samedi 6 août 2011

La «Révolution» des Algériens

« …La liberté, bien si grand et si doux ! Dès qu’elle est perdue, tous les maux s’ensuivent, et sans elle, tous les autres biens, corrompus par la servitude, perdent entièrement leur gout et leur saveur ».
Etienne de la Boétie

« Dans la vie des sociétés, il est des époques où la Révolution devient une impérieuse nécessité, où elle s’impose d’une manière absolue ».
Pierre Kropotkine

La métamorphose : le nouveau visage du monde arabe



Ben Ali est parti. C’était un 14 janvier bien ensoleillé. La Tunisie a survécu. Mieux encore ! Elle l’a même condamné à 35 ans de réclusion criminelle. L’espoir demeure permis quand bien même, comme le soutient Ahmed Mestiri : « la contre révolution, de l’intérieur et de l’extérieur, se manifeste maintenant ouvertement, et utilise des bandes de criminels de droit commun, déguisés parfois en militants politiques pour s’attaquer aux biens et aux personnes. »(1) Pour autant, l’espoir reste permis. Car la révolution, la vraie révolution n’est pas et n’a jamais été l’affaire de quelques jours (il faut s’en rappeler : la révolution française pris une décade, de 1789 à 1799, et un siècle pour arriver à une démocratie solide), et, surtout, elle ne se résume pas en le départ d’un président ; et, un régime qui s’est consolidé durant des décades n’est pas si facile à « renverser », ni ses préjudices si simples à réparer…
Mais la Tunisie survit. Et, surtout, l’Egypte a survécu au départ de Moubarak… celui-là même qui, il y a seulement quelques années, s’est présenté comme l’«Irremplaçable», en dépit de lui. Cet homme est unique, il faut le dire. Dans une interview, Moubarak, avec cet air que très peu de gens savent faire, celui d’un « sage » penseur tourmenté par sa « conscience », n’a pas hésité à solliciter le départ de Saddam Hussein « pour sauver l’Irak »…
Dans une autre interview accordé, en 2005, à Al-arabya, Moubarak, fort de l’engourdissement des Egyptiens (engourdissement qui s’est révélé, on l’a vu, éphémère), peuple alors « domestiqué » par la plus redoutable des polices du monde arabe, et lui, le vieillard juvénile de 80 ans aux cheveux noirs, avait déclaré avec, cette fois, un air sérieux, voire grave :
« Etre président de l’Egypte c’est la volonté de tout un peuple… Si le peuple ne te veut pas président, alors peu importe ce que tu fasses, tu ne le deviendrais jamais… Et si le peuple te veut son président, même si tu veux partir ou tu le refuses, tu ne le pourrais pas… »(2).
Le « président » depuis trois décades de la grande Egypte avait donc peur pour son pays, pour son peuple et c’est pour cela, et seulement pour cela, qu’il s’est maintenu trois décades durant. Moubarak, l’altruiste ! Lui, il voulait bien prendre une retraite si méritée après 60 ans dans « le service de sa patrie » (30 ans militaire, 30 ans civil), mais il ne saurait oser le faire : les Egyptiens perdraient la raison et détruirions le pays, eux qui seraient fous amoureux de lui…
Croyait-il vraiment ce qu’il disait ? Ou se moquait-il ouvertement du monde ?…
Qu’importe !…
Seulement quelques années plus tard, des dizaines de millions d’Egyptiens se sont soulevés. Non pas pour détruire le pays parce que Moubarak aurait voulu partir. Non, loin s’en faut ! Ces dizaines de millions se sont levés de leur sommeil, sommeil éternellement intempestif ; ils se sont élevés de leur servitude, servitude toujours honteuse ; et ils se sont soulevés contre le régime, régime si pervers. Et, le paradoxe, c’est Moubarak, ses services de police et sa racaille (baltaguia) soudoyée par l’argent du contribuable qui ont détruit ou tenté de le faire. « Mirage et réalité »(3)…
