mardi 9 août 2011

L'Anti-démocratie dans la pensée islamiste

« De même que je ne voudrais pas être un esclave, je ne voudrais pas être un maître. Telle est ma conception de la démocratie. » 
Abraham Lincoln

« Dans la plupart des pays, les citoyens possèdent la liberté de parole. Mais dans une démocratie, ils possèdent encore la liberté après avoir parlé. » 
André Guillois


Je crois que réagir à un article(1), fut-il court, paru au Quotidien d’Algérie est un devoir patriotique. Ne serait-ce que pour dire qu’en Algérie, une autre opinion existe. Et elle a bel et bien le droit de s’exprimer. D’ailleurs, n’est-ce pas le débat la preuve de la vitalité d’une société ?
Organe d’information du Front du Changement Nationale, front qui se veut fédérateur de toutes les énergies sincères des patriotes Algériens – sans exclusion – désireux d’instaurer un régime «démocratique» en cette terre qu’est la nôtre, le Quotidien d’Algérie a publié récemment un petit article intitulé «Pourquoi pas une démocratie musulmane?». A priori, une «démocratie musulmane» ne peut que plaire aux Algériens en particuliers, et à tous les musulmans en général. Dont l’auteur de ces lignes. N’ayant aucun problème ni avec la démocratie, ni avec l’Islam, donc «pourquoi pas une démocratie musulmane?» est une question digne d’intérêt.
Cela, en effet, implique nécessairement, qu’il y aurait une démocratie juive, chrétienne, etc. Et donc des démocraties aux teints religieux...
La question est peut-être plus intéressante si on l’a reformule autrement. La démocratie, a-t-elle besoin d’être «islamisée» afin qu’elle soit applicable en pays musulmans ?
Méditez sur ce thème si délicat (démocratie en «terre d’Islam») est l’objet de cette modeste contribution.


D’emblée donc, on voit que l’auteur de l’article, Adel H., ne craint pas, en l’utilisant, d’enlaidir et de nuire également au terme «musulman» qui inspire encore de belles et de bonnes idées , et ainsi à l’Islam, les termes «islamiste» et même «islamique» étant trop galvaudés et auraient ainsi dans l’esprit du lecteur, et c’est le cas depuis des lustres, un effet qui est assurément le contraire de celui escompté par l’auteur de l’article en question.
«Pourquoi pas une démocratie musulmane ?». Poser cette question, peut se comprendre comme insinuation que la démocratie tout court a été essayée et, par cause d’une quelconque incompatibilité, a échoué en pays musulmans. Or, on sait que ce n’est pas le cas. Depuis la mort du Prophète, la terre d’Islam était sous les règnes successifs de dynasties que l’on peut qualifier, sans peur d’être contredit, d’antidémocratiques. Si l’on admet qu’il eût des périodes de développement intellectuel et scientifique, de prospérité économique, des époques où existait une marge de liberté peu ou prou large – à comparer avec notre situation actuelle –, cela ne veut aucunement dire qu’il y avait un jour, une réelle démocratie en terre d’Islam (je donnerai ci-dessous des critères). Puis vint le colonialisme qui a tout perverti. Avec la fin de ce dernier, une tyrannie abjecte («la continuation du colonialisme par d’autres moins» pour paraphraser Clausewitz) s’est instaurée à cause principalement de la léthargie des peuples arabes et musulmans. Selon leurs goûts et humeurs, certains tyrans arabes flirtaient avec les islamistes (comme certaines monarchies du Golfe), dont les ultra-radicaux, tandis que les autres avec des laïcs (à l’image de la Tunisie dans un premier temps). Mais nul de tous ceux qui ont régné n’était démocrate.
Cet article ne prétend pas proposer une réponse satisfaisante à la question posée. Mais quelques constats seulement qui s’imposent, à la lumières des convictions de son auteur. Et il ne se limite pas dans ce qu'a été évoqué dans l'article de Adel H. J’espère que les points abordés ci-dessous ne seront pas considérés comme une agression, mais comme un point de vue citoyen.

