samedi 7 mai 2011

Qui est donc le sieur Bensalah ?

Modérateur des discussions ou bradeur de service ?
Par Boubakeur Hamidechi


Après avoir été longtemps un obscur tâcheron du parti unique, il connaîtra enfin la grâce de la notoriété politique au milieu des années 1990. Mis en lumière après sa désignation au CNT (Conseil national de transition), il n’occupera cependant que des hautes fonctions dans l’appareil législatif. Passant du perchoir de l’APN à celui du Sénat, il est devenu, par le hasard de la connivence, le second personnage de l’Etat dans l’ordre des préséances.
Une ascension tout à fait formelle puisqu’elle n’offre aucune possibilité d’héritage de pouvoir, dans le cas particulier de l’Algérie. De surcroît, le personnage, tel qu’en lui-même, a tout du falot sans relief que soulignent, d’ailleurs, ses rondeurs physiques et son déficit oratoire. Ni tribunitien à forte conviction ni même subtil négociateur, il n’est finalement reconnaissable qu’à son inclination à l’obéissance. Celle qui, à travers un vocable moins valorisant dans l’exercice politique, est synonyme de docilité. Autrement dit, l’aptitude permanente à se couler dans le moule des coteries triomphantes sans toutefois éprouver de gêne intellectuelle et a fortiori le moindre remords moral. Car chez ce genre de personnalité, tout doit s’organiser en fonction des privilèges à tirer en contrepartie de la compromission. Homme de servitude parmi tant d’autres, il a toujours su d’instinct que l’engagement politique n’a de sens que pour ceux qui ignorent de quoi sont faites les gratifiantes fréquentations du sérail. Il fait partie de la baronnie du régime aux côtés de Belkhadem, Ouyahia et certains seconds couteaux du chef de l’Etat. Or, c’est à ce Bensalah, ci-devant premier parmi les pairs d’un Sénat d’opérette, qu’échoit la mission de conduire le dialogue national avec les représentants d’une société, elle, dramatiquement, réelle. Une décision de Bouteflika qui non seulement jette un autre trouble dans la classe politique tout entière mais rend, de fait, caduques toutes les promesses contenues dans son discours du 15 avril. Incapable de se départir de la rouerie, à l’origine d’ailleurs de la longévité de sa carrière, le président assène, par anticipation, un premier coup de canif au projet à travers une telle désignation. En effet, de par ce qu’il représente dans l’échiquier du palais et ce que sa personnalité incarne, Monsieur Bensalah n’est-il pas l’archétype du repoussoir ? Loin de posséder les qualités de modérateur d’un dialogue ouvert et surtout le crédit de l’impartialité pour mener les discussions, voire de les synthétiser objectivement, ce choix du président du Sénat est d’ores et déjà jugé par l’opposition comme une provocation. L’on y décèle déjà les indices de l’escamotage futur des réformes en poussant, par le biais de la désignation d’un interlocuteur sans qualité requise, au boycott des consultations. Le sentiment largement partagé, même par le MSP, est que le chef de l’Etat vient d’engager des manœuvres en ce sens afin de parvenir à contrôler la reconfiguration prochaine des institutions de l’Etat. Le reproche est d’autant plus fondé qu’il dépasse la question personnelle du «pilote» et s’attache à la somme de préalables que le chef désire imposer à l’ensemble de la procédure. La relecture du communiqué du dernier Conseil des ministres est édifiante à ce sujet. A aucun moment il n’a été question de «changement» de Constitution mais seulement d’une énième «révision» dont pourtant nul n’ignore qu’elle opère sur les perspectives, lesquelles ne sont que des effets d’optique, alors qu’il faut donner à l’Etat une nouvelle «maison». Fidèle à l’esprit du système, Bouteflika évite de déroger aux règles immuables qui le pérennisent dans ce domaine. Ne prenant pas en compte les exigences que l’histoire des échecs impose, il demeure dans la certitude que le recours à l’homéopathie des réformes délie des engagements solennels même lorsque le pays sombre dans l’incertitude totale. Tout comme les présidents qui l’ont précédé, l’actuel est également imprégné de l’idée fausse que le temps gagné par le pouvoir le bonifie au lieu de l’user. Et tout aussi bien que ceux qui l’ont devancé, il continue à séparer le discours de la méthode. A partir du premier, il se présente avantageusement comme l’homme providentiel du changement pour ensuite choisir dans la pratique, les voies de traverse afin que rien ne change sur l’essentiel. C’est cette caractéristique des pouvoirs qui est toujours opératoire. Celle du couple suivant : engagement public, ici, et reniement permanent dans l’exercice quotidien, là. Alors que de toutes parts, des consciences morales tirent la sonnette d’alarme comment expliquer l’amoralité froide du pouvoir qui l’irrigue de ce cynisme politique visant ni plus ni moins qu’à laisser à quai le train des réformes promises ? Par sa récente initiative, le président de la République ne commet pas uniquement une erreur d’aiguillage pour le restant de son mandat mais, bel et bien, une faute majeure qui risque de faire dérailler l’Etat lui-même. 


B.H. 
Le Soir d'Algérie. 


(...) Homme de confiance et fidèle parmi les plus irréductibles à Bouteflika, Abdelkader Bensalah, deuxième personnage de l’Etat, est l’un des rares responsables politiques à bénéficier de la confiance des deux grands pôles du pouvoir en Algérie : La présidence et l’armée. D’ailleurs, avant même l’arrivée de Bouteflika au pouvoir, Bensalah a eu à conduire les missions les plus délicates et dans des moments les plus cruciaux, pour le pouvoir tout comme pour le pays, dans les années 1990. L’homme a eu, entre autres, à présider la fameuse CDN, la Commission du dialogue nationale qui devait pallier le terrifiant vide institutionnel, en 1994, dans une conjoncture marquée par une déferlante terroriste sans précédent, un isolement international étouffant et une crise économique paralysante. Il aura, par la suite, à présider au Conseil national de transition, le CNT, un Parlement désigné dans les mêmes conditions. Sa fidélité au pouvoir fera de lui, par la suite, l’homme désigné pour une tâche des plus impopulaires : prendre la tête du parti que le pouvoir créera dans l’urgence, pour gagner et régner, sitôt né, à savoir le RND. Ce sera également lui que le pouvoir choisira, sous Zeroual, pour présider la première Assemblée pluraliste de l’Algérie indépendante de 1997. C’est dire que, cette fois ci encore, le rôle de Bensalah sera déterminant pour l’avenir du pouvoir et du pays.
Kamel Amrani

Extrait d'un article du Soir d'Algérie, 07 mai 2011.
Aussi, Abdelkader Bensalah est Tlémcénien.
 

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