Moubarak, l’altruiste. Ou Moubarak, le destructeur.
L’Egypte s’en est débarrassée. Tant mieux…
Le départ d’un « président », cependant, ne constitue guère une révolution, surtout dans le monde arabe et actuellement. Parce que, d’un coté, le tribalisme et la féodalité, qui constituent des critères de sélection dans les systèmes de gouvernance des pays arabes, font que l’entourage entier du despote, le sérail et ses ramifications multiples, soient aussi pourri que lui, si ce n’est plus. De l’autre, après de si longues décennies de tyrannie et de destruction préméditée aussi bien du pays que de l’Etat (l’exemple le plus pertinent est la Libye) par le régime, celui-ci a réussi dans les pays concernés, malheureusement, à enraciner jusqu’au fin fond de la société des mœurs autrefois contrenatures (servilité, népotisme…). Subséquemment, peaufiner une révolution serait aussi la destruction de toutes les sécrétions du régime, ce qui est, à l’évidence, loin d’être réductible dans le départ du président.
Une révolution peut s’accomplir en Egypte si le peuple reste – et il l’est pour le moment – suffisamment vigilant pour qu’il ne sera plus jamais sous les bottes d’une tyrannie, que le tyran soit civil ou militaire, séculier ou intégriste ; plus jamais asservi alors que la liberté, pour l’avoir, il suffit de la réclamer… car, après une révolution, le peuple doit devenir le maitre, et le seul, de son propre destin.
Moubarak est aujourd’hui dans une cage. Que justice soit faite !
La Tunisie a donné le coup d’envoie. L’Egypte a suivi. Le printemps arabe est toujours en marche. Les Libyens tentent toujours de se libérer du fou de Tripoli. Sanguinaire, maniaque, El Guedhaffi ne donne et n’a jamais donné à la vie humaine la moindre valeur, et à fortiori la vie des Libyens… Et c’est d’ailleurs le cas de tous les despotes arabes, pour qui, il n’y a rien de plus insignifiant, de plus futile que la vie de leurs propres peuples, qu’ils sont pourtant supposés servir !
Quant au fou de Damas, digne fils de son père, en commettant des carnages aussi sauvages, il est dans ces derniers jours : les Syriens ont parlé. Et sa « chabiha », opprobre de l’humanité, ne tiendra pas (‘‘chabiha’’ est un mot d’arabe vernaculaire syrien, qui signifie ‘‘super fantôme’’ : c’est une structure illégale créée par un cousin du despote syrien, composée de milliers de criminels armés et entrainés, particulièrement cruels, qui dominait avant le soulèvement la vie du peuple – mainmise sur l’importation et aussi le trafic de tout ce qui se vend – et qui semait la peur… Et depuis le début de la révolte, c’est cette structure qui est responsable de la majorité des exactions inhumaines commises par le régime syrien). Les jours le montrerons.
Les Yéménites vont bientôt se libérer de leur hideux tyran.
Et les Bahreïnies aussi…
Les monarchies vacillent… Qu’importe si Yasmina Khadra, laquais du régime d’Alger, pour un prix, s’élève en donneur de leçon et qualifie les manifestants Bahreïnies d’« ingrats »… Comme si la richesse dispense de la « Liberté »…
Les « Arabes », que l’on croyait en léthargie perpétuelle, bougent.
Nous sommes en aout mais c’est toujours le printemps… Printemps printanier, printemps estival ou printemps automnal, peu importe : c’est la fin de la tyrannie. Une ère nouvelle va bientôt débuter, avec comme avant-propos la chute des despotes, le crépuscule des tyrans, qui ont tant enlaidi et gâché la vie au monde arabe.
Pour la première fois depuis plusieurs siècles, les peuples Arabes ont tout à fait le droit d’avoir l’espoir d’être enfin les maitres de leur propre destin.