L’anti-démocratie
Un islamiste qui se présente lui-même comme modéré (de la ‘‘wassatiya’’), a signé, l’année passée, un article(2) (donc c’était avant les révoltes : aujourd’hui son article est supprimé de son site, mais reste disponible en d’autres sites islamistes), dont le titre est fort indicateur de la pensée de son auteur : «la fitna de la démocratie» (la tentation de la démocratie), pensée, malheureusement, partagée par des dizaines de millions d’Arabes et de musulmans, dont des universitaires.
Dès la première ligne, l’auteur divise le monde entier en musulmans et infidèles.
Ensuite, soudainement, l’auteur affirme que la démocratie n’est qu’une réaction occidentale et antimusulmane à la « renaissance musulmane », entamée au début du siècle passé. Elle serait donc, selon notre frérot, une « tentation » antimusulmane. Et là, il tente de donner une « définition » à la démocratie : « c’est un système politique, écrit-il, où le peuple est gouverné par le peuple, garantit l’alternance pacifique au pouvoir, et la possibilité de contrôler les responsables à travers des parlements élus. » Mais, arrivé là, l’auteur affirme qu’il y a un autre coté de la démocratie, et c’est, selon notre frérot, ce coté qui est problématique, entendre carrément hérétique. L’auteur soutient que la démocratie : « pénètre jusqu’à la vie des gens et elle est basée sur l’agnosticisme (la laïcité) » Puis, après cet amalgame évident entre laïcité (système politique) et agnosticisme (opinion religieuse), l’auteur qui est un docteur en ce qu’on appelle « science » islamique, perdant de vue que les parlementaires dans les systèmes réellement démocratiques sont élus après avoir mené une compagne électorale où ils avaient, dans une compétition loyale, exposé leurs programmes, pousse son audace jusqu’à dire que la démocratie « impose un contrôle du peuple par une ‘‘partie’’ très réduite de ce peuple, et ce sont les élus, et, si ces derniers voulaient faire voter une loi autorisant le mariage gay, ils pouvaient le faire… » (En pays musulmans, ce pseudo-argument – mariage homosexuel – est un épouvantail très utilisé). Ce qui est le plus important est que notre auteur oublie que les mandats sont, en système démocratique, limités d’où l’alternance dont il a pourtant parlé.
Voilà donc le prototype de l’argumentaire que développent nos islamistes antidémocrates.
Il continue son « analyse » ensuite, en prévenant ses « frères islamistes » d’un « péril » qui les guettent, eux qui sont réduit à réclamer la démocratie comme les autres courants, le monde arabe étant une sphère tyrannique. Il dit : « Les prêcheurs ne se sont pas rendus compte qu’en appelant à la démocratie, cette dernière est devenue la vie et la délivrance au regard des peuples musulmans, et pour eux, elle est considérée comme la solution de tous les problèmes », puis l’homme se dit comprendre pourquoi les islamistes se disent démocrates : « parce que c’est le langage du moment », dit-il. Il s’interroge : « Où est donc le système islamique et où sont ses solutions ? » Mêlant le cynisme au sarcasme, il dénonce que : « tout le monde se dit démocrate de nos jours». Et il exhorte : « nous devons nous dire chouryouns (pluriel de ‘‘chouri’’, sujet dérivé du substantif ‘’Choura’’ ou ‘‘consultation’’) ». En guise de conclusion de son article, il affirme avec assurance : « Nous devons nous entendre à considérer la Choura comme obligatoire [religieusement] et la réclamer, et pourquoi pas la proposer au monde entier comme un système légitime, car elle a plus d’avantages que la démocratie sans avoir aucun de ses innombrables inconvénients ».
J’ai choisi sciemment d’évoquer, ici, seulement cet article. Pour gouter encore à la même cuisine, on peut trouver dans les bibliothèques islamistes des milliers de livres où l’anti-démocratie est prêchée, dont un livre(3) de centaines de pages qui a le même titre que l’article (la tentation démocratique) où l’écrivain n’hésite pas à imputer – comme c’est le cas du courant dont il un représentant – la pornographie, la prostitution, la corruption… à la démocratie (les sciences sociales qui étudient ces thèmes étant considérées comme colonialistes, donc amputés d’une grande partie, sont sans considérations). Avec toujours cette confusion entre laïcité et démocratie, comme si la Suède était une tyrannie et non une grande démocratie, avant l’an 2000 (date de la séparation d’avec l’église). Il n’est pas impertinent de rappeler ici que les pays arabes qui sont tout sauf démocratiques, sont les plus corrompus au monde (voir le rapport annuel de Transparency international(4)), et la prostitution et la pornographie sont des fléaux très répandus en « terre d’Islam », sans que la démocratie n’y soit présente. Pour la prostitution, outre les innombrables articles de journaux, notamment arabophones, qui nous rappellent quotidiennement notre amère réalité, il suffit de flâner dans certaines ruelles obscures, hormis les endroits célèbres gérés par des proches des tyrans ; quant à la pornographie, le site Alexa.com(5) fournit assez de statistiques pour que les gens lucides puissent se rendre compte que, bel et bien, les pays arabes antidémocratiques en sont rongés.
Il parait clair, à ce point, que les islamistes sont tout sauf des hommes de raison. Et cela n’est pas récent. L’histoire musulmane est jonchée d’évènements qui le prouvent(6). Et les absurdités ne concernent pas seulement l’ingérence de la religion en politique (je reviens ci-dessous sur la définition de la politique). En effet, il y a pire : un bon nombre de musulmans croient fort, outre sa complétude (qui peut ne pas poser de grands problèmes), en la scientificité du coran. Autrement dit, non seulement le coran contiendrait la solution de tous les problèmes de l’humanité, mais il serait plein de thèses scientifiques. D’où l’opiniâtreté parfois sauvage des islamistes à imposer leur vision, tout en excommuniant les autres courants intellectuels(7), dont certains islamistes dits éclairés. Donc, selon cette vision, il y a 14 siècles a été prédit tout ce que l’humanité allait (et va) découvrir. En effet, Zaghloul El-Naggar (qui est regardé par certains, dont l’auteur de ces lignes, comme un simple autre commerçant) géologue qui s’est découvert, après sa retraite, une vocation d’interprète scientifique du coran, n’hésite pas à considérer comme un manque de foi le fait de ne pas croire… en ses livres(8) ! Mais cela est un autre débat…
Le lecteur peut déduire, d’ores et déjà, que la stratégie des islamistes est un endoctrinement pur, car, toute personne suffisamment informée – ce qui est très rare dans le monde arabe – ne pourrait croire en de telles absurdités.
Bien sûr, tous les islamistes (dont l’auteur de l’article susmentionné) affirment que l’Occident veut et prie pour que les pays islamiques soient démocratiques. Ils avancent que ce sont les Occidentaux eux-mêmes qui l’admettent et le souhaitent ouvertement, depuis la fin du colonialisme. C’est, pour le moins, étonnant…
En 2005, alors en visite en Egypte, Condoleezza Rice disait que : « Depuis 60 ans, mon pays, les États-Unis, a cherché la stabilité aux dépens de la démocratie dans cette région, ici au Moyen-Orient, et nous n’avons atteint ni l’une ni l’autre. »(9)
Le lecteur est tout à fait en mesure, à ce stade, de juger lui-même.

