelle optique travaillent les instances religieuses officielles. Religieusement parlant, le président de la Ligue mondiale des ulémas musulmans, cheikh Youcef El Karadaoui, même s’il n’est pas tout à fait crédible pour certaines questions, révèle que des hadiths «pauvres» sont exploités par des régimes pour droguer et endormir les peuples. Le but recherché est de tuer, dans l’œuf, les révoltes populaires naissantes. 
Il est utile de souligner qu’il existe une filière dans les études consacrées à la religion musulmane. En effet, «la science du hadtih» est un vaste champ universitaire qui classifie les paroles du Prophète : hadiths authentiques (les Sahih d’El Boukhari et de Mouslim, qui sont des textes de référence après le Coran), les hadiths sur lesquels les point de vue des ulémas convergent, et les hadiths dits «dhaâif», c’est-à-dire non authentiques et non authentifiés et parfois relatés par des gens que le Prophète a appelé «les menteurs». Le courant salafiste applique à la lettre les hadiths de nature authentique ou pas, y compris ceux qui n’ont jamais été attribués au Messager de Dieu. Dans ce cadre, il faut noter qu’il y a deux courants de pensée majeurs. L’école de l’interprétation et l’école du hadith. La première voudrait d’abord comprendre, interpréter dans son environnement propre, tandis que la deuxième voudrait aveuglément l’application de la parole prophétique, sans passer par un débat entre ulémas. Raison pour laquelle les salafistes s’intéressent au détail, comme l’interdiction de se raser la barbe ou de porter des pantalons qui dépassent la cheville. Pour eux, tout bidaâ conduit en enfer. 
Les 4 écoles du sunnisme ont longtemps favorisé l’ijtihad durant les premières décennies de leur apparition. Le champ de réflexion a été restreint depuis l’avènement d’Ibn Theymia. A l’époque contemporaine, le salafisme a été propagé à coup de pétrodollars par le royaume wahhabite dans les contrées musulmanes. L’un des ulémas du malékisme encore vivant en Algérie, cheikh Tahar Aït Aldjat, nous affirme que les écoles du sunnisme (maléki, hanafi, chaféi) sont plus souples et plus vastes en matière d’interprétation. Le hanbali est plus figé à cause du combat mené par Ahmed Ibn Hanbal contre des hérétiques et des pseudo-philosophes, allusion faite aux muutazila. Pour cheikh Aït Aldjat, «effectivement, l’apparition du salafisme en Algérie a divisé la société. Auparavant, le peuple était uni. Il suivait les préceptes de l’école malékite. J’ai toujours pensé que des coutumes étranges sont venues non seulement de l’Occident, imitation de mauvaises mœurs, mais aussi de l’Orient dont le salafisme».

Mehdi Bsikri
El Watan l 19 Septembre 2011.

Lisez l’excellent entretien avec Sadek Slaymi, spécialiste de l'islamisme, ici.

4 commentaires :

  1. entre conneries des salafiste et missiles de l'Otan je choisi salafiste. pour information l'auteur de l'article est complétement à coté de la plaque pour ce qui en est des courants salafistes en Algérie. aussi je peux dire que les prêches du vendredi de ces derniers jours n'ont aucune relation avec quelque pression du gouvernement. on sent bien que l'auteur n'est pas objectif et c'est plutot lui qui subit une pression de la part de ceux qui étaient pour un soulèvement le 17 septembre dernier. mais le peuple n'est pas dupe contrairement à ce qu' insinue l'auteur de l’article en disant qu'il subit des attaques d'abrutissement. le peuple à dit son mot, il ne veut pas de révolution, il faut respecter sa volonté non celle d'une minorité qui veut absolument une révolution pour des raison que tout le monde connait aujourd'hui

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  2. Pourquoi faut-il choisir entre une peste salafiste et une choléra de l'otan ?
    Ceux qui ont intérêt à ce que persiste le statu quo, sont en train de semer cette idée fausse. Il n'est meme pas nécessaire que je continue, l'effet

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  3. Ce n'est pas une idée fausse Lyes ! je pense que le moment n'est vraiment pas bien choisi pour faire une révolution. il ne faut pas s'emporter. adoptons le principe du "wait and see". on à le temps de faire une révolution. mais la révolution doit etre basée sur des "idées" sinon elle échouera inéluctablement.

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  4. Avec tout le respect que je vous dois, j'en disconviens, le moment actuel est on ne peut plus bien choisi. Il faut savoir que pour Libye l'armée libyenne n'est rien en la comparant avec l'armée dz (kadhaffi a détruit la sienne de peur des putsch, dans des guerres gratuites - tchad...). Cela d'un cotée. je pense que la lecture de cet article peut aider à corriger votre vision

    http://lyesakramdz.blogspot.com/2011/09/algerie-seule-une-revolution-peut.html

    Si je me trompte, c mon humanité, toujours est-il qu'en luttant pour la démocratie, on ne peut imposer son opinion.
    Bonne lecture, repectueusement.

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