Le monde arabe se libère… Son nouveau visage va bientôt rayonner comme jamais ne le fut auparavant.

Le cas de l’Algérie
Et l’Algérie ? Ce jeune pays qui abrite un jeune peuple, mais dirigé par des gangs de vieillards ignares, séniles et crapuleux… Quand est-ce que la révolution ?… Pour quand la chute du régime ?… Et, la question la plus essentiel du moment : pourquoi le peuple ne se soulève pas massivement pour réclamer la fin de la tyrannie dans cette sainte terre ?…
D’aucuns croient que Tewfik et Bouteflika seront emportés par la maladie avant d’être vomis par le peuple algérien, pourtant meurtri par leurs méfaits. Ce même peuple qu’on dit, pourtant, « glorieux ». Et l’on sait bien qu’ils légueront le pays, l’Algérie, comme un bien privé à leurs sales progénitures et abjects suppôts…
Il parait, et de loin, que c’est le seul pays où le peuple n’est pas sorti pour dire au régime de s’en aller, le lui crier, cracher son visage exécrable et diabolique.
Pour comprendre l’Algérie et le peuple d’Algérie, il faut connaitre son Histoire, et particulièrement l’épisode crucial que fut l’Histoire de la Guerre de libération nationale, une guerre au terme de laquelle un peuple exsangue s’est trouvé dans une autre guerre et a vu son « indépendance confisquée », car, ainsi seulement, tant de péripéties seront éclaircies. En fait, tout cela, toute cette situation actuelle qui peut paraitre complexe, évoque, bel et bien, 1954… à ceux qui connaissent l’Histoire de l’Algérie. L’Algérie noir et blanc d’alors…