La démocratie
Maintenant, puisque nous avons exposé très brièvement l’anti-démocratie islamiste, qui séduit des dizaines de millions de malheureux chez nous, et qui, à mes yeux, a une dimension psychopathologique, et puisque l’on nous demande pourquoi ne pas islamiser la démocratie, nous devons parler un peu de démocratie. De vrai Démocratie. Quant à la laïcité, qui, contrairement à l'idée admise dans certains milieux, n'est pas consubstantielle à la démocratie, il n'en est pas question ici.
D’entrée, on doit répondre à la question : que est-ce que une véritable démocratie ?
Compte tenu des changements et évolutions historiques, plusieurs intellectuels respectueux ont réfléchi sur ce thème. Selon le professeur américain Robert Alan Dahl, dont le travail sur ce thème est essentiel (notamment ses deux livres ‘‘Who Governs ?’’ publié en 1961, et ‘‘Democracy and Its Critics’’ paru en 1989 aux USA), une démocratie est un système politique où sont observés les critères suivants (ou les garanties institutionnelles) :
« - Liberté de former des organisations et de s’y affilier,
- liberté d’expression,
- droit de vote,
- admissibilité à une charge publique,
- droit des leaders politiques de se faire concurrence pour obtenir un soutien et des votes,
- autres sources d’information,
- élections libres et justes, et
- institutions servant à élaborer des politiques gouvernementales et dépendant de votes et d’autres expressions de préférence. »(10)
(Questions collatérales : 
Pourquoi est-ce que vouloir islamiser cela ? 
Y a-t-il un empêchement « religieux » d’appliquer cela en terre d’islam ? 
Et, surtout, quel en sera l’impact dans la vie des gens ?)
Voilà donc des critères qui me paraissent nécessaires pour affirmer l’existence d’une démocratie effective dans un pays quelconque, qu’il soit de tradition juive, chrétienne ou musulmane. Et, à mon sens, nulle entrave religieuse n’existe.
Si l’on convient que les pays arabes sont des tyrannies basées sur des systèmes oligarchiques, certains pays occidentaux développés, selon Robert A. Dahl, ne sont pas des démocraties, mais (notion dégagée par lui-même) des polyarchies (i.e. ce n’est pas, comme dans une oligarchie, une seule entité de personnes qui détient les « ressources » nécessaires pour diriger un pays – qui sont compétence, richesse et prestige selon le même intellectuel – qui est au pouvoir, mais ces ressources sont partagées par différents groupes)…

