vendredi 20 janvier 2012

Les dessous de l’arrestation de Mourad Dhina

 
Par Yahya Bounouar
Arrêté le 16 janvier, dans la salle d’attente à l’aéroport d’Orly par la police française qui le suivait, Mourad Dhina, est actuellement détenu à la prison de la santé, à Paris. Il est placé en détention provisoire en vue d’une extradition. Il a pu parler au téléphone, à ses enfants et il devrait recevoir bientôt, la visite de sa famille. L’ONG Amnesty International a déjà entrepris des actions en sa faveur, notamment par l’envoie d’une lettre au gouvernement français et la prise en charge d’une équipe d’avocats pour sa défense. Un comité de soutien international est en création.
Physicien, il a obtenu son PHD aux Etats-Unis, Mourad Dhina, n’a rejoint le FIS, qu’après le coup d’Etat du 11 janvier 1992, par solidarité. Proche de Abdelkader Hachani, assassiné à Alger le 22 novembre 1999, il sera condamné par la justice algérienne en 2003, alors qu’il a quitté le pays en 1990, sans jamais y retourner à ce jour. Membre fondateur du mouvement Rachad, il est également directeur exécutif de l’ONG de défense des droits de l’homme Karama, basée à Genève.

La signature de Tertag 
Selon un membre du bureau politique de Rachad, quelques jours avant son voyage à Paris, Mourad Dhina a eu un entretien avec un émissaire du général Bachir Tertag, nouveau patron de la DSI (Direction de la Sécurité Intérieur) qui fait office de police politique en Algérie. A l’émissaire de Bachir Tertag, un pseudo-journaliste, Mourad Dhina, tout en ne fermant pas la porte à des négociations, par la force des choses, a réitéré que cela devait se faire sur la base d’une feuille de route.  Celle-ci comporte, entre autres, l’exigence d’une opération justice et vérité à propos des 200.000 morts pour déterminer les responsabilités ainsi que la nécessité de la dissolution de la police politique et la restructuration du DRS (Département du Renseignement et de la Sécurité) vers des missions de renseignements « classique» pour qu’il ne puisse plus interférer dans la vie politique civile. Les réponses de Mourad Dhina, n’ont pas été «appréciées» à Alger qui, à défaut d’arrangement, a opté pour une riposte, après l’interpellation de Khaled Nezzar en Suisse. Pour de nombreux observateurs, l’arrestation de Mourad Dhina, porte la signature du général Bachir Tertag.
La France fait la sale besogne 
A Paris, ou les militants du mouvement Rachad activent publiquement, ils ont un bureau et un studio d’enregistrement pour la chaîne de télévision Rachad TV, Mourad Dhina se rendait régulièrement. Mais depuis l’arrestation de l’ancien ministre de la défense, Khaled Nezzar, à Genève et le rassemblement organisé, par le mouvement Rachad justement, devant l’ambassade d’Algérie à Paris, les choses évoluent. Les militants se savent surveillés, tant par la police française que par les agents du DRS. Le jour de son arrestation, Mourad Dhina, a été appréhendé sans avoir effectué de formalité de police. Il se trouvait dans la salle d’attente, pour revenir à Genève, après une réunion  au cours de laquelle, le mouvement de Rachad, a décidé d’une initiative politique importante à l’adresse du régime et en direction de l’ensemble de l’opposition. Durant toute la journée, la ligne téléphonique du bureau de Rachad, ou il se trouvait pour cette réunion à Paris, ne fonctionnait pas. L’opérateur téléphonique, contacté par Rachad, avait expliqué qu’en ce qui le concernait, la ligne fonctionnait normalement. De toute évidence, Mourad Dhina, ainsi que ses compagnons font l’objet de surveillance.

Les barbouzes contre l’histoire 
Si le comportement du régime algérien ne surprend personne, tant il est dans l’ordre des choses, d’un régime autoritaire qui sait sa fin inéluctable, celui de la France est incompréhensible. La France, qui ne cache plus son soutien politique aux généraux algériens, ferait-elle, aussi, la sale besogne de surveiller l’opposition algérienne et surtout, de la museler autant que possible ? Quel intérêt a la France à participer à ce qui s’apparente à un avertissement de la part du nouvel homme fort de la police politique algérienne contre l’opposition radicale ? L’aveuglement de la France, lui fait-il oublier, déjà, que son président, Nicolas Sarkozy, est le seul dirigeant occidental qui n’est pas prêt de mettre ses pieds en Tunisie, suite au soutien accordé jusqu’au bout, à l’ancien dictateur ? La France, serait-elle, le seul pays, à ne retenir aucune leçon des bouleversements dans la région qui font que les opposants d’hier et d’aujourd’hui, sont et seront, les dirigeants de demain ? En agissant ainsi et en se transformant, à l’occasion, comme auxiliaires des basses manœuvres d’un régime aux abois – cela rappelle la proposition de Michelle Alliot Marie, d’aider Ben Ali à réprimer son peuple –, la France prend le risque, le moment venu, d’avoir à payer la facture de son soutien au régime. Et celle-ci, sera forcément salée.

Yahia Bounouar

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