Novembre « 1954, la guerre commence en Algérie »(4)
Actuellement, les hausses de salaires et autres « concessions » du régime ne sont pas sans rappeler, avec pertinence, les quelques mois qui ont précédé Novembre 1954, où quelques uns préparaient avec une abnégation nonpareille (le jeune Didouche Mourad demanda à son père son héritage et l’utilisait au service de la patrie – achat d’armes…) le déclenchement d’une Guerre libératrice, qui s’est révélait atroce et où des centaines de milliers d’Algériens ont péri, alors que le peuple, dans son écrasante majorité, « dormait » jusqu’à faire réellement croire à quelques administrateurs Français qui s’y intéressaient que, contrairement aux Tunisiens et aux Marocains (alors en pleine guerre contre la même France), « les Algériens sont heureux », « ils nous sont fidèles », « ils sont fidèles à la France », hormis quelques « perturbateurs », quelques « agitateurs », quelques « fauteurs de troubles »…
Pourtant, nos preux aïeux ont opposé aux colonisateurs une vaillante résistance.
Pourtant, c’est en Algérie que la colonisation était « totale », une colonisation de peuplement, réellement destructrice, sans merci, meurtrière.
Pourtant, c’est en Algérie où la colonisation avait duré le plus, ruiné le plus.
Pourtant, c’est en Algérie que les Algériens mourraient le plus de faim et d’épidémie…
Et c’est en Algérie où l’ignorance gangrenait le plus…
Pierre Mendes France vient. Un socialiste.
Ainsi, quelques mois avant Novembre, les ouvriers agricoles dans l’ouest du pays, ont vu leur salaire augmentait de 10% à 16%.
Ainsi, Ferhat Abbas, leader nationaliste considéré par les Renseignements généraux comme l’Algérien « le plus dangereux », fut reçu par le président du conseil, et c’était pour la première fois depuis 1830 qu’une personnalité Algérienne non-servile soit reçue par Paris.
Ainsi, le régime colonial avait entamé la construction de deux grandes cités à Alger, les plus grandes, pour « les musulmans »…
Tout ça n’a pas empêché les combattants de la liberté de déclarer la guerre.
Tout ça n’a pas empêché Novembre de sonner le glas d’une colonisation dure qui n’a fait que ravager la vie des Algériens.
Tout ça n’a pas amoindri la volonté d’une poignée d’hommes courageux, écœurés par le régime colonial et ses pratiques discriminatoires et criminelles…
Quelques mois auparavant donc, Didouche et Boudiaf sont à Paris. On est arrivé au point du non-retour et la décision est prise : il faut préparer la guerre. Plus tard, alors qu’il y avait quelques nouveaux adhérents à l’idée de la guerre, Didouche, conscient de la lourdeur de la tache qui leur incombait, dira : « Nous devons être prêts à tout sacrifier, y compris et surtout notre vie. Nous n’avons que très peu de chances, nous, de nous en sortir, de voir la révolution aboutir. Mais d’autres nous relaierons… » Dans une autre occasion, Didouche avait dit à ses proches quelques jours avant le déclenchement de la Guerre : « Ne faites aucune illusion, vous, vous êtes les condamnés, les sacrifiés. Je dis ‘‘vous’’ et je pense ‘‘nous’’. Nous serons arrêtés ou nous crèverons les premiers jours… »(5). Et, effectivement, le martyre de Didouche n’avait pas tardé…
Cela s’appelle « l’esprit de Novembre ».
Et c’est cela ce qui manque cruellement à l’Algérie en 2011.
Ben Boulaïd, lui, fait confiance aux Chaouias, brave montagnards qui ne savent pas qu’est-ce qu’abdiquer. Aussi, plusieurs « bandits d’honneurs » qui sont hors-la-loi, dont le fameux Grine (qui va tomber les premiers jours au champ d’honneur), ont déjà pris les montagnes et les gens ont commencé à construire des légendes autour d’eux. Et ils ne feront que soutenir la Guerre, une fois déclarée, eux qui n’ont jamais cessé de se battre et de combattre le régime colonial. Quant à Krim Belkacem, il tient les maquais en Kabylie où plus de 1700 combattants (dont très peu avec armes) tous prêts au sacrifice suprême, sont sous ses ordres, lui, avec son prestige, celui du plus ancien de tous les maquisards (au maquais depuis 1947, et cumule deux condamnations à mort par contumace). Boudiaf, Ben M’hidi (qui va, au cours de la Bataille d’Alger, mourir pendu par Aussaresses, sans avouer la moindre information sous la torture, l’ignoble torture, d’une manière qui forcera le respect de l’ennemi) et Bitat ne sont pas moins prêts que les autres.
Ces gens avaient la volonté et la détermination qui va avec. Rien de plus… Tout le reste manquait gravement : armes, argent, soutient extérieur et, surtout, adhérents.
A part les Kabyles (aussi bien en juillet 1954 qu’en juillet 2011), et les Chaouias le reste de la population est totalement dépolitisé, et s’il revendiquait quoi que ce soit, ce serait des revendications « socioéconomiques » et non pas « politiques ». En outre, le démantèlement de l’OS en 1950 a provoqué la perte de plusieurs stocks d’armes. Et les « six » ne sont pas assez connus – à part dans les locaux de la police des Renseignements généraux où ils sont tous fichés OS – pour pouvoir espérer une adhésion massive immédiate ou des cotisations conséquentes du peuple.
De l’extérieur, rien ne laisse espérer une aide. L’Egypte a un nouveau régime après le coup des officiers libres. Ait-Ahmed, l’incarnation même du courant « activiste » et qui a défendu l’idée d’une guerre libératrice au sein du PPA depuis 1947, et Khider, ancien député et représentant du MTLD, en exil au Caire depuis l’affaire de l’OS, sont désarmés et n’y peuvent rien. Ben Bella a, quant à lui, noué des relations avec le nouveau régime en Egypte et ses services. Mais le colonel Nasser, peu enclin à croire les « mots », ne peut aider qu’une fois « la Guerre » commencée et les Algériens aient démontré leur capacité par des « actions ». Dans la radio du Caire, « la Voix des arabes » se moque ouvertement des Algériens, « ces apathiques » qui ne font rien face au colonialisme, alors que les Tunisiens et les Marocains ont déjà pris les armes et commencé le sacrifice au service de la patrie.
Boudiaf, qui a voyagé au Caire, en revient déçu. Mais sa détermination n’a pas diminué d’un iota. Les Algériens devraient compter sur eux-mêmes.
Juillet 1954. Une chambre à Alger abrite « 22 » hommes. Ils sont d’accord. Le destin de l’Algérie en pleine « écriture ». Ça sera une « guerre illimitée » avec des revendications non-négociables, dont la principale : l’indépendance nationale. Et ça ne sera « ni une guerre confessionnelle ni une guerre contre les Français », s’entend le groupe. Mais une « révolution »(6) contre le régime colonial afin que le pays recouvre sa souveraineté et les Algériens leur liberté.
Le 10 octobre 1954, les « six » en réunion. La date est fixée : le 01 novembre, la guerre commencera en Algérie.
C’est dans cette pénible atmosphère que fut préparée la Guerre de libération. Il fallait un sacré courage et une conviction inébranlable pour prendre tant de risques.
Et effectivement, dans la nuit du 31 octobre au 1 novembre, plusieurs opérations synchronisées, plus ou moins réussies, dans toutes les régions ont fait comprendre et à l’administration coloniale et aux Algériens que quelque chose va changer. La guerre a commencé...

Et, après plus de sept longues années d’une guerre horrible, atroce, où plusieurs centaines de milliers d’Algériens sont morts par cause de l’opiniâtreté criminelle du colonisateur (et aussi des querelles intérieur au FLN et l’ALN), l’Algérie accède à la souveraineté… Le 19 mars 1962 est la date, après de longues et houleuses négociations, du cessez-le-feu. Les Algériens sont appelés à choisir leur destin… et c’est la séparation d’avec la France, votée massivement par le peuple qui avait supporté, seul, le poids de la guerre.
Le 03 juillet, le président de l’Exécutif provisoire, Abderrahmane Farés, proclame l’indépendance de l’Algérie et, pour la première fois, le drapeau algérien est hissé officiellement…
Mais nos martyrs se retournent dans leurs tombes, car les Algériens ne sont pas libres… Un gang venu d’Oujda envahit le pays et commence par la falsification de la date de l’indépendance et l’assassinat de plus de 1500 combattants qui ont pu survivre à la guerre contre la France…

Novembre 2011 peut sonner le glas du colonisateur intérieur
Cette dégression est plus que nécessaire. Connaitre l’Histoire aide à prévoir l’avenir d’une manière déterminante. La Guerre d’Algérie, qui avait commencé dans les conditions que nous avons étalées, était la dernière au monde arabe. C’est l’Histoire qui le dit donc. L’Algérie n’a jamais été à l’avant-garde de la lutte pour la liberté dans le monde arabe. C’est tout à fait le contraire. Ce n’est qu’après que l’Egypte, la Tunisie et le Maroc aient accédé à la souveraineté que l’Algérie pris l’« indépendance »…
Ainsi, si l’Histoire se répète réellement, on devrait attendre le parachèvement de la « révolution » en Egypte, en Tunisie, et au moins le commencement d’une véritable révolution au Maroc, pour que les Algériens se lèvent de la torpeur honteuse actuelle.
Peut-être Novembre 2011… Qui sait ?… Car, à l’intérieur de l’Algérie, à en juger de l’actualité, on dirait que le régime actuel est un bon élève du colonialisme. Autrement dit, un très mauvais élève de l’Histoire.
Juillet 2011 n’est pas si différent de juillet 1954.
On a bien vu que les mesurettes qu’avaient prises le régime colonial n’ont pas empêchées les combattants de la liberté de déclencher la Guerre.
Et, assurément, on va le voir, les demi-mesures du régime algérien aujourd’hui n’empêcheront pas sa fin. Une fin qui sera surtout pitoyable… la plus douloureuse de toutes celles des autres régimes arabes…
Tout cela, aussi, explique le soutien du régime algérien véreux au meurtrier de Tripoli, El Guedhaffi, et son acharnement à gâcher la révolution tunisienne notamment(7). Car, ayant sans doute en tête que les Algériens finiront par se soulever contre ce régime antidémocratique, et que, une fois « éveillés », rien ne peut les arrêter, les décideurs veulent combattre l’« idée » même d’une révolution, ou d’un soulèvement populaire pour changer le régime ; révolution qui pourrait améliorer la vie des citoyens concrètement. Et pour ça, tous les moyens sont permis, y compris complicité dans des crimes contre l’humanité. L’essentiel, pour ce régime, est que les Algériens répugnent l’idée même d’une révolution. Cela se comprend facilement à travers la lecture des « produits » des plumitifs du régime(8) qui n’hésitent pas à crier, d’ores et déjà, l’échec ou « l’avortement » irréversible des « révoltes » arabes. Cette stratégie semble, pour le moment, donner ses fruits puisque, jusqu’à ce jour, seules des revendications socioprofessionnelles ont réussi à réunir les concernés (à part la très brève parenthèse de la CNCD).
Toutefois, il peut sembler difficile de le croire, il n’en demeure pas moins que, compte tenu de la présente situation (Etat riche et déliquescent, peuple pauvre et désespéré) et du pourrissement auquel pousse le régime tyrannique actuel, une révolution, en Algérie, plus d’un demi-siècle après le brave sacrifice de Didouche, est inéluctable.
Les fuites en avant du régime algérien présentement, à travers des pseudo-consultations intra-sérail, ne font qu’empirer les conséquences. En fait, comme le déduit Kropotkine sagement, « incapables de se lancer dans la voie des réformes, puisque ce serait s’engager dans la Révolution ; en même temps, trop impuissants pour se jeter avec franchise dans la réaction, les gouvernements s’appliquent aux demi-mesures, qui ne peuvent satisfaire personne et ne font que susciter de nouveaux mécontentements. Les médiocrités qui se chargent à ces époques transitoires de mener la barque gouvernementale, ne songent plus d’ailleurs qu’à une seule chose : s’enrichir, en prévision de la débâcle prochaine. Attaqués de tous côtés, ils se défendent maladroitement, ils louvoient, ils font sottise sur sottise, et ils réussissent bientôt à trancher la dernière corde de salut ; ils noient le prestige gouvernemental dans le ridicule de leur incapacité. »(9) Et, en effet, « à ces époques, la Révolution s’impose. Elle devient une nécessité sociale ; la situation est une situation révolutionnaire. »(10)
Ainsi donc, il faut bien admettre, et l’Histoire le montre bellement, que « dans la vie des sociétés, il est des époques où la Révolution devient une impérieuse nécessité, où elle s’impose d’une manière absolue »(11). Et, aujourd’hui, c’est cette période que traverse l’Algérie, tout comme l’ensemble du monde arabe, selon tous les indices historiques examinés. Mais, malencontreusement, l’on ne voit pas le peuple algérien réclamer le départ immédiat du régime ! Il y a une raison à cela, en outre le labeur de sape du régime et de ses services pour faire répugner l’idée révolutionnaire des masses qui, à l’origine n’en étaient pas si séduites car, au demeurant, accablées après une décade de sang. J’ai dit qu’en outre, il y a une raison à cette léthargie vraiment malvenue. On a vu dans quelles conditions la Guerre d’Algérie était déclenchée par une poignée d’hommes alors que l’engourdissement du peuple était au summum. Il est vrai qu’il manque cruellement, aujourd’hui, un héritier de l’esprit de Didouche, esprit attristé qui erre toujours au dessus d’Alger méditant avec une profonde amertume la résignation et le défaitisme, parfois lamentables et d’autres écœurants, des Algériennes et des Algériens qui ne sont pas encore sortis réclamer le bien le plus cher au monde, la Liberté, puisque ce « bien si grand et si doux ! Dès qu’elle est perdue, tous les maux s’ensuivent, et sans elle tous les autres biens, corrompus par la servitude, perdent entièrement leur goût et leur saveur » et pourtant c’est le seul bien qu’il suffit, pour l’avoir, de le réclamer.