La démocratie est avant tout un système politique qui garantit le plus de liberté. Comme le dit Churchill : « En vérité, on a dit que la démocratie est la pire forme de gouvernement, exception faite des autres formes que l’on a essayées de temps à autre. »
Cela est l’enjeu principal : la liberté. Et ce qui en résulte : les droits (parler de droits c'est aussi parler  de devoirs).
Parler donc d’une démocratie musulmane revient à parler d’une liberté… musulmane !
Une question s’impose : Y a-t-il une liberté juive, chrétienne ou musulmane ? Répondre oui, revient à affirmer qu’un musulman libre, un chrétien libre et un juif libre, ne disposant pas des mêmes libertés, n’ont pas les mêmes droits (ni les mêmes devoirs d’ailleurs). Autrement dit, c’est l’abolition pure et simple de la primauté du Droit. Et c’est subséquemment la destruction intégrale de la citoyenneté, sur laquelle est basée la république, selon la « politique au sens moderne ». Il n’y aura donc plus de « citoyens » qui discutent l’organisation de leur vie, mais des « croyants » qui obéissent à leurs maîtres…
Les tenants et les aboutissants de l’affaire des caricatures insultant le Prophète ont prouvé que les musulmans, qui se sont indignés, n’ont pas cette conception de la liberté. Pour les musulmans, même les juifs et les chrétiens, les agnostiques et les athées, n’ont pas le droit d’insulter le Prophète, alors qu’aucun de ceux-ci ne croient en son Message. Cela indique que pour les musulmans la liberté est pareille pour tous. Autrement dit : les mêmes restrictions pour tout le monde. Musulmans ou pas, les gens ont les mêmes libertés individuelles et collectives donc. Et par conséquent, les mêmes droits et devoirs. Et dans un contexte d’un seul et même Etat, de cette conception découle la citoyenneté.
Pour ce qui est de mon cas personnel, à la question posée (y a-t-il une liberté juive, chrétienne ou musulmane ?), je ne réponds pas par l’affirmative. Loin s’en faut ! Ou bien il y a une liberté, ou bien elle est absente. Ni musulmane, ni chrétienne, ni juive : il y a seulement la liberté. Sans qualificatif. Et il s’agit du bien le plus cher que l’homme puisse posséder.

