samedi 8 octobre 2011

Lorsque la main de l’étranger devient ridicule…

 
Par Lyes Akram 
 
Inénarrable, le régime algérien n’a d’égal que lui et parvient à chaque fois à se surpasser. Ayant développé des réflexes pavloviens nauséeux, il est devenu lui-même prévisible à bien des égards. Il en est ainsi des moments choisis, toujours précédés par les mêmes prémices et qui sont devenus périodiques, pour l’utilisation de la carte du « péril intégriste », que des journaux, à l’image de « L’Expression », savent comment propager. Pareil pour la « main de l’étranger », dont la diffusion est assurée quasi-exclusivement, cette fois, par la presse arabophone. Ainsi, depuis avant l’indépendance et sa confiscation, qui n’avait pas tardé, les décideurs ont toujours accusé tous ceux qui ne les ont pas déifiés et qui ne se sont pas prosternés devant leur médiocrité de connivence directe ou indirecte avec l’étranger et de haute trahison, sans apporter, toutefois, la moindre preuve, ni même le moindre indice.
Ces ruses ont pour but la manipulation du peuple afin qu’il applaudit sur des crimes. La manipulation, en général, on le sait, s’adresse aux sentiments des cibles et non à leur raison, celle-ci étant, par définition et essence, la faculté de discernement, propre à l’esprit humain.
Lorsque sonna son heure en 1970, Krim Belkacem fut ainsi accusé, un an auparavant, afin qu’une « justice » aux ordres ne le condamne à mort. Un certain nombre de sous-hommes ont même poussé l’outrance jusqu’à proférer de telles insultes à l’encontre de l’architecte de la révolution, Abane Ramdane. Pour la mémoire et pour l’honneur de celui-ci, il suffit de rappeler qu’après son odieux assassinat, duquel l’Algérie continue de saigner à ce jour, son principal meurtrier, Abdelhafidh Boussouf, avait admis dans une conférence qu’avant l’arrivé de Abane Ramdane, « il n’y avait dans la révolution algérienne de ‘‘révolution’’ que le nom » !
Avec la fin des « années Boumediene », cette ruse perverse, pourtant tombée en désuétude, est resté toujours à l’ordre du jour. À titre d’exemple, les fondateurs de la Ligue Algérienne des Droits de l’Homme ont été, un par un, accusé, eux aussi, de connivence avec l’étranger. La « main de l’étranger » est devenue en Algérie dite indépendante le prétexte à tous les forfaits qu’aura commis le régime. Compte tenu de certaines conditions que les lecteurs habituelles du blog sont en mesure de discerner, une partie, heureusement maigre et maigrissant, de la population semble le croire encore et est ainsi dupée. Mais la majorité des Algériens a vécu une auto-guérison. Ne dit-on pas, à raison, que « le temps guérit »…
Mais le régime, obnubilé, persiste dans ces méthodes dépassées. Et, par surcroit, il est incapable de développer d’autres procédés afin de leurrer la population, étant totalement incompétent comme le montre son bilan, un demi-siècle après son installation à la pointe des épées. En effet, le « manipulateur », afin que sa « ruse » continue de berner, devrait au moins respecter une règle et prendre les précautions qui vont avec. Répéter à l’infini une même accusation, et sans répit comme c’est le cas aujourd’hui en Algérie, sans y changer l’apparence ni quoi que ce soit, fait qu’elle soit exposé et vire aux yeux du peuple à la raillerie. Mais dégoutante tout de même…
Ainsi, y compris et surtout depuis 1999, tous ceux qui n’ont pas été conformes, chacun dans son domaine, aux différents prototypes désignés par le système, se sont vus accusés, tour à tour, d’accointances avec l’ennemi d’hier qu’est la France, ou l’ennemi des Arabes qu’est l’Israël, ou tout autre nouvel ennemi qui « ne nous veut pas le bien », comme aime le dire un faux-moudjahid qui n’a pas connu la sueur depuis 1962, ni même avant.
Reste que toujours, vu la taille des instruments de propagande du régime, des manipulés car manipulables, existeront. Ennahar, Echorouk, ainsi que d’autres journaux des deux langues et les innombrables imamillons et autres politiciens sans âmes ou pseudo-intellectuels allaités par notre miel butiné des puits dans le désert ne sont là rien que pour cela…
Mais, et c’est ce qui m’a poussé à rédiger ces quelques lignes, la dernière accusation de « connivence avec l’étranger » n’avait pu être avalé y compris par Echorouk, pourtant sa servilité au régime, qui a fait de lui ce qu’il est, n’est plus à démontrer.


Même Echorouk s’est refusé de s’impliquer dans celle-là…
Dans l’ouverture de l’édition du 01 octobre de ce journal, on peut lire : « …Mais lorsque la théorie du complot est utilisée pour des choses simples qui ne peuvent être que des revendications légitimes des citoyens, et que d’aucuns l’usent et l’abusent en prétexte, afin de justifier l’injustifiable, cela ne peut être ni accepté ni avalé. Que le ministre Djamel Ould Abas prétend que le manque de médicaments est un jeu de la mafia du secteur en complicité avec l’étranger, même à contrecœur, on pourrait accepter cela. Mais qu’il nous inonde en accusant les praticiens de la santé en grève de se conformer aux calculs des étrangers, selon  la théorie du complot sur le peuple et le pays, cela ne peut qu’être considéré futilité et qui montre en plus que le ministre de la santé est ‘‘gravement malade’’ par la théorie du complot… ».
Et cela se lit dans les colonnes d’Echorouk, journal dont la soumission au régime n’est pas à prouver et dont certains écrits très peu glorieux subsistent encore dans la mémoire.
Collatéralement, lorsque le régime dégénère à ce point, c’est aussi un danger, un de plus, sur l’Etat. Les étrangers « qui ne nous veulent pas le bien » (may’haboulnache el’kheir) ou même ce fameux et fumeux péril intégriste, sont tellement galvaudés qu’il serait possible, si une funeste providence veut qu’un de ces malheurs nous frappe, ne pas voir venir le danger, à cause des maintes fausses alertes qui l’auraient précédé.
Bref, certes, Echorouk, en rude concurrence en cela avec Ennahar qui l’a battu et de loin, est toujours au service du régime. Il n’a pas fait son mea-culpa et il ne le fera certainement pas. Mais ce genre de texte est avant tout un indice. C’est pour dire que le ridicule a des limites. Et, lorsque le régime, en phase terminale, ne distinguera plus le faisable de l’infaisable, le manipulable du non-manipulable, même ses relais, ses serviles et sbires le lâcheront, en définitive, afin qu’il sombre seul ou que sombre seul la partie « sacrifiable ».
Pour nous autres citoyens, on doit comprendre de cela que lorsque sa fin arrive, suite à une révolution qui n’est que nécessaire et inéluctable, le régime lèguera à la postérité des virus fatals, comme Echorouk mais aussi des hommes politiques et autres soutiens éhontés, et dont la capacité de déguisement, comme on le voit en Tunisie et en Egypte, n’est que frappante – des criminels de droit commun, parait-il, ont été utilisés par les reliques des anciens régimes et maquillés en militants politiques afin de gâcher l’atmosphère de démocratie naissante dans ces deux pays.
Vigilance s’impose d’ores et déjà en Algérie.

L. A.

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