Par Lyes Akram


Notes :
1)- Ahmed Mestiri : la contre-révolution se manifeste ouvertement.
2)- Le « mot historique » de Moubarak :
3)- Titre d’un ouvrage de Mohammed Harbi : « Le FLN, mirage et réalité ».
4)- Titre d’un autre ouvrage de Mohammed Harbi : « 1954, la Guerre commence en Algérie ».
5)- Yves Courrière, La Guerre d’Algérie.
6)- Cette qualification est objet de débat. La Guerre de libération nationale fut-elle une révolution ou une révolte populaire ? Il n’est pas question d’y répondre ici, mais il reste que les chefs historiques utilisèrent ce mot pour décrire la Guerre d’indépendance nationale, bien que Boudiaf, plus tard, ait bien admis que les objectifs de la Guerre n’étaient pas si clairs. Pour Pierre Bourdieu, la Guerre d’Algérie n’est pas une révolution. Mais si l’on laisse l’intellectualisme excessif de coté, on peut trouver ce propos de John F. Kennedy très pertinent. Il a dit : « La grande révolution dans l'histoire de l'homme, passée, présente et future, est la révolution de ceux qui sont résolus à être libres. »
7)- Un responsable Américain affirme que son pays enquête sur l’implication de l’Algérie dans un transfert d’armes vers les mercenaires d’El Guedhaffi. Source : AL-Jazeera :
8)- par exemple, cet article pestilentiel du journal L’expression publié aussi par Afrique-Asie, publication lèche-chèque du régime :
9)- Pierre Kropotkine, L’esprit de révolte.
10)- Ibid.
11)- Ibid.
Lire ce petit ouvrage de Pierre Kropotkine ici :

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