L’universalité de la démocratie
L’article de Adel H., qui m’a poussé à rédiger ces lignes, est remplis d’erreurs. Ou de sophismes. Je ne peux trancher. Il commence par affirmer que « La politique au sens moderne du terme est une création de l’Occident ». Vers la fin de l’article, on lit : la « civilisation occidentale judéo-chrétienne ». Le lecteur pourrait comprendre « logiquement » que la politique au sens moderne serait selon Adel H. une « création » judéo-chrétienne. Ce qui est faux.
L’émergence des Cités-Etats en Mésopotamie, qui a coïncidé avec l’invention de l’écriture en l’an 3000 avant J.-C., a eu comme conséquence la politique. Mais, la politique telle que nous la connaissons aujourd’hui, la politique « au sens moderne du terme », a été créée par les Grecs. La politique est, chez les Grecs avant même le Ve siècle, selon le philosophe Cornelius Castoriadis, « la mise en question explicite de l'institution établie de la société », donc de l’Etat et de ses choix. Ce qui, selon le même philosophe, présuppose « qu'au moins de grandes parties de cette institution n'ont rien de ‘‘sacré’’, ni de ‘‘naturel’’ » Si de nos jours d’aucuns considèrent la Grèce comme un pays occidental (étant membre de l’OTAN et l’UE), il reste que l’ancienne Grèce n’avait rien de judéo-chrétien. La politique « au sens moderne » est le fruit de la civilisation hellénique. Tout comme on doit aussi à cette dernière la démocratie, le système de gouvernance qui garantit le plus (ou bafoue le moins) la souveraineté du peuple.
Tenter de taxer la démocratie et la politique de « judéo-chrétiennes », voilà une tentative de créer un nouvel épouvantail.
Il y a aussi quelque chose de malsain, d’aberrant en le fait de refuser quelque chose à cause de son origine. Si la démocratie et la politique étaient des créations judéo-chrétiennes, alors il faudrait applaudir au génie judéo-chrétien.
Proposer d’islamiser la démocratie, et de nous sortir ainsi par un système de gouvernance dit « démocratie musulmane », revient à proposer de sacraliser ce système. Il devient ici clair quel sera la place de la critique : sacrilège. Ou du moins, la critique subira une restriction monstrueuse.

Sur la « démocratie » iranienne
Puis Adel H. cite l’Iran en exemple. Il écrit : « Le cas de l’Iran est intéressant. Après la révolution khomeyniste, les communistes et autres courants ‘‘modernistes’’ qui avaient pris une part active au processus révolutionnaire furent éliminés. » C’est vrai, en effet, ils furent… massacrés. Puis il justifie ces crimes. Il dit : « Mais on voit se former aujourd’hui deux camps au sein du mouvement khomeyniste dominant, un camp conservateur et un camp réformiste. Une fois les courants politiques considérés comme étrangers à la culture islamique éliminés [selon les critères de qui ?], les Iraniens essaient de construire le pluralisme dans un cadre purement islamique, car la société est traversée par des contradictions. » Et, il faut le dire, par cadre purement islamique, il faut entendre un cadre purement chiite, les sunnites étant dans « la démocratie iranienne » massacrés tout comme les ‘‘modernistes’’.
Toutefois, en Iran, il y a encore des modernistes, des communistes, des féministes… Mais, apparemment, en cette « démocratie musulmane », le principe fondamental de la démocratie qui stipule que la minorité politique accepte et respecte le choix de la majorité n’est plus suffisant . Il faudrait, par surcroit, que la minorité cesse toute activité politique et s’intègre dans les rangs de la majorité, qui devient ainsi une totalité. Ainsi le peuple sera « homogène » (d’où l’inutilité d’un vrai multipartisme). C’est le fameux « piège » d’une élection libre et unique. Une fois au pouvoir, en « démocratie musulmane », le parti qui a triomphé ne peut plus perdre, les autres étant « éliminés », comme le dit Adel H.
La « démocratie » de la république islamique est fort intéressante. Pour avoir une petite idée, cet évènement est révélateur du fonctionnement de la démocratie iranienne, donnée en exemple par Adel H. C’était en 2007. « Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a mis son veto à une décision prise en avril par le chef de l'Etat Mahmoud Ahmadinejad d'autoriser les femmes à se rendre dans les stades, selon des sources officielles. L'ayatollah Ali Khamenei, qui a le dernier mot sur ce genre de questions, a estimé que ‘‘l'opinion du clergé religieux doit être respectée et la décision (présidentielle) reconsidérée’’, a déclaré à la presse le porte-parole du gouvernement Gholam Hossein Elham. ‘‘Le président a dit qu'il agirait conformément aux vœux du guide suprême’’ et numéro un iranien, selon le porte-parole. »(11) 
C’est donc cela la « démocratie musulmane » dont on nous parle. Un chef suprême, qui plus est religieux, dont les opinions priment absolument sur celles d’un président « élu ».


En guise de conclusion de cette contribution, il faut dire que, présentement, les islamistes ne sont pas, en politique, des individus positifs chez nous, car ils n’ont pas de projets constructifs. Il faudra, pour le bien de tout le monde et le nôtre, qu’ils cessent de faire des propositions très peu intelligentes rien que pour quelques rétributions divines. La « pensée » exprimée dans l’article de M. Adel H. n’est pas nouvelle, et elle s’inscrit dans un registre connu. En effet, il existe, malheureusement, ici chez nous, des gens qui sont réellement obsédés par la vie de l’Au-delà et, par conséquent, devenus obnubilés, l’idée directrice de leurs actions et pensées est : comment amasser le plus de « hassanats » (rétributions) dans cette vie. Quant au développent économique et social, le bonheur des peuples, aux enfers ! Et les révoltes que vit le monde arabe aujourd’hui sont même libératrices de ces pensées. Effet collatéral ? Peu importe…
Il faut aussi admettre qu’il est infiniment plus facile, pour les islamistes, de convaincre un citoyen arabe de leurs idées, qu’aux partisans des autres courants, compte tenu du niveau intellectuel de l’individu arabe moyen. Très bas. Car, d’un coté, les premiers utilisent des arguments religieux très abstraits (garantir le paradis dans la vie de l'Au-delà, et le soutien d’Allah dans la vie d’ici-bas), alors que, de l’autre coté, les autres proposent des idées politiques (libéralisme, socialisme…) qu’on peut débattre accepter ou refuser, sans crainte aucune. Mais qui refusera le paradis ou la bénédiction divine ? Et être l’adversaire politique de celui dont le programme se résume en l’affirmation : « le coran renferme les solutions de tous les problèmes », devient un acte hérétique. Voire une apostasie.
Le développement des islamistes afin qu’ils soient des « citoyens » soucieux du devenir des Etats et des peuples, des rangs qu’occupe les pays arabes et musulmans dans le concert des nations, passera inévitablement par une phase où ils devraient comprendre et assimiler que travailler pour la vie d’ici-bas, pour qu’elle soit digne mais aussi « belle » et pour que les citoyens soient « heureux », oui heureux, œuvrer pour le développement de nos pays respectifs selon des critères purement terrestres, pour instaurer la paix à l’échelle mondiale et pour que la vie humaine ne soit plus jamais menacée à cause de considérations idéologiques, idéelles ou religieuses, tout cela est aussi importants que la prière et le jeûne. D’ailleurs il y a un propos du Prophète qui va dans ce sens. Il est dit que le travail occupe le même rang que l’adoration de Dieu (ce hadith est toutefois contesté par certains théologiens). Une démocratie tout court n’a rien qui contredit les fondements de l’Islam, religion à laquelle les adhérents ont nuit beaucoup plus que les autres, dont l’avènement était pourtant, il faut s’en souvenir, libérateur. Dans la mesure où les islamistes puissent comprendre et accepter cela de gaieté de cœur, le monde arabe et musulman bougera. Et, vers l’avant.

Par Lyes Akram

Notes de renvoi
1) – Pourquoi pas une démocratie musulmane ? Par Adel H. In Le Quotidien d’Algérie :
2)- Fitna de la démocratie (فتنة الديمقراطية) :
3)- Télécharger le livre en PDF en arabe (فتنة الديمقراطية) :
4)- Le site de Transparency international :
5)- Pour la pornographie en Algérie, dans ce lien vous trouverez dans les 100 sites les plus visités un bon nombre de sites pornographiques (à partir du 29e, selon ma consultation le 9 aout 2011) :
6)- Voir, par exemple, l’ouvrage de Malek Chebel, L’Islam et la Raison, le combat des idées. Perrin, 2006.
7)- Même entre eux, les islamistes s’excommunient les uns les autres souvent. On peut citer l’exemple de El-Kharachi, un prêcheur ultra-radical. Si certains milieux occidentaux veulent interdire El-Karadaoui de séjourner chez eux ou de prononcer des conférences, parce qu’il serait extrémiste, El-Kharachi, quant à lui, il reproche à EL-Karadaoui d’être un partisan de la… « Démocratie, qui est impie » écrit-il dans un livre consacré à la dénonciation d’El-Karadaoui !
Lien vers le site d’El-Kharachi, plein de livres où la majorité des musulmans est excommuniée :
8)- Dans ce débat de la chaine El-Resalah, où tous les invités sont des islamistes notoires, Zaghloul El-Naggar déclare : « …ne pas croire en la scientificité du coran constitue, en fait, un manque de foi ».
Voir les 77 minutes du très intéressant débat sur Youtube :
9)- Articles en anglais qui rapporte la déclaration de Condoleezza Rice (par la BBC) en Egypte :
http://news.bbc.co.uk/2/hi/4109902.stm
10)- L’Islam et la Démocratie, par le Canadian Centre for Intelligence and Security Studies, The Norman Paterson School of International Affairs, Carleton University. Lien :
11)- Article du Figaro qui rapporte cette information :

4 commentaires :

  1. Bonjour,
    Bien que je ne sois pas d'accord avec toi sur toute la ligne, je dois concéder que l'opposition islam/démocratie n'a pas de sens. Pour ma part, je considère que la vraie opposition est charia/laicité.
    Ce que je te reproche, c'est de généraliser. L'auteur du premier article cité se plaint du fait que des islamistes veulent la démocratie. Cela prouve qu'ils ne sont pas tous pareils, comme tu as l'air d'insinuer.
    Merci.

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  2. Excellent! Je retiens cette phrase "Il faut aussi admettre qu’il est infiniment plus facile, pour les islamistes, de convaincre un citoyen arabe de leurs idées, qu’aux partisans des autres courants, compte tenu du niveau intellectuel de l’individu arabe moyen. Très bas." C'est tout simplement ça, et je dirais même que 'ça' a fini par plonger toute un pays dans une profonde métamorphose. Les partisans des autres courants doivent absolument rattraper le tir.

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  3. Désolé de te contredire mais il existe bien des mouvances et des partis politiques qui se revendiquent de la Democratie Chrétienne, notamment en Italie et en Alemagne. C'est un truc hyper connu. Et aux USA, les deux grands partis se réclament de la démocratie, et de la chrétienté. C'était juste pour préciser

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  4. les islamistes ont du poids politique ,le peuple a voté pour eux et c'est ça la démocratie comme vous le dite , nous avons vu ce que ont fait les communistes , les pseudo démocrates chez nous , ils ont étés complices du coup d'état contre la victoire des islamistes , certains comme le said saadi a dit clairement qu'il préférerait les chars et pas les islamistes ou réda malek qui a dit que la terreur doit changer de camp ou certains pseudo démocrates qui ont poussés le régime à accroître la terreur contre le peuple ( ceux qui ont votés pour le fis ) , vous parlez comme des anges ???? la Turquie va très bien avec les islamistes au pouvoir , vous ne trouvez pas ??? en Malaisie ou ils ont pratiqués à la lettre les livres du penseur algérien Malek Ibn Nabi,on appelle ce pays le 2eme